La transformation numérique et la résilience de l’économie canadienne

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Introduction

Bonjour. J’aimerais tout d’abord remercier Advocis d’avoir organisé cette activité.

Je pense que vous conviendrez avec moi que les quinze derniers mois que nous avons vécus ont été rien de moins qu’exceptionnels. La pandémie de COVID-19 demeure avant tout une urgence sanitaire qui continue de causer beaucoup de souffrances et de perturbations au Canada et dans le monde. Les conséquences économiques ont également été énormes, les pertes d’emploi dépassant celles de toute autre récession de l’histoire canadienne à la fois par leur nombre et par leur soudaineté.

Comme les campagnes de vaccination s’accélèrent et que le nombre de cas diminue, nous commençons un peu à voir la lumière au bout du tunnel. Mais nous sommes encore loin d’une reprise économique complète. Trop de gens sont toujours sans emploi, en particulier dans les secteurs les plus durement touchés par les confinements et les mesures de distanciation physique.

C’est une période difficile pour beaucoup de monde. Toutefois, dans l’ensemble, l’économie canadienne s’en sort mieux que prévu. Cela s’explique notamment par le soutien à grande échelle des pouvoirs publics, qui a favorisé l’expansion du revenu disponible des ménages et permis de maintenir à flot de nombreuses entreprises. La Banque du Canada a aussi contribué à ces efforts en aidant à garder le crédit accessible et à faible coût.

Durant la pandémie, la résilience des entreprises et des ménages canadiens a également été remarquable. Cette résilience repose en partie sur l’utilisation des technologies numériques qui, en se généralisant, nous ont donné de nouvelles façons de faire nos achats, de servir la clientèle et de travailler à distance. La pandémie n’a fait qu’accélérer la transformation numérique qui était déjà amorcée au Canada et ailleurs dans le monde.

Dans mon discours aujourd’hui, je vais faire le point sur la reprise économique au Canada, en mettant en contexte notre décision de politique monétaire d’hier.

Mes observations porteront aussi sur la transformation numérique et ce qu’elle signifie pour la direction que prendra l’économie après la pandémie.

Mise en contexte

L’an passé, nous avons travaillé très fort pour nous sortir de la situation extrêmement difficile dans laquelle nous nous trouvions. Au plus fort de la pandémie, l’économie canadienne s’est contractée de presque 15 % et environ trois millions d’emplois ont été perdus. L’activité économique réelle et l’emploi se sont fortement redressés l’été dernier, mais les deuxième et troisième vagues de COVID-19 ont chacune entraîné des revers. Leur niveau demeure donc moins élevé qu’avant la pandémie.

En avril 2021, quand la Banque a publié son dernier Rapport sur la politique monétaire, il y avait lieu de croire davantage en la résilience de l’économie canadienne. En effet, malgré les reconfinements, nous avions observé des signes d’une forte croissance au premier trimestre. Les ménages et les entreprises s’étaient manifestement mieux adaptés que prévu. Les pertes d’emploi étaient surtout concentrées dans les secteurs d’activité où les mesures de distanciation physique sont difficiles à appliquer. Les marchés d’exportation du Canada connaissaient également une embellie, facilitée principalement par le déploiement rapide des vaccins aux États-Unis et les mesures de relance budgétaire substantielles mises en œuvre dans ce pays.

Puis, le Canada a subi un autre revers au printemps, à cause de la troisième vague pandémique. Des variants plus contagieux se sont propagés aux quatre coins du globe et du pays, ce qui a créé une nouvelle incertitude et mis des hôpitaux à rude épreuve à certains endroits. Cela a ralenti le retour au travail de nombreuses personnes dans les secteurs à contact étroit et entraîné de nouvelles pertes d’emploi. Cependant, comme les campagnes de vaccination vont maintenant bon train au pays et que les mesures de confinement aident à freiner la propagation du virus, ces difficultés ne devraient être que passagères.

Les données économiques que nous avons recueillies au cours des dernières semaines montrent des signes de résilience grandissante qui sont de bon augure pour la reprise sous-jacente.

La semaine passée, nous avons reçu des données importantes des comptes nationaux. Ces données indiquent que le produit intérieur brut (PIB) réel du Canada a augmenté de 5,6 % en taux annualisé au premier trimestre, ce qui l’a amené à seulement 1,7 % en deçà de son niveau d’avant la pandémie. Dans le Rapport d’avril, nous avions projeté une croissance de 7 %. Les données sont tout de même plutôt encourageantes, car les dépenses des ménages ont été plus fortes que prévu. La croissance du PIB n’a pas été aussi élevée que dans notre projection, principalement parce que les entreprises ont réduit leurs stocks et accru leurs importations davantage qu’escompté.

Dans l’ensemble, les données témoignent d’un regain de confiance et d’une demande résiliente. Elles confirment que l’économie canadienne va connaître un premier semestre de 2021 vigoureux, malgré les derniers confinements. Nous prévoyons toujours une croissance positive pour le présent trimestre, c’est-à-dire près de 3,5 %, comme projeté dans le Rapport d’avril.

Cela dit, la toute dernière Enquête sur la population active, publiée vendredi, indique qu’il y a eu une perte nette de 275 000 emplois au cours d’avril et de mai durant les reconfinements et que le taux de chômage dépasse toujours 8 %.

J’aimerais insister sur quelques éléments clés de la conjoncture économique. L’un d’eux est le marché du logement, qui a fortement stimulé l’économie pendant la reprise. Nous avons observé des signes de modération au cours des dernières semaines, mais le niveau d’activité reste très élevé. Le boom de ce marché a été alimenté à la fois par le désir des ménages d’avoir plus d’espace et par les faibles taux hypothécaires. Cette volonté de disposer de plus d’espace est attribuable en partie au fait que les technologies numériques ont fait du télétravail une option viable pour beaucoup, même par-delà la pandémie. Mais nous avons aussi remarqué des signes indiquant que les anticipations extrapolatives, soit la crainte de manquer une occasion, prennent le dessus dans certains marchés; c’est pourquoi nous surveillons la situation de près1.

Un autre facteur important est la forte hausse des prix mondiaux du pétrole et d’autres produits de base. Cette augmentation tient principalement à l’amélioration des perspectives de l’économie mondiale. C’est une bonne nouvelle, surtout pour l’Ouest canadien et d’autres régions productrices de pétrole. Cette hausse apporte un certain soulagement, à la suite de l’effondrement des prix des produits de base de l’an passé, qui est lui-même survenu après cinq ans d’ajustements pénibles causés par la précédente chute des prix du pétrole.

Pour ce qui est de l’inflation, c’est un peu plus compliqué que d’habitude. De nombreux prix ont dégringolé au début de la pandémie, et l’inflation se situait bien en deçà de la cible de 2 % jusqu’à récemment. Toutefois, en avril, l’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation a augmenté pour atteindre près de 3,5 %. Cette situation correspond en grande partie à nos projections du Rapport d’avril. L’augmentation tient au fait que l’inflation sur un an revient à comparer les prix actuels de divers biens et services avec les prix extrêmement bas de l’an passé, ce qu’on appelle l’effet de glissement annuel. Cela s’explique aussi par les prix plus élevés de l’essence et d’autres facteurs temporaires. Nous nous attendons à ce que l’inflation avoisine 3 % durant l’été, puis qu’elle diminue plus tard dans l’année, compte tenu de la marge de capacités excédentaires subsistant dans l’économie.

Comme nous l’avons mentionné en avril, une incertitude anormalement élevée entoure l’ampleur des mesures de politique monétaire qui seront nécessaires ainsi que leur durée. C’est dû en partie aux effets économiques inégaux de la pandémie, mais aussi au fait que cette dernière peut accélérer les changements structurels au sein de l’économie; il est plus difficile dans ces conditions d’évaluer le potentiel qu’a l’économie de croître sans générer d’inflation. L’adoption des technologies numériques est un élément clé à cet égard, et j’aimerais prendre quelques minutes pour vous en parler.

La transformation numérique et la pandémie

N’importe quel utilisateur de téléphone intelligent sait que la transformation numérique était déjà bien entamée avant la pandémie. Cela fait plusieurs années que les investissements dans les technologies de l’information et du numérique connaissent une solide expansion dans le monde, y compris au Canada.

C’est dans la croissance des industries technologiques que nous pouvons observer le plus directement cette transformation. En 2013, la branche de la conception de systèmes informatiques et services connexes – un bon indicateur du secteur canadien du numérique – a commencé à croître près de trois fois plus vite que l’économie dans son ensemble. En 2019, le numérique pesait presque autant, du point de vue du PIB canadien, que les secteurs minier, pétrolier et gazier réunis.

Mais l’incidence de la transformation numérique s’étend bien au-delà des industries technologiques. Toutes sortes de fournisseurs de services – des banques aux assureurs, en passant par les sociétés de télécommunications et les administrations publiques – ont su tirer parti d’outils numériques pour améliorer leurs opérations et interagir avec leurs clients. Les détaillants ont étoffé leurs plateformes en ligne et les ont rendues de plus en plus conviviales. Les technologies numériques transforment également les secteurs de la production de biens et des produits de base. Les constructeurs automobiles emploient des robots de plus en plus perfectionnés depuis des décennies et, ces dernières années, d’autres industries leur ont emboîté le pas2. De leur côté, les entreprises du secteur de l’énergie profitent de l’automatisation, de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique à la fois pour réduire leurs coûts et leurs émissions et pour rendre plus sûrs leurs sites de production.

Tout au long de la récession causée par la pandémie, les technologies numériques ont joué un rôle central en soutenant l’activité économique de manière sécuritaire. Exemple évident : les plateformes de vidéoconférence – comme celle que nous utilisons présentement –, qui ont permis à des millions de Canadiens de travailler de chez eux. On pourrait aussi évoquer la prolifération de ces applications qui nous permettent de commander auprès des restaurants et de faire nos courses tout en limitant les contacts physiques.

Le besoin d’adopter et même de développer rapidement des technologies pendant la pandémie a donné un élan supplémentaire au secteur du numérique. Tandis que l’économie canadienne s’est contractée d’environ 5 % en 2020, l’indicateur que je mentionnais tantôt a augmenté de 3,5 %, et il a continué à s’accélérer en 2021. Cela a contribué à soutenir l’emploi durant la pandémie.

Les adaptations liées à la technologie ont également eu une incidence sur les types d’emplois offerts. Il y a eu moins de débouchés pour les serveurs et davantage pour les chauffeurs-livreurs, moins pour les vendeurs en magasin et davantage pour les employés d’entrepôts qui traitent des commandes en ligne. Nous avons aussi remarqué de plus en plus de possibilités d’emploi pour les personnes dotées de talents dans le numérique, qui étaient déjà très recherchées avant la pandémie. Par exemple, il y a eu moins de perspectives d’emploi pour les planificateurs d’activités, mais plus pour les personnes chargées de gérer les communautés de médias sociaux. En outre, tandis que les lieux de travail se sont adaptés à un mode de fonctionnement « virtuel » et au télétravail, des entreprises de toutes sortes ont cherché à recruter du personnel pour mettre en œuvre et soutenir leur infrastructure numérique3.

Ces évolutions montrent que la transformation numérique a été accélérée par la pandémie et donnent à penser qu’elle pourrait s’accélérer encore après la reprise actuelle. Des signes de plus en plus nombreux indiquent que la pandémie a poussé les entreprises de tous les secteurs à remanier leurs modèles d’affaires beaucoup plus énergiquement que prévu. Environ la moitié des dirigeants canadiens qui ont participé ce printemps à notre enquête sur les perspectives des entreprises ont déclaré que la pandémie avait stimulé l’adoption de technologies numériques dans leur société4.

Cependant, il va être difficile d’exploiter pleinement les possibilités offertes par cette transformation. Les entreprises ont déjà du mal à trouver des personnes ayant les aptitudes requises, et cette pénurie de compétences risque d’empirer au cours des prochaines années. En outre, ces possibilités pourraient être réparties de manière inégale. Des gens pourraient même voir leurs perspectives d’emploi se réduire, du moins dans un premier temps, du fait que certaines entreprises font appel à des technologies leur permettant de remplacer la main-d’œuvre ou ont de la difficulté à rester viables. Un grand nombre des emplois qui pourraient être supprimés sont également ceux qui ont été les plus fortement touchés par la pandémie – des emplois majoritairement occupés par des femmes, des jeunes, des travailleurs à faible salaire et des personnes racisées. Cela souligne l’importance d’œuvrer afin de donner à tous les Canadiens les moyens de tirer parti des possibilités chaque fois plus nombreuses qu’ouvre le numérique5.

C’est un des grands défis qui se posent en matière de politiques publiques. Les politiques concernant l’éducation, la formation professionnelle et le marché du travail sont essentielles pour préparer nos étudiants à l’économie numérique et nos travailleurs aux emplois de demain. Les pouvoirs publics, les établissements d’enseignement et les entreprises ont tous un rôle à jouer à ce chapitre.

Numérisation rapide et potentiel de notre économie

Voyons maintenant ce qu’il en est pour ce qui est des responsabilités de la Banque. Nous prenons des décisions de politique monétaire afin que l’inflation se maintienne à la cible de 2 % de façon durable, en soutenant la croissance économique qui est nécessaire à l’atteinte de cet objectif. Nos efforts ont été couronnés de succès : l’inflation s’est établie en moyenne à un peu moins de 2 % depuis plus d’une trentaine d’années.

Il y a une question clé qui se pose dans ce contexte : une fois la pandémie derrière nous, que signifiera la transformation numérique pour la production potentielle au Canada, ou autrement dit, à quelle vitesse notre économie pourra-t-elle croître sans provoquer d’inflation?

La plupart des récessions graves ont un effet négatif prolongé sur la production potentielle pour deux raisons. Premièrement, les perturbations économiques généralisées amènent généralement certaines entreprises à retarder ou à annuler leurs investissements et d’autres à fermer leurs portes. Cela réduit la capacité de production de l’économie, et limite donc la croissance. Deuxièmement, lorsque les gens sont confrontés à une longue période de chômage, leurs compétences s’émoussent, et ils perdent le contact avec le marché du travail, ce qui rend plus difficile leur retour à l’emploi6. C’est ce qu’on appelle les séquelles de ces récessions. Elles font diminuer la population active et la productivité globale de l’économie.

Il est évident que cette récession due à la pandémie, comme toutes les récessions, entraînera une perte de capacités et des séquelles. Mais la transformation numérique accélérée a tellement soutenu la résilience de l’économie que nous pensons désormais que les effets négatifs sur la production potentielle seront moins prononcés que nous l’avions d’abord craint.

Dans notre dernier Rapport sur la politique monétaire, nous avons mis à jour nos estimations de la production potentielle, comme nous le faisons chaque avril. Compte tenu de la résilience observée depuis l’an passé, nous avons jugé que la pandémie avait moins malmené la production potentielle que nous ne l’avions prévu. Nous avons également estimé que la croissance de la productivité serait stimulée par l’accélération du virage numérique. Nous avons néanmoins adopté une attitude prudente à l’égard de cette hausse de la productivité, car son ampleur et le moment où elle se produira sont très incertains. Mais il y a de bonnes chances que l’augmentation de la productivité – un facteur déterminant de la production potentielle – dépasse les prévisions, ce qui donnerait à l’économie une plus grande marge pour croître avant que l’inflation ne devienne préoccupante.

Je dois souligner que notre estimation de la production potentielle est toujours entachée d’une grande incertitude, et c’est particulièrement vrai ces temps-ci. Nous n’avons jamais vu une récession ou une reprise comme celles-ci, avec des effets aussi différents selon les secteurs, les entreprises et les groupes de travailleurs. En outre, les restrictions qui ont été imposées ont touché à la fois la demande et l’offre. Il est donc plus difficile d’interpréter les signaux économiques.

Autre élément à garder à l’esprit : la transformation numérique elle-même est une source d’incertitude. Tout d’abord, il est difficile de prévoir les avantages futurs découlant des innovations. Ensuite, ces avantages peuvent être très difficiles à cerner au moment où ils se matérialisent. En fait, il se peut qu’une grande partie des investissements qui améliorent la productivité n’apparaissent pas dans les statistiques. C’est que les services ou bases de données infonuagiques sont moins tangibles et donc plus difficiles à mesurer que, disons, l’achat d’une nouvelle chaîne de montage. Il est particulièrement difficile de mesurer les investissements incorporels qui traversent les frontières7.

Compte tenu de l’incertitude exceptionnellement élevée qui entoure la production potentielle et sa croissance future, nous devons nous appuyer sur un éventail de renseignements plus large que d’habitude pour évaluer la marge de capacités excédentaires au sein de l’économie. Cette évaluation est essentielle pour déterminer le moment où nous devrons commencer à réduire notre détente monétaire. Comme nous l’avons indiqué en avril, nous devrons notamment examiner diverses mesures des conditions sur le marché du travail. Nous apporterons des précisions à ce sujet dans notre prochain Rapport sur la politique monétaire, en juillet.

Le principal message à retenir, c’est qu’en plus d’avoir été très utile pendant la pandémie, la transformation numérique devrait aussi augmenter la productivité et donc le potentiel de croissance de notre économie à l’avenir. Mais cette transformation pose des défis, et il faut faire tout notre possible pour que les particuliers et les entreprises puissent en profiter pleinement.

Laissez-moi maintenant vous parler de notre décision de politique monétaire d’hier.

Notre décision de politique monétaire

Plus tôt, j’ai parlé de l’évolution de l’économie et de l’inflation comparativement à nos projections d’avril. Maintenant, j’aimerais vous expliquer comment cela a influencé notre décision d’hier et aborder certains des principaux enjeux qui nous préoccupent, moi et les autres membres du Conseil de direction de la Banque.

L’économie canadienne a généralement évolué comme nous nous y attendions. Il ne s’est pratiquement rien passé au cours des six dernières semaines qui pourrait changer nos perspectives de façon notable. Les données récentes ont confirmé que la croissance au premier trimestre a été en grande partie conforme à nos estimations et que les fermetures dues à la troisième vague du virus ont des conséquences pour l’économie au deuxième trimestre. Malheureusement, ce sont une fois de plus les secteurs à contact étroit qui sont mis à l’épreuve, et donc les mêmes emplois et les mêmes personnes qui avaient été les plus affectés par les autres confinements. Le taux d’emploi reste bien inférieur à son niveau d’avant la pandémie, et les femmes, les jeunes, les travailleurs à faible salaire et les personnes racisées sont encore les plus durement touchés par les pertes d’emploi.

La bonne nouvelle, c’est que la vaccination suit, ou même dépasse, le rythme anticipé en avril. Nous avons aussi vu d’autres économies, comme les États-Unis, se redresser rapidement après leur réouverture. Ces constats sont encourageants et semblent annoncer une forte reprise stimulée par la consommation, en phase avec l’assouplissement des mesures sanitaires ici, au Canada.

Les risques à la hausse et à la baisse présentés dans le Rapport d’avril concernant les perspectives d’inflation restent pertinents. Il s’agit des risques de nouveaux variants plus contagieux; de dépenses plus élevées des ménages au Canada et de croissance plus soutenue aux États-Unis; d’exportations possiblement plus faibles en raison de l’appréciation du dollar canadien; d’une production potentielle plus élevée, comme j’en ai parlé plus tôt; et, enfin, de pressions plus persistantes sur les coûts pouvant pousser l’inflation à la hausse.

Sans surprise, un des enjeux dont le Conseil de direction a discuté en vue de la décision d’hier est l’inflation. C’est après tout notre travail de maintenir l’inflation à un niveau bas et stable. Comme je l’ai mentionné, l’inflation s’est située au-dessus de 3 % en avril et devrait rester autour de ce taux encore plusieurs mois, puis se modérer. Pendant cette période, elle sera probablement plus élevée que projeté dans le Rapport d’avril, mais tous les détails sous-jacents sont les mêmes. Cette montée de l’inflation s’explique surtout par les effets de glissement annuel. C’est une simple question d’arithmétique. Les prix de l’essence, en particulier, sont beaucoup plus élevés qu’il y a un an à cause de la baisse considérable alors enregistrée, mais aussi du fait que les prix mondiaux du pétrole ont augmenté ces derniers mois. En effet, les prix des produits de base ont généralement rebondi dans la première moitié de cette année étant donné la perspective d’une demande accrue pendant la reprise de l’économie mondiale.

Mais par définition, ces effets de glissement annuel sont transitoires. Ils ne dureront donc pas plus que quelques mois encore. Les capacités excédentaires sous-jacentes, par contre, resteront jusqu’à ce que la reprise soit complète. Elles continueront d’exercer des pressions à la baisse sur l’inflation quand ces effets de glissement annuel se seront dissipés.

J’ai mentionné le risque de pressions plus persistantes sur les coûts, dont il était question dans le Rapport d’avril. Certaines de ces pressions pourraient être causées par les prix plus élevés des matières premières que les entreprises utilisent pour fabriquer leurs produits. D’autres pourraient venir de goulots d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement pendant que l’économie rouvrira et que la demande dépassera temporairement l’offre. En effet, des problèmes ont été notés à l’échelle mondiale du côté de produits comme les semi-conducteurs et dans certains pays, comme les États-Unis, où les entreprises ont de la difficulté à réembaucher des travailleurs. Ces goulots d’étranglement devraient disparaître à mesure que les choses retourneront à la normale, mais restent un risque que nous surveillons de près.

Ce qui m’amène à notre décision de politique monétaire d’hier.

Le Conseil de direction juge qu’une marge de capacités excédentaires considérable subsiste dans l’économie canadienne et que la reprise doit continuer d’être appuyée par des mesures de politique monétaire exceptionnelles. Nous avons réaffirmé notre engagement à maintenir le taux directeur à sa valeur plancher jusqu’à ce que les capacités excédentaires se résorbent, de sorte que la cible d’inflation de 2 % soit atteinte de manière durable. Selon notre projection d’avril, cela devrait se produire au cours de la deuxième moitié de 2022.

Nous avons aussi réaffirmé que nous poursuivons notre programme d’assouplissement quantitatif afin de renforcer cet engagement et de garder les taux d’intérêt bas sur toute la courbe de rendement. Ainsi, nos achats d’obligations du gouvernement du Canada se poursuivent au rythme cible de 3 milliards de dollars par semaine.

Les décisions au sujet de tout ajustement du rythme des achats nets d’obligations seront guidées par l’évaluation en continu que fait le Conseil de direction de la robustesse et de la durabilité de la reprise. Comme le gouverneur Macklem l’a expliqué en avril, si l’économie se redresse conformément à notre plus récente projection ou mieux encore, il ne faudra pas autant de détente monétaire au fil du temps. Compte tenu de la réouverture de bon nombre d’économies locales au pays, nous devrions en apprendre plus au cours des prochaines semaines pour éclairer davantage ce jugement.

Nous publierons une nouvelle projection en juillet, fondée sur l’ensemble des données et des faits qui s’accumuleront dans les semaines à venir. Les Canadiens peuvent compter sur nous pour continuer de procurer le niveau de détente monétaire nécessaire pour soutenir la reprise et atteindre l’objectif d’inflation.

Je tiens à remercier Eric Santor et Gabriela Galassi de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.

Information connexe

10 juin 2021

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10 juin 2021

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  1. 1. Voir la Revue du système financier de la Banque du Canada publiée en mai 2021 et la déclaration préliminaire du gouverneur Tiff Macklem.[]
  2. 2. Un rapport récent de Statistique Canada fait le point sur l’adoption croissante des robots par les entreprises canadiennes. Comme dans le reste du monde, le principal secteur d’adoption dans notre pays est celui de l’automobile, où le stock de robots a connu une croissance considérable jusqu’à la crise financière mondiale de 2008. Mais ce stock a peu varié depuis, alors qu’il a augmenté dans d’autres industries manufacturières.[]
  3. 3. Cela se remarque notamment dans les offres d’emploi publiées dans des sites comme Indeed.com. Depuis la réouverture initiale de l’économie, en juin 2020, les offres d’emploi des secteurs liés à la production d’infrastructures numériques – logiciels, matériel et soutien informatique – ont repris plus rapidement que celles d’autres secteurs, avec une croissance de 114 % et 86 % respectivement, en date d’avril dernier. Déjà, pendant les premiers confinements de l’an passé, les offres d’emploi liées à l’infrastructure numérique avaient moins diminué que celles d’autres secteurs.[]
  4. 4. Des tendances similaires ont été mises en évidence à l’échelle mondiale. Voir, par exemple, McKinsey & Company (2020), How COVID-19 has pushed companies over the technology tipping point – and transformed business forever.[]
  5. 5. Voir T. Macklem (2021), Le marché du travail canadien : rebond, récupération et restructuration, discours prononcé par vidéoconférence devant la Chambre de commerce d’Edmonton et la Chambre de commerce de Calgary, Alberta, 23 février.[]
  6. 6. Voir C. Huckfeldt (2021), Understanding the Scarring Effect of Recessions, département d’économie de l’Université Cornell, et S. Davis et T. von Wachter (2011), « Recessions and the Costs of Job Loss », Brookings Papers on Economic Activity, p. 1-72.[]
  7. 7. Des organismes de statistique au Canada et à l’étranger se penchent sur ces questions de mesure, afin que les banques centrales et les autres décideurs puissent avoir une image plus complète de l’incidence de la numérisation sur la productivité et la croissance. Cela inclut les efforts d’un groupe de travail du G7 qui est présidé par la Banque.[]