Publication de la Revue du système financier
Bonjour. Merci de vous joindre à moi pour parler de la dernière livraison de la Revue du système financier (RSF), que la Banque du Canada a publiée aujourd’hui.
La RSF a pour but d’identifier et d’expliquer les principales vulnérabilités qui touchent le système financier canadien. Les vulnérabilités n’entraînent pas nécessairement de graves problèmes. Parfois, elles se dissipent d’elles-mêmes, sans avoir de conséquences néfastes. Cependant, l’histoire nous enseigne que, laissées à elles-mêmes, les vulnérabilités financières peuvent aboutir à des catastrophes, soit en amplifiant les chocs négatifs – et donc en aggravant des situations déjà difficiles –, soit en devenant elles-mêmes des sources d’instabilité.
Nous évaluons les vulnérabilités avec deux objectifs en tête. Le premier est de mieux gérer les risques. En identifiant les vulnérabilités et en expliquant comment elles peuvent entraîner des conséquences indésirables, nous espérons mieux sensibiliser les gens à leur égard. L’idée est que plus les ménages, les acteurs du secteur privé et les autorités financières et publiques comprennent les vulnérabilités du système financier, plus ils sont à même de les gérer et de les neutraliser.
Les risques ne peuvent toutefois pas être éliminés. Par leur nature, les chocs sont imprévisibles. Il arrive donc que nous subissions un gros choc, ou même une série de gros chocs, avant d’avoir pu atténuer une vulnérabilité. C’est ce qui m’amène à expliquer notre deuxième objectif : mieux gérer les crises. L’élaboration de plans d’urgence efficaces permet de réduire considérablement les conséquences en cas de catastrophes. Plus les vulnérabilités sont comprises au sein du système financier, plus nous sommes en mesure d’être bien préparés.
L’analyse présentée dans la RSF étaye notre évaluation des priorités, qui consistent à renforcer à la fois la gestion des risques et la préparation en cas de crise.
Au cours des 14 derniers mois, un événement des plus extrêmes – la pandémie de COVID-19 – a porté atteinte à la santé et au bien-être économique des gens d’une manière encore jamais vue. L’an dernier, nous nous sommes appuyés sur la RSF pour fournir des analyses des répercussions initiales de la pandémie sur le système financier canadien. Cette fois-ci, cette publication nous sert à examiner l’évolution de la situation et à mettre en lumière des enjeux préoccupants à court et à moyen terme.
Avant de répondre à vos questions, j’aimerais prendre quelques minutes pour aborder trois thèmes présentés dans la RSF : notre résilience collective, le besoin de rester vigilant et la nécessité d’anticiper l’avenir et d’agir maintenant pour réduire les vulnérabilités à moyen terme.
Le système financier canadien était en bonne posture au moment où cette crise a débuté, et il s’est avéré résilient. Cela tient à la fois à une saine gestion des risques de la part de tout un éventail de participants au système financier et au solide cadre de réglementation et de surveillance dont notre pays est doté. Les mesures de soutien économique sans précédent prises par les pouvoirs publics et la Banque ont aussi joué un rôle crucial. Ensemble, ces facteurs ont permis au système financier non seulement de résister à ce choc énorme, mais aussi de jouer un rôle d’amortisseur pour l’économie en général, en faisant en sorte que l’offre de crédit continue d’être assurée et que les remboursements de prêts puissent être reportés pour certains ménages et entreprises.
Quand les marchés financiers ont été paralysés pendant les premières semaines de la crise, la Banque a fourni une quantité impressionnante de liquidités au système financier. Cette mesure était essentielle pour maintenir l’accès au crédit. Et elle a bien fonctionné. Les marchés se sont remis rapidement, et ils opèrent normalement depuis un certain temps. C’est pourquoi, au cours des derniers mois, nous avons éliminé progressivement nos mécanismes exceptionnels de tenue de marché et d’octroi de liquidités.
Malgré tout, il y a encore beaucoup de raisons qui nous incitent tous à rester vigilants.
À l’échelle mondiale, l’amélioration des perspectives économiques et les bas taux d’intérêt ont entraîné une forte augmentation de la propension au risque chez les investisseurs, ce qui a fait monter les prix d’un éventail d’actifs et ramené les écarts de crédit à des niveaux proches d’avant la pandémie. Si la confiance du marché devait changer rapidement – possiblement en raison d’un revers dans la lutte contre la pandémie ou d’une stagnation de la reprise économique – il pourrait se produire une réévaluation marquée du risque et un resserrement des conditions financières mondiales. Cela pourrait avoir des répercussions au Canada et interagir avec les vulnérabilités existantes. L’élargissement des écarts de crédit pourrait particulièrement toucher les entreprises canadiennes qui ont recours aux marchés des titres d’emprunt à rendement élevé.
Les principales vulnérabilités concernant notre pays sont celles liées aux déséquilibres sur le marché du logement et à l’endettement élevé des ménages. Ces vulnérabilités ne sont certes pas nouvelles, mais elles se sont intensifiées en raison des circonstances actuelles causées par la pandémie.
Étant donné le très grand nombre de Canadiens qui travaillent et étudient à domicile, il est naturel que la demande se porte sur des propriétés plus spacieuses. Combinée à de bas taux d’intérêt qui rendent le crédit plus abordable, cette situation a stimulé la demande de maisons unifamiliales, particulièrement en banlieue et aux environs des grandes villes canadiennes. L’offre de logements n’a pas pu suivre la flambée de la demande, ce qui a poussé les prix des maisons unifamiliales à un niveau nettement plus élevé sur plusieurs marchés. Notre analyse porte à croire que sur certains marchés, les anticipations à l’égard des prix sont devenues extrapolatives – autrement dit, il est possible que les gens se précipitent pour acheter, en partie parce qu’ils s’attendent à ce que les prix continuent d’augmenter. Ce comportement peut provoquer des hausses exagérées des prix des logements à court terme par rapport à la demande fondamentale.
Tout au long de la pandémie, de nombreux ménages ont accru leur épargne et réduit leur dette de consommation. En même temps, la dette hypothécaire de certains ménages a considérablement augmenté. Le plus préoccupant, c’est la hausse du nombre de prêts hypothécaires accordés à des ménages dont le ratio de prêt au revenu est élevé. Au niveau individuel, les Canadiens doivent être prudents quand ils empruntent. Il est important de comprendre que la hausse récente et rapide du prix des maisons n’est pas normale. Même en l’absence de choc, la trajectoire de certains des facteurs qui ont fait rapidement monter les prix pourrait s’inverser plus tard, ce qui entraînerait une diminution de l’avoir propre foncier de certains ménages. Il faut bien comprendre également que les taux d’intérêt sont anormalement bas. Les emprunteurs et les prêteurs ont chacun des responsabilités à assumer pour que les ménages puissent continuer d’assurer le service de leur dette à des taux plus élevés. Il n’est pas raisonnable de compter sur une hausse continue des prix des logements pour accroître son avoir propre foncier et s’en servir pour refinancer de futurs prêts hypothécaires.
La proposition du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) visant à instaurer un taux plancher fixe pour le taux admissible minimal applicable aux prêts hypothécaires non assurés est donc la bienvenue. Parallèlement, les mesures prévues dans le budget fédéral devraient aider à accroître l’offre de logements. De manière plus générale, il sera important d’atteindre un meilleur équilibre entre l’offre et la demande sur le marché du logement afin de réduire les vulnérabilités liées à ce secteur.
Dans la RSF, nous discutons également de certains enjeux persistants que nous devons tous prendre au sérieux pour protéger notre système financier et notre économie à l’avenir.
Le premier d’entre eux concerne les vulnérabilités liées aux changements climatiques. Les risques associés, dont l’incidence potentielle est généralement sous-estimée, ne sont pas évalués correctement. Par conséquent, la transition vers une économie sobre en carbone pourrait exposer certains investisseurs et institutions financières à de grandes pertes à l’avenir. Dans la présente livraison de la RSF, nous utilisons une nouvelle approche pour étudier, au niveau local, l’interrelation possible entre les phénomènes météorologiques violents et les vulnérabilités financières. Nous constatons que dans certaines parties du pays, particulièrement en Colombie-Britannique et en Ontario, les ménages qui sont fortement endettés sont aussi davantage exposés aux phénomènes météorologiques violents. De concert avec le BSIF et le secteur financier, la Banque s’emploie aussi à évaluer les répercussions sur le système financier qu’auraient divers scénarios relatifs à la transition vers une économie sobre en carbone. Ces travaux nous apprennent beaucoup de choses, et nous publierons un rapport à ce sujet plus tard cette année.
Un deuxième enjeu persistant concerne la liquidité des marchés des titres à revenu fixe. Même si les marchés financiers fonctionnent bien actuellement, les tensions extrêmes qui se sont exercées sur eux quand la pandémie a frappé ont mis en évidence la vulnérabilité du système financier à des hausses soudaines de la demande de liquidités. Au cours des dix dernières années, la demande potentielle du secteur de la gestion d’actifs a dépassé la capacité des banques à fournir les liquidités voulues, en périodes de tensions. Nous travaillons aux échelles nationale et internationale pour mieux comprendre cette vulnérabilité structurelle liée à la liquidité et la façon d’accroître la résilience des marchés de financement essentiels.
Enfin, la transformation numérique de l’économie et la nature interconnectée du système financier, au Canada et dans le monde, augmentent les risques de cyberattaques. Le rançongiciel dont un opérateur d’oléoduc américain a été victime dernièrement en est un bon exemple. La présente livraison de la RSF discute des diverses initiatives menées par la Banque dans le domaine de la cybersécurité.
Sur ce, je serai heureux de répondre à vos questions.