Introduction
Bonjour à tous. C’est toujours un plaisir pour moi d’échanger avec des analystes financiers agréés, même en virtuel1.
J’ai du mal à croire que la COVID-19 est encore une réalité après si longtemps. La dernière année a eu un impact profond sur la vie des gens, que ce soit au niveau de leur santé ou de leur bien-être économique et financier.
Les Canadiens comptent sur la Banque du Canada pour veiller au bon fonctionnement du système financier, surtout en périodes difficiles, quand ils dépendent davantage du crédit. C’est pourquoi, il y a un an, la Banque a pris des mesures sans précédent pour que le système financier continue de fonctionner normalement et assurer la reprise économique.
Ces objectifs sont étroitement liés. Le bon fonctionnement des marchés est indispensable au bon fonctionnement de l’économie – non seulement pour les banquiers et les gestionnaires de placements, mais aussi pour tous les Canadiens.
La liquidité joue un rôle essentiel : c’est elle qui fait qu’on peut acheter, vendre, prêter et emprunter assez facilement. Elle est en quelque sorte « l’huile » qui fait tourner les rouages des marchés2.
Lorsque la pandémie a frappé l’année dernière, tout le monde se demandait comment les semaines et les mois suivants allaient se dérouler. Et quand les perspectives économiques deviennent très incertaines, les participants aux marchés cherchent à faire des provisions de liquidités. Du jour au lendemain, petits et gros investisseurs se sont empressés de vendre leurs actifs financiers – même ceux généralement considérés sans risque, tels que les obligations du gouvernement du Canada – pour couvrir leurs appels de marge et se faire des réserves. Cette ruée vers les liquidités était si généralisée que tout le monde cherchait à vendre et presque personne ne voulait acheter. Les marchés ont alors été soumis à des tensions extrêmes et se sont complètement paralysés. Les ménages et les entreprises sont aussi devenus très prudents : les entreprises tiraient sur leurs lignes de crédit à une vitesse inhabituelle et les ménages épargnaient davantage ou reportaient le remboursement de leurs prêts.
Au plus fort de la crise, la priorité numéro un de la Banque était de rétablir rapidement le fonctionnement des marchés pour que les ménages, les entreprises et les administrations publiques puissent encore accéder au crédit – directement sur les marchés ou en passant par les banques et les coopératives de crédit.
La Banque était bien placée pour relever ce défi. En tant que banque centrale, nous sommes chargés de surveiller les tensions dans l’ensemble du système financier et nous avons les outils de bilan qui nous permettent d’y remédier. Je tiens toutefois à souligner que notre décision d’agir n’a pas été prise à la légère. Nous n’utilisons ces outils exceptionnels qu’en situation grave. Notre dernière intervention pour régler des problèmes du genre remonte à plus de dix ans, pendant la crise financière mondiale.
Sur ce, j’aimerais tout d’abord vous expliquer comment la Banque a réagi aux tensions généralisées sur les marchés. Ensuite, je voudrais vous parler de ce qui a motivé nos actions et faire le point sur nos mécanismes, étant donné que les marchés fonctionnent à nouveau normalement depuis un certain temps.
Nos mesures ont fait grossir considérablement le bilan de la Banque. Je terminerai donc en vous parlant de certaines conséquences de cette situation pour la politique monétaire, et des réflexions du Conseil de direction sur l’évolution possible du bilan.
Notre réaction aux tensions généralisées sur les marchés
Permettez-moi d’abord d’expliquer un peu plus en détail ce qui s’est passé quand la COVID-19 a frappé.
Au début du mois de mars 2020, quand le monde entier a commencé à réaliser que nous étions dans une pandémie, l’incertitude et la peur ont paralysé les marchés. Les participants aux marchés financiers se sont rués sur les liquidités, qui se sont évaporées dans l’ensemble du système financier.
La Banque a réagi rapidement et fourni des liquidités exceptionnelles à titre de prêteur de dernier ressort, un rôle dont je vais parler dans un moment. Nous avons instauré toute une série de programmes, dont certains avaient servi pendant la crise financière mondiale et d’autres ont été créés à partir de zéro.
Répondre aux besoins de financement des institutions financières
Nous nous sommes d’abord attaqués aux graves problèmes immédiats de liquidité des institutions financières canadiennes. Nous savions qu’en aidant ces établissements à accéder à du financement, nous leur donnerions la capacité de répondre à la demande accrue de crédit venant d’autres parties du système financier, ainsi que des ménages et des entreprises.
Notre première mesure a donc été d’injecter des quantités considérables de liquidités dans le système financier en augmentant nos opérations de pension3.
Augmenter les opérations de pension à plus d’un jour est notre tactique privilégiée pour atténuer les pénuries graves de liquidités sur l’ensemble des marchés et soutenir le bon fonctionnement des marchés de façon plus générale. Nous avons augmenté la fréquence et la taille de ces opérations – avec des montants ayant atteint 24 milliards de dollars par opération – et offert des fonds à plus long terme. Nous avons également accepté une plus large gamme de titres en garantie, ce qui a facilité l’octroi de prêts plus importants que d’habitude aux institutions financières. Dans le cadre de ces opérations élargies de prise en pension à plus d’un jour, nous avons prêté environ 200 milliards de dollars aux institutions financières en mars et en avril.
Nous avons aussi lancé un mécanisme conditionnel de prise en pension à plus d’un jour, qui nous a permis d’élargir la liste des institutions financières admises. Les grands gestionnaires d’actifs très présents sur les marchés des pensions ont ainsi eu accès à des liquidités.
Rétablir et maintenir le bon fonctionnement des marchés
Quand les participants aux marchés se sont empressés de vendre leurs actifs et de se faire des réserves, les liquidités se sont rapidement épuisées sur plusieurs des principaux marchés de titres à revenu fixeEt étonnamment, même sur le marché des obligations du gouvernement du Canada.
L’impact sur ce marché était particulièrement inquiétant. Les obligations du gouvernement du Canada sont considérées comme des titres très sûrs et servent de référence sur presque tous les autres marchés du crédit. Si le marché des obligations du gouvernement du Canada ne va pas bien, tout le système et l’économie en souffrent.
Dès la mi-mars 2020, la Banque a lancé de nouveaux mécanismes d’achat d’actifs pour soutenir la liquidité et rétablir le bon fonctionnement d’un vaste éventail de marchés4. La rapidité et l’efficacité de cette réponse montrent la compétence, l’engagement et l’expertise de notre personnel.
En contribuant à rééquilibrer les flux sur les principaux marchés d’emprunt, nos achats ont permis aux acheteurs et aux vendeurs de fixer les prix. Et comme les maisons de courtage n’ont qu’une marge de risque limitée dans leur bilan, nos achats les ont aidées à libérer une partie de leur capacité pour fournir des liquidités sur ces marchés.
Pressions sur le financement à court terme
Pour complémenter notre programme élargi d’opérations de prise en pension, nous avons d’abord pris des mesures visant à débloquer les principaux marchés où les entreprises et les administrations publiques vont chercher du financement à court terme.
Par exemple, pour renforcer la capacité des banques commerciales à répondre aux besoins de crédit à court terme des entreprises, nous avons mis sur pied une facilité d’achat d’acceptations bancaires. Nous avons également lancé un programme d’achat de papier commercial pour apporter des fonds à une grande variété d’entreprises et d’institutions financières.
Achats d’obligations du gouvernement du Canada
Nous avons aussi commencé à faire des achats massifs d’obligations du gouvernement du Canada sur le marché secondaire.
Nos achats dans le cadre du nouveau Programme d’achat d’obligations du gouvernement du Canada ont commencé au rythme d’au moins 5 milliards de dollars par semaine, toutes échéances confondues.
Comme je vais vous l’expliquer, nous avons plus tard rajusté ce programme – dont l’objectif initial était d’améliorer le fonctionnement des marchés – de façon à apporter un plus grand degré de détente monétaire dans l’économie pendant que le taux directeur est à sa valeur plancher de 0,25 %5.
Achats d’obligations provinciales et d’obligations de sociétés
En avril, nous avons annoncé des programmes d’achat sur le marché secondaire pour détendre et soutenir d’autres marchés d’obligations importants.
Nous nous sommes alors engagés à acheter jusqu’à 50 milliards de dollars d’obligations provinciales et jusqu’à 10 milliards de dollars d’obligations de sociétés de qualité.
Ce qui a motivé nos actions
Ensemble, nos actions et celles d’autres grandes banques centrales ont aidé à stabiliser les conditions financières mondiales. Nos mesures pour soutenir les principaux marchés du Canada étaient motivées par notre responsabilité d’agir comme prêteur de dernier ressort quand le système financier manque de liquidité et ne fonctionne pas comme il faut.
Cette responsabilité remonte à des centaines d’années. Elle a été décrite pour la première fois en 1802 par l’économiste Henry Thornton, un leader du mouvement abolitionniste de Grande-Bretagne. Mais ce n’est qu’à la fin des années 1800 que le journaliste britannique Walter Bagehot a créé le célèbre dicton voulant qu’en temps de crise, une banque centrale doive prêter librement aux institutions solvables à un taux dissuasif et en contrepartie de garanties sûres6.
Ce qu’il voulait dire, c’est que les banques centrales devaient prêter aux banques commerciales qui se retrouvaient soudainement à court de financement, par exemple en cas de retraits massifs de dépôts. Mais de nos jours, les marchés étant devenus une autre importante source de financement, le rôle de prêteur de dernier ressort a évolué. Aujourd’hui, les banques centrales doivent aussi être prêtes à fournir des liquidités exceptionnelles en dernier ressort pour éliminer les tensions généralisées sur les marchés quand le système financier n’arrive pas à se stabiliser ou que les marchés d’emprunt sont paralysés.
Mais Bagehot a aussi dit que même s’il est important de réduire les tensions financières, il est essentiel de le faire d’une façon qui réduit l’aléa moral. C’est encore vrai aujourd’hui. On parle d’aléa moral quand des participants aux marchés ou d’autres acteurs économiques sentent qu’ils peuvent faire des choix risqués sans conséquence si les choses tournent mal.
On peut limiter l'aléa moral en offrant des liquidités exceptionnelles seulement en situation grave, et uniquement pour une durée déterminée ou jusqu’à ce que ce ne soit plus nécessaire. Une fois que les outils de crise ont fait leur travail, les banques centrales devraient les abandonner progressivement pour montrer qu’ils ne servent qu’en cas d’urgence et ne sont pas la norme. On peut aussi décourager les participants aux marchés de s’y fier pour se financer en temps normal, par exemple offrant les liquidités à des taux plus élevés que ceux habituellement en vigueur sur les marchés.
Nous avons nous-mêmes utilisé des taux dissuasifs à divers degrés dans certains de nos programmes pour réduire les tensions généralisées sur les marchés l’an dernier. Pour d’autres, nous avons jugé qu’une telle approche aurait pu nuire à notre priorité de débloquer rapidement les marchés paralysés. Nous avons aussi prêté des fonds aux taux dictés par les marchés au moyen d’adjudications, mais avons cherché à limiter l’utilisation non justifiée de la plupart des mécanismes d’autres façons7.
Nous évaluerons nos différentes mesures exceptionnelles pour voir si elles étaient bien adaptées et s’il faudrait faire certaines choses autrement lors de prochains épisodes de tensions sur les marchés8. D’autres grandes banques centrales, de même que des autorités, organismes de réglementation et organismes de politique publique internationaux, comme le Conseil de stabilité financière, se penchent activement sur la question. De plus, nous regardons tous si d’autres réformes structurelles pourraient renforcer la résilience du système financier et minimiser la possibilité que nos outils exceptionnels soient à nouveau nécessaires9.
Bref, quand les banques centrales fournissent des liquidités, elles doivent le faire d’une façon qui n’incite pas les participants aux marchés à prendre des risques excessifs en situation normale. Nos actions doivent cibler des problèmes précis et être retranchées à mesure que les choses rentrent dans l’ordre.
S’ajuster à mesure que les conditions des marchés s’améliorent
C’est pourquoi nous avons graduellement ajusté nos mécanismes à mesure que les conditions s’amélioraient.
À l’automne, nous avons éliminé deux mécanismes, dont notre programme de soutien au marché des acceptations bancaires. Nous avons aussi réduit la fréquence de nos opérations de pension et limité les types de garanties que nous acceptons.
Et maintenant, je vous annonce que dans les prochaines semaines, nos autres programmes de soutien exceptionnel axés sur la liquidité des marchés seront suspendus ou éliminés.
Plus précisément, nous allons cesser nos opérations de prise en pension à plus d’un jour indéfiniment à la mi-mai. De même, le mécanisme conditionnel de prise en pension sera désactivé au début avril.
Nous pouvons maintenant prendre ces décisions parce que les institutions financières ont amplement de liquidités à leur disposition dans le système financier. C’est à la fois grâce au niveau exceptionnellement élevé des dépôts dû à la hausse de l’épargne des particuliers pendant la pandémie, et à la grande quantité de liquidités que nous avons injectées dans le système financier, plus précisément sous la forme de soldes de règlement10.
Mentionnons aussi que les programmes d’achat de papier commercial, d’obligations provinciales et d’obligations de société ne seront pas prolongés. Ils prendront fin bientôt comme prévu, un an après leur lancement. Les sociétés et gouvernements provinciaux peuvent accéder librement à des marchés d’emprunt pleinement fonctionnels. Et pour la plupart de ces emprunteurs, les écarts de crédit sont égaux ou inférieurs aux niveaux d’avant la pandémie. Ces mécanismes exceptionnels ne sont donc clairement plus nécessaires.
Mais soyez sans crainte, la Banque est prête à réactiver une partie ou l’ensemble de ces programmes si de graves tensions devaient refaire surface sur les marchés.
Où en est le bilan de la Banque?
Comme je l’ai dit plus tôt, nos mécanismes et achats d’actifs financiers ont fait considérablement gonfler le bilan de la Banque, qui atteint maintenant près de 575 milliards de dollars. Il a donc plus que quadruplé par rapport aux 120 milliards de dollars qu’il totalisait avant la pandémie (graphique 1).
En fin de compte, les mesures que nous avons prises pour favoriser la liquidité et appuyer les marchés ont aussi apporté un soutien opportun à l’économie. Grâce à elles, les effets du taux directeur très bas – que nous maintenons à 0,25 % depuis mars 2020 – ont été ressentis dans toutes les sphères de l’économie, et les Canadiens ont continué d’avoir accès au crédit, ce qui a jeté les bases de la reprise.
En gros, on peut regrouper les actifs qui ont augmenté le bilan de la Banque en deux catégories visant des objectifs distincts.
La première comprend les actifs achetés dans le cadre des programmes et mécanismes qui ont pour but de soutenir le fonctionnement des marchés.
La deuxième comprend les obligations du gouvernement du Canada que nous avons achetées. Comme je l’ai mentionné tout à l’heure, au plus fort des tensions sur les marchés, ces achats visaient eux aussi principalement à soutenir le fonctionnement des marchés. Mais ça a changé au début de l’été, quand leur objectif principal est devenu de renforcer la détente monétaire.
L’achat à grande échelle d’obligations du gouvernement du Canada, c’est ce qu’on appelle l’assouplissement quantitatif. Cet assouplissement s’exerce par divers canaux, et l’importance de chacun dépend de ce qui se passe sur les marchés et dans l’économie11. Quand les marchés sont tendus, les achats dans le cadre du programme d’assouplissement quantitatif contribuent surtout à améliorer la liquidité, ce qui permet d’assurer le bon fonctionnement du marché des obligations du gouvernement du Canada et d’autres marchés de titres d’emprunt. Mais une fois les tensions dissipées, ces achats aident aussi à réduire les coûts d’emprunt des ménages, des entreprises et des gouvernements en exerçant une pression à la baisse sur les rendements des obligations et les taux d’emprunt dans l’ensemble du système financier.
Les actifs de la première catégorie, destinés à soutenir le fonctionnement des marchés, ont fait augmenter rapidement notre bilan au plus fort de la crise l’an dernier, soit de mars à la fin de juin à peu près.
D’ici la fin d’avril 2021, cependant, les obligations du gouvernement du Canada que nous détenons devraient constituer de loin la plus grande part des actifs inscrits à notre bilan, représentant environ 350 milliards de dollars, ou plus de 70 % de l’actif total. Ce n’est pas inhabituel, puisque les obligations du gouvernement du Canada sont en général l’actif le plus important à notre bilan. Ce qui est différent cette fois-ci, c’est l’ampleur de ces actifs.
Mais en ce qui concerne la valeur des actifs que nous avons achetés dans le cadre de l’assouplissement quantitatif depuis mars 2020 en proportion de la taille de notre économie, elle se compare généralement à celle de bien d’autres banques centrales. Elle est inférieure à celle de la Banque d’Angleterre, à peu près équivalente à celle de la Réserve fédérale des États-Unis et supérieure à celle de la Banque centrale européenne et de la Banque de Suède (graphique 2).
D’un autre point de vue, toutefois, nos achats se démarquent. Les obligations du gouvernement du Canada que nous avons achetées depuis mars l’an dernier représentent un peu plus de 35 % de l’encours total de ces titres, ce qui est de loin la proportion la plus grande parmi ce groupe de banques centrales (graphique 3).
Les actifs détenus peuvent paraître plus ou moins élevés selon le point de comparaison. Voyons maintenant comment ils pourraient évoluer.
Que ferons-nous des actifs achetés dans le cadre de nos programmes?
La hausse du bilan attribuable aux programmes visant à appuyer le bon fonctionnement des marchés se résorbera en grande partie d’elle-même, puisque bon nombre de ces programmes étaient axés sur un soutien à court terme des marchés.
C’est ce qui s’est produit pour les actifs à court terme que nous avons achetés, comme les acceptations bancaires et le papier commercial.
En ce qui concerne les mécanismes de financement à court terme comme les opérations de prise en pension à plus d’un jour, le processus est bien amorcé : notamment, environ 120 milliards de dollars de ces actifs sortiront du bilan entre la mi-mars et la fin avril. Celui-ci, qui était assez stable depuis juillet, diminuera donc d’à peu près 100 milliards de dollars par rapport à sa taille actuelle, pour s’établir à environ 475 milliards de dollars.
Du côté des actifs à plus long terme, nous détenons actuellement pour environ 200 millions de dollars de titres achetés dans le cadre du Programme d’achat d’obligations de sociétés, et pour un peu plus de 17 milliards de dollars de titres achetés dans le cadre du Programme d’achat d’obligations provinciales. Pour le moment, la Banque n’a pas l’intention de vendre les actifs achetés au titre de ces programmes.
Nous nous sommes engagés à être entièrement transparents en ce qui concerne les mesures que nous prenons après la fin des programmes. Nous allons donc publier, à la fin de juin, des renseignements détaillés sur les opérations menées dans le cadre des programmes d’achat d’actifs arrivant à échéance, et des mécanismes et programmes auxquels nous avons déjà mis fin. Ces renseignements s’ajouteront aux données que nous publions régulièrement au sujet des actifs figurant au bilan qui ont été achetés dans le cadre de ces programmes depuis leur lancement.
Facteurs à considérer pour ajuster le programme d’assouplissement quantitatif
Pour ce qui est de nos achats d’obligations du gouvernement du Canada qui se poursuivent, le Conseil de direction est en train d’examiner la façon dont le processus d’ajustement pourrait se dérouler.
Dans la phase actuelle du programme d’assouplissement quantitatif – la phase d’achats –, nous continuons d’accroître la détente monétaire en augmentant la part d’obligations du gouvernement du Canada que nous détenons. En octobre, nous avons rajusté le programme pour qu’il ait une incidence plus directe sur les taux des emprunts à plus long terme. Ce changement a permis de réduire le risque lié à l’échéance assumé par les participants aux marchés et d’exercer une pression à la baisse sur les primes connexes. Il nous a également permis de ramener le montant minimum de nos achats hebdomadaires à 4 milliards de dollars, tout en apportant autant de détente monétaire qu’avant.
Au moment de la publication du Rapport sur la politique monétaire de janvier, nous avons signalé que si l’économie se redressait comme dans notre projection économique ou mieux, il ne faudrait pas autant de détente monétaire au fil du temps. Et dans le communiqué de mars sur le taux directeur, nous avons dit que nous ajusterons le rythme de nos achats au titre du programme d’assouplissement quantitatif à mesure que notre confiance à l’égard de la vigueur de la reprise continuera d’augmenter. Nous avons aussi indiqué que la croissance au premier trimestre semble plus forte que nous l’avions prévu en janvier. Nous présenterons une nouvelle projection économique complète en avril, lors de l’annonce relative au taux directeur.
Je veux que ce soit clair : même en ralentissant le rythme des achats, nous continuerions d’apporter de la détente monétaire au moyen de l’assouplissement quantitatif, mais à une cadence inférieure. Cela ne signifie pas que nous réduirions le degré de détente monétaire. Lâcher l’accélérateur ne veut pas dire appuyer sur les freins.
À mesure que nous ralentirons ces achats, nous finirons par atteindre un rythme qui maintiendra – mais n’augmentera plus – le degré de détente monétaire. Nos avoirs en obligations du gouvernement du Canada seront alors globalement stables et nous réinvestirons les revenus tirés des actifs qui arriveront à échéance. À ce stade, le montant accumulé des obligations d’État que nous détenons représentera toujours un degré de détente monétaire considérable au sein du système.
J’aimerais insister sur quelques points saillants du parcours qui nous mènera à cette phase de réinvestissement du programme d’assouplissement quantitatif.
Premièrement, le processus sera graduel et chaque geste sera mesuré.
Deuxièmement, les moments choisis pour ajuster à la baisse le rythme des achats et le temps qu’il faudra pour arriver à la phase de réinvestissement dépendront de notre analyse continue des perspectives macroéconomiques, ainsi que de la robustesse et de la viabilité de la reprise.
Et troisièmement, le fait d’ajuster le rythme de nos achats ne voudra pas nécessairement dire que nous avons changé d’opinion quant au moment où nous devrons commencer à relever le taux directeur.
Ces décisions sont distinctes. Nous nous sommes engagés à poursuivre le programme d’assouplissement quantitatif – autrement dit, de garder un solde positif d’achats nets – jusqu’à ce que la reprise soit bien engagée. En même temps, les décisions relatives au taux directeur sont liées aux résultats économiques décrits dans nos indications prospectives, soit que nous maintiendrons le taux directeur à 0,25 % jusqu’à ce que les capacités excédentaires de l’économie se résorbent, de sorte que la cible d’inflation de 2 % soit atteinte de manière durable. Selon la projection que nous avons publiée en janvier, cela ne se produirait qu’au cours de 2023. La phase de réinvestissement devrait donc débuter un certain temps avant que nous commencions à augmenter le taux directeur.
Nous finirons par arriver au point où le Conseil de direction jugera que les résultats décrits dans nos indications prospectives ont été atteints et que nous devrions commencer à relever le taux directeur pour atteindre notre objectif d’inflation de façon durable.
Bien entendu, la durée de chaque étape de la transition sera déterminée par l’évolution de l’activité économique et de l’inflation. Tout au long de ce parcours, nous prendrons garde à la possibilité que notre politique monétaire expansionniste – essentielle à l’atteinte de notre objectif d’inflation – puisse accroître les vulnérabilités financières.
Soyez assurés que nous tâcherons de communiquer nos progrès clairement et sans attendre à mesure que nous retournerons à une politique monétaire normale.
Conclusion
Pour conclure, les choses se sont bien améliorées par rapport à il y a un an, quand les tensions généralisées sur les marchés ont forcé la Banque à jouer le rôle de prêteur de dernier ressort pour le système financier.
Nos efforts face à la COVID-19 ont eu l’effet escompté. Les marchés financiers vont beaucoup mieux depuis un certain temps, ce qui contribue à la reprise économique. Et même si le ralentissement de l’an dernier a été brutal, il n’a pas été aussi grave que si les tensions avaient persisté sur les marchés.
Le fait que nous comptons suspendre ou éliminer plusieurs mécanismes et programmes montre qu’il s’agissait de mesures exceptionnelles de banque centrale. Notre intention a toujours été de les éliminer quand nous serions convaincus que les marchés financiers pourraient fonctionner sans ce soutien supplémentaire. De telles mesures ne doivent servir qu’en période de fortes tensions. Elles ne remplacent pas celles que les participants aux marchés prennent eux-mêmes pour gérer leurs risques en temps normal.
Même si les actifs que nous avons achetés pour soutenir les marchés pendant la récente crise vont baisser, le programme d’assouplissement quantitatif qui appuie notre politique monétaire va continuer d’ajouter à notre bilan.
À mesure que le Conseil de direction aura de nouvelles indications quant à la vigueur de la reprise, il poursuivra ses discussions concernant l’ajustement graduel du rythme des achats effectués dans le cadre de ce programme.
Je tiens à remercier Ron Morrow, Tamara Gomes et Tiago Figueiredo de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.