Revue du système financier — 2020

Sommaire

La COVID‑19 représente un choc sans précédent pour l’économie canadienne. Les ménages, les entreprises et les gouvernements ont besoin d’un système financier qui fonctionne bien pour pouvoir en gérer les effets et soutenir une reprise robuste. Dans la présente livraison de la Revue du système financier, nous mettons en lumière les répercussions de la pandémie sur la stabilité financière et expliquons comment les mesures prises récemment par la Banque du Canada et d’autres autorités aident les Canadiens durant cette période très difficile.

La pandémie s’est répercutée sur la stabilité financière du pays par la voie de nombreux canaux.

L’incertitude a engendré des tensions financières généralisées

La COVID‑19 est une grave menace pour la santé de la population, et les mesures prises pour freiner sa propagation ont réduit l’activité économique. De plus, le Canada doit composer avec la chute des prix mondiaux du pétrole, qui est survenue alors que beaucoup d’entreprises du secteur de l’énergie étaient encore en train de se remettre du choc des cours pétroliers de 2014-2016.

Au début, l’incertitude concernant la gravité éventuelle de la situation a provoqué une onde de choc sur les marchés financiers, ce qui a causé une ruée généralisée vers la liquidité et rendu difficile la vente d’actifs. Les mesures prises par les autorités publiques contribuent à :

  • restaurer le fonctionnement des marchés;
  • s’assurer que les institutions financières disposent de suffisamment de liquidités;
  • donner aux entreprises et aux ménages canadiens accès au crédit dont ils ont besoin.

Soutenir l’économie

Depuis le début de la pandémie, la Banque a établi et élargi divers mécanismes et programmes d’achat pour faire face aux problèmes de fonctionnement et de confiance des marchés. Ces interventions semblent porter leurs fruits :

  • l’accès aux liquidités s’est grandement amélioré sur les principaux marchés financiers qui montraient des signes de tensions importantes;
  • bon nombre de ces programmes sont maintenant moins utilisés qu’ils ne l’étaient à leur début.

Faire face aux effets des mesures de confinement

La COVID‑19 a durement touché un grand nombre de ménages et d’entreprises, en particulier ceux qui sont très endettés ou qui ont des réserves de liquidités peu élevées. Les mesures vigoureuses et ciblées instaurées par les gouvernements, les organismes de réglementation et la Banque soutiennent le système financier canadien. Durant cette période, les mesures d’urgence qui fournissent un revenu de base aux ménages et aident les entreprises à obtenir du crédit s’avèrent cruciales.

Pour sa part, la Banque est intervenue : 

  • en abaissant le taux directeur à 0,25 %;
  • en soutenant les flux de crédit destinés aux ménages et aux entreprises;
  • en renforçant la transmission de la politique monétaire pour que les bas taux directeurs puissent être répercutés sur le coût des emprunts.

Nous continuerons d’évaluer les effets de ces mesures, et pouvons ajuster l’ampleur de ces programmes en fonction de l’évolution des conditions sur les marchés.

Notre objectif à court terme est d’aider les ménages et les entreprises du pays à traverser cette période. Notre objectif à long terme est de jeter des bases solides pour une reprise de l’emploi et de la croissance.

Stephen S. Poloz, gouverneur

Les mesures des autorités publiques aident le système financier à absorber le choc

Le système financier fournit les services d’octroi de crédit et de liquidité ainsi que les services de paiement et de règlement nécessaires pour faire face aux répercussions économiques de la COVID‑19 et faciliter la reprise. Les principales institutions financières du Canada sont suffisamment solides pour composer avec ces conditions difficiles, y compris les perturbations opérationnelles.

Les six grandes banques canadiennes ont d’importantes réserves de fonds propres et de liquidités ainsi que des portefeuilles d’actifs diversifiés, et elles bénéficient de la protection offerte par un système robuste d’assurance prêt hypothécaire. Par ailleurs, le personnel de la Banque a analysé deux scénarios. Le premier montre que grâce à l’adoption de mesures énergiques, les banques sont en bonne posture pour gérer les conséquences du choc. D’après le second, sans ces mesures, les banques s’en sortiraient beaucoup moins bien, ce qui entraînerait des effets négatifs notables sur l’offre de crédit aux ménages et aux entreprises.

La reprise pourrait suivre diverses trajectoires, comme l’illustre le Rapport sur la politique monétaire d’avril. Les autorités devront prendre des mesures souples et les adapter en conséquence.

Lorsque la crise sanitaire mondiale a commencé, nous disposions d’une économie vigoureuse et d’un système financier résilient. C’est ce qui va soutenir la reprise. Mais nous savons que le niveau d’endettement va augmenter, de sorte que la bonne combinaison de politiques économiques est également importante.

Stephen S. Poloz, gouverneur

La Revue du système financier est produite sous la supervision du Conseil de direction de la Banque du Canada, qui réunit Stephen S. Poloz, Carolyn A. Wilkins, Timothy Lane, Lawrence Schembri, Paul Beaudry et Toni Gravelle.

Introduction

La COVID‑19 représente une grave menace pour la santé de la population et une entrave au bien-être économique des Canadiens. La présente livraison de la Revue du système financier contient une analyse approfondie des effets de la pandémie et des mesures de confinement connexes sur le système financier du Canada et examine les conséquences économiques qui en résultent. Les ménages, les entreprises et les gouvernements ont besoin d’un système financier qui fonctionne bien pour gérer les effets de la COVID‑19 et soutenir une reprise robuste. Les coûts économiques engendrés augmenteraient si ce système n’était pas à la hauteur.

La pandémie se répercute aussi bien sur la capacité des entreprises à fournir des biens et services que sur celle des consommateurs à faire des achats. Comme les chaînes d’approvisionnement sont mondialisées, la production est fortement interconnectée d’un pays à l’autre, et des perturbations dans l’un d’entre eux peuvent rapidement causer des pénuries ailleurs.

Les effets de demande découlent des pertes de revenus et de l’incertitude entourant la gravité éventuelle de la situation. Les ménages et les entreprises limitent leurs activités et leurs dépenses à cause de l’obligation de distanciation physique et de la crainte de contracter le virus. Dans un premier temps, la pandémie a surtout touché les secteurs du voyage, du divertissement et des services de restauration, mais depuis, ses effets se sont généralisés. Par ailleurs, les entreprises retardent leurs décisions d’investissement, et les ménages augmentent leur épargne de précaution. La demande étrangère et les prix des produits de base sont en baisse, et les termes de l’échange se sont dégradés.

La COVID‑19 se répercute sur le système financier par la voie de nombreux canaux complexes et interreliés. La figure 1 en donne une vue d’ensemble stylisée. Certains effets se trouvent amplifiés par les vulnérabilités financières précédemment mises en lumière par la Banque du Canada, comme le haut niveau d’endettement des ménages et des entreprises.

Figure 1 : Les répercussions de la COVID‑19 sur le système financier

La baisse des revenus et de la valeur des actifs et la hausse de l’incertitude entourant leur évolution rendent l’octroi de prêts aux ménages et aux entreprises plus risqué pour les banques et les intermédiaires financiers non bancaires. Ces conditions incitent aussi les investisseurs à tenter de vendre des actifs sur les marchés financiers. Mais la ruée soudaine et généralisée vers la liquidité rend la vente d’actifs difficile. Si rien n’était fait, cette détérioration de la liquidité de marché pourrait limiter l’accès des ménages et des entreprises au crédit, et nuire ainsi à leur capacité d’atténuer le choc sur les dépenses et l’investissement.

Les mesures énergiques qui ont été prises ont permis de soutenir l’économie et de poser des bases solides pour la reprise1. Les interventions concertées de la Banque et d’autres autorités publiques ont contribué à restaurer le fonctionnement des marchés, et les conditions de liquidité se sont grandement améliorées. Les mesures prises par le gouvernement en appui aux ménages et aux entreprises atténuent directement les pertes de revenus. La baisse des taux directeurs soutient la demande et aide à atteindre la cible d’inflation. La souplesse accrue sur le plan réglementaire donne aux institutions financières une plus grande marge de manœuvre pour continuer de prêter. La concertation entre les autorités a été essentielle pour créer des mesures qui se renforcent les unes les autres. Ces mesures peuvent être adaptées en fonction des répercussions de la pandémie sur l’économie.

La présente livraison de la Revue étant axée sur les effets de la COVID‑192, sa structure diffère de celle qu’elle a habituellement. La section suivante prépare le terrain en décrivant la réaction des marchés financiers mondiaux à l’évolution de l’éclosion de COVID‑19 vers une pandémie. Suit un examen des mesures prises par les autorités canadiennes face à la détérioration de la liquidité de marché qui en a résulté. Sont ensuite abordés les effets sur l’offre de crédit, puis l’incidence de la diminution des revenus des ménages et des entreprises. La Revue se conclut par une évaluation de la résilience du système financier, notamment du système bancaire selon le scénario plus pessimiste présenté dans le Rapport sur la politique monétaire d’avril.

L’analyse contenue dans la Revue a bénéficié de la collaboration du nouveau Comité de surveillance du risque systémique (encadré 1).

L’incertitude économique mondiale est à l’origine de tensions généralisées

  • La détérioration d’une rapidité et d’une ampleur sans précédent des perspectives de l’économie mondiale a provoqué un resserrement soudain des conditions financières. Les mesures prises par les banques centrales et les gouvernements ont permis d’en compenser en partie les effets et contribué à rétablir le fonctionnement des marchés.

La crainte des conséquences économiques de la COVID‑19 s’est emparée des marchés financiers mondiaux quand il est devenu évident que l’éclosion de la maladie en Chine allait se transformer en pandémie. Les conditions financières se sont resserrées à une vitesse édifiante lorsque l’incertitude et les tensions sur les marchés ont atteint un niveau élevé.

Les marchés des actions, y compris canadiens, ont chuté, tandis que les écarts de crédit bondissaient, en particulier dans les segments des titres plus risqués (graphique 1). Les cours du pétrole ont plongé en raison des inquiétudes concernant la faiblesse de la demande associée à la pandémie, mais aussi de la concurrence accrue que se sont livrée les producteurs pour accroître leur part de marché. Dans les pays émergents, les sorties de portefeuille se sont multipliées à un rythme record. Beaucoup d’entre eux sont tributaires de capitaux libellés en dollars américains et ont des moyens d’intervention limités pour gérer les effets de la pandémie.

Graphique 1 : Une partie des pertes sur actions et sur obligations à rendement élevé ont été récupérées, mais les prix du pétrole demeurent bas

Nota : Les données sur le pétrole correspondent aux contrats à terme sur le West Texas Intermediate jusqu’à deux jours avant leur expiration.
Sources : Bloomberg Finance L.P. et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 7 mai 2020

Nombre de marchés financiers ont montré des signes de panique, les investisseurs envisageant les scénarios les plus pessimistes. Les effets ont été ressentis dans tous les segments de marché, et la corrélation entre les mouvements des prix de nombreux actifs a augmenté. L’érosion de la confiance des investisseurs et la volatilité extrême se sont traduites, à l’échelle mondiale, par une aversion pour les risques de tous ordres. Ainsi, les participants aux marchés se sont empressés de vendre leurs actifs pour accroître leurs liquidités. Et les teneurs de marché sont devenus réticents à faciliter les transactions. Le dysfonctionnement des marchés qui en est résulté s’est accompagné d’une grave dégradation des conditions de liquidité.

Allié à la dégradation des perspectives économiques, le mouvement de report vers les actifs liquides de grande qualité a tiré vers le bas le rendement des obligations d’État dans la plupart des économies avancées. Pour ce qui est de notre pays, la Banque du Canada a abaissé son taux directeur de 150 points de base, et le rendement des obligations du gouvernement du Canada à cinq ans a dégringolé, pour s’établir tout près de son plus bas niveau historique. Un vaste ensemble de programmes d’aide publique, d’un montant équivalent à environ 12 % de notre produit intérieur brut (PIB), a permis d’atténuer le contrecoup immédiat de la pandémie. Par ailleurs, les mesures additionnelles prises pour rétablir le fonctionnement et la liquidité des marchés financiers et pour soutenir les conditions de financement des banques ont contribué à rendre plus efficaces les politiques budgétaire et monétaire menées en les circonstances. Ces mesures sont précisées dans les deux sections suivantes.

Les mesures prises ont atténué l’ampleur de la détérioration de la liquidité de marché au Canada

  • En mars, les marchés ont connu des tensions généralisées sur la liquidité. La Banque est intervenue au moyen de mécanismes d’octroi de liquidités et de programmes d’achat d’actifs qui ont amélioré le fonctionnement des marchés et les conditions de la liquidité.

La liquidité des marchés est essentielle à l’octroi de crédit aux ménages, entreprises et administrations publiques (encadré 2). Quand les conditions de la liquidité se sont dégradées en mars, même les marchés des actifs les plus sûrs libellés en dollars canadiens – bons du Trésor canadiens et obligations du gouvernement du Canada – ont été touchés (graphique 2).

Graphique 2 : Les mesures de politique économique ont amélioré la liquidité de la dette du gouvernement du Canada

Nota : La variable d’approximation de l’incidence sur les prix mesure l’effet temporaire d’une opération sur le prix de l’obligation. Pour en savoir plus sur cette variable, voir S. Gungor et J. Yang (2017), Has Liquidity in Canadian Government Bond Markets Deteriorated?, note analytique du personnel no 2017-10, Banque du Canada.
Sources : La Caisse canadienne de dépôt de valeurs limitée et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 7 mai 2020

Les bons du Trésor canadiens et les obligations du gouvernement du Canada constituent la référence en matière de prix pour l’ensemble du marché des titres à revenu fixe. Il devient donc plus difficile d’établir les prix d’autres actifs lorsque le prix de ces valeurs de référence devient incertain. Par ailleurs, les titres émis par le gouvernement canadien forment des sûretés essentielles pour les opérations effectuées sur nombre de marchés, étant donné qu’elles permettent aux teneurs de marché de financer les positions longues et de couvrir les positions courtes de manière efficiente. De ce fait, une chute rapide de la liquidité des titres du gouvernement canadien peut compliquer la gestion des risques et renforcer la transmission des problèmes de liquidité au sein des différentes catégories d’actifs.

Un des marchés touchés est le marché des obligations provinciales, qui a enregistré une dégradation marquée de la liquidité en mars (graphique 3). Lorsque le bon fonctionnement de ce marché est compromis, les investisseurs hésitent à détenir des titres de dette des provinces, ce qui accentue la difficulté des émetteurs à se procurer des fonds.

Graphique 3 : Les mesures de politique économique soutiennent également la liquidité de la dette des provinces

Nota : Les variables d’approximation comprennent l’ensemble des obligations provinciales négociées dont l’échéance est supérieure à un an.
Sources : La Caisse canadienne de dépôt de valeurs limitée et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 7 mai 2020

Plusieurs indicateurs montrent aussi clairement que la liquidité du marché des titres à revenu fixe des sociétés canadiennes s’est gravement détériorée au mois de mars (graphique 4). Cette situation a accentué la pression sur les coûts de financement des entreprises et représenté une entrave pour les firmes désireuses de lever des fonds. L’émission d’obligations de sociétés s’est presque complètement arrêtée dans les secteurs affectés par la pandémie de COVID‑19. Les entreprises se sont donc rabattues sur les marges de crédit bancaires.

Graphique 4 : La détérioration de la liquidité du marché des obligations de sociétés s’est inversée

Nota : L’ECML est une variable d’approximation de la liquidité du marché des obligations de sociétés fondée sur le prix et la valeur de l’actif net des fonds négociés en bourse. Pour en savoir plus sur la mesure ECML, voir R. Arora et autres (2019), Using Exchange-Traded Funds to Measure Liquidity in the Canadian Corporate Bond Market, note analytique du personnel no 2019-25, Banque du Canada.
Sources : La Caisse canadienne de dépôt de valeurs limitée, Bloomberg Finance L.P. et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 4 mai 2020

La détérioration de la liquidité de marché a été également aggravée en mars par le rehaussement des marges exigées. La plus grande fréquence des appels de marge, conjuguée à la baisse de valeur des sûretés, a été à l’origine de problèmes de financement pour une partie des investisseurs qui employaient des stratégies fondées sur l’effet de levier. Par exemple, certains investisseurs institutionnels recourent à des stratégies axées sur la parité des risques dans le but de maintenir un niveau cible de volatilité dans chaque catégorie d’actifs3. Une hausse brusque et soutenue de la volatilité a obligé ces investisseurs à agir rapidement en réduisant leur levier financier et en rééquilibrant leurs portefeuilles. Les investisseurs qui utilisent l’effet de levier et les instruments dérivés en vue d’exploiter les petits écarts de rendement entre les marchés se sont heurtés à des difficultés du même ordre4. Confrontés à des appels de marge, ces divers types d’investisseurs se sont empressés de vendre des actifs pour se procurer des fonds et couvrir leurs positions, ce qui a accentué la baisse de la liquidité de marché.

La Banque du Canada est intervenue afin de soutenir la liquidité des principaux marchés de financement5. À partir de la mi-mars, elle a mis en place et élargi la portée d’un certain nombre de facilités et de programmes d’achat massif d’actifs destinés à améliorer le fonctionnement des marchés.

La taille du bilan de la Banque a pratiquement triplé entre le 4 mars et le 6 mai, passant de 119 à 392 milliards de dollars. Par son ampleur et sa rapidité, cette croissance dépasse de loin ce qu’on avait observé lors de la crise financière mondiale de 2007-2009, alors que le bilan de la Banque avait crû de 50 % entre septembre 2008 et le pic de la crise en mars 2009.

Tous ces programmes ont aidé à améliorer la liquidité et le fonctionnement d’un large éventail de marchés (graphique 2, graphique 3, graphique 4 et encadré 3). Les nouvelles émissions d’obligations de sociétés canadiennes, notamment, ont rebondi et atteint environ 17 milliards de dollars en avril, l’un des volumes d’émissions les plus importants depuis 2010.

Du fait de leurs interactions, les différentes facilités ont, selon toute vraisemblance, amplifié l’effet positif sur la confiance et le fonctionnement des marchés. Certains programmes ont été moins utilisés en avril, et cette baisse constitue un autre signe précoce d’une amélioration des conditions de financement. La Banque peut modifier la taille de ses programmes selon l’évolution des conditions sur les marchés.

La Banque poursuit la mise en œuvre de ses mesures afin :

  • d’alimenter les flux de crédit destinés à l’économie réelle;
  • de renforcer la transmission de la politique monétaire pour que les bas taux directeurs puissent être répercutés sur le coût des emprunts.

L’importance de l’accès au crédit pour gérer les tensions économiques

Banques

  • Les conditions de financement des banques se sont détériorées en raison de la baisse de la liquidité de marché et des préoccupations accrues quant au rendement futur des actifs de ces institutions.
  • Les mesures prises par les autorités donnent aux banques une plus grande marge de manœuvre pour gérer ces pressions et leur permettre de continuer à accorder du crédit.

Les banques canadiennes éprouvent des difficultés de financement à un moment où les ménages et les entreprises doivent avoir accès au crédit pour survivre à la pandémie. Les banques ont amorcé cette période de tensions disposant d’un niveau élevé de fonds propres et de liquidité. Cela dit, les coûts de financement de gros ont augmenté rapidement en mars (graphique 5), en raison de la baisse de la liquidité de marché (voir la section précédente) et des préoccupations accrues concernant la qualité des actifs des banques. Ces préoccupations témoignent de la possibilité de nouvelles pertes sur prêt et de la plus grande exposition des banques résultant de l’utilisation des marges de crédit et des reports de remboursement de prêts.

Graphique 5 : Les tensions ont diminué sur les marchés du financement bancaire depuis la brusque hausse enregistrée en mars

Nota : L’écart de taux relatifs au financement des banques est la différence entre le taux des billets de dépôt à 5 ans des grandes banques et le taux des obligations du gouvernement du Canada à 5 ans. L’écart de taux hypothécaires est la différence entre le taux hypothécaire fixe à 5 ans et le taux des billets de dépôt à 5 ans des grandes banques.
Sources : base de données Sapphire de BMO et Banque du CanadaDernière observation : 5 mai 2020

Les mesures prises par les autorités donnent aux banques une plus grande marge de manœuvre pour gérer leurs difficultés de financement. Parmi ces mesures, notons les opérations de prise en pension à plus d’un jour et le mécanisme permanent d’octroi de liquidités à plus d’un jour de la Banque du Canada. Ces programmes constituent une source de financement complémentaire en période de tensions sur les marchés, en plus de fournir une certaine souplesse quant à l’échéance des prêts et aux garanties exigées.

Les opérations de prise en pension à plus d’un jour sont le mécanisme auquel les banques recourent le plus. Au 29 avril, la valeur de ces opérations s’élevait à 182 milliards de dollars. Le nouveau mécanisme permanent d’octroi de liquidités à plus d’un jour est, pour sa part, un important ajout apporté récemment aux outils dont dispose la Banque du Canada, car il est offert à un plus grand éventail de prêteurs que le mécanisme de prise en pension à plus d’un jour. La Banque n’accorde des prêts au moyen de ce mécanisme que lorsqu’elle n’a aucune crainte au sujet de la solidité de l’emprunteur. Treize institutions financières, y compris de grandes et petites banques, s’en sont prévalues pour obtenir un total de 10,7 milliards de dollars, et plus de 90 % de ce montant a déjà été remboursé.

De plus, grâce au Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés, administré par la Société canadienne d’hypothèques et de logement, le gouvernement du Canada est disposé à fournir un financement à plus d’un jour en achetant jusqu’à 150 milliards de dollars de blocs de prêts hypothécaires assurés.

Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a mis en place des mesures d’assouplissement réglementaire pour les prêteurs, lesquelles ont renforcé l’efficacité de ces programmes. Les réformes qui ont suivi la crise financière mondiale de 2007-2009 ont donné lieu à des réserves de fonds propres et de liquidités plus importantes et de meilleure qualité. Le BSIF encourage maintenant les banques à se servir d’une partie de ces réserves pour offrir du crédit dans l’économie pendant cette période de tensions6. Il a fait passer la réserve pour stabilité intérieure de 2,25 à 1 % de l’ensemble des actifs pondérés en fonction des risques des banques et a rappelé à ces institutions que le ratio de liquidité à court terme peut descendre sous 100 % en période de tensions financières7, 8. Le BSIF a aussi modifié temporairement le calcul du ratio d’endettement de façon à en exclure les soldes de règlement détenus à la Banque du Canada et certains titres souverains. Les banques peuvent ainsi recourir aux programmes de soutien à la liquidité et exercer des activités de tenue de marché à l’égard des titres du gouvernement du Canada sans restreindre l’octroi de prêts. De plus, le BSIF a temporairement augmenté la limite des obligations sécurisées pour permettre aux émetteurs de donner davantage de ces instruments en garantie à la Banque du Canada.

Les mécanismes que la Banque du Canada a mis en place et les mesures prises par les gouvernements ont contribué à améliorer les conditions de liquidité du marché dans leur ensemble et à annuler une partie de la hausse des coûts de financement des banques depuis le mois de mars. D’un côté, les ménages et les entreprises qui ont des prêts à taux variables, notamment des marges de crédit hypothécaire, ont pu tirer parti de la baisse des taux directeurs. D’un autre côté, les taux d’intérêt sur les prêts à taux fixe à long terme sont restés relativement stables, car les écarts de taux relatifs au financement des banques et les écarts de taux d’intérêt hypothécaires sont plus élevés qu’avant la COVID‑19 (graphique 5).

Les banques ont augmenté l’octroi de prêts à leurs clients. En mars, les prêts garantis par des biens immobiliers accordés aux ménages ont affiché leur plus forte croissance depuis la mi-2017. Toutefois, cette situation est principalement attribuable à la vigueur des marchés du logement constatée avant la pandémie. Les prêts non hypothécaires octroyés aux entreprises par les banques ont connu une hausse d’environ 8 % en mars par rapport à février (données non annualisées), en raison surtout de l’utilisation des marges de crédit.

Les marges de crédit inutilisées dont disposent les entreprises (environ 900 milliards de dollars) et les ménages (environ 800 milliards de dollars) auprès des grandes banques constituent l’une des plus importantes sources potentielles de demande de crédit à court terme. En mars et au début d’avril, les entreprises ont utilisé environ 15 % de leurs marges de crédit. Dans le secteur de l’énergie, le taux d’utilisation a augmenté pour atteindre près de 40 %. Ce taux est particulièrement élevé dans le cas de beaucoup de petits producteurs de pétrole. Depuis, le taux d’utilisation des entreprises a considérablement baissé, certaines d’entre elles remboursant même leurs prêts à mesure qu’augmente leur confiance dans l’accès aux marchés du papier commercial et des obligations. Jusqu’à présent, l’utilisation des marges de crédit accordées aux ménages est demeurée stable.

Selon une enquête récente, près de 30 % des entreprises ont demandé aux institutions financières de leur accorder des prêts supplémentaires au premier trimestre. Les petites et moyennes entreprises (PME) ont cependant fait état d’un taux de rejet plus élevé que celui qu’elles enregistrent normalement, signe de certaines tensions9. Le gouvernement a instauré de nouveaux programmes pour aider les PME à pallier leurs problèmes de financement, dont le Programme de crédit aux entreprises. Celui-ci permet à la Banque de développement du Canada (BDC) et à Exportation et développement Canada (EDC) de collaborer avec les prêteurs du secteur privé pour maintenir les flux de crédit10. De plus, le nombre de prêts accordés par la BDC a bondi en avril pour atteindre un niveau quatre fois supérieur à la moyenne mensuelle habituelle.

Les petits et moyens prêteurs jouent un rôle important dans l’octroi de crédit aux ménages et aux entreprises. Parmi leurs différents modèles d’entreprise figurent les coopératives de crédit, les prêteurs hypothécaires monogammes, les moyens prêteurs plus diversifiés et les filiales de grands groupes financiers. Ces prêteurs augmentent la concurrence et certains occupent des créneaux importants, notamment en fournissant des services aux nouveaux Canadiens et aux travailleurs autonomes.

Dans le contexte de la COVID‑19, les petits et moyens prêteurs sont confrontés à des risques considérablement différents. Par exemple, ils se distinguent par leurs modèles de financement; notamment, certaines petites banques ont recours aux dépôts intermédiés par les courtiers, qui sont ordinairement moins stables que les dépôts des particuliers11. Certains peuvent aussi être davantage exposés aux secteurs durement touchés, tels que ceux de l’immobilier commercial et de l’énergie. De nombreux petits prêteurs gèrent ces risques grâce à des niveaux de fonds propres plus élevés. Comme les grandes banques, la plupart peuvent aussi accéder aux facilités de trésorerie de la Banque, y compris le nouveau mécanisme permanent d’octroi de liquidités à plus d’un jour.

Financement non bancaire

  • Une grande partie des entreprises qui se refinancent sur les marchés obligataires devront probablement assumer des coûts plus élevés. La possibilité d’abaissement des cotes de crédit de certaines entreprises accentue le risque de refinancement.

Le financement non bancaire offre une option intéressante en plus des emprunts auprès des banques traditionnelles. Comme dans beaucoup d’autres pays, le secteur des sociétés non financières au Canada dépend grandement des prêteurs non bancaires. De fait, l’encours des obligations émises par les sociétés non financières canadiennes est passé de 205 milliards de dollars en 2008 à 467 milliards de dollars en 2019, cette augmentation étant manifeste dans tous les secteurs.

Les besoins de refinancement pour les six prochains mois correspondent aux niveaux récents, et s’élèvent à environ 11 milliards de dollars. À peu près 70 % des titres devant être refinancés sont notés BBB (soit BBB+, BBB ou BBB-). Or le coût du refinancement au moyen d’obligations notées BBB a augmenté, car les écarts de crédit demeurent bien au-dessus de leurs niveaux d’avant la pandémie (graphique 6).

Graphique 6 : Les écarts de taux sur les obligations de sociétés canadiennes se sont élargis pour ensuite se refermer partiellement

Nota : Les séries de données correspondent aux indices obligataires Intercontinental Exchange Bank of America Merrill Lynch.
Sources : Bloomberg Finance L.P. et Intercontinental Exchange Bank of America Merrill LynchDernière observation : 7 mai 2020

La possibilité d’abaissement des cotes de crédit accentue le risque de refinancement. Les obligations notées BBB représentent environ 73 % de l’encours d’obligations de qualité, qui s’établit à 283 milliards de dollars (graphique 7). Si toutes les obligations notées BBB ayant des écarts identiques à ceux des obligations notées BB+ venaient à être déclassées, la valeur des obligations à rendement élevé doublerait et atteindrait plus de 160 milliards de dollars.

Les entreprises du secteur de l’énergie sont celles qui ont les plus grands besoins de refinancement au cours des six prochains mois (6 milliards de dollars) et qui risquent le plus d’être déclassées (graphique 8). La capacité de ce secteur à se refinancer sera particulièrement mise à l’épreuve, compte tenu des bas prix du pétrole. Les nouveaux programmes de crédit en train d’être mis au point par la BDC et EDC aideront à atténuer le risque de refinancement dans ce secteur12.

Graphique 7 : Les trois quarts des obligations de qualité de sociétés non financières ont maintenant une cote de BBB+, de BBB ou de BBB-

Sources : Bloomberg Finance L.P., Intercontinental Exchange Bank of America Merrill Lynch et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : avril 2020

Graphique 8 : Les obligations de sociétés du secteur de l’énergie pourraient devenir prédominantes dans l’encours des obligations à rendement élevé

Sources : Bloomberg Finance L.P., Intercontinental Exchange Bank of America Merrill Lynch et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 7 mai 2020


Un abaissement des cotes de crédit pourrait mettre encore plus de pression sur la trésorerie des sociétés, par l’intermédiaire de plusieurs canaux :

  • Les coûts de financement pourraient encore augmenter.
  • Les clauses restrictives des contrats d’emprunt pourraient limiter la capacité des sociétés à effectuer des ajustements financiers et opérationnels.
  • Les appels de marge pourraient faire augmenter la demande de liquidité.

Comme il a été mentionné dans la Revue du système financier de 2019, une détérioration de la solvabilité de certaines entreprises canadiennes s’est traduite par un recours accru au financement par emprunt sur des marchés plus fragiles, dont le marché américain des prêts à effet de levier. Dans la foulée du choc de la COVID‑19, les entreprises plus risquées ont du mal à accéder à ces marchés, en raison notamment du revirement de la confiance des investisseurs.

Les prêteurs non traditionnels, tels que les sociétés de placement hypothécaire et les prêteurs privés, ont joué un rôle modeste mais croissant dans l’octroi de crédit aux ménages et aux PME ces dernières années. À l’échelle nationale, les sociétés de placement hypothécaire sont responsables d’environ 1,5 % des prêts hypothécaires résidentiels. Les prêteurs privés occupent quant à eux une place importante sur certains grands marchés. Dans le Grand Toronto, ils sont à l’origine d’à peu près 7 % des nouveaux prêts hypothécaires résidentiels. Dernièrement, certains prêteurs non traditionnels ont suspendu les encaissements des investisseurs pour éviter de possibles pressions sur la liquidité. D’autres petits prêteurs indépendants, habituellement actifs dans le financement des PME, ont fait état de conditions de marché difficiles qui, si elles persistaient, pourraient compromettre l’avenir de leur entreprise. Les ménages et les PME qui font affaire avec certains de ces prêteurs pourraient désormais avoir plus de mal à obtenir du crédit et disposer de solutions de rechange limitées s’ils n’ont pas accès aux prêteurs traditionnels.

Les ménages et les entreprises font face à une baisse de revenus

Ménages et marchés du logement

  • La pandémie a durement touché le revenu d’emploi des ménages, et de nombreux Canadiens – surtout ceux qui sont déjà très endettés – connaissent des difficultés financières. Les mesures flexibles de remplacement du revenu sont donc cruciales pour atténuer les répercussions sur la situation des ménages.

La COVID‑19 a causé une forte baisse du revenu d’emploi des ménages. Une grande partie de la population active est désormais au chômage ou considérablement sous-utilisée (graphique 9), ce qui restera le cas pour une période indéterminée. En avril 2020, le taux de chômage était plus élevé et les heures de travail par employé étaient nettement plus faibles que pendant la crise financière mondiale de 2007-2009.

La précarité des revenus et l’éloignement physique ont provoqué un net ralentissement de l’activité sur les marchés de l’habitation. En effet, tant les ventes que les inscriptions ont diminué de façon marquée13. Or la liquidité réduite sur ces marchés, qui complique la vente des logements, pourrait accroître la pression sur la situation financière des ménages. La plupart anticipent désormais une baisse du prix des logements dans les six à douze prochains mois14.

Graphique 9 : Il y a eu une chute marquée du revenu d’emploi des ménages

Graphique 9 : Il y a eu une chute marquée du revenu d’emploi des ménages

Données mensuelles

Nota : Le taux de sous-utilisation de la main-d’œuvre correspond à la somme des deux autres catégories.
Sources : Statistique Canada et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : avril 2020

Les ménages touchés auront du mal à gérer la diminution de leur revenu. L’adaptation sera particulièrement difficile pour ceux qui sont fortement endettés et qui doivent consacrer une grande partie de leur revenu mensuel à des paiements périodiques (encadré 4). En outre, bon nombre de ménages n’ont que peu d’actifs liquides : environ 20 % des emprunteurs hypothécaires n’en ont pas assez pour couvrir deux versements hypothécaires mensuels (graphique 10)15.

Graphique 10 : Bon nombre d’emprunteurs ne peuvent couvrir que quelques mois de versements hypothécaires avec leurs actifs liquides

Sources : Enquête sur la sécurité financière de 2016 de Statistique Canada et calculs de la Banque du Canada

Les mesures flexibles mises en place atténuent l’impact économique de la pandémie. L’un des points forts des programmes de remplacement du revenu annoncés récemment par le gouvernement fédéral est qu’ils peuvent être ajustés selon l’ampleur et la durée des répercussions économiques.

Ainsi, la Prestation canadienne d’urgence fournit 2 000 $ par mois aux personnes qui se retrouvent sans revenu en raison de la COVID‑19. Autre exemple : la Subvention salariale d’urgence du Canada couvre jusqu’à 75 % de la masse salariale des entreprises admissibles qui gardent leurs employés en poste, pour un montant hebdomadaire pouvant atteindre 847 $ par employé16. Ces mesures peuvent couvrir une bonne partie des dépenses essentielles de beaucoup de ménages (tableau 1).

Tableau 1 : Dépenses mensuelles totales des ménages

  Propriétaires ayant un prêt hypothécaire Locataires
Tranches de revenus Inférieure Intermédiaire Supérieure Inférieure Intermédiaire Supérieure
Logement ($) 1 492 1 661 2 218 835 1 160 1 334
Alimentation ($) 485 637 913 355 617 869
Internet et téléphone cellulaire ($) 129 157 197 80 161 218
Dépenses essentielles totales ($) 2 228 2 570 3 463 1 317 1 999 2 418
Proportion des ménages comptant une seule personne (%) 48 16 3 66 25 8

Nota : Les ménages canadiens, toutes provinces confondues, sont répartis selon trois tranches de revenus de même proportion. Les chiffres correspondent à la médiane de chacune pour les sous-groupes présentés. Les dépenses essentielles totales ne sont pas égales à la somme des dépenses, car la médiane de la somme n’est pas la même que la somme des médianes.
Sources : Enquête sur les dépenses des ménages (Statistique Canada, 2017) et calculs de la Banque du Canada

Beaucoup de ménages auront aussi recours aux reports de remboursement de prêts et au crédit pour pallier la baisse de leur revenu. À cet égard, les banques canadiennes ont autorisé plus de 700 000 ménages à reporter leurs versements hypothécaires de six mois. Elles ont par ailleurs assoupli les conditions de remboursement des cartes et des marges de crédit. Ces mesures permettent à bien des ménages de réduire leurs paiements de dette, mais seulement pendant ces six mois de grâce, après quoi ces paiements augmenteront. La proportion de ménages qui consacrent plus de 40 % de leur revenu au service de leur dette – un indicateur de vulnérabilité – affichera vraisemblablement une hausse surtout alimentée par les ménages dont le revenu ne regagnera pas le niveau d’avant la crise.

Malgré les reports de remboursement et le recours accru au crédit, certains ménages n’arriveront probablement pas à faire leurs paiements à temps. En général, les retards touchent d’abord les cartes de crédit, puis les prêts automobiles et, enfin, les prêts hypothécaires. La situation en Alberta et en Saskatchewan, où la proportion de ménages en retard sur leurs paiements était déjà en hausse, est particulièrement inquiétante17.

Par rapport aux propriétaires, les locataires sont généralement moins endettés, mais plus susceptibles de travailler dans les secteurs durement frappés par la COVID‑19. Ceux qui ont du mal à payer leur loyer pourraient causer des difficultés financières aux propriétaires, dont bon nombre sont des ménages détenant des prêts hypothécaires.

Plus le choc de revenu durera, plus les cas d’insolvabilité de consommateurs risquent d’augmenter. Vu leur flexibilité, les mesures de soutien des autorités pourront être adaptées selon l’évolution de la situation (encadré 5).

Entreprises

  • La forte chute des revenus causée par la COVID‑19 exerce d’énormes pressions sur de nombreuses entreprises canadiennes, surtout celles qui sont fortement endettées et qui disposent de peu d’actifs liquides. Les programmes du gouvernement contribuent à compenser les pertes de revenus des entreprises.

Dans une enquête récente, environ le tiers des entreprises canadiennes participantes ont signalé que leurs revenus au premier trimestre de 2020 étaient d’au moins 40 % inférieurs à ceux de l’an dernier18. Le cinquième ont déclaré des baisses de revenus de 20 à 40 %. Les petites et moyennes entreprises (PME) – où travaille la grande majorité des employés du secteur privé – souffrent particulièrement. Une analyse par secteur d’activité révèle que les plus touchés sont l’hébergement et la restauration. Le secteur des arts, spectacles et loisirs et le commerce de détail suivent de près.

En raison de la forte chute des revenus causée par la COVID‑19, de nombreuses entreprises ont du mal à payer leurs coûts fixes, qui comprennent les remboursements de dette. Le problème est exacerbé pour celles qui sont fortement endettées (encadré 4). Des difficultés se posent également pour les entreprises énergétiques, qui font face à une baisse mondiale des prix du pétrole alors que beaucoup s’ajustaient encore à la faiblesse extrême persistante des prix à la suite du choc de 2014-2016.

Les entreprises disposant de fortes liquidités sont mieux en mesure que les autres d’effectuer des paiements après une baisse de revenus. Comparées à l’entreprise moyenne, celles de secteurs parmi les plus touchés par la crise de la COVID‑19 – lesquelles génèrent environ le tiers des revenus des sociétés canadiennes – disposent de relativement peu de liquidités par rapport à leurs engagements financiers à court terme (graphique 11), les secteurs liés aux produits de base affichant des ratios parmi les plus bas.

Graphique 11 : Certains secteurs touchés par la COVID-19 ont des réserves de liquidités limitées

Graphique 11 : Certains secteurs touchés par la COVID-19 ont des réserves de liquidités limitées

Ratio des espèces au passif à court terme

Sources : Statistiques financières trimestrielles des entreprises de Statistique Canada et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 2019T4

Le manque de rentrées de fonds a déjà incité certaines entreprises à vendre des actifs. Selon la même enquête, quelque 8 % ont liquidé au moins 10 % de leurs actifs au premier trimestre en réaction à la COVID‑1918. Les petites entreprises de moins de 100 employés étaient les plus susceptibles d’agir de la sorte.

La capacité des entreprises à honorer leurs paiements pendant la période de fermeture liée à la COVID‑19 puis durant la reprise ne dépend pas seulement de leurs réserves de liquidités. Elle est aussi fonction des facteurs suivants : l’ampleur de leur baisse de revenus, la durée de ce manque à gagner, leur capacité à réduire les dépenses, leur accès au crédit et au financement par actions, et le degré auquel les programmes publics peuvent compenser les pertes.

Les mesures publiques aident les entreprises à gérer leurs besoins de liquidités et à se préparer pour la reprise. Ainsi, la Subvention salariale d’urgence du Canada et l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial leur permettent de continuer à payer employés et loyers malgré la fonte de leurs revenus. Les entreprises devront compléter ces aides directes par des emprunts pour combler le manque de liquidités. D’autres mesures comme le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes et le Programme de crédit aux entreprises facilitent l’accès au crédit commercial19.

Ensemble, ces programmes répondent en bonne partie aux besoins de trésorerie des entreprises canadiennes. Prenons par exemple une baisse de revenus de 60 % qui frapperait tous les secteurs et durerait trois mois. Dans ce scénario, si les entreprises réduisaient de 20 à 30 % leurs charges opérationnelles, leurs besoins de liquidités supplémentaires pour honorer leurs engagements pendant la période de trois mois pourraient avoisiner 180 milliards de dollars. Les programmes publics suffiraient alors à couvrir plus de la moitié de ces besoins (graphique 12). Cependant, ces calculs sont fondés sur des moyennes sectorielles et sous-estiment donc probablement le total du manque de liquidités.

Graphique 12 : Les mesures de politique économique aideront à pallier les manques de liquidités

Nota : On suppose une diminution des dépenses de 20 à 30 %, selon la proportion des coûts fixes dans le secteur.
Sources : Statistiques financières trimestrielles des entreprises de Statistique Canada et calculs de la Banque du Canada

Ce qui était au départ un problème de trésorerie pourrait devenir un problème de solvabilité pour certaines entreprises. La probabilité d’insolvabilité augmente avec la durée de la contraction des revenus. Des préoccupations persistantes liées à la COVID‑19 pourraient plomber la demande dans certains secteurs d’activité et réduire leur potentiel de revenus : notamment, la demande de services de voyage pourrait reprendre très lentement. La probabilité d’insolvabilité dépend aussi de la capacité des entreprises à obtenir du crédit sur les marchés financiers et auprès des banques, et s’accroît donc avec l’intensification éventuelle des tensions dans le système financier.

Les cours boursiers sont un moyen d’évaluer les préoccupations quant à la solvabilité des sociétés non financières. Ces cours, leur volatilité et les données de bilan permettent de calculer une mesure de la distance au défaut. Cette mesure peut être interprétée comme un indicateur de la probabilité que la dette d’une entreprise dépasse la valeur de ses actifs20. De ce fait, les cours laissent penser que les marchés s’interrogent sur la capacité de certaines entreprises à résister au choc actuel (graphique 13).

Graphique 13 : Les inquiétudes des marchés concernant les défauts de paiement des entreprises ont augmenté

Nota : La distance au défaut consiste en une comparaison de la valeur des actifs à la valeur de la dette, normalisée selon la volatilité des actifs. Calculée à partir de la valeur marchande des actions et d’une structure du capital simplifiée, elle doit être considérée comme un indicateur des variations du risque de défaut, et non comme une mesure précise des défauts potentiels.
Sources : Refinitiv et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 7 mai 2020

Le système financier demeure résilient

La prospérité économique des Canadiens repose sur la résilience du système financier. Ce dernier fournit les services d’octroi de crédit et de liquidité ainsi que les services de paiement et de règlement qui sont nécessaires pour gérer les répercussions économiques de la pandémie et créer un environnement qui favorise une reprise robuste. Cette section montre que les banques, les fonds d’obligations et les infrastructures de marchés financiers sont suffisamment solides pour composer avec ces conditions difficiles, y compris les perturbations opérationnelles.

Système bancaire

  • Les banques canadiennes disposent de réserves importantes de fonds propres et de liquidités. Associées aux mesures énergiques des pouvoirs publics, ces réserves permettent aux banques de gérer les conséquences économiques de la COVID‑19. Les banques peuvent ainsi continuer à accorder des prêts aux ménages et aux entreprises.

Les perspectives pour l’activité économique au Canada sont très incertaines. Une plage de scénarios a été présentée dans la livraison d’avril 2020 du Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada. La limite supérieure de la plage correspond à un scénario dans lequel les mesures de confinement sont levées au moins en partie au mois de mai et les actions des pouvoirs publics limitent avec succès tout dommage persistant à l’économie. La limite inférieure de la plage correspond à un scénario où les mesures de confinement se prolongent jusqu’à l’été. Dans ce scénario, le niveau de l’activité économique pourrait se retrouver 30 % plus bas au deuxième trimestre qu’au début de l’année. Les dommages structurels subis par l’économie freineraient la reprise et le niveau du produit intérieur brut (PIB) serait encore bien en deçà de son taux tendanciel initial, même au bout de deux ans. Ces scénarios tiennent compte des effets des mesures annoncées jusqu’à la mi-avril et de l’incidence des reports de remboursement des prêts accordés aux ménages par les banques.

Le personnel de la Banque a analysé la résilience des six grandes banques dans le scénario le plus pessimiste21, 22. Cette analyse donne une indication de la capacité de ces banques à soutenir une reprise économique difficile. Toutefois, en raison du caractère sans précédent de la pandémie, l’incertitude entourant les résultats est exceptionnellement élevée.

Dans ce scénario, les mesures publiques conjuguées aux reports de remboursement limitent la hausse des arriérés de paiement sur les prêts hypothécaires (graphique 14, « Avec mesures »). Le taux maximal d’arriérés de paiement dans ce scénario, qui avoisine 0,8 %, est observé au deuxième semestre de 2021, lorsque la période de report des remboursements aura pris fin mais que les revenus des ménages n’auront pas tous regagné leur niveau d’avant la crise. Ce taux maximal est presque deux fois plus élevé que le sommet enregistré en 2009.

Graphique 14 : Les mesures de politique économique et les reports de remboursement limitent la hausse des arriérés de paiement sur les prêts hypothécaires dans le scénario considéré

Nota : Le scénario « avec mesures » comprend les reports de remboursement.
Source : calculs de la Banque du Canada

Les mesures de soutien sous forme de crédit aux entreprises limitent la montée des prêts improductifs causée par les déficits de liquidités dans le scénario (graphique 15, « Avec mesures »). Toutefois, le taux maximal est plus élevé que les sommets enregistrés en 2003 (4,8 %) et en 2010 (4,1 %).

Un scénario contrefactuel sans mesures des pouvoirs publics ni reports de remboursement de prêts a également été formulé. Dans un tel scénario, les ménages et les entreprises seraient encore plus affectés (graphique 14 et graphique 15, « Sans mesures »).

Graphique 15 : Les prêts improductifs aux entreprises sont aussi contenus par les mesures de politique économique

Source : calculs de la Banque du Canada

Dans le scénario « avec mesures », les prêts aux entreprises sont le principal facteur de pertes sur créances et les pertes sur le marché érodent également les fonds propres. Les pertes sur le crédit aux ménages sont moins prononcées. Les pertes liées aux prêts à la consommation, comme les prêts sur cartes de crédit, sont tout de même élevées comparativement à celles subies par les portefeuilles de prêts hypothécaires à l’habitation, qui sont assortis de protections sous forme de sûreté et, dans certains cas, d’assurance prêt hypothécaire.

L’augmentation, ces dernières années, de la réserve pour stabilité intérieure a aidé les banques à entamer cette période de pandémie avec d’importantes réserves de fonds propres. La réserve pour stabilité intérieure a été abaissée en mars, afin de permettre aux banques de continuer à consentir des prêts malgré la diminution de leur niveau de fonds propres. Dans le scénario, leur ratio de fonds propres reste supérieur au nouveau minimum réglementaire de 9 % (graphique 16).

Graphique 16 : Les réserves de fonds propres sont suffisantes pour absorber les pertes prévues dans le scénario

Source : calculs de la Banque du Canada

Au moment où s’est amorcée l’épidémie de COVID‑19, les six grandes banques avaient d’importantes réserves de fonds propres et de liquidités, un portefeuille d’actifs diversifié et la capacité de générer des revenus. Elles bénéficiaient en outre de la protection offerte par un système robuste d’assurance prêt hypothécaire. De plus, l’économie canadienne était en bonne posture avant l’apparition de la maladie. Ces forces, combinées aux mesures énergiques prises par les pouvoirs publics en réaction à la pandémie, font que les grandes banques sont bien placées pour gérer les conséquences de la crise de la COVID‑19. Sans ces mesures énergiques, les banques se porteraient beaucoup moins bien, ce qui entraînerait des effets négatifs notables sur l’offre de crédit aux ménages et aux entreprises.

Gestionnaires d’actifs

  • Les stratégies de gestion de la liquidité des gestionnaires de fonds, soutenues par les mesures prises par les pouvoirs publics, ont permis aux fonds obligataires de limiter l’accroissement des demandes de rachat de parts et de gérer ces demandes sans amplifier les répercussions négatives sur la liquidité de marché.

Les gestionnaires d’actifs jouent un rôle grandissant dans le financement des entreprises canadiennes. Ces dix dernières années, les obligations de sociétés détenues par les fonds d’investissement ont monté en flèche, en particulier parmi les fonds communs de placement à capital variable et à revenu fixe (fonds obligataires) canadiens. Ces fonds détiennent aujourd’hui 23 % de l’ensemble des obligations de sociétés.

La COVID‑19 a causé une chute de la valeur des actifs des fonds obligataires. Certains investisseurs ont réagi en se retirant de ces fonds, les demandes de rachat atteignant 14 milliards de dollars en mars, soit environ 4,5 % des actifs sous gestion (tableau 2).

Tableau 2 : Rachats de parts de fonds obligataires

  Mars 2020 Simulation du modèle
Rachats nets (milliards $) 14 31
Actifs sous gestion (milliards $) 323 323
Rachats en pourcentage du total des actifs (%) 4,5 9,5

Sources : Morningstar Direct et calculs de la Banque du Canada

Les mécanismes de soutien à la liquidité et les programmes d’achat d’actifs de la Banque du Canada ont contribué à calmer les marchés et à restreindre les demandes de rachat des investisseurs. Les gestionnaires de fonds ont également limité les rachats massifs en intensifiant leurs communications avec les investisseurs. Les demandes de rachat de parts de fonds obligataires ont en effet été nettement inférieures aux prévisions établies à partir d’une simulation du modèle, étant donné les écarts de crédit observés en mars (tableau 2)23.

De plus, les autorités de réglementation des valeurs mobilières et les gestionnaires de fonds ont pris des mesures qui ont aidé les fonds à faire face aux sorties de capitaux. Les autorités de réglementation ont notamment donné plus de flexibilité aux gestionnaires de fonds obligataires en leur permettant de contracter des emprunts pour gérer les besoins de liquidité attribuables aux demandes de rachat des investisseurs24.

Certaines observations semblent indiquer que la plupart des gestionnaires de fonds ont répondu aux demandes de rachat au moyen de leurs réserves de trésorerie et d’autres actifs liquides. Selon les données disponibles, les réserves de liquidités des fonds obligataires ont diminué, passant de 4,2 % à 3 % des actifs sous gestion au trimestre qui s’est terminé en mars.

Les efforts conjugués des gestionnaires de fonds et des pouvoirs publics ont contribué à empêcher les fonds d’amplifier les conditions de liquidité défavorables en vendant des obligations dans un marché aux prises avec de graves problèmes de liquidité25. Une nouvelle vague de rachats massifs pourrait rendre les fonds obligataires plus vulnérables, puisque ces derniers ont déjà utilisé une partie de leurs réserves de liquidités. En reconstituant rapidement ces réserves, ils pourront éviter de devoir céder des actifs moins liquides26.

L’activation récente du mécanisme conditionnel de prise en pension à plus d’un jour par la Banque pourrait fournir des liquidités aux participants aux marchés autres que ceux du secteur bancaire traditionnel, comme les gestionnaires d’actifs. Des mesures d’atténuation ont aussi été prises pour éviter que ces derniers soient forcés de vendre des actifs en raison de l’abaissement possible de cotes de crédit. Parmi ces mesures, mentionnons :

  • une plus grande souplesse des autorités de réglementation de fonds en ce qui concerne la rapidité à laquelle les gestionnaires de fonds sont tenus de se départir d’obligations déclassées;
  • le report du rééquilibrage d’indices pour empêcher les ventes forcées d’obligations déclassées par des fonds indiciels.

Infrastructures de marchés financiers

  • Les infrastructures de marchés financiers se portent bien et favorisent le fonctionnement continu des marchés de financement essentiels et des principaux systèmes de paiement. Les changements opérationnels liés à la COVID‑19, le fort volume et la grande valeur des transactions, ainsi que la volatilité élevée des marchés sont tous gérés de façon prudente.

La COVID‑19 pose des défis aux infrastructures de marchés financiers (IMF), parce qu’elle a accru le volume et la valeur des transactions, augmenté la volatilité des marchés et changé le contexte opérationnel. Les IMF sous la surveillance de la Banque arrivent toutefois à composer avec ces défis et continuent à fonctionner normalement. Depuis la crise financière mondiale de 2007-2009, les IMF ont amélioré leur capacité de gestion des risques, notamment grâce à l’adoption des Principes pour les infrastructures de marchés financiers partout dans le monde. Elles sont donc bien placées pour affronter les défis. Certaines IMF utilisent les leçons tirées de la pandémie pour améliorer encore leurs modèles de risque.

Les IMF ont déclenché leurs plans de continuité des opérations, ce qui veut dire que la plupart de leurs employés travaillent à distance et qu’il n’y a que le personnel responsable des opérations essentielles sur place. Malgré une augmentation du volume et de la valeur des transactions, la limite des capacités disponibles n’est pas atteinte.

Les IMF continuent d’évaluer l’incidence de la pandémie de COVID‑19 sur leur capacité de faire face à la défaillance d’un ou de plusieurs participants. Si les fluctuations des cours dépassent celles qui sont utilisées dans les tests de résistance standards réalisés par les IMF, les ressources financières des contreparties centrales pourraient être insuffisantes pour leur permettre de gérer la défaillance d’un membre compensateur. En outre, si la liquidité des marchés et le contexte opérationnel se détériorent, il pourrait être plus difficile que d’habitude de liquider des garanties et de remplacer des positions après une défaillance.

Les contreparties centrales ont réagi à la volatilité accrue des marchés en réunissant davantage de ressources financières. Par exemple, les marges initiales auprès de la Corporation canadienne de compensation de produits dérivés (CDCC) ont considérablement augmenté. Cela comprend une hausse discrétionnaire des marges initiales supérieure à ce qui était prescrit par le modèle standard. La CDCC dispose ainsi de plus de ressources financières préfinancées en cas de défaillance d’un membre compensateur. Un apport plus substantiel de garanties améliore la protection des IMF, mais accentue la pression sur les positions de financement et de liquidité des institutions financières membres.

En ce qui concerne les systèmes de paiement, la Banque est résolue à fournir toutes les liquidités nécessaires pour maintenir leur bon fonctionnement et elle a pris des mesures importantes pour y arriver. Elle a notamment activé et élargi ses mécanismes d’octroi de liquidités et d’acquisition d’actifs et permis le relèvement du niveau des soldes de règlement.

La Banque poursuit également sa collaboration avec les six grandes banques canadiennes et Paiements Canada en vue d’accroître la résilience des systèmes de paiement de gros au moyen d’analyses comparatives, de tests et d’échanges de renseignements. Et elle continue de faire en sorte que le secteur des paiements reste moderne, sûr et efficient, malgré le rythme des innovations qui pourrait s’accélérer en raison de la COVID‑19 (encadré 6).

Défis liés au contexte opérationnel

  • La maladie et le travail à distance pourraient perturber des services financiers essentiels et exposer davantage les institutions financières aux cybermenaces. Les membres du Groupe sur la résilience du secteur financier canadien se réunissent régulièrement pour échanger des renseignements et faciliter la prise de mesures concertées.

Les opérations liées au système financier sont vulnérables aux perturbations puisque des employés essentiels pourraient tomber malades en raison de la COVID‑19. De plus, ce ne sont pas toutes les fonctions qui peuvent être exercées efficacement à distance. Par exemple, pour des raisons de sécurité et des besoins techniques, il est possible que des employés de salles des marchés ou de services de post-marché doivent travailler sur place. Par ailleurs, des problèmes de communication et de coordination peuvent nuire à l’efficacité du travail à distance.

Le contexte opérationnel plus difficile a peut-être joué un rôle dans les bouleversements des marchés observés en mars. En effet, trouver des contreparties est vraisemblablement devenu plus compliqué, surtout sur les marchés de gré à gré où la négociation directe est cruciale. Cette situation a contribué à accroître l’incertitude entourant les cours des marchés et à attiser les tensions globales sur les marchés.

Les grandes institutions financières, les IMF, les banques centrales et les gouvernements ont des plans de continuité des opérations qui les aident à gérer cette vulnérabilité. Dans l’ensemble, ces plans permettent au secteur des services financiers de continuer à bien fonctionner dans un contexte de télétravail. Toutefois, des défis se profilent à mesure que les plans sont mis en œuvre. Par exemple, certaines entreprises n’ont pas la capacité réseau nécessaire pour instaurer le travail à distance à grande échelle et, dans certains secteurs résidentiels, la bande passante n’est peut-être pas suffisante pour offrir une telle option. En outre, il reste à préciser si ces mesures, conçues pour gérer des perturbations à court terme, offrent une solution viable sur une longue période. Les institutions financières doivent également surveiller de près les principaux fournisseurs de services pour déceler tout problème qui pourrait survenir.

La Banque du Canada est à la tête du Groupe sur la résilience du secteur financier canadien. Le mandat du Groupe est de coordonner les initiatives en matière de résilience et les interventions d’urgence en cas d’incident opérationnel systémique dans le secteur financier. Les membres du comité directeur du Groupe se rencontrent actuellement toutes les deux semaines pour discuter de l’évolution des incidences de la COVID‑19 et des nouveaux enjeux opérationnels, y compris les cybermenaces. Ils échangent notamment des renseignements sur les plans de continuité des opérations et participent aux initiatives intergouvernementales liées à la résilience opérationnelle, comme la discussion hebdomadaire sur les infrastructures essentielles que tient le Forum national intersectoriel, dirigé par Sécurité publique Canada.

Par ailleurs, le passage en mode télétravail, la pression accrue sur le personnel des technologies de l’information et l’incertitude générale pourraient faire ressortir de nouvelles faiblesses et exposer davantage les institutions financières à d’autres vulnérabilités opérationnelles. En voici des exemples :

  • La capacité qu’ont les institutions financières de réagir et de contenir un cyberincident pourrait être considérablement réduite pendant qu’elles gèrent les répercussions de la COVID‑19.
  • L’environnement de télétravail, difficile à contrôler pour le personnel de la sécurité, a modifié et amplifié l’exposition aux attaques – une vulnérabilité dont pourrait tirer parti un pirate informatique. Selon le Centre canadien pour la cybersécurité, il est presque certain que les télétravailleurs seront de plus en plus ciblés par les services de renseignements étrangers et les cybercriminels.
  • La surveillance du commerce extérieur, qui est nécessaire à des fins de sécurité et de conformité, est devenue beaucoup plus complexe en raison de l’évolution du profil des échanges commerciaux.
  • On observe un plus grand nombre d’attaques d’hameçonnage et d’attaques au moyen de maliciels visant à tirer avantage de l’augmentation du travail à distance et de l’appétit du public pour l’information sur la COVID‑19. Les cybercriminels profitent aussi de l’intérêt que suscitent les nouveaux programmes de soutien gouvernementaux pour attirer les usagers sur des sites Web malveillants.

Encadrés

Encadré 1 : La collaboration avec les Responsables des organismes de réglementation

Le groupe Responsables des organismes de réglementation est une importante instance de concertation fédérale-provinciale que la Banque du Canada préside et qui traite de questions touchant le secteur financier. En font partie le ministère des Finances du Canada, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSFI) ainsi que l’Autorité des marchés financiers du Québec et les commissions des valeurs mobilières de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de l’Alberta.

À la fin de 2019, ce groupe a créé un comité de surveillance du risque systémique afin de mieux surveiller et évaluer ce risque. Ce nouveau comité enrichit ses travaux des points de vue de la Société canadienne d’hypothèques et de logement, de la Société d’assurance-dépôts du Canada, de la BC Financial Services Authority et de l’Autorité ontarienne de réglementation des services financiers. L’évaluation du système financier qu’expose la Banque du Canada dans la Revue du système financier bénéficie de l’apport de ce comité.

Dans la dernière année, les Responsables des organismes de réglementation se sont aussi penchés sur des questions importantes intéressant le système financier, y compris les dossiers suivants :

  • changements climatiques : les recommandations formulées par le Groupe d’experts sur la finance durable et les initiatives stratégiques des organismes de réglementation concernant les changements climatiques27;
  • déséquilibres sur le marché du logement : l’incidence du test de résistance appliqué aux prêts hypothécaires et les réactions des sociétés spécialisées dans le financement hypothécaire ou le placement hypothécaire;
  • réforme des taux d’intérêt de référence : les améliorations apportées au taux d’intérêt à un jour sans risque utilisé au Canada et les projets des autorités de réglementation provinciales visant l’encadrement des taux de référence;
  • cryptoactifs : les nouveaux projets de cryptomonnaie stable ainsi que la réglementation de divers cryptoactifs étudiés par le groupe de travail sur les cryptoactifs que les Responsables ont constitué;
  • cyberrésilience : les plans de prévoyance en la matière mis au point par le Groupe sur la résilience du secteur financier canadien nouvellement créé.

Encadré 2 : La liquidité des marchés joue un rôle important dans l’accès au crédit

Un marché est considéré comme liquide lorsque les vendeurs et les acheteurs peuvent négocier de grandes quantités de titres à court préavis et en fonction de prix prévisibles. Quand les marchés subissent des tensions, comme lors de la ruée vers les liquidités provoquée par la COVID‑19, en mars, les transactions deviennent plus difficiles. Cela a même été le cas sur le marché des obligations du gouvernement du Canada, qui sont pourtant les titres libellés en dollars canadiens les plus sûrs.

Un grand nombre de marchés financiers dépendent des services des teneurs de marché, qui établissent les prix et se tiennent prêts à acheter et vendre des titres. En contexte de turbulence, ces services peuvent s’avérer trop risqués et coûteux, et ce pour deux raisons. D’une part, les teneurs de marché ont besoin de crédit – qu’on appelle parfois liquidité de financement – pour financer leur stock de titres. En période de perturbation des marchés, le durcissement des conditions du crédit limite alors leur capacité à faciliter la négociation. D’autre part, les teneurs de marché sont moins enclins à détenir des titres dans un climat d’incertitude élevée où les prix deviennent volatils.

La faible liquidité de marché et les conditions de crédit restrictives sont deux facteurs qui peuvent se renforcer mutuellement et créer une spirale négative, accentuant ainsi la difficulté des teneurs de marché à fournir des liquidités28. Par ailleurs, cette situation entrave l’émission de nouveaux titres d’emprunt par les entreprises et les administrations publiques parce que les banques, les gestionnaires d’actifs et les autres prêteurs misent sur des marchés financiers liquides pour gérer les risques.

Encadré 3 : Les effets des nouveaux mécanismes d’octroi de liquidités de la Banque du Canada

Les mécanismes d’octroi de liquidités de la Banque du Canada ont contribué à améliorer le fonctionnement des marchés et les conditions de liquidité de bon nombre d’entre eux.

La facilité d’achat des acceptations bancaires (FAAB) a eu une incidence notable sur le marché des acceptations bancaires. Ce marché constitue une importante source de financement à court terme que les banques utilisent pour soutenir l’offre de crédit aux petites et moyennes entreprises29. En mars, les écarts de rendement entre les acceptations bancaires et les swaps indexés sur le taux à un jour se sont considérablement élargis et ont atteint des niveaux record depuis la crise financière mondiale de 2007-2009. Cette situation s’expliquait par l’incertitude accrue concernant la gravité des problèmes de trésorerie des entreprises. Au plus fort de son utilisation au début d’avril, la FAAB avait permis d’acquérir près de 40 milliards de dollars en acceptations bancaires. Les écarts par rapport au rendement des swaps à un mois et trois mois indexés sur le taux à un jour se sont rétrécis de 100 points de base en moyenne, alors qu’ils étaient de quelque 120 points de base au sommet des tensions (graphique 3-A). Si le resserrement des écarts n’est pas l’objectif visé par les mécanismes d’octroi de liquidités, il est néanmoins le signe que les marchés fonctionnent mieux.

Graphique 3-A : Les écarts entre les taux des acceptations bancaires et des swaps indexés sur le taux à un jour sont revenus à la normale

Sources : Bloomberg Finance L.P., Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 7 mai 2020

La plupart des acceptations bancaires achetées dans le cadre de la FAAB sont déjà arrivées à échéance. Le taux d’utilisation de la FAAB a baissé depuis la première transaction (graphique 3-B). En effet, seulement 20 % des volumes de liquidités proposés par la Banque ont été utilisés par les participants aux marchés depuis le 6 avril. Cela semble bien indiquer que les entreprises ont moins besoin de cet apport exceptionnel en liquidités.

Graphique 3-B : La baisse d’utilisation de la facilité d’achat d’acceptations bancaires laisse entrevoir un meilleur fonctionnement des marchés

Source : Banque du CanadaDernière observation : 4 mai 2020

Le Programme d’achat de titres provinciaux sur les marchés monétaires (PAPM) et le Programme d'achat de papier commercial ont aussi contribué à atténuer les pressions, respectivement sur le marché des bons du Trésor provinciaux et le marché du papier commercial. Depuis la création du PAPM, le 24 mars, les émissions ont pu reprendre sur le marché primaire, et les écarts sur les bons du Trésor à trois mois en Ontario et au Québec ont diminué d’environ 75 points de base par rapport au sommet atteint en mars (graphique 3-C).

Graphique 3-C : Les écarts de taux des bons du Trésor provinciaux se sont resserrés après les achats effectués par la Banque

Sources : Bloomberg Finance L.P. et calculs de la Banque du CanadaDernière observation : 7 mai 2020

Encadré 4 : L’endettement au Canada

L’endettement au pays a augmenté au cours des 20 dernières années (tableau 4-A). Le ratio de la dette des ménages au produit intérieur brut (PIB) est parmi les plus élevés des économies avancées30. La dette du secteur non financier est nettement au-dessus de la moyenne historique nationale, comme dans de nombreuses autres économies avancées31. La dette publique poursuit sa hausse entamée avant la crise financière mondiale de 2007-2009, mais elle demeure bien inférieure à la moyenne des économies avancées32.

Tableau 4-A : Ratio de la dette du secteur non financier au PIB

Date Ménages Sociétés non financières Administrations publiques
2000T1 0,58 0,52 0,81
2007T3 0,76 0,47 0,59
2019T4 1,00 0,68 0,83

Nota : La dette est calculée notamment à partir de données des Comptes du bilan national de Statistique Canada sur les titres de dette et les prêts. Les prêts, les avances et les titres de dette émis entre sociétés affiliées sont exclus. Les institutions sans but lucratif sont comprises dans les ménages. Les administrations publiques englobent les administrations fédérale, provinciales, territoriales, municipales et autochtones.
Source : Statistique Canada

Il faut également s’intéresser à la distribution de la dette pour comprendre comment la baisse de revenus se répercutera sur le système financier et l’économie. Le pourcentage des nouveaux prêts hypothécaires résidentiels dont le ratio de prêt au revenu est supérieur à 450 % a reculé ces dernières années, mais grimpé à près de 16 % en 2019. De plus, malgré une légère amélioration depuis un an, on constate parmi les entreprises un volume élevé de « dette à risque » – c’est-à-dire une dette détenue par des entreprises ayant peu d’actifs liquides et une faible capacité à assurer le service de leur dette33. La dette à risque se trouve surtout chez les entreprises des secteurs liés aux produits de base.

Encadré 5 : La COVID‑19 vue à travers le prisme d’événements historiques

Une très grande incertitude demeure quant à la tournure que prendra la pandémie et à ses conséquences potentielles sur l’économie. Une possibilité serait qu’elle connaisse une évolution comparable à celle observée à la suite de catastrophes naturelles. Les feux de forêt, les ouragans ou les tremblements de terre peuvent en effet entraîner une paralysie de l’activité semblable à celle qu’a provoquée la COVID-19. Les catastrophes naturelles sont généralement suivies d’un rebond rapide, bien que certaines séquelles puissent perdurer. À titre d’exemple, les incidents de paiement sur les prêts hypothécaires ont fortement augmenté dans la foulée des feux de forêt à Fort McMurray, en Alberta34. Le gros de cette hausse a été vite résorbé grâce aux aides publiques en soutien des sinistrés et aux indemnités d’assurance, mais le niveau des prêts hypothécaires en souffrance est resté durablement élevé35.

Il existe cependant des différences importantes entre l’épidémie actuelle et les catastrophes naturelles. Par exemple, ces dernières sont en général circonscrites dans l’espace et dans le temps, alors que la COVID‑19 se distingue par sa portée internationale et son impact très persistant.

La pandémie coïncide avec une période de haut niveau d’endettement des ménages et des entreprises36. C’est ce qui fait craindre que les ménages et les entreprises se montrent très peu portés à la dépense quand les mesures de confinement seront assouplies, dans un contexte de pertes de revenu et d’incertitude tenace quant au moment où la propagation du virus aura bel et bien été maîtrisée37. Pendant la Grande Dépression, la faiblesse des dépenses n’avait pas été prise en charge et avait entraîné une sous-utilisation importante et persistante des capacités de production, des attentes de diminution des prix et un cercle vicieux entre dette et déflation. En effet, la déflation a eu pour effet d’alourdir le fardeau de la dette réelle, ce qui a encore plus pesé sur l’activité économique et les attentes en matière de prix. En outre, la chute des prix et l’accroissement des défaillances ont fait baisser la valeur des actifs inscrits aux bilans des banques, ce qui a occasionné des faillites bancaires et un durcissement des conditions de crédit. L’assèchement du crédit qui s’est ensuivi n’a fait que provoquer une baisse encore plus importante de l’investissement et de la consommation38.

Ayant appris des erreurs commises lors de la Grande Dépression, les responsables des politiques monétaires, budgétaires et macroprudentielles prennent depuis plusieurs semaines des mesures énergiques pour soutenir l’activité tout en gardant l’économie à l’abri des pressions déflationnistes. Par exemple, la Banque du Canada a abaissé ses taux d’intérêt et fait grand usage de ses mécanismes de soutien à la liquidité et de ses programmes d’achat d’actifs afin d‘appuyer les marchés de financement essentiels (encadré 3). Le gouvernement du Canada a adopté un important train de mesures budgétaires pour atténuer les pertes de revenu des ménages et des entreprises et pour préserver les emplois en vue d’une reprise plus robuste. Par ailleurs, les mesures d’assouplissement réglementaire, comme la réduction de la réserve pour stabilité intérieure, donnent aux institutions financières une plus grande marge de manœuvre pour continuer d’accorder des prêts. Enfin, il est possible d’étendre ces mesures en fonction de l’impact de la pandémie sur l’économie. Voilà qui tranche avec ce qui s’est passé, ou plutôt, ce qui ne s’est pas passé, pendant la Grande Récession. On dit souvent que l’absence de tentatives pour éviter la contraction de la masse monétaire et le manque initial de mesures de relance budgétaire ont exacerbé le choc et fait plonger le monde dans une décennie de récession39, 40.

Encadré 6 : Les efforts pour favoriser des systèmes de paiement modernes, sûrs et efficaces se poursuivent

Le rythme des évolutions dans le secteur des paiements continue de s’intensifier, les technologies et modèles d’affaires inédits créant de nouvelles possibilités et de nouveaux risques. Parmi ces changements, on remarque une baisse générale de l’utilisation de l’argent comptant ainsi qu’une hausse des nouveaux modes de paiement numériques provenant autant de l’intérieur que de l’extérieur du système financier traditionnel.

Un cadre réglementaire et stratégique solide est nécessaire pour gérer ces évolutions. Les organismes de réglementation concernés, au Canada et partout dans le monde, s’efforcent depuis un certain temps de remédier aux faiblesses ou aux lacunes potentielles des systèmes de paiement et de la réglementation actuels en ce qui concerne les produits novateurs, notamment les cryptoactifs et les cryptomonnaies stables. Ces travaux doivent être menés à terme pour s’assurer que si les entreprises et les consommateurs utilisent les nouvelles options offertes par le secteur privé, ils pourront avoir confiance en leur fiabilité et leur sûreté, comme cela a toujours été le cas pour les modes de paiement existants.

Les efforts qui doivent être déployés comprennent :

  • La contribution à des travaux à l’échelle nationale et internationale entourant la réglementation sur les cryptomonnaies stables, menés respectivement par le groupe Responsables des organismes de réglementation et le Conseil de stabilité financière41.
  • La mise à jour des systèmes de base utilisés pour les paiements de gros et de détail au pays dans le cadre du programme de modernisation de Paiements Canada42.
  • La mise en œuvre d’un cadre de surveillance des paiements de détail pour gérer les risques financiers et opérationnels des fournisseurs de services de paiement43.
  • L’élaboration de plans de prévoyance concernant l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale si le besoin se fait sentir44.
  • La participation à des groupes de travail dirigés par le Conseil de stabilité financière et le Comité sur les paiements et les infrastructures de marché pour déterminer comment les autorités peuvent contribuer à améliorer les paiements transfrontières45.

La COVID‑19 a été un choc majeur pour tous les secteurs de l’économie, y compris celui des paiements. Les gens ont non seulement changé la façon dont ils font leurs achats, mais parfois aussi la façon dont ils paient les biens et services qu’ils achètent. La pandémie pourrait accélérer la tendance à la baisse de l’utilisation de l’argent comptant et celle à la hausse des paiements en ligne. Si la viabilité de l’argent comptant comme mode de paiement atteignait un jour un tournant, cela créerait de grandes difficultés pour les personnes qui ont un accès limité à d’autres options de paiement46. Il est encore trop tôt pour déterminer si certains de ces changements seront permanents.

La recherche et les travaux visant à améliorer le système de paiement doivent se poursuivre malgré la pandémie. La situation pourrait ralentir les progrès, les autorités et l’industrie se concentrant sur les priorités à court terme. L’objectif de garantir que le système de paiement du Canada est moderne, sûr et efficace demeure néanmoins une priorité.

Notes

Les données utilisées dans le présent document sont celles qui étaient disponibles au 7 mai 2020, à l’exception des données de l’Enquête sur la population active qui ont été publiées le 8 mai 2020.

  1. 1. S. S. Poloz (2020), « Bridging Through the Downturn, Laying a Foundation for Recovery », National Post, 17 avril; et C. A. Wilkins (2020), Riposte de la Banque pour traverser la crise de la COVID‑19, discours prononcé devant l’Institut C.D. Howe, Toronto, 4 mai.[]
  2. 2. La Banque poursuit ses analyses et ses travaux de recherche sur les principales vulnérabilités du système financier qui ne sont pas directement liées à la COVID‑19. Parmi ces travaux, notons ceux sur les changements climatiques, les technologies financières et les cybermenaces. Nous ferons le point sur ces vulnérabilités, et d’autres, dans le portail sur le système financier lorsque de nouveaux renseignements seront disponibles.[]
  3. 3. Voir « Encadré 3 : Stratégies d’investissement dans un contexte de faible volatilité des marchés » (2017), Revue du système financier, Banque du Canada, novembre, p. 17.[]
  4. 4. Voir A. Schrimpf, H. S. Shin et V. Sushko (2020), « Leverage and Margin Spirals in Fixed Income Markets During the COVID‑19 Crisis », BIS Bulletin, Banque des Règlements Internationaux, no 2, avril.[]
  5. 5. Voir le Cadre régissant les opérations sur les marchés et l’octroi de liquidités de la Banque du Canada.[]
  6. 6. On trouvera une liste complète des mesures annoncées par le BSIF sur cette page Web : COVID‑19 : Mises à jour.[]
  7. 7. Le 10 décembre 2019, le BSIF avait annoncé que la réserve pour stabilité intérieure passerait de 2 à 2,25 % le 30 avril 2020. Bien que ce changement ne soit jamais officiellement entré en vigueur, il a tout de même influé sur la planification des fonds propres des banques, puisque celles-ci doivent généralement prévoir longtemps d’avance les mesures à prendre pour modifier leur niveau de fonds propres. De plus, toutes les banques conservent une réserve de fonds propres supérieure aux exigences afin de réduire le risque qu’elle descende en deçà du seuil prescrit.[]
  8. 8. L’Autorité des marchés financiers a pris des mesures similaires pour les prêteurs assujettis à la réglementation du Québec.[]
  9. 9. Les données sont tirées de l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises : les répercussions de la COVID‑19 sur les entreprises au Canada, mars 2020, de Statistique Canada. Entre le 3 et le 24 avril, 12 600 entreprises canadiennes y ont participé. Contrairement à la plupart des enquêtes de Statistique Canada, celle-ci est fondée sur les réponses des personnes qui se rendent sur le site Web de l’organisme. Par conséquent, les résultats sont indicatifs et pourraient ne pas être représentatifs de l’ensemble des entreprises canadiennes.[]
  10. 10. Voir BDC, Votre entreprise est affectée par la COVID-19?, et EDC, COVID‑19 : aide aux entreprises.[]
  11. 11. Certaines améliorations apportées aux mesures prises par les autorités et les banques ont atténué les risques de financement découlant des dépôts intermédiés par les courtiers, mais les vulnérabilités sont toujours présentes. Voir Banque du Canada (2019), Revue du système financier.[]
  12. 12. Pour de plus amples renseignements, voir le communiqué de presse de la BDC : BDC augmentera son soutien aux entreprises du secteur canadien du pétrole et du gaz.[]
  13. 13. Ces derniers temps, des ventes sont tombées à l’eau parce que des acheteurs potentiels avaient perdu leur revenu. Vu la situation, les assureurs hypothécaires encouragent les prêteurs à autoriser les transactions de prêts hypothécaires assurés.[]
  14. 14. Selon l’indice de confiance canadienne Bloomberg Nanos et Real-Time Interactive World-wide Intelligence.[]
  15. 15. Par « actifs liquides », on entend la somme de l’épargne, des comptes d’épargne libres d’impôt et des comptes de placement non enregistrés.[]
  16. 16. Pour la liste complète des mesures du gouvernement du Canada, consulter le Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID‑19. À noter que les administrations provinciales, territoriales et municipales ont également adopté des mesures d’intervention.[]
  17. 17. Voir Banque du Canada (2019), « Graphique 8 : La proportion des débiteurs en retard de paiement est légèrement en hausse dans les régions productrices de pétrole », Revue du système financier.[]
  18. 18. Les données proviennent de l’Enquête canadienne sur la situation des entreprises : les répercussions de la COVID‑19 sur les entreprises au Canada, mars 2020, menée par Statistique Canada.[]
  19. 19. Le report des versements de la taxe de vente et des droits de douane, la prolongation des délais pour payer les impôts sur le revenu et les mesures sectorielles permettront aussi d’atténuer les problèmes de trésorerie à court terme. Voir le Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID‑19.[]
  20. 20. La distance au défaut fait l’objet d’un article de M. Kozak, M. Aaron et C. Gauthier, intitulé « L’évaluation du risque de crédit dans le secteur canadien des entreprises par l’approche des créances contingentes », dans la Revue du système financier, Banque du Canada, juin 2006, p. 43-50.[]
  21. 21. Cette analyse de scénario s’appuie sur l’outil de test de résistance de la Banque présenté dans C. MacDonald et V. Traclet (2018), The Framework for Risk Identification and Assessment, rapport technique no 113, Banque du Canada. Cet outil a été utilisé dans C. Gaa, X. Liu, C. MacDonald et X. Shen (2019), Évaluer la résilience du système bancaire canadien, note analytique du personnel no 2019-16, Banque du Canada.[]
  22. 22. L’analyse porte sur les six banques qui ont été désignées banques d’importance systémique intérieure par le Bureau du surintendant des institutions financières (soit la Banque de Montréal, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Canadienne Impéiale de Commerce, la Banque Nationale du Canada, la Banque Royale du Canada et la Banque Toronto-Dominion).[]
  23. 23. Voir R. Arora, G. Bédard-Pagé, G. Ouellet Leblanc et R. Shotlander (2019), Les fonds d’obligations canadiennes peuvent-ils amplifier les tensions subies par le système financier?, note analytique du personnel no 2019-9, Banque du Canada. Dans la simulation, l’élargissement des écarts de crédit est en partie compensé par l’abaissement du taux directeur de 150 points de base.[]
  24. 24. Voir Autorités canadiennes en valeurs mobilières (2020), Les autorités en valeurs mobilières du Canada haussent temporairement les limites d’emprunt à court terme pour les organismes de placement collectif qui investissent dans des titres à revenu fixe, communiqué paru le 17 avril.[]
  25. 25. Si les demandes de rachat avaient atteint le niveau prévu par le modèle, environ 70 % des fonds auraient vraisemblablement dû utiliser l’ensemble de leurs réserves de liquidités pour y répondre.[]
  26. 26. Cette appréciation de la situation met en lumière l’importance d’une saine gestion de la liquidité de la part des fonds d’investissement – une question qui s’est retrouvée au centre du récent programme de réformes réglementaires. Ces dernières années, les autorités du Canada et d’autres pays ont mieux balisé les orientations réglementaires qu’elles donnent sur la gestion de la liquidité, le levier financier des fonds et les limites de concentration. Voir, par exemple, Conseil de stabilité financière (2017), Policy Recommendations to Address Structural Vulnerabilities from Asset Management Activities, 12 janvier. Voir également Organisation internationale des commissions de valeurs (2018), Recommendations for Liquidity Risk Management for Collective Investment Schemes, février [en anglais seulement]. En ce qui concerne le Canada, on trouvera un exemple de réglementation sur les valeurs mobilières dans l’avis de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario intitulé OSC Staff Notice 81-727 Report on Staff’s Continuous Disclosure Review of Mutual Fund Practices Relating to Portfolio Liquidity [en anglais seulement].[]
  27. 27. Voir la note analytique du personnel intitulée Évaluer la résilience du système bancaire canadien.[]
  28. 28. Voir M. K. Brunnermeier et L. H. Pedersen (2009), « Market Liquidity and Funding Liquidity », The Review of Financial Studies, vol. 22, no 6, p. 2201-2238.[]
  29. 29. Voir K. McRae et D. Auger (2018), Le marché des acceptations bancaires au Canada : notions de base, document de travail du personnel no 2018-6, Banque du Canada.[]
  30. 30. Des données comparatives sont disponibles sur le site Web de la Banque des Règlements Internationaux (voir la section Credit to the non-financial sector).[]
  31. 31. Il est difficile de comparer les mesures canadiennes de la dette des entreprises avec les mesures internationales de la Banque des Règlements Internationaux en raison des différences dans les méthodes de calcul utilisées. Ces différences sont expliquées dans T. Grieder, D. Hogg et T. Duprey (2017), Recent Evolution of Canada’s Credit-to-GDP Gap: Measurement and Interpretation, note analytique du personnel no 2017-25, Banque du Canada.[]
  32. 32. La dette publique nette est aussi un point de comparaison utile, car elle exclut les actifs financiers de la dette. Selon les données publiées par le Fonds monétaire international dans son rapport intitulé Moniteur des finances publiques, au Canada, la dette publique nette représente 25,9 % du PIB, contre un ratio de 76,6 % pour l’ensemble des économies avancées.[]
  33. 33. Pour une analyse de la dette à risque, voir T. Grieder et C. Schaffter (2019), Measuring Non-Financial Corporate Sector Vulnerabilities in Canada, note analytique du personnel no 2019-15, Banque du Canada.[]
  34. 34. Voir O. Bilyk, A. Ho, M. Khan et G. Vallée, Household indebtedness risks in the wake of COVID‑19, note analytique du personnel, Banque du Canada (à paraître).[]
  35. 35. Un constat similaire est rapporté dans B. Flowers (2018), « The Economics of Natural Disasters », Page One Economics, Banque fédérale de réserve de St. Louis (mai).[]
  36. 36. Voir Fonds monétaire international (2019), Rapport sur la stabilité financière dans le monde, encadré 5 (octobre); et livraisons précédentes de la Revue du système financier, Banque du Canada.[]
  37. 37. J. Nakajima (2018), The Role of Household Debt Heterogeneity on Consumption: Evidence from Japanese Household Data, document de travail no 736, Banque des Règlements Internationaux (juillet).[]
  38. 38. I. Fisher (1933), « The Debt-Deflation Theory of Great Depressions ». Econometrica, vol. 1, no 4 (octobre), p. 337-357; B. S. Bernanke (1995), « The Macroeconomics of the Great Depression: A Comparative Approach », Journal of Money, Credit, and Banking, vol. 27, no 1 (février), p. 1-28.[]
  39. 39. M. Friedman et A. J. Schwartz (1963), A Monetary History of the United States, 1867-1960, Princeton University Press.[]
  40. 40. Pendant la Grande Dépression, l’adhésion initiale du Canada à l’étalon-or a entravé sa capacité d’accroître la masse monétaire et de compenser la déflation due à une baisse mondiale des prix des matières premières. Voir P. Amaral et J. MacGee (2002), « The Great Depression in Canada and the United States: A Neoclassical Perspective », Review of Economic Dynamics, vol. 5, no 1 (janvier), p. 45-72.[]
  41. 41. Voir l’encadré 1 de la présente livraison et Conseil de stabilité financière (2020), Addressing the Regulatory, Supervisory and Oversight Challenges Raised by “Global Stablecoin” Arrangements: Consultative Document, 14 avril.[]
  42. 42. Voir Paiements Canada, Modernisation. Internet.[]
  43. 43. Dans le budget de 2019, le gouvernement du Canada a proposé la mise en œuvre d’un nouveau cadre qui exigerait des fournisseurs de services de paiement qu’ils adoptent de saines pratiques pour la gestion des risques opérationnels et qu’ils protègent les fonds des utilisateurs contre les pertes. La Banque du Canada serait chargée de veiller à l’application de ces exigences. Voir ministère des Finances du Canada (2019), Rapport sur l’examen de la Loi canadienne sur les paiements.[]
  44. 44. Voir T. Lane (2020), L’argent et les paiements à l’ère numérique, discours prononcé lors du RDV FinTech 2020 de CFA Montréal, Montréal (Québec), 25 février.[]
  45. 45. Voir Conseil de stabilité financière (2020), Enhancing Cross-border Payments—Stage 1 Report to the G20, avril.[]
  46. 46. Voir Banque du Canada (2020), La Banque du Canada demande aux détaillants de continuer à accepter l’argent comptant, communiqué, 18 mars.[]

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