La politique monétaire devant l’inconnu

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Introduction

Je suis honoré de donner la conférence commémorative Eric J. Hanson de 2020. Je tiens à remercier l’Université de l’Alberta pour son invitation et chacun de vous pour votre souplesse et votre persévérance en ces temps difficiles et hors du commun.

Eric Hanson était un grand Albertain et un économiste remarquable dont les travaux d’avant-garde sur les finances publiques ont aidé à façonner le Canada d’aujourd’hui. La série de conférences qui porte son nom a accueilli certains des plus grands esprits du pays dans les domaines de l’économie et des politiques publiques : je pense à Thomas Kierans, à Judith Maxwell et à Kevin Lynch, pour n’en citer que quelques-uns.

La Banque du Canada participe à cette série presque depuis le début. Je travaillais ici en 1988 quand John Crow, le gouverneur de l’époque, a prononcé la deuxième conférence Eric J. Hanson. Il a alors cimenté l’idée selon laquelle assurer la stabilité des prix devrait être l’objectif premier de la banque centrale, puisque c’est la meilleure chose que la politique monétaire peut faire pour notre bien-être économique. Sa conférence a jeté les bases du ciblage de l’inflation, le cadre de politique monétaire maintes fois éprouvé qu’on utilise maintenant au Canada et dans pratiquement toutes les économies avancées.

Le tour de David Dodge est venu vingt ans plus tard, alors que l’économie mondiale était au bord de la crise. Il en a profité pour analyser si le ciblage de l’inflation allait vraiment marquer la fin de l’histoire de la politique monétaire, même si ce cadre avait permis à la Banque d’atteindre ses objectifs. Comme il l’a souligné à juste titre, nos connaissances restent très limitées et les autorités monétaires devraient donc faire preuve d’humilité dans leur travail et toujours garder les doigts croisés. Cinq ans plus tard, Mark Carney a été le troisième gouverneur de la Banque du Canada à donner la conférence Eric J. Hanson. Pour sa part, il a traité de ce que les décideurs avaient appris de la crise financière mondiale de 2008-2009, abordant notamment la nécessité de comprendre l’interaction entre la politique monétaire et d’autres politiques macroéconomiques.

Je suis reconnaissant d’avoir la chance de m’adresser à vous aujourd’hui comme l’ont fait mes distingués prédécesseurs. Quand l’occasion s’est présentée l’an dernier, je savais déjà que je voulais parler de l’incertitude dans le contexte de la conduite de la politique monétaire. Après tout, plusieurs événements importants des sept dernières années ont confronté les décideurs à une incertitude d’une ampleur sans précédent et de causes encore jamais vues. Ces circonstances ont poussé des économistes, dont bon nombre à la Banque du Canada, à chercher des moyens pour analyser cette incertitude et l’intégrer concrètement dans la conduite de la politique monétaire.

Étant donné que ces questions avaient marqué mes années comme gouverneur, il me semblait tout à propos de conclure mon mandat en me rendant à Edmonton pour parler d’incertitude et de politique monétaire devant un auditoire averti et attentif.

Mais la tragédie mondiale qu’est la COVID-19 en a voulu autrement. La priorité absolue des autorités aux quatre coins du globe était d’aplatir la courbe des infections, d’empêcher que les systèmes de soins de santé soient submergés et de garder le nombre de décès évitables au minimum. C’est ce qui a mené aux restrictions strictes, mais essentielles, visant les déplacements ainsi qu’à la fermeture d’importants secteurs de l’économie. Les administrations publiques ont tenté d’amortir le choc par des mesures économiques d’une envergure et d’une portée sans précédent qui resteront en place pour une durée indéterminée. De toute évidence, il s’agit là d’une situation d’incertitude extrême.

On voit maintenant des signes que les efforts pour ralentir la progression de la pandémie au pays portent leurs fruits. Par conséquent, certaines administrations ont lentement commencé à assouplir leurs règles de confinement. Cependant, les décideurs qui nous mèneront vers le retour à la « normale », quelle qu’en soit la définition, feront sans contredit face à une incertitude incomparable. Ils devront composer avec toutes les variables entourant la reprise dans les secteurs mis à l’arrêt, la reconstruction des chaînes de valeur brisées, le retrait progressif des mesures d’urgence et le comportement imprévisible des consommateurs et des chefs d’entreprise. Certaines des vulnérabilités financières déjà présentes dans l’économie se seront aggravées et de nouvelles feront sans doute surface. Nous sommes véritablement devant l’inconnu.

Il va sans dire que les choses ont complètement changé depuis le moment où j’ai commencé à réfléchir à la conférence d’aujourd’hui, mais mon sujet est maintenant d’autant plus d’actualité. Je vais donc me pencher sur la façon dont les autorités monétaires ont affronté l’incertitude par le passé et comment leurs interventions ont évolué, surtout depuis la crise financière mondiale. Pour ce faire, je vous expliquerai comment la Banque du Canada a progressivement développé une approche de gestion des risques en matière de politique monétaire en m’appuyant sur des études de cas survenus pendant mon mandat ainsi que sur divers projets de recherche. Je conclurai avec quelques premières réflexions quant à la façon dont les décideurs mettront à profit les leçons des derniers temps pour faire face à l’incertitude extrême qui caractérisera les mois et les années à venir.

L’évolution de notre approche face à l’incertitude

L’incertitude a toujours été un facteur important en économie appliquée et dans l’élaboration de politiques. D’ailleurs, la littérature spécialisée sur l’élaboration de politiques en présence d’incertitude s’est multipliée au fil des ans. Une bonne partie s’inspire de la pensée de l’américain Frank Knight. Il y a une centaine d’années, cet économiste a regroupé les variables que les économistes utilisent en deux classes : le « risque », pour désigner les situations où il est possible de calculer des probabilités; et l’« incertitude », pour désigner les cas où ce n’est pas possible1. Même si la plupart des situations réelles se situent entre ces deux extrêmes, ce qu’on appelle désormais « l’incertitude knightienne » demeure un concept pertinent de nos jours.

La façon dont les décideurs tiennent compte de l’incertitude dans leurs décisions et leurs actions a évolué au fil du temps, tout comme l’incertitude elle-même2. Pensez à toutes les incertitudes qui viennent avec l’utilisation des modèles économiques, indispensables aux autorités monétaires. La Banque pratique le ciblage de l’inflation. Elle sait que ses moyens d’action n’ont d’incidence que sur l’inflation future compte tenu du temps nécessaire à la transmission de la politique monétaire et de la complexité de ce processus. Nous devons donc avoir une profonde compréhension de l’économie pour prendre des décisions éclairées. D’ailleurs, nos modèles économiques se bonifient constamment. La qualité des prévisions qui en ressortent est fonction des différents liens qui unissent les variables utilisées. En effet, ces interdépendances reflètent pleinement notre compréhension de la structure de l’économie en illustrant de façon cohérente l’interaction de toutes les forces à l’œuvre.

Ces interdépendances sont à la fois un avantage et un talon d’Achille : la moindre erreur systématique peut changer la manière dont un modèle projette différentes variables. C’est là qu’intervient « l’incertitude de modèle », c’est-à-dire l’incertitude liée aux paramètres ou aux spécifications d’un modèle. Les décideurs en tiennent compte depuis toujours dans les modèles de prévision. D’une part, l’incertitude liée aux paramètres, lesquels ne sont pas prédéterminés et peuvent changer au fil du temps, se reflète dans les résultats et les recommandations qui en découlent. D’autre part, l’incertitude liée aux spécifications – autrement dit, les ingrédients de base des modèles – montre qu’il y a beaucoup de choses que nous ignorons sur la structure fondamentale de l’économie3. Bref, tous les modèles sont une représentation simplifiée du monde réel. De nos jours, étant donné que les décideurs se servent des modèles pour établir des projections économiques cohérentes et éclairer leurs décisions, un certain degré d’incertitude doit forcément être pris en compte dans le processus décisionnel.

L’incertitude peut venir de bien d’autres sources. Par exemple, les décideurs doivent également faire attention aux erreurs de mesure. En effet, bon nombre de variables essentielles qui orientent la politique monétaire, dont la production potentielle, sont inconnues et doivent être estimées. Des erreurs de mesure peuvent aussi se trouver dans les données sous-jacentes, susceptibles d’être révisées.

La littérature économique fait état de plusieurs autres formes d’incertitude pertinentes pour les décideurs. Entre autres, l’incertitude de mandat, qui se manifeste lorsque les consommateurs et les entreprises doutent des objectifs des politiques de la banque centrale, peut nuire à l’économie. Au Canada, cette incertitude est en baisse depuis le début des années 1990, soit depuis que la Banque et le gouvernement fédéral ont signé une entente pour l’adoption d’un régime de ciblage de l’inflation prévoyant un objectif d’inflation clair. Après l’annonce de son cadre de politique monétaire en 1991, la Banque a instauré plusieurs changements pour accroître sa transparence. Ces efforts ont été entrepris sous la direction du gouverneur Gordon Thiessen et se sont poursuivis sous David Dodge et Mark Carney4. En renforçant sa transparence et en atteignant ses objectifs d’inflation, la Banque a progressivement amélioré sa crédibilité, éliminant essentiellement l’incertitude de mandat.

Depuis 1995, la publication régulière du Rapport sur la politique monétaire (RPM) nous permet de faire le point en détail sur les perspectives économiques de la Banque. En 2009, nous y avons ajouté une section consacrée aux principaux risques pesant sur les perspectives. Jusqu’en 2000, les annonces du taux directeur avaient lieu seulement si le taux changeait – vous pouvez imaginer l’anticipation et l’angoisse que ça pouvait créer sur les marchés financiers. Depuis, nous avons atténué cette incertitude en fixant des dates d’annonce préétablies. À chacune de ces dates, nous diffusons un communiqué de presse qui explique nos perspectives économiques et comment elles ont changé depuis la dernière annonce, qui présente les incertitudes entourant ces perspectives et qui aide les marchés à mieux comprendre la fonction de réaction de la Banque. En 2013, l’évaluation des risques faite par le Conseil de direction a été intégrée pour la première fois dans le communiqué de presse, en partie pour mettre en lumière notre processus de gestion des risques.

La Banque en fait bien plus pour améliorer sa transparence. C’est pourquoi la question des communications reviendra souvent pendant ma conférence. Mais je peux vous dire tout de suite que la politique monétaire ne peut pas fonctionner sans des communications claires et transparentes. Nous savons que nos interventions sont plus efficaces et que l’économie fonctionne mieux lorsque la banque centrale fait bien comprendre sa cible et la fonction de réaction qui lui permet de l’atteindre. En communiquant clairement, nous améliorons les décisions de l’ensemble des acteurs de l’économie en réduisant l’incertitude sous toutes ses formes, y compris l’incertitude de mandat.

D’usage, les décideurs évaluent la mesure dans laquelle leurs modèles arrivent à prédire les évolutions économiques, puis tentent de déterminer la source des erreurs potentielles. Souvent, ces erreurs sont considérées comme une interférence sans grande incidence provenant de différentes sources d’incertitude. Cependant, lorsque les données montrent coup sur coup que les résultats économiques s’éloignent des projections des modèles, ce peut être le signe que des forces plus importantes sont à l’œuvre. En raison des nombreuses interdépendances, nous devons empêcher la possibilité de problèmes de modélisation persistants, sans quoi nous pourrions être confrontés à des projections biaisées et à des erreurs de politique monétaire.

Le problème avec cette pratique courante a été mis au jour pendant la crise financière mondiale, puis pendant la Grande Récession. Ces événements ont fait ressortir une faiblesse importante de la plupart des modèles utilisés pour les politiques macroéconomiques à ce moment-là, soit que les liens entre les marchés financiers et l’économie réelle dans ces modèles étaient moins nombreux et moins détaillés qu’ils auraient dû l’être. Ces deux périodes ont aussi mis en lumière la nécessité de travailler vers l’élaboration d’un grand modèle unifié capable de rendre compte adéquatement des risques macroéconomiques et des risques du secteur financier5.

En plus de montrer les limites de nos modèles, la crise financière mondiale et la Grande Récession ont annoncé le début d’une série de chocs découlant d’événements survenus au-delà de nos frontières sur lesquels nous n’avions aucun contrôle. Les chocs de cette nature ne sont souvent pas faciles à modéliser : ils sont des exemples d’incertitude knightienne. À l’heure actuelle, l’exemple auquel on pense tout de suite est le choc associé à la pandémie et la réponse des autorités partout dans le monde. Avant cette année, pour donner un exemple de ce type d’incertitude, j’aurais parlé des politiques commerciales mondiales, vu que nous avions observé l’émergence de guerres commerciales qui menaçaient de transformer le commerce international. L’incertitude des entreprises entraînée par cette situation est devenue un facteur qui, à lui seul, pesait sur la croissance économique en minant la confiance, les investissements et les exportations des entreprises6. Prévoir l’ampleur et la durée des répercussions de cette incertitude a exigé un fin discernement de la part des autorités, surtout si on tient compte de la nature intermittente des pourparlers et du caractère imprévisible des protagonistes.

Le développement de l’approche de gestion des risques

En 2013, à mon retour à la Banque, il était évident que les économies canadienne et mondiale faisaient face à divers risques et incertitudes qui n’étaient pas pris en compte dans nos principaux modèles. Il s’agissait clairement d’un obstacle pour notre politique monétaire. Pendant ma première année en tant que gouverneur, j’ai prononcé un discours mettant en lumière l’importance de la gestion des risques pour la politique monétaire7. J’ai aussi fait part de quelques réflexions préliminaires à ce sujet dans une communication présentée devant l’Association canadienne de science économique des affaires, en 20148.

En passant d’une approche théorique, ou conventionnelle, de la politique monétaire à une démarche de gestion des risques, la Banque reconnaît et accepte que les incertitudes font partie intégrante de l’élaboration de politiques. Cela ne signifie pas de rejeter l’utilisation des modèles pour prendre des décisions. En fait, les divers modèles de la Banque produisent le scénario de référence servant de point de départ aux délibérations du Conseil de direction. Ils sont aussi utilisés pour simuler d’autres scénarios, une excellente façon de mieux comprendre les risques auxquels nous faisons face9. La gestion des risques consiste essentiellement à repérer les risques et les incertitudes les plus importants pesant sur les perspectives. Nous analysons la probabilité que les risques se concrétisent, envisageons les scénarios possibles liés aux incertitudes et réfléchissons aux conséquences éventuelles d’une erreur de politique. Nous choisissons ensuite une stratégie qui permet de soupeser ces risques et incertitudes afin de les gérer le mieux possible. Ce processus peut impliquer un certain degré de flexibilité par rapport à la cible d’inflation en tant que telle, c’est-à-dire d’être en mesure de permettre à l’inflation de retourner à la cible plus lentement ou plus rapidement qu’en moyenne, sans perdre de vue que la cible se situe dans la fourchette de 1 % à 3 % visée par la Banque.

Compte tenu des incertitudes et des risques, il est irrationnel de penser qu’il existe une trajectoire optimale unique du taux directeur qui soit compatible avec l’atteinte de notre cible d’inflation. Il est tout autant illogique de tenter d’établir une telle trajectoire avec précision. À la place, nous reconnaissons que toute projection économique de référence comporte un large éventail de trajectoires de taux d’intérêt qui pourraient en fin de compte concorder de façon générale avec la cible d’inflation. Nous évaluons les divers risques associés aux facteurs inconnus, puis nous prenons des mesures après avoir équilibré les risques en tenant compte de toutes les nuances10. Ce faisant, nous utilisons souvent plusieurs plus petits modèles spécialisés pour enrichir les données de nos principaux modèles de projection, nous intégrons des données empiriques et des données d’enquête et nous faisons preuve d’un grand discernement.

Notez que l’équilibrage des risques auxquels nous faisons face nécessite aussi de prendre en considération le contexte de départ de l’économie, de l’inflation et des taux d’intérêt. Imaginez une situation où l’inflation est sous la cible, comme ce fut souvent le cas dans le sillage de la Grande Récession. Si la politique monétaire est adéquate, les modèles économiques donneront une projection où l’inflation remonte graduellement vers la cible. Le prévisionniste pourrait conclure que, d’un point de vue statistique, les risques planant sur la projection de l’inflation semblent équilibrés, c’est-à-dire que les probabilités que l’inflation s’avère supérieure ou inférieure à la trajectoire apparaissent équivalentes.

Pour sa part, le décideur pourrait avoir une perspective différente. De son point de vue, si l’inflation est déjà sous la cible, tout choc susceptible de la faire baisser encore serait pire qu’un choc qui la ferait monter vers la cible. Ainsi, même si les risques statistiques pesant sur la projection de l’inflation sont relativement équilibrés, le décideur pourrait juger asymétriques leurs conséquences pour l’inflation. En outre, plus le taux directeur est proche de sa valeur plancher, plus cette asymétrie des risques augmente. Ainsi, quand le point de départ de l’inflation est bas, le décideur s’inquiétera davantage d’un risque à la baisse que d’un risque à la hausse et voudra rééquilibrer ces risques en menant une politique monétaire plus expansionniste que le voudraient le modèle et le prévisionniste.

La gestion des risques devient particulièrement importante quand l’éventail de risques dont il faut tenir compte dans le processus de délibération sur la politique monétaire s’élargit. Après la crise financière mondiale, il a fallu beaucoup de temps à l’économie pour retourner à plein régime, et l’inflation est demeurée longtemps sous la cible. Par conséquent, les taux d’intérêt sont restés faibles plus longtemps que prévu, ce qui a entraîné une montée de l’emprunt traduite par des vulnérabilités chez les ménages et dans le secteur du logement. Des vulnérabilités financières élevées peuvent modifier l’incidence des taux d’intérêt sur l’économie en accentuant l’incertitude dans nos modèles11. Par exemple, lorsque les niveaux d’endettement des ménages sont élevés, une réduction des taux d’intérêt ne stimule pas autant l’économie que si l’endettement est plus bas. Ce phénomène s’explique principalement par le fait qu’un moins grand nombre de ménages souhaiteraient ou pourraient s’endetter davantage. En revanche, l’effet modérateur de hausses des taux d’intérêt pourrait être plus marqué, tant par rapport au contexte historique qu’au regard de l’incidence de baisses équivalentes des taux d’intérêt12. C’est parce que les mouvements des taux d’intérêt influent sur le revenu disponible. Ainsi, les personnes fortement endettées sont plus susceptibles d’épargner lorsque leur revenu disponible augmente et de réduire nettement leurs dépenses lorsqu’il baisse13.

Les vulnérabilités financières sont aussi importantes puisqu’elles peuvent se répercuter sur l’arbitrage temporel à l’égard de la croissance économique. Plus explicitement, un recul des taux d’intérêt aujourd’hui stimule la croissance économique à court terme du fait de l’augmentation de l’emprunt. Cette augmentation intensifie les vulnérabilités financières qui, elles, accroissent le risque qu’un futur choc négatif ait un effet décuplé sur l’économie. La croissance économique est ainsi, à terme, beaucoup ralentie et il devient encore plus ardu d’atteindre la cible d’inflation. Bref, en prenant des mesures énergiques pour atteindre sa cible d’inflation aujourd’hui, la Banque pourrait avoir plus de difficulté à atteindre sa cible plus tard. On troque donc une croissance plus rapide dans l’immédiat pour une croissance plus lente dans l’avenir. La Banque met au point de nouveaux outils pour évaluer cet arbitrage temporel. Nous utilisons des modèles de « croissance exposée au risque » pour comprendre l’asymétrie à la baisse de la distribution de la croissance associée à des niveaux élevés d’endettement des ménages14.

En somme, les vulnérabilités financières et les risques qu’elles font peser sur la croissance et l’inflation futures font désormais partie intégrante des paramètres dont la Banque tient compte dans l’établissement de sa politique. Permettez-moi cependant d’insister sur un point : la cible d’inflation reste notre but premier, le grand objectif de notre politique monétaire. De façon générale, on ne considère pas que les enjeux de stabilité financière imposent une contrainte importante sur les interventions de politique monétaire. Par contre, notre cadre de politique nous donne du jeu quant au temps qu’il faut pour ramener l’inflation à sa cible, ce qui nous laisse prendre des décisions stratégiques pour éviter d’accentuer involontairement les préoccupations liées à la stabilité financière.

Cette approche peut sembler vague et subjective pour ceux qui préfèrent une approche conventionnelle de la politique monétaire : quand l’inflation monte, on rehausse les taux d’intérêt et l’inflation baisse. Malheureusement, le monde n’est pas vraiment aussi simple. D’abord, comme il y a un délai de transmission de la politique monétaire, nous tentons toujours d’atteindre notre objectif d’inflation dans l’avenir, en compensant les chocs invisibles qui menacent de nous en éloigner. Par conséquent, des mesures de politique monétaire parfaitement appliquées se traduiraient par des taux d’intérêt qui varieraient en prévision des conséquences de chocs récents et l’inflation se maintiendrait à la cible pendant tout ce temps. En fait, plus une politique monétaire est efficace, plus elle peut être difficile à expliquer. Par ailleurs, comparer des risques incertains et complexes est une démarche fondamentalement subjective qui rend presque impossible la prise de décisions mécanique ou conventionnelle. La force du Conseil de direction à cet égard est manifeste dans son processus décisionnel par consensus et sa transparence accrue en ce qui concerne l’évaluation des risques.

Avant de poursuivre, je tiens à souligner que l’approche de gestion des risques en matière de politique monétaire n’est pas propre au Canada. Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, décrit l’approche de son organisation comme une formule en trois temps : la surveillance des risques, l’équilibrage des risques à la hausse et à la baisse, et l’élaboration de plans de prévoyance15. Pour mieux dépeindre la gestion des risques, on pourrait tout simplement parler d’une « démarche misant sur le gros bon sens », puisqu’elle reflète davantage la réalité que les élégantes théories économiques.

Au fil des ans, nous en sommes progressivement venus à concevoir la politique monétaire à travers le prisme de la gestion des risques. Cela a entraîné de nombreux changements de nos façons de faire et a ouvert beaucoup de nouveaux champs de recherche importants. J’aimerais maintenant vous présenter deux études de cas observés au cours des sept dernières années, vous démontrer comment la gestion des risques s’est appliquée dans chacune de ces situations et exposer les changements qui ont transformé nos processus. Ensuite, j’aborderai la politique monétaire et les répercussions encore inconnues de la pandémie.

Première étude de cas : le choc des prix du pétrole de 2014-2015

Rappelons-nous le choc des prix du pétrole de 2014-2015. En 2014, alors que les exportations et les investissements des entreprises montraient des signes d’amélioration, le produit intérieur brut réel grimpait à un rythme supérieur à l’estimation de son potentiel. L’inflation fondamentale avait augmenté au fil de l’année jusqu’à environ 2 %. Après une période prolongée de bas taux d’intérêt, les dépenses des ménages étaient fortes, et le Canada continuait de connaître des hausses de prix dans des marchés clés du logement et une intensification des risques liés à l’endettement élevé des ménages.

C’est dans ce contexte que le prix du pétrole West Texas Intermediate a reculé presque de moitié, passant d’un sommet de 100 $ US le baril vers la fin du deuxième trimestre à environ 50 $ US. Au dernier trimestre de 2014, la chute marquée des prix mondiaux du pétrole a fait peser un autre important risque à la baisse sur l’économie canadienne et l’inflation. Parallèlement, la possibilité d’une reprise plus robuste que prévu aux États-Unis constituait quant à elle l’un des principaux risques à la hausse. Enfin, un dynamisme supérieur aux attentes dans les secteurs du logement et de la consommation représentait un risque aussi bien à la hausse qu’à la baisse, puisqu’il stimulerait la croissance économique du pays, mais accroîtrait également la probabilité et la gravité potentielle d’une correction à plus long terme.

L’ensemble de ces facteurs formaient une combinaison complexe de risques à soupeser. Tout au long de 2014, nous avons évalué que les risques entourant la projection d’inflation étaient relativement équilibrés, alors que les risques planant sur la stabilité financière associés aux déséquilibres dans le secteur des ménages continuaient de s’inscrire en légère hausse. Dans l’ensemble, la balance des risques nous donnait à penser que les paramètres d’établissement du taux directeur en place permettraient de maintenir l’inflation à notre cible de 2 %.

Mais en janvier 2015, il est devenu clair que les prix du pétrole allaient rester bas, que le secteur énergétique allait réduire de façon marquée ses plans d’investissement et que le Canada devrait s’adapter à une importante dégradation des termes de l’échange. Le recul des prix faisait peser un risque à la baisse assez important sur nos perspectives d’inflation pour justifier une baisse du taux directeur. Nous avons donc de nouveau abaissé les taux en juillet, établissant le taux directeur à 0,5 %, lorsque nous avons eu une idée plus précise de la durée et des répercussions du choc.

Notons que les vulnérabilités financières associées à des niveaux élevés d’endettement des ménages et à la hausse des prix du logement durant cette période auraient pu justifier des taux d’intérêt plus élevés, tandis que les projections de baisse de l’inflation auraient plutôt milité en faveur d’une diminution des taux. Autrement dit, nous étions devant une dynamique opposée des risques pour la stabilité financière et des risques macroéconomiques : réduire les taux d’intérêt aurait permis d’atténuer les risques macroéconomiques, mais au prix d’une intensification des risques pour la stabilité financière. En fin de compte, le recul des prix du pétrole a été d’une ampleur suffisante pour modifier sensiblement la balance des risques et amener la Banque à abaisser le taux directeur à l’appui de sa mission première.  

Durant cette période, des considérations liées à la gestion des risques ont contribué de diverses façons à éclairer nos décisions. Le Conseil de direction était alimenté en informations issues de modèles macroéconomiques variés présentant chacun un intérêt et un angle d’approche particuliers. La Banque se servait de TOTEM (Terms-of-Trade Economic Model), un modèle d’équilibre général dynamique et stochastique des plus évolués16. TOTEM avait permis de prévoir dans toute son envergure le choc des prix du pétrole, la persistance de ses répercussions et l’ajustement de l’économie à la baisse des cours17. Et nous avons pu vérifier ce résultat de TOTEM à l’aide du grand modèle empirique et semi-structurel, le modèle LENS (Large Empirical and Semi-structural)18.

Le recours à divers modèles pour établir des projections est caractéristique de la gestion des risques pratiquée à la Banque. En fait, nous nous servions déjà des modèles TOTEM et LENS en 2013, alors que nous cherchions à expliquer des données montrant une faiblesse inusitée des exportations. La Banque a aussi mis au point d’autres modèles afin d’étayer ce volet de la projection19. Nous nous attachons à toujours faire preuve de transparence quand il est question de l’élaboration et de l’utilisation de nos modèles. Nous présentons les grandes lignes des nouvelles analyses dans les RPM et les exposons plus en profondeur dans des notes analytiques et des documents d’analyse du personnel ainsi que dans des rapports techniques.

Un autre trait distinctif de la gestion des risques que je pourrais citer : la prise en compte de données qualitatives dans notre processus. Notre décision d’abaisser les taux d’intérêt a tenu compte de conversations que nous avons eues avec des chefs d’entreprise du secteur pétrolier. Nous n’aurions pu disposer de données quantitatives sur les intentions d’investissement des entreprises canadiennes que bien après coup. Grâce à l’enquête sur les perspectives des entreprises que nous menons et à nos conversations personnelles avec des dirigeants de ce secteur, nous avons été en mesure d’évaluer rapidement l’ampleur de la contraction à venir des investissements des entreprises20.

Le choc des prix du pétrole a aussi coïncidé avec une avancée importante sur le plan des communications pour la Banque. Je parle des déclarations préliminaires du gouverneur ou du premier sous-gouverneur faites au début des conférences de presse qui suivent la publication du RPM.

Dans nos déclarations préliminaires, nous avions l’habitude de reprendre les principaux points du communiqué sur le taux directeur et les principaux messages du RPM, voire même de lire textuellement le communiqué. À l’occasion de la publication du RPM de janvier 2015, nous avions décidé de faire de la déclaration préliminaire un outil de présentation des grandes questions sur lesquelles portent les délibérations du Conseil de direction. La déclaration se trouve ainsi à remplir la même fonction que le procès-verbal des délibérations d’autres banques centrales, mais sans décalage, et bien souvent d’une manière plus concise et efficace.

Si nous avons fait une avancée sur le plan de la transparence en modifiant l’information présentée dans la déclaration préliminaire, notre décision d’abaisser les taux d’intérêt en 2015 a tout de même suscité un certain mécontentement chez les participants aux marchés financiers. Ils ont estimé qu’avant de passer à l’action, nous avions manqué de transparence au sujet de notre intention de diminuer le taux directeur. Certains ont interprété cette réaction comme la conséquence naturelle de la décision que nous avons prise en 2013 de cesser de toujours donner des indications concernant la trajectoire future des taux d’intérêt dans nos communiqués sur le taux directeur. Je tiens à souligner que j’entends par là les déclarations générales au sujet de l’orientation future des taux d’intérêt et non les engagements précis en matière de politique monétaire qui font partie des outils dont dispose la Banque pour faire face à des situations extraordinaires.  

Quand nous fournissons régulièrement des indications prospectives sur la trajectoire future des taux d’intérêt, les participants aux marchés financiers ont évidemment plus de facilité à prévoir nos actions. On peut affirmer que cette démarche rend les marchés plus efficients en réduisant l’incertitude entourant l’évolution de la politique monétaire. Par contre, cette approche n’abaisse pas le niveau global d’incertitude, elle ne fait qu’en transférer la responsabilité à la banque centrale.

Nous avons décidé de cesser de communiquer des indications prospectives pendant une période où nous ne pouvions pas expliquer pleinement pourquoi les exportations et les investissements des entreprises étaient inférieurs à ce que prévoyaient nos modèles21. Nous voulions que les marchés prennent la mesure de l’incertitude avec laquelle nous devions composer, et craignions que ces indications véhiculent une impression trompeuse de certitude. En nous exprimant franchement sur l’ampleur de l’incertitude, et en nous abstenant d’offrir de fausses certitudes, nous avons réussi à nous délester d’une partie de l’incertitude pour la remettre aux marchés. 

Il s’agit là d’une évolution favorable importante, car donner régulièrement des indications prospectives n’est pas sans conséquences : elles inhibent la fonction indicatrice des marchés financiers. Quand l’attention des participants aux marchés se porte exclusivement sur les mots que nous utilisons pour parler de l’orientation future de la politique monétaire et qu’ils se mettent à ne pas tenir compte des données économiques à proprement parler, ils engagent les marchés dans un pari à sens unique22. Les cours cessent de jouer le rôle de mécanisme de validation de nos projections. Selon les résultats d’une étude menée à la Banque, cette dynamique pourrait aussi rendre les flux de capitaux inefficients23.

Il est naturel que les positions des marchés quant à l’évolution de la conjoncture et des taux d’intérêt ne correspondent pas toujours à celles de la banque centrale. En fait, le fonctionnement normal des marchés repose sur la pluralité des perspectives sur la situation économique. La banque centrale ne devrait pas chercher à convaincre les marchés de se rallier à ses positions. Nous devons plutôt aider les marchés à comprendre les réflexions qui sous-tendent nos décisions.

Pour transmettre aux participants aux marchés et au public les nuances que comporte la gestion des risques, il nous faut leur présenter notre évaluation des événements et des enjeux qui influent sur nos décisions tout en faisant preuve de franchise quant à la grande incertitude inhérente à la formulation de la politique monétaire. L’analyse de l’incertitude prend tout son sens quand un choc majeur – tel l’effondrement des prix du pétrole – frappe l’économie et doit être pris en compte dans les perspectives, comme cela a été le cas durant cette période. Il nous faut alors être aussi transparents que possible sans toutefois recourir à de l’information faussement précise sur les perspectives économiques et la trajectoire future du taux directeur.

Deuxième étude de cas : normalisation de la politique dans un contexte d’incertitude croissante (2017-2018)

Avançons de quelques années, jusqu’en 2017-2018, pour voir comment la gestion des risques a façonné la conduite de la politique monétaire alors que nous avons entrepris de porter le taux directeur à des niveaux plus normaux.

À la mi-2017, l’économie canadienne s’était dans une large mesure remise du choc des prix du pétrole de 2014-2015, même si certaines régions montraient encore des signes de faiblesse. De plus en plus de secteurs contribuaient à la croissance, et l’écart de production était censé se résorber avant la fin de 2017. L’inflation était en hausse, mais demeurait en deçà de 2 %. Dans ce contexte, nous avons relevé le taux directeur en juillet 2017, deux ans après l’avoir réduit à 0,5 %. Nous allions le rehausser de 125 points de base au total avant la fin de 2018.

Dans mon analyse de cette période, je m’attarderai sur certaines considérations importantes du point de vue de la gestion des risques et sur un certain nombre de différences significatives entre cette étude de cas et la précédente.

D’abord, durant cette période, l’environnement macroéconomique et les vulnérabilités financières associées au niveau élevé d’endettement des ménages et des prix des logements constituaient des arguments favorables à des taux plus élevés. Contrairement à la période précédente, les questions intéressant la politique monétaire et les préoccupations relatives à la stabilité financière allaient alors dans le même sens.

Une autre différence fondamentale entre la période analysée dans cette étude de cas et la première tient au rôle des politiques macroprudentielles. Le Canada avait annoncé deux séries de modifications aux lignes directrices sur le crédit hypothécaire, modifications qui allaient étendre la portée des tests de résistance applicables aux nouveaux emprunteurs. Cette mesure visait à améliorer la qualité des nouveaux crédits hypothécaires afin de limiter les vulnérabilités associées à l’endettement des ménages. Elle a eu un impact direct sur la macroéconomie : une forte baisse de l’activité a été enregistrée dans le secteur du logement suivant l’entrée en vigueur de la deuxième série de modifications, en 2018. Mais surtout, les effets de cette mesure se sont conjugués à ceux des hausses en matière de taxation du logement dans certaines municipalités et provinces, et ont contribué à un important recul de l’activité spéculative ainsi qu’à une diminution des signes d’effervescence qui prévalaient jusqu’alors dans certaines régions24. Si l’on combine à cela le fait que des prêts moins risqués s’ajoutaient alors à la composition de l’encours de la dette des ménages, la vulnérabilité de l’économie était en voie d’être circonscrite25. L’adoption de ces mesures macroprudentielles a modifié l’arbitrage temporel : nous avons pu accroître la pondération des risques liés à l’atteinte de la cible d’inflation et abaisser celle des risques associés aux vulnérabilités des ménages.

Une troisième différence essentielle entre cette étude de cas et la première est à la montée de l’incertitude knightienne liée aux politiques commerciales mondiales. À partir du vote favorable au Brexit, en 2016, l’essor du populisme avait entraîné un remaniement considérable des priorités des gouvernements de certains pays, qui disaient alors appeler de leurs vœux une réforme des relations commerciales entre les États. En l’absence de connaissances sur la teneur des futurs des accords commerciaux, l’incertitude est devenue à la fois importante et croissante dès lors que les tensions géopolitiques se sont multipliées et que les tensions commerciales se sont muées en conflits véritables. Deux des fronts sur lesquels se sont déroulées les guerres commerciales intéressaient particulièrement le Canada : le conflit Chine–États-Unis et la renégociation des accords commerciaux entre le Canada, les États-Unis et le Mexique26.

Quand émerge une nouvelle source d’incertitude knightienne, la Banque doit décider de quelle façon l’intégrer à son scénario de référence et préciser comment elle l’a prise en compte ou non dans celui-ci. La Banque avait produit ses projections économiques de référence à partir de certaines hypothèses concernant les accords commerciaux durant la période visée par ces projections. Mais pour expliquer comment le Conseil de direction appréhendait et pondérait les risques, la Banque a accompagné d’un complément d’information les scénarios de référence exposés dans le RPM. Elle y a décrit les différents canaux par lesquels une modification soudaine des politiques commerciales et du niveau d’incertitude qui leur est associé pourrait se répercuter sur l’activité. Cette incertitude va dans les deux sens. Comme l’incertitude en tant que telle pesait sur la demande, toute entente sur d’éventuels accords commerciaux entre les régions aurait été susceptible d’en atténuer l’effet modérateur sur l’activité, ce qui aurait constitué un risque à la hausse pour les perspectives de croissance. Cependant, en cas d’achoppement des négociations ou d’issue nuisible aux échanges, l’activité aurait été vraisemblablement moins bonne que dans le scénario de référence, ce qui aurait représenté un risque à la baisse pour la croissance.

Un autre volet capital de nos délibérations du point de vue de la gestion des risques est celui-ci : la mesure dans laquelle une forte croissance pourrait se poursuivre même si l’écart de production se refermait. Cette croissance aurait permis de résorber la marge de ressources inutilisées sur le marché du travail et sans doute aussi de contribuer à un accroissement de l’offre plus prononcé que prévu. Les mesures traditionnelles de l’écart de production donnaient à penser que l’économie tournait près des limites de sa capacité, voire qu’elle les dépassait. Pourtant, aucun signe de la présence de tensions inflationnistes n’était encore observé.

L’inflation était sous la cible depuis un certain temps et la croissance des salaires était modérée. Nous avons donc jugé que le risque qu’une forte demande entraîne une hausse durable de la production potentielle l’emportait sur le risque d’un léger dépassement temporaire de la cible d’inflation. Nous savions que la contribution des effets de la numérisation à la croissance économique n’était probablement pas mesurée adéquatement27. En outre, le marché du travail évoluait d’une manière qui faisait augmenter le taux de participation, surtout par la création d’emplois à temps partiel et de petits boulots28. Tout cela donnait à penser que nous pourrions relever le taux directeur de façon plus graduelle que par le passé, malgré le bas niveau auquel il se situait et la solidité de l’économie canadienne.

Notre capacité à suivre une approche axée sur la gestion des risques a été facilitée par deux améliorations en matière de communication. À la fin de 2016, nous avons étoffé la section sur les risques de notre RPM afin de donner plus d’information sur l’évolution de la situation depuis la livraison précédente de ce rapport et sur les risques que la Banque surveillera à court terme. Le nouveau contenu aide à éclairer l’analyse qui conduit la Banque à déterminer qu’un risque pourrait se dissiper et sera vraisemblablement absent d’un futur RPM; qu’un risque pourrait prendre de l’importance du fait que certains de ses aspects sont susceptibles de se matérialiser, entraînant une révision de la projection économique; ou encore que la nature d’un risque pourrait changer, par exemple qu’un risque orienté dans une seule direction devienne un risque tant à la hausse qu’à la baisse.

Une autre avancée a été le lancement des discours sur l’état de la situation économique. À compter de 2018, nous nous sommes efforcés de rendre les décisions concernant le taux directeur plus transparentes en organisant un discours d’un membre du Conseil de direction le lendemain des annonces de taux qui ne coïncident pas avec la publication du RPM. Ces discours permettent de fournir des précisions relativement aux perspectives à jour de la Banque sur l’économie, ainsi que de présenter les principaux points abordés durant les délibérations du Conseil de direction.

En octobre 2018, nous avions relevé le taux directeur pour le faire passer à 1,75 %. À ce moment-là, nous recommencions à redouter que les participants au marché financier se basaient sur les récentes décisions de politique monétaire pour extrapoler les prochaines, plutôt que d’étudier de près les divers risques pertinents. Dans sa déclaration préliminaire suivant la publication du RPM, la première sous-gouverneure Wilkins a été explicite sur ce point :

Le Conseil de direction estime que le taux d’intérêt directeur devra augmenter jusqu’à parvenir à une orientation neutre pour assurer l’atteinte de la cible d’inflation. Vous avez peut-être remarqué que nous n’avons pas employé le mot « graduel » pour décrire le rythme des ajustements à la politique monétaire. Nous avons en effet voulu éviter de donner l’impression que nous suivons de façon mécanique une trajectoire prédéterminée. Le rythme approprié des hausses de taux dépendra de l’évaluation que fait le Conseil de direction, à chaque date d’annonce préétablie, de l’évolution des perspectives d’inflation et des risques connexes.

Durant cette période, la Banque a commencé à revenir régulièrement sur le terme « dépendance aux données ». Elle voulait ainsi souligner que ses décisions de politique monétaire ne sont jamais prédéterminées, et inciter les marchés à s’appuyer sur leurs propres évaluations des données et sur leur compréhension de la fonction de réaction de la Banque pour prévoir l’orientation de sa politique.

L’avenir de la gestion des risques à l’ère de la COVID-19

L’approche axée sur la gestion des risques intégrée au cadre de ciblage de l’inflation de la Banque est bien établie. Il est toutefois évident que les événements de cette année mettront à rude épreuve les capacités d’élaboration de politiques de toutes les parties concernées. Nous nous retrouvons devant l’inconnu, et il nous faudra être souples et novateurs.

Les questions sont nombreuses et complexes. Quand et comment le commerce mondial se redressera-t-il? Comment les entreprises reconstruiront-elles les chaînes de valeur? Quels seront les dommages structurels de la pandémie? Combien de temps faudra-t-il aux marchés du travail pour se relever et reviendront-ils à leur niveau d’avant la pandémie? Les vulnérabilités liées aux niveaux élevés d’endettement des ménages seront accompagnées d’une augmentation de la dette publique. Quels types de politiques seront nécessaires pour remédier à ce problème?

À très court terme, des interventions normalement assimilées à des mesures de politique monétaire continueront à soutenir le système financier. Après tout, le bon fonctionnement du système financier est un prérequis à l’efficacité de la politique monétaire.

N’oublions pas que l’effet de la politique monétaire se fait d’abord sentir sur les marchés financiers et le prix des actifs financiers. Cela signifie que certains outils des banques centrales peuvent aider à rétablir le fonctionnement des marchés durant les périodes agitées et à stimuler l’activité macroéconomique lorsque les marchés ne sont pas perturbés. Les mesures que nous avons prises pour améliorer le fonctionnement des marchés viendront plus tard grandement dynamiser l’économie.

Bien entendu, la reconstruction de l’économie exigera des mesures de détente monétaire considérables. Mais quelle devra être leur ampleur et pendant combien de temps seront-elles nécessaires? Nos modèles économiques n’ont pas été conçus avec ce genre de circonstances en tête, soit des niveaux extrêmement élevés d’incertitude knightienne. Pour l’heure, il est probable que les décideurs fondent largement leurs décisions sur des scénarios illustratifs.

Il faut souligner que l’économie se portait très bien quand la pandémie a frappé : l’inflation était tout près de la cible et le taux de chômage se situait à son niveau le plus bas en 40 ans. Une personne en bonne santé a plus de chances de se remettre de la COVID-19, et c’est la même chose pour notre économie. Le taux directeur, par contre, n’atteignait que 1,75 %; la marge de manœuvre de la politique monétaire restait donc très mince en cas de choc important. Avant la pandémie, un fort consensus se dessinait au sein des banques centrales, qui estimaient qu’il faudrait réagir au prochain ralentissement économique majeur surtout par la voie de mesures budgétaires, la politique monétaire jouant un rôle de soutien.

La pandémie a entraîné un arrêt soudain de l’activité économique, un problème que la politique monétaire ne permettait pas vraiment de résoudre. Baisser les taux d’intérêt pour stimuler la demande n’aurait eu que peu d’effet, les commerces et usines étant fermés. Cependant, des mesures budgétaires pouvaient être élaborées pour soutenir les revenus, et faire qu’on puisse mettre l’économie « en pause » en attendant la fin de la pandémie. Malgré cela, l’ampleur des perturbations était telle que tous les outils de politique monétaire disponibles ont dû être déployés pour compléter les mesures budgétaires et soutenir l’économie. La Banque a donc rapidement abaissé son taux directeur pour le porter à sa valeur plancher de 0,25 %. Elle a également pris tout un éventail de mesures pour assurer le fonctionnement ininterrompu des marchés financiers, afin que les ménages et les entreprises continuent d’avoir accès au crédit.

Cet épisode a considérablement changé la conduite de la politique monétaire. D’abord, la coordination entre la Banque du Canada et l’autorité budgétaire a été exceptionnelle. On a même tenu – pour la première fois – des conférences de presse communes du gouverneur et du ministre des Finances, une démonstration de force visant à raffermir la confiance dans l’économie. Tout au long de cet épisode, l’importance de l’indépendance de la banque centrale a été soulignée par les deux parties. Il est bien entendu que la capacité de la Banque à accorder des prêts sans limites doit être soutenue par la cible d’inflation afin d’ancrer les attentes d’inflation.

Ensuite, la nécessité de rétablir le fonctionnement des marchés financiers a incité la Banque à lancer une gamme audacieuse de programmes d’achat d’actifs. Ceux-ci ne visent pas seulement à réaliser notre mandat, soit favoriser la stabilité financière, ils sont aussi essentiels si l’on veut que la baisse du taux directeur à la valeur plancher parvienne jusqu’aux emprunteurs ultimes : les ménages et les entreprises. Ces programmes prévoient notamment des achats de titres de dette du gouvernement fédéral, des provinces et de sociétés qui entraînent une augmentation massive de la taille du bilan de la Banque, une hausse qui se résorbera à mesure que les conditions reviendront graduellement à la normale. Pendant cet épisode, les leçons de la crise de 2008-2009 ont amené la Banque à s’écarter du gradualisme. Elle a plutôt procédé à un déploiement généralisé et énergique de ses outils de politique monétaire non traditionnels. À l’occasion d’une conférence de presse, on m’a demandé si notre réaction n’était pas un peu exagérée. Ma réponse a été la suivante : personne n’a jamais accusé les pompiers d’utiliser trop d’eau.

Jusqu’à présent, soit au moment de la rédaction de cette conférence, l’approche adoptée semble avoir fonctionné. Les marchés financiers affichent une bonne tenue. Nous savons que la demande de liquidités à court terme des gouvernements risque de causer de nouvelles tensions sur les marchés, mais nous sommes préparés à cette possibilité. Cependant, nos efforts visent surtout à veiller à ce que les bases de l’économie soient solides en vue de la reprise.

Compte tenu de toute l’incertitude qui entoure les perspectives économiques, on est en droit de s’interroger sur la pertinence d’une prise de décision fondée sur la gestion des risques. Même si une minorité d’observateurs craignent que les mesures extrêmes ayant été prises créent de l’inflation à l’avenir, nos grandes préoccupations étaient les risques à la baisse et la possibilité d’une déflation. Déflation et dette existante font très mauvais ménage : elles ont été les deux principaux ingrédients de crises par le passé. De fait, au début de la pandémie, les risques à la baisse étaient selon nous tellement élevés qu’aucun arbitrage pertinent ne pouvait être envisagé par les autorités monétaires. C’était comme si la pandémie allait créer un cratère déflationniste géant au cœur de l’économie : il fallait mettre en place des mesures en apparence inflationnistes pour contrer cette calamité.

Les mesures prises pour contrecarrer les effets de la pandémie vont sans aucun doute accroître l’endettement, en particulier la dette publique. Ramener l’économie vers la croissance – une condition nécessaire à l’atteinte de notre cible d’inflation – est le meilleur moyen d’assurer le service de ces dettes à l’avenir. La situation actuelle ressemblant plus à une catastrophe naturelle qu’à une récession, on peut s’attendre à ce que la confiance soit renforcée par les mesures budgétaires de soutien au revenu et un retour raisonnablement rapide à la croissance pour des segments importants de l’économie. Il faudra évidemment plus de temps pour réparer les dommages structurels, comme les faillites d’entreprises et l’« effet cicatrice » sur le marché du travail.

L’incertitude extrême que nous subissons aujourd’hui souligne la nature pressante des recherches effectuées à la Banque et ailleurs, lesquelles nous aideront à mieux comprendre des questions essentielles à mesure qu’évolue la gestion des risques. Des travaux en cours étudient notamment les répercussions des périodes d’incertitude29 et la façon dont l’incertitude macroéconomique peut amener les entreprises à reporter les embauches.

Bien entendu, la Banque continue aussi à s’intéresser au lien entre la politique monétaire et la stabilité financière. Elle tente de mieux saisir l’effet des vulnérabilités sur la transmission de la politique monétaire. De nouveaux travaux de modélisation ont été entrepris pour explorer l’arbitrage entre le court et le long terme qui découle des vulnérabilités30.

Une meilleure compréhension des liens entre l’économie réelle et le secteur financier restera prioritaire. Nous en avons déjà beaucoup appris sur l’importance de tenir compte de l’hétérogénéité des ménages, y compris les questions relatives à la démographie et aux différences de revenu, de dette et de richesse31. Nos recherches utiliseront les microdonnées pour approfondir notre compréhension de l’incidence de l’hétérogénéité des ménages sur la transmission de la politique monétaire.

L’hétérogénéité est aussi importante pour réduire notre incertitude à l’égard des facteurs macroéconomiques fondamentaux. La taille d’une entreprise peut influer sur son accès au crédit au cours du cycle économique. Les structures de la chaîne d’approvisionnement peuvent jouer un rôle dans l’incidence qu’ont les politiques monétaire et budgétaire sur les investissements, les exportations et les importations. Encore ici, les microdonnées feront progresser notre compréhension de ces effets32.

Les travaux menés feront évoluer nos modèles macroéconomiques et la représentation de la macroéconomie dans nos outils de stabilité financière. De plus, des projets de recherche nous aident à nous rapprocher d’un modèle comprenant une plus vaste gamme de variables du système financier et de mesures de la stabilité financière, comparativement à nos modèles macroéconomiques actuels. Il ne s’agira pas de la synthèse globale ultime, mais nous pourrions avoir au bout du compte un outil susceptible d’améliorer nos prévisions, nos analyses des risques et nos délibérations sur la politique monétaire.

La pandémie est un exemple d’incertitude knightienne qui nous obligera aussi à remettre en cause bien des idées fondamentales concernant le fonctionnement possible et optimal de notre économie. Bien des gens ont affirmé que lorsque les choses reviendront à la normale, ce sera une normalité très différente d’avant la COVID­19. La pandémie a révélé des faiblesses dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et nationales, ce qui a stimulé l’innovation au Canada et ailleurs et montré les avantages de la flexibilité.

Il y aura des leçons à tirer de l’évolution des chaînes d’approvisionnement. Il sera intéressant de voir si les futurs accords prévoiront une redondance des fournisseurs et si davantage de biens essentiels seront produits au pays. Plus généralement, les structures industrielles pourraient être modifiées, les économies comptant moins sur les chaînes mondiales pour s’approvisionner en produits considérés comme essentiels pour la santé et la sécurité nationales.

Une incidence manifeste de la pandémie est le passage rapide en mode télétravail à temps plein de beaucoup d’entreprises et d’employés, ce que l’on a par le passé considéré comme difficile, voire impossible. Des réunions qu’on ne pouvait imaginer se tenir à distance sont maintenant organisées virtuellement. Les contraintes ont entraîné une rapide expansion du commerce en ligne. On peut se demander si ces tendances vont précipiter la numérisation de l’économie et une utilisation plus généralisée de certaines technologies33. On peut également se demander si on assistera à l’accélération des initiatives visant à réduire les émissions de carbone.

Enfin, il faudra tirer des leçons de l’efficacité des diverses politiques – budgétaires, réglementaires, financières et monétaires – mises en place et de leurs interactions.

Conclusion

S’il y a un fil conducteur à ce survol de l’histoire économique récente, c’est que les économistes et les décideurs apprennent par l’expérience. L’incertitude a été un thème commun du mandat de mes prédécesseurs. Cela nous incite à faire preuve d’une certaine humilité dans la formulation des politiques, et à toujours chercher à mieux comprendre, à davantage nous informer et à éclaircir les zones d’ombre. Assurément, les leçons tirées de la crise financière mondiale nous ont énormément aidés à définir les mesures visant les marchés financiers que nous avons mises en place pendant la pandémie.

En ce qui concerne l’avenir, nous mènerons des recherches qui viendront s’ajouter à notre expérience, ce qui nous aidera à mieux composer avec l’incertitude et la gestion des risques. Nous pouvons trouver de meilleures manières de modéliser l’incidence de l’incertitude knightienne sur la confiance et le comportement. Nous pouvons élargir notre analyse du dosage optimal des politiques permettant de gérer les risques et l’incertitude. Nous pouvons améliorer notre mesure des arbitrages entre stabilité financière et ciblage de l’inflation.

Cette aptitude à sans cesse apprendre sera absolument essentielle en cette période d’inconnu. Je suis fermement convaincu que le Canada renouera avec la prospérité, non seulement parce que les bases de notre économie sont solides, mais aussi parce que nos efforts et notre ingéniosité seront au rendez-vous, comme d’habitude.

Je tiens à remercier Sharon Kozicki et Paul Badertscher de leur précieuse collaboration dans la préparation de cette conférence.

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La politique monétaire devant l’inconnu - Le gouverneur de la Banque du Canada, M. Stephen S. Poloz, prononce par vidéo la conférence commémorative Eric J. Hanson de l’Université de l’Alberta. (13 h 30 (heure de l’Est) approx.)

  1. 1. F. H. Knight (1921), Risk, Uncertainty and Profit, Boston, Hart, Schaffner & Marx, et Houghton Mifflin Co.[]
  2. 2. R. R. Mendes, S. Murchison et C. A. Wilkins résument les grandes conclusions que l’on trouve dans la littérature sur ce qui constitue la politique monétaire optimale en contexte d’incertitude, et à les comparer au comportement des banques centrales dans les faits, dans le document d’analyse du personnel de la Banque du Canada no 2017-13, intitulé Monetary Policy Under Uncertainty: Practice Versus Theory.[]
  3. 3. La façon dont les ménages et les entreprises forment leurs attentes est un facteur important dans l’incertitude de modèle.[]
  4. 4. Dans le document d’analyse du personnel no 2017-14 de la Banque du Canada, intitulé Communicating Uncertainty in Monetary Policy, S. Kozicki et J. Vardy présentent des moyens par lesquels la Banque cherche à expliquer ses perspectives économiques et ses décisions de politique monétaire, une large place étant accordée à sa méthode de prise en compte des différentes sources d’incertitude dans ses communications sur la politique monétaire. La bibliographie de cette étude est également pertinente à ce chapitre.[]
  5. 5. Pour en savoir plus sur une des premières contributions en ce sens, voir S. Alpanda, G. Cateau et C. Meh (2018), « A Policy Model to Analyze Macroprudential Regulations and Monetary Policy », Canadian Journal of Economics, vol. 51, no 3, p. 828-863. Dans cette étude, les auteurs intègrent davantage d’éléments du système financier ainsi que divers leviers de politique macroprudentielle dans un modèle macroéconomique de petite économie ouverte. Les arbitrages potentiels de la politique monétaire sont soulevés dans M. Shukayev et A. Ueberfeldt (2018), « Monetary Policy Trade-offs between Financial Stability and Price Stability », Canadian Journal of Economics, vol. 51, no 3, p. 901-945. De plus, certains travaux de recherche de la Banque traitent de l’efficacité des politiques macroprudentielles et monétaire pour remédier aux vulnérabilités, notamment S. Alpanda et S. Zubairy (2017), « Addressing Household Indebtedness: Monetary, Fiscal or Macroprudential Policy? », European Economic Review, vol. 92, p. 47-73.[]
  6. 6. Les analyses du personnel de la Banque établissant un lien entre divers types d’incertitude accrue et un affaiblissement de l’activité économique comprennent les suivantes : S. Jo (2014), « The Effects of Oil Price Uncertainty on Global Real Economic Activity », Journal of Money Credit and Banking, vol. 46, no 6, p. 1113-1135; S. Byun et S. Jo (2018), « Heterogeneity in the Dynamic Effects of Uncertainty on Investment », Canadian Journal of Economics, vol. 51, no 1, p. 127-155; L. Ferrara et P. Guérin (2018), « What Are the Macroeconomic Effects of High Frequency Uncertainty Shocks », Journal of Applied Econometrics, vol. 33, no 5, p. 662-679; R. Sekkel et S. Jo (2017), « Macroeconomic Uncertainty Through the Lens of Professional Forecasters », Journal of Business & Economic Statistics, vol. 37, no 3, p. 436-446.[]
  7. 7. S. S. Poloz (2013), La politique monétaire comme outil de gestion des risques, discours prononcé devant le Cercle canadien de Montréal, Montréal (Québec), 12 décembre.[]
  8. 8. S. S. Poloz (2014), Intégrer l’incertitude dans l’élaboration de la politique monétaire – La perspective d’un praticien, document d’analyse du personnel no 2014-6, Banque du Canada.[]
  9. 9. Certains de ces autres scénarios ont été publiés dans des notes analytiques du personnel de la Banque du Canada : R. Barnett et R. Mendes (2017), A Structural Interpretation of the Recent Weakness in Business Investment, note analytique du personnel no 2017-7; J. Yang, B. Tomlin et O. Gervais (2017), Alternative Scenario to the October 2017 MPR Base-Case Projection: Higher Potential Growth, note analytique du personnel no 2017-18; K. B. Charbonneau (2019), The Impact of a Trade War: Assessment of the Current Tariffs and Alternative Scenarios, note analytique du personnel no 2019‑20.[]
  10. 10. Voir l’analyse de la Banque du Canada (2016), « L’approche de gestion des risques de la Banque en matière de politique monétaire », Renouvellement de la cible de maîtrise de l’inflation : document d’information.[]
  11. 11. Voir, par exemple, T. Duprey (2018), Asymmetric Risks to the Economic Outlook Arising from Financial System Vulnerabilities, note analytique du personnel no 2018-6, Banque du Canada.[]
  12. 12. Les effets déstabilisants d’un resserrement à court terme font l’objet d’une analyse dans G. H. Bauer et E. Granziera (2017), « Monetary Policy, Private Debt, and Financial Stability Risks », International Journal of Central Banking, vol. 13, no 3, p. 337-373.[]
  13. 13. En 2017, le modèle TOTEM (Terms-of-Trade Economic Model) a été modifié pour améliorer la modélisation de l’endettement des ménages et rendre plus détaillée la modélisation du marché du logement. Voir Banque du Canada (2017), « Annexe : Les récentes modifications du modèle TOTEM », Rapport sur la politique monétaire, octobre, p. 28-29.[]
  14. 14. Pour des précisions sur la croissance exposée au risque, voir T. Duprey et A. Ueberfeldt (2018), How to Manage Macroeconomic and Financial Stability Risks : New Framework, note analytique du personnel no 2018-11, Banque du Canada; T. Duprey et A. Ueberfeldt, Managing GDP Tail Risk, document de travail du personnel no 2020-03, Banque du Canada.[]
  15. 15. J. H. Powell (2018), Monetary Policy and Risk Management at a Time of Low Inflation and Low Unemployment, allocution prononcée à l’occasion de la 60e réunion annuelle de la National Association for Business Economics qui avait pour thème « Revolution or Evolution? Reexamining Economic Paradigms », Boston (Massachusetts), 2 octobre.[]
  16. 16. Pour plus de précisions sur le modèle TOTEM, voir S. Murchison et A. Rennison (2006), ToTEM : The Bank of Canada’s New Quarterly Projection Model, rapport technique no 97, Banque du Canada; J. Dorich, R. R. Mendes et Y. Zhang (2011), « Intégration de plusieurs taux d’intérêt au modèle TOTEM », Revue de la Banque du Canada, été, p. 3-12; J. Dorich, M. K. Johnston, R. R. Mendes, S. Murchison et Y. Zhang (2013), ToTEM II : An Updated Version of the Bank of Canada’s Quarterly Projection Model, rapport technique n° 100, Banque du Canada.[]
  17. 17. Une estimation de l’incidence de la baisse des prix du pétrole sans réaction des autorités monétaires a été présentée dans Banque du Canada (2015), « Annexe : L’incidence de la baisse des prix du pétrole sur l’économie canadienne », Rapport sur la politique monétaire, janvier, p. 29-31.[]
  18. 18. O. Gervais et M.-A. Gosselin (2014), Analyzing and Forecasting the Canadian Economy through the LENS Model, rapport technique no 102, Banque du Canada.[]
  19. 19. Les nouveaux outils élaborés pour guider les travaux liés aux projections sont décrits dans R. Barnett, K. B. Charbonneau et G. Poulin-Bellisle (2016), A New Measure of the Canadian Effective Exchange Rate, document d’analyse du personnel n° 2016-1, Banque du Canada; P. Alexander, J.-P. Cayen et A. Proulx (2017), An Improved Equation for Predicting Canadian Non-Commodity Exports, document d’analyse du personnel no 2017-1, Banque du Canada; A. Binette, T. Chernis et D. de Munnik (2017), Global Real Activity for Canadian Exports : GRACE, document d’analyse du personnel n° 2017-2, Banque du Canada.[]
  20. 20. Voir, par exemple, Banque du Canada (2015), « Encadré 1 : Investissements dans le secteur du pétrole et du gaz : le point de vue des acteurs », Rapport sur la politique monétaire, janvier, p. 21.[]
  21. 21. Parmi les nombreuses études qui ont contribué par la suite à la compréhension de la Banque des facteurs qui sous-tendent la faiblesse des exportations, notons : A. Binette, D. de Munnik et E. Gouin-Bonenfant (2014), Canadian Non-Energy Exports : Past Performance and Future Prospects, document d’analyse du personnel no 2014-1, Banque du Canada; M. Coiteux, P. Rizzetto, L. Suchanek et J. Voll (2014), Why do Canadian Firms Invest and Operate Abroad? Implications for Canadian Exports, document d’analyse du personnel no 2014-7, Banque du Canada; A. Binette, D. de Munnik et J. Melanson (2015), An Update — Canadian Non-Energy Exports: Past Performance and Future Prospects, document d’analyse du personnel no 2015-10, Banque du Canada.[]
  22. 22. La sensibilité des marchés financiers aux énoncés de politique des banques centrales fait l’objet d’une analyse dans M. Ehrmann et J. Talmi (2020), « Starting from a Blank Page? Semantic Similarity in Central Bank Communication and Market Volatility », Journal of Monetary Economics, vol. 111, p. 48-62.[]
  23. 23. Voir F. Ghironi et G. K. Ozhan (2020), Interest Rate Uncertainty as a Policy Tool, document de travail du personnel no 2020-13, Banque du Canada. L’analyse présentée dans cette étude donne à penser que si la politique monétaire élimine artificiellement l’incertitude à court terme quant au taux directeur, elle favoriserait ainsi l’inefficience des flux de capitaux.[]
  24. 24. M. Khan et M. Verstraete (2018), Personal Experiences and House Price Expectations: Evidence from the Canadian Survey of Consumer Expectations, note analytique du personnel no 2018-8, Banque du Canada; M. Khan et M. Verstraete (2019), Non-Resident Taxes and the Role of House Price Expectations, note analytique du personnel no 2019-8, Banque du Canada; M. Khan et T. Webley (2019), Démêler les facteurs qui influencent les reventes de logements, note analytique du personnel no 2019-12, Banque du Canada.[]
  25. 25. O. Bilyk et M. teNyenhuis (2018), Incidence des modifications récentes des politiques sur le marché hypothécaire canadien, note analytique du personnel no 2018-35, Banque du Canada.[]
  26. 26. Des simulations ont servi à estimer l’incidence économique des changements de droits de douane imposés et proposés par les États-Unis, au sein même du pays et ailleurs. Pour en savoir plus sur ces simulations, voir K. B. Charbonneau et A. Landry (2018), Estimating the Impacts of Tariff Changes: Two Illustrative Scenarios, note analytique du personnel no 2018-29, Banque du Canada; K. B. Charbonneau et A. Landry (2018), The Trade War in Numbers, document de travail du personnel no 2018-57, Banque du Canada.[]
  27. 27. C. D’Souza et D. Williams (2017), « L’économie numérique », Revue de la Banque du Canada, printemps, p. 5-20.[]
  28. 28. Dans la note analytique du personnel no 2019-6 de la Banque du Canada, intitulée The Size and Characteristics of Informal (‘Gig’) Work in Canada, O. Kostyshyna et C. Luu montrent que les emplois atypiques (ou « petits boulots ») pourraient avoir aidé à réduire les pressions sur les salaires.[]
  29. 29. K. Tuzcuoglu et L. Uzeda (à paraître), Measuring Aggregate and Sectoral Uncertainty, document de travail du personnel, Banque du Canada.[]
  30. 30. P. Beaudry (2020), Politique monétaire et vulnérabilités financières, discours prononcé à l’Université Laval (Québec), 30 janvier.[]
  31. 31. Voici quelques-uns des travaux du personnel de la Banque du Canada à ce sujet : A. T. Y. Ho et J. Zhou (2016), Housing and Tax-Deferred Retirement Accounts, document de travail du personnel no 2016­24; S. Cao, C. Meh, J.-V. Ríos-Rull et Y. Terajima (2018), The Welfare Cost of Inflation Revisited: The Role of Financial Innovation and Household Heterogeneity, document de travail du personnel no 2018­40; E. Djeutem et S. Xu (2019), Model Uncertainty and Wealth Distribution, document de travail du personnel no 2019-48; K. Kartashova et X. Zhou (2020), How Do Mortgage Rate Resets Affect Consumer Spending and Debt Repayment? Evidence from Canadian Consumers, document de travail du personnel no 2020-18.[]
  32. 32. X. Guo (2020), Identifying Aggregate Shocks with Micro-level Heterogeneity: Financial Shocks and Investment Fluctuation, document de travail du personnel no 2020-17, Banque du Canada.[]
  33. 33. T. Lane (2020), L’argent et les paiements à l’ère numérique, discours prononcé au RDV FinTech 2020 de CFA Montréal, Montréal (Québec), 25 février.[]