Résultats de l’enquête du printemps 2020 | Vol. 17.1 | 6 avril 2020
Selon les résultats de l’enquête sur les perspectives des entreprises menée au printemps, la confiance des entreprises s’était affaiblie dans la plupart des régions avant même que la COVID‑19 devienne une source de préoccupation majeure au Canada. Elle s’est particulièrement détériorée dans les régions productrices de pétrole.
Vue d’ensemble
- Les entrevues de l’enquête ont été réalisées avant la forte intensification des préoccupations liées à la COVID‑19 au pays. Des consultations menées plus récemment révèlent que les ventes se sont effondrées dans certains secteurs axés sur la consommation (encadré 1) et que les tensions économiques et financières se sont décuplées dans le secteur de l’énergie (encadré 2).
- D’après les résultats de l’enquête, les perspectives de ventes des entreprises liées au secteur de l’énergie s’étaient grandement assombries sous l’effet de la chute des prix du pétrole. Pour les autres entreprises, en particulier celles du Québec, les perspectives de ventes intérieures étaient favorables, mais s’étaient modérées.
- Les intentions d’investissement et d’embauche étaient modestes. Les entreprises des Prairies planifiaient de réduire leurs investissements et leurs effectifs.
- Les pressions sur la capacité de production demeuraient élevées dans le centre du Canada, mais s’étaient relâchées quelque peu dans l’ensemble. Les pénuries de main-d’œuvre s’étaient intensifiées par rapport à l’an dernier, surtout au Québec.
- Même si les entreprises anticipaient une légère accélération de la hausse du prix des intrants, elles prévoyaient d’augmenter le prix de leurs extrants à un rythme un peu plus lent compte tenu des pressions concurrentielles. Les attentes d’inflation avaient continué de monter peu à peu vers 2 %, soit le point milieu de la fourchette de maîtrise de l’inflation visée par la Banque du Canada.
- Les conditions du crédit s’étaient légèrement assouplies dans les trois mois précédant l’enquête.
- L’indicateur de l’enquête est tombé en deçà de zéro, un signe que la confiance des entreprises s’était affaiblie avant même l’intensification du choc causé par la COVID‑19. Les réponses à plusieurs des questions se situaient au-dessous ou près de leur moyenne historique, ce qui met en évidence la faiblesse accrue dans les régions productrices d’énergie.
Activité économique
L’indicateur de la croissance passée des ventes a reculé pour s’établir à un niveau nettement négatif (graphique 1), reflétant un ralentissement de la croissance des ventes dans la plupart des régions. Dans ce contexte, les entreprises anticipaient généralement une progression plus rapide des ventes au cours des 12 mois à venir, comme l’indique le solde des opinions positif (graphique 2, barres bleues). Cela tenait en partie aux attentes que les ventes cessent de baisser ou se redressent légèrement. De manière globale, les entreprises ont en effet mentionné que leurs indicateurs des ventes futures (carnets de commandes, demandes de renseignements, etc.) s’étaient modérément améliorés (graphique 2, ligne rouge), laissant présager une faible croissance des ventes. Fait important, les prix du pétrole ayant commencé à chuter, les perspectives de ventes des entreprises liées au secteur de l’énergie s’étaient considérablement assombries. Chez les autres répondants, les perspectives de ventes intérieures étaient positives, mais elles s’étaient soit affaiblies en raison de la concurrence accrue, soit modérées dans le sillage d’une période de croissance exceptionnelle, notamment au Québec.
Graphique 1 : Croissance passée des ventes
* Pourcentage des entreprises qui font état d’un taux de croissance plus élevé diminué du pourcentage de celles qui signalent un ralentissement Dernière observation :
Graphique 2 : Croissance future des ventes
* Pourcentage des entreprises qui prévoient un taux de croissance plus élevé diminué du pourcentage de celles qui signalent un ralentissement
† Pourcentage des entreprises ayant signalé une amélioration des indicateurs diminué du pourcentage de celles ayant constaté une détérioration Dernière observation :
S’appuyant souvent sur la demande des États-Unis, les répondants ont été relativement nombreux à déclarer que leurs indicateurs des ventes futures à des clients étrangers s’étaient améliorés, laissant présager une croissance modeste des exportations. Bien qu’une grande partie d’entre eux aient exprimé de l’incertitude quant à l’impact de la COVID‑19 sur la croissance au sud de la frontière, les attentes quant à l’expansion de l’économie américaine étaient généralement positives au moment de l’enquête. De plus, les répondants s’attendaient à ce que leurs ventes profitent de l’expansion américaine et des évolutions récentes sur le plan des politiques commerciales mondiales, surtout de la ratification de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique et de la première phase de l’accord commercial entre la Chine et les États-Unis.
Sur fond de ralentissement de la demande intérieure, les entreprises prévoyaient une hausse modeste de leurs investissements en machines et matériel au cours des 12 mois suivants (graphique 3). En effet, les répondants (surtout dans les Prairies) ont dit limiter leurs investissements en raison de la faiblesse attendue des ventes intérieures et de la montée de l’incertitude.
Graphique 3 : Intentions d’investissement
* Pourcentage des entreprises qui prévoient d’augmenter leurs investissements diminué du pourcentage de celles qui envisagent de les réduire Dernière observation :
Le solde des opinions au sujet des intentions d’embauche a poursuivi sa tendance à la baisse amorcée au milieu de 2018, atteignant un niveau inférieur à sa moyenne historique (graphique 4). Les intentions d’embauche étaient modérées du fait que les entreprises des Prairies envisageaient de réduire ou de maintenir leurs effectifs en raison de la chute des prix du pétrole. D’autres entreprises ont pour leur part déclaré vouloir embaucher du personnel (souvent pour des postes touchant aux technologies de l’information), car elles s’attendaient à une hausse de la demande.
Graphique 4 : Intentions d’embauche
* Pourcentage des entreprises qui prévoient un niveau d’emploi plus élevé diminué du pourcentage de celles qui prévoient le contraire Dernière observation :
Pressions sur la capacité de production
Après avoir affiché une tendance à la hausse en 2019, le nombre d’entreprises indiquant qu’elles auraient de la difficulté à répondre à une hausse inattendue de la demande a baissé pour s’établir juste au-dessus de sa moyenne historique (graphique 5). Les pressions sur la capacité de production sont demeurées élevées dans les entreprises du centre du Canada et de la Colombie‑Britannique.
Graphique 5 : Pressions sur la capacité de production
Dernière observation :
Le solde des opinions sur l’intensité des pénuries de main-d’œuvre est resté positif (graphique 6, ligne rouge), les entreprises – surtout au Québec – soulignant des pénuries plus intenses qu’il y a un an. Peu de répondants des régions productrices d’énergie ont dit souffrir de pénuries de main-d’œuvre, ce qui donne à penser qu’il y aurait là une importante marge de ressources inutilisées. Dans l’ensemble, le nombre d’entreprises disant être confrontées à des pénuries de main-d’œuvre qui limitent leur aptitude à répondre à la demande est resté près de sa moyenne historique (graphique 6, barres bleues).
Graphique 6 : Pénuries de main-d’œuvre
* Pourcentage des entreprises qui font état de pénuries de main‐d’œuvre plus intenses diminué du pourcentage de celles qui signalent des pénuries moins intenses Dernière observation :
Prix et inflation
Les entreprises s’attendaient à voir le prix des intrants hors main-d’œuvre augmenter légèrement plus vite au cours des 12 mois à venir (graphique 7). Les attentes d’accélération de la croissance des coûts liés à divers intrants hors produits de base étaient en partie compensées par l’allègement des pressions entraîné par la chute des prix de l’énergie et un meilleur pouvoir de négociation auprès des fournisseurs.
Graphique 7 : Prix des intrants
* Pourcentage des entreprises qui prévoient un rythme plus rapide d’augmentation des prix diminué du pourcentage de celles qui prévoient le contraire Dernière observation :
Le solde des opinions quant à la croissance du prix des extrants a poursuivi sa tendance à la baisse (graphique 8), laissant entrevoir une montée un peu plus lente des prix dans les 12 prochains mois. Selon plusieurs répondants, les pressions concurrentielles et le tassement de la demande freinaient la hausse de leurs prix de vente.
Graphique 8 : Prix des extrants
* Pourcentage des entreprises qui prévoient un rythme plus rapide d’augmentation des prix diminué du pourcentage de celles qui prévoient le contraire Dernière observation :
Les attentes d’inflation des entreprises ont poursuivi leur tendance à la hausse et se sont mieux équilibrées de part et d’autre de la cible de 2 %, soit le point milieu de la fourchette de maîtrise de l’inflation visée par la Banque du Canada (graphique 9). Les anticipations les plus faibles étaient concentrées chez les répondants des Prairies.
Graphique 9 : Attentes d’inflation
Dernière observation :
Conditions du crédit
Au moment de l’enquête, l’indicateur des conditions du crédit semblait indiquer un léger assouplissement au cours des trois mois précédents (graphique 10). Plusieurs entreprises ont déclaré avoir obtenu des taux d’emprunt plus bas, bon nombre d’entre elles expliquant cette baisse par une concurrence accrue entre les banques. À l’inverse, celles signalant des conditions de crédit moins avantageuses, y compris quelques entreprises liées au secteur de l’énergie, ont dans l’ensemble attribué la situation à un resserrement des modalités non tarifaires.
Graphique 10 : Conditions du crédit
* Pourcentage des entreprises qui font état d’un resserrement diminué du pourcentage de celles qui signalent un relâchement des conditions. Pour cette question, le solde des opinions fait abstraction des entreprises qui ont répondu « sans objet ». Dernière observation :
Indicateur de l’enquête
L’indicateur de l’enquête est tombé en deçà de zéro, indiquant que la confiance des entreprises s’était déjà affaiblie avant que la COVID‑19 devienne une source de préoccupation majeure au Canada (graphique 11). Les résultats de plusieurs des questions de l’enquête ont baissé à un niveau légèrement au-dessous ou près de leur moyenne historique – une évolution qui reflète à quelques exceptions près une faiblesse généralisée dans les régions productrices d’énergie et un ralentissement de l’activité, parfois à partir de niveaux élevés au Québec et en Colombie‑Britannique.
Graphique 11 : Indicateur de l’enquête
Dernière observation :
Encadré 1 : Les entreprises axées sur la consommation ont signalé un effondrement des ventes causé par la COVID‑19
Pour mieux saisir l’évolution rapide de l’impact économique de la COVID-19, la Banque a mené des consultations par téléphone auprès d’un petit échantillon ciblé d’entreprises et d’associations sectorielles canadiennes entre le 13 et le 17 mars1. L’état de la situation se détériorait alors toujours : certaines entreprises avaient tout récemment connu une baisse très prononcée de la demande tandis que d’autres s’attendaient à être bientôt touchées.
Les entreprises des secteurs de l’hébergement, de la restauration et du divertissement ont fait état de l’effondrement de leurs ventes, commandes et réservations. Plusieurs avaient déjà cessé leurs activités ou comptaient le faire sous peu vu la baisse de liquidités. Les commerces de détail non alimentaires ont déclaré que l’achalandage avait fortement chuté et qu’ils diminuaient leurs activités. Les entreprises de ces secteurs procédaient à des mises à pied massives ou réduisaient les heures de travail du personnel. Certaines, cependant, se tournaient vers d’autres activités – nouvelles ou moins exploitées –, comme la livraison à domicile et les ventes en ligne, pour atténuer l’effet négatif sur le chiffre d’affaires.
Certains fabricants s’attendaient à une contraction de la demande des clients aux prises avec des difficultés. Au moment des consultations, ils prévoyaient de suspendre leurs activités et de réduire leurs effectifs. Dans d’autres secteurs, certaines entreprises (comme celles liées à la construction résidentielle) n’avaient pas encore été touchées, mais l’incertitude quant à la demande de leurs produits et services s’était fortement accrue, selon la plupart des répondants.
Par contre, les épiceries et les services de transport connexes ont déclaré que leurs ventes avaient atteint des niveaux inédits. Ces répondants s’attendaient à ce qu’une partie de la hausse se maintienne tant que les gens continueraient de manger chez eux (au lieu d’aller au restaurant) et d’acheter plus de produits de nettoyage.
En plus de la faiblesse de la demande, plusieurs entreprises ont signalé la perturbation de l’approvisionnement d’intrants notamment importés de Chine et d’Italie. Certaines ont mentionné que leur approvisionnement en intrants chinois se rétablissait peu à peu. Les détaillants, surtout les épiceries, n’ont pas connu de problèmes d’approvisionnement importants.
Enfin, en ce qui concerne leurs dépenses en immobilisations à venir, les entreprises ont pour la plupart dit attendre la suite des événements. Presque tous les répondants des secteurs du tourisme et des services de restauration, tous deux fortement touchés, réduisaient leurs dépenses en rénovations et les achats de machines et matériel ou mettaient leurs projets d’investissement en veilleuse pour ménager les liquidités. Dans d’autres secteurs, certains répondants n’avaient pas encore modifié leurs projets d’investissement car ils en avaient d’importants en cours ou n’avaient pas l’intention de faire de nouveaux investissements dans la prochaine année.
Encadré 2 : Les entreprises énergétiques ont fait état d’une hausse spectaculaire des tensions économiques et financières
Pour comprendre l’impact du récent effondrement des prix du pétrole sur le secteur de l’énergie, le personnel de la Banque a mené, entre le 12 et le 18 mars, une courte enquête téléphonique et en ligne auprès d’un petit échantillon d’entreprises pétrolières et gazières canadiennes2. Beaucoup ont déclaré que les bas prix du pétrole causaient des problèmes de financement et de liquidité qui les forçaient à réduire leurs coûts et activités. La majorité des répondants considèrent que le choc pétrolier actuel est pire que les fortes baisses des prix du pétrole de 2008 et 2015. En effet, ils ont plus de difficulté à obtenir du financement et beaucoup avaient prévu un redressement de l’activité plutôt qu’un choc négatif.
Au moment des consultations, la santé financière des entreprises du secteur s’était nettement détériorée. La plupart de celles consultées connaissaient déjà un resserrement des modalités de financement : les cours des actions s’étaient effondrés, les écarts de crédit, creusés et la propension au risque, évaporée. Si certaines se disaient capables de résister à une période de bas prix du pétrole (grâce à une bonne couverture, un bilan sain ou de faibles coûts d’exploitation, par exemple), beaucoup craignaient de ne pas pouvoir obtenir de financement. Les producteurs gaziers, quant à eux, étaient en partie protégés du choc grâce au maintien des prix du gaz naturel.
Dans ce contexte, la plupart des répondants ont indiqué qu’ils avaient considérablement réduit leur budget d’investissement. En moyenne, les budgets de 2020 ont été réduits de 30 % par rapport à 2019. De plus, d’importantes réductions des effectifs étaient imminentes, surtout dans les entreprises de services pétroliers, qui emploient une grande partie des travailleurs du secteur. En revanche, la plupart des producteurs prévoyaient peu de mises à pied au moment de l’enquête : ayant déjà beaucoup rationalisé les activités, ils pourraient difficilement dégager d’autres gains d’efficience à court terme. Néanmoins, certains s’attendaient à devoir diminuer leurs effectifs si la faiblesse des prix du pétrole devait persister et que leur production devait être restreinte sur une longue période.
Globalement, on prévoyait un certain délai dans l’ajustement de la production dans le secteur. De nombreux producteurs de pétrole conventionnel s’attendaient à une chute rapide de la production en raison de la baisse des investissements. Toutefois, certains grands producteurs comptaient réaliser des projets déjà prévus, ce qui atténuerait en partie cette situation à court terme.
La plupart des répondants prévoyaient que les prix du West Texas Intermediate resteraient faibles jusqu’à la fin de 2020, soit dans une fourchette moyenne de 30 à 35 $ US le baril. Les entreprises s’attendaient généralement à voir une reprise modeste des prix (40 à 45 $ US le baril) en 2021. Celles dont les attentes de prix étaient plus faibles estimaient que l’incertitude persistante causée par la COVID‑19 et la guerre des prix du brut qui se poursuit3 étaient des facteurs clés exerçant une pression baissière considérable et durable sur les prix.
- 1. L’échantillon était composé de 52 entreprises et 11 organisations sectorielles. Il n’était pas représentatif du produit intérieur brut canadien par secteur, région et taille des entreprises.[←]
- 2. L’échantillon comprenait 27 entreprises pétrolières et gazières. Entre le 12 et le 18 mars 2020, le cours moyen du West Texas Intermediate s’établissait à 27,85 $ US le baril.[←]
- 3. La guerre des prix a suivi la rupture de l’alliance entre la Russie et l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), dont l’Arabie saoudite est le membre le plus influent, lorsqu’il a fallu décider de la réaction de l’OPEP à la chute de la demande mondiale de pétrole causée par la COVID‑19. Après que les deux pays ne sont pas parvenus à un accord sur des réductions de la production, l’Arabie saoudite a abaissé les prix et augmenté sa production.[←]
Le présent bulletin contient une synthèse de l’information qui a été obtenue dans le cadre d’entrevues réalisées par le personnel des bureaux régionaux de la Banque auprès des responsables d’une centaine d’entreprises, choisies en fonction de la composition du produit intérieur brut du secteur canadien des entreprises. Les données de cette enquête ont été recueillies entre le 11 février et le 6 mars 2020. Le solde des opinions peut varier entre +100 et -100. Les chiffres étant arrondis, le total des pourcentages n’est pas nécessairement égal à 100. Des précisions sur le questionnaire et les réponses obtenues sont présentées dans le site Web de la Banque du Canada. Les résultats de l’enquête constituent un condensé des opinions exprimées par les répondants et ne reflètent pas forcément le point de vue de la Banque du Canada.