Conversation informelle – Stephen S. Poloz, gouverneur

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Introduction

Bonjour et bonne année à tous. C’est un réel plaisir pour moi d’être à Vancouver et de participer au Forum sur les perspectives économiques organisé par la Chambre de commerce.

Cette rencontre a été qualifiée de conversation informelle. Même si je suis heureux de pouvoir présenter les observations de la Banque du Canada quant aux perspectives économiques, j’espère vraiment entendre ce que vous avez à dire, vous, les chefs d’entreprise, qui prenez des décisions financières concrètes au quotidien. À la Banque, une grande équipe talentueuse se sert de modèles économiques très avancés et de tonnes de données pour établir les prévisions de croissance économique et d’inflation. Mais les expériences et les commentaires des Canadiens sont des enseignements tout aussi importants pour nous. J’ai donc hâte que vous me fassiez part de vos réflexions sur ce que nous réserve l’année 2020.

Dans quelques semaines, la Banque annoncera sa prochaine décision concernant le taux directeur et publiera le Rapport sur la politique monétaire, qui contiendra des projections économiques actualisées. Comme toile de fond à notre discussion d’aujourd’hui, j’aimerais vous présenter les quatre enjeux prioritaires pour la Banque.

Évolution des politiques commerciales dans le monde

Le premier enjeu est l’évolution des politiques commerciales dans le monde. Il s’agit d’une préoccupation importante depuis maintenant trois ans. Les répercussions des mesures protectionnistes et l’incertitude entourant la suite des choses continuent de freiner les exportations et les investissements à l’échelle internationale.

À première vue, la situation s’est améliorée récemment. Reste à voir si cela aboutira à une reprise des échanges commerciaux et des investissements. L’Accord Canada–États-Unis–Mexique est sur le point d’être ratifié, ce qui éliminera une grande source d’incertitude pour beaucoup d’entreprises canadiennes. De plus, les États-Unis et la Chine ont convenu d’arrêter d’augmenter les droits de douane et d’en réduire certains.

Mais des dommages considérables ont été faits. Nous estimons que cette année, le PIB mondial sera environ 1 % plus bas qu’il l’aurait été sans les conflits commerciaux. Cette perte sera probablement irréversible, même si la croissance reprend à partir de ce niveau plus bas. Une grande incertitude persiste quant à l’incidence, sur les exportations canadiennes, de l’entente entre les États-Unis et la Chine, et à la possibilité que d’autres droits de douane, parmi ceux qui viennent d’être imposés, soient réduits. Certains craignent que pour l’administration américaine, la prochaine étape soit d’annoncer des mesures commerciales semblables contre l’Union européenne. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les entreprises soient réticentes à faire de gros investissements.

Nous savons par expérience que les entreprises trouvent toujours des moyens de s’adapter et d’innover face à de tels défis. Nous voulons savoir comment vous composez avec l’incertitude et les perturbations qui ont secoué le système commercial mondial. Nous voulons savoir si vous repensez les chaînes de valeur établies dans le passé. Si c’est le cas, nous voulons savoir quels autres mécanismes vous mettez en place et les conséquences que cela pourrait avoir sur la productivité et les prix.

De toute évidence, l’économie canadienne n’est pas à l’abri de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Nous surveillons les signes indiquant que les effets négatifs des différends commerciaux se font sentir en dehors des secteurs d’exportation directement touchés. Jusqu’à présent, toutes les mesures commerciales ont visé les entreprises du secteur des biens, et le secteur des services est resté assez résilient dans la plupart des pays. Nous cherchons à savoir dans quelle mesure la faiblesse du secteur manufacturier pourrait être en train de se propager au secteur des services, à l’emploi, aux dépenses de consommation ou au secteur du logement. Les plus récentes données à ce sujet étant contrastées, nous continuons de suivre la situation de près.

En passant, à compter de la semaine prochaine, nous publierons régulièrement un rapport relatif à l’enquête trimestrielle de la Banque sur les attentes des consommateurs au Canada. À partir de maintenant, nous le publierons en même temps que notre bulletin Enquête sur les perspectives des entreprises. Ces publications, jumelées aux données de l’Enquête auprès des responsables du crédit, dressent un portrait plus complet des attentes des consommateurs, des entreprises et des prêteurs, lesquelles entrent en ligne de compte dans nos décisions concernant le taux directeur.

Marchés du logement et du travail

Le deuxième enjeu que nous suivrons de près est le recoupement entre les marchés canadiens du travail et du logement.

Notre marché du travail a connu une évolution positive au cours de la dernière année. Même si le rythme de création d’emplois semble avoir ralenti très récemment, la croissance des salaires a continué de se raffermir. Nous suivrons les données de près pour voir dans quelle mesure la récente modération persiste. À cet égard, il est important de comprendre que les conditions du marché du travail varient beaucoup d’une région à l’autre.

Par ailleurs, la croissance démographique s’est accrue récemment, stimulée par l’immigration. Ici aussi, les données varient selon la région. Les provinces comme la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec, où la croissance de l’emploi a été forte, continuent d’attirer la majeure partie des nouveaux immigrants. La combinaison de ces facteurs – progression de l’emploi et augmentation de la population – a favorisé un rebond du marché du logement au cours de la dernière année.

Si ce rebond se poursuit, nous serons à l’affût de signes indiquant un retour des anticipations extrapolatives sur certains des principaux marchés du logement – autrement dit, des signes d’effervescence. Le fait est que la demande fondamentale de logements semble dépasser notre capacité à construire des maisons, ce qui peut exercer de nouvelles pressions à la hausse sur les prix. Une situation spéculative peut être vraiment néfaste, car elle peut entraîner une baisse soudaine des prix des maisons plus tard, ce qui a des répercussions plus larges sur l’économie.

Et bien entendu, qui dit regain d’activité dans le secteur du logement, dit également alourdissement de la dette des ménages. Il s’agit toujours de la plus grande vulnérabilité du système financier canadien. La bonne nouvelle est que la ligne directrice B-20 vise à réduire les emprunts les plus risqués. Nous avons donc bon espoir que l’encours de la dette des ménages sera de moins en moins alarmant au fil du temps.

Évaluation de la capacité de l’économie

Les investissements des entreprises sont le troisième enjeu. Comme vous le savez, la tendance de ces investissements a été inférieure aux attentes ces trois dernières années, ce que nous attribuons surtout à l’incertitude entourant les règles du commerce extérieur.

Cependant, les données des comptes nationaux pour le troisième trimestre, qui ont été publiées à la fin de novembre, nous réservaient une surprise. Ce rapport indiquait en effet une forte croissance inattendue des investissements des entreprises. De plus, les données antérieures ont été assez considérablement revues à la hausse.

Notre personnel a donc commencé à analyser les données afin de mieux comprendre la situation. Il s’agit d’un enjeu crucial pour les perspectives de l’économie, parce que les investissements sont importants pour la croissance et essentiels au renforcement de la capacité de production de l’économie. Et comme le concept d’investissement dans son ensemble est en pleine évolution du fait de la numérisation de l’économie, il est beaucoup plus difficile pour Statistique Canada de mesurer les investissements. Dans les prochaines semaines, nous serons mieux en mesure d’expliquer le contexte entourant cet enjeu. Je peux toutefois déjà mentionner qu’à la suite des révisions apportées, les effets du programme d’infrastructure du gouvernement fédéral ressortent davantage dans les données.

Que nous disent les marchés financiers?

Le quatrième grand enjeu pour nous est de comprendre ce que nous disent les marchés financiers. Vous vous souviendrez peut-être qu’il y a un an, on parlait beaucoup de la courbe de rendement inversée, c’est-à-dire des taux d’intérêt à court terme qui étaient supérieurs aux rendements à long terme sur de nombreux marchés. Des gens y ont vu le signe d’une récession imminente au Canada et ailleurs. La Banque s’attendait alors à une croissance économique de près de 2 % en 2019, ce qui était perçu par certains comme beaucoup trop optimiste.

En octobre dernier, nous avons ramené nos estimations de croissance pour 2019 à 1,5 %, soit à un niveau un peu inférieur à ce que nous avions projeté il y a un an, mais sans écart exagéré. C’est le quatrième trimestre qui déterminera le résultat final, mais ce qu’il faut retenir, c’est que la courbe de rendement inversée tant redoutée n’a pas entraîné de récession l’an dernier. Historiquement, une certaine corrélation peut probablement être établie entre les courbes de rendement inversées et les récessions. Mais pendant une période de bas taux d’intérêt où les courbes de rendement sont généralement plates, les inversions peuvent être plus fréquentes et annoncer plus souvent un ralentissement qu’une récession.

Par ailleurs, de nombreux marchés boursiers ont récemment atteint des sommets inégalés. Cela laisse entendre que les marchés entrevoient les perspectives des bénéfices des entreprises comme étant assez positives, malgré toute l’incertitude entourant les conditions de négociation à l’échelle mondiale. Les États-Unis et la Chine étant près d’en arriver à une entente, il semble en effet que les risques baissiers potentiels se soient atténués. Tout cela mérite d’être suivi de près au cours de l’année à venir. La leçon à en tirer est peut-être de ne jamais ignorer ce que nous disent les marchés, sans oublier qu’ils ont tendance à exagérer.

Émission d’un nouveau billet de 5 $

Cela nous donne donc au moins quatre sujets à aborder pendant notre discussion informelle. Mais j’aimerais en ajouter un cinquième, parce que la Banque du Canada annoncera bientôt l’émission d’un nouveau billet de 5 $. Une de nos priorités à la Banque est de fournir aux Canadiens des billets qui intègrent les plus récents éléments de sécurité, pour qu’ils puissent continuer à les utiliser en toute confiance.

Je peux vous dire aujourd’hui que nous mènerons bientôt des consultations publiques pour déterminer qui devrait figurer sur le nouveau billet de 5 $. Ce processus sera semblable à celui qui a abouti à la sélection de Viola Desmond, dont le portrait orne la coupure de 10 $. Cette fois-ci, nous inviterons les Canadiens à proposer le nom de toute personnalité qui a marqué l’histoire de notre pays et qui est digne de figurer sur un billet. Des précisions sur la façon de participer seront communiquées vers la fin du mois.

Sur ce, amorçons nos discussions.

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