Les grands défis à venir et la Vision 2020 de la Banque
Introduction
C’est maintenant une tradition pour moi de prononcer un discours en fin d’année sur les principaux enjeux auxquels fait face l’économie canadienne. Je n’aurai qu’une seule chance de faire cette blague : aujourd’hui, j’aimerais parler de la Vision 2020 de la Banque.
Je veux vous présenter quelques-unes des grandes forces qui ont un effet sur l’économie ainsi que les mesures que prendra la Banque à cet égard. J’ai abordé certains de ces enjeux en septembre, à la Table ronde de Spruce Meadows, Changing Fortunes, à Calgary. Depuis, je me suis attaché à formaliser ces idées dans un document que la Banque publie aujourd’hui.
Prendre du recul par rapport aux nombreux enjeux à court terme qui nous occupent me permettra d’éviter de toucher aux mêmes sujets que le sous-gouverneur Tim Lane a traités dans son discours la semaine dernière. M. Lane a abordé les considérations qui entouraient notre toute récente annonce du taux directeur et a offert une excellente analyse historique pour tout mettre en contexte.
Les grands défis à venir
Depuis la crise financière de 2008, l’évolution de l’économie mondiale est marquée par une croissance décevante ou – comme on dit maintenant – par des déceptions successives. Il a été en effet très difficile de se remettre de la Grande Récession qui a suivi la crise. Or, d’autres facteurs structurels à long terme ont aussi été à l’œuvre.
La croissance économique tendancielle est influencée par deux facteurs de base : la croissance démographique et la croissance de la productivité. La croissance démographique mondiale a atteint un sommet au milieu des années 1960 et a ralenti depuis. Ce phénomène freine naturellement la croissance économique mondiale. Et les gains de productivité réalisés récemment ne suffisent pas à contrebalancer l’incidence de ce ralentissement démographique.
La croissance de la productivité pourrait bien évidemment être plus élevée dans l’avenir, grâce à ce que l’on appelle la quatrième révolution industrielle. Cette révolution est caractérisée par l’utilisation accrue de l’intelligence artificielle, de l’apprentissage automatique et des mégadonnées. Cela dit, le passé nous enseigne qu’il pourrait s’écouler beaucoup de temps avant qu’on ne voie arriver ces gains de productivité. L’usage de l’ordinateur a commencé à se généraliser dans les années 1980. Cependant, ce n’est qu’entre 1995 et 2005 que la croissance de la productivité a bondi. J’ai prononcé un discours sur cette question il y a quelques semaines, lorsque j’ai présenté une étude à une conférence organisée par la Banque fédérale de réserve de San Francisco.
Du reste, les risques à court terme entourant la croissance de la productivité sont orientés à la baisse. Il en est ainsi parce que les conflits commerciaux et l’émergence de politiques nationalistes ou populistes de façon plus générale menacent d’effacer une partie des gains de productivité obtenus grâce à la mondialisation. Les droits de douane sur les importations forcent les entreprises à démanteler des chaînes d’approvisionnement et à en créer d’autres qui seront probablement moins efficaces. Parallèlement, l’incertitude qui entoure l’avenir des politiques commerciales et d’institutions aussi primordiales que l’Organisation mondiale du commerce produit un effet plus insidieux : les entreprises ont réduit leurs projets d’investissement, ce qui se traduit par un potentiel de croissance économique moins élevé à l’avenir.
Tout bien considéré, il semble donc que la croissance économique mondiale demeurera faible, essentiellement pour des raisons structurelles. Pour les mêmes raisons, les taux d’intérêt se maintiendront probablement à des niveaux bas.
Je tiens à préciser que je ne suis pas en train de faire une prévision à court terme du taux directeur de la Banque du Canada. Je parle de forces structurelles qui agiront sur l’économie et les taux d’intérêt à l’échelle mondiale pendant un certain nombre d’années. Les taux d’intérêt ont toujours évolué autour d’une ligne de tendance, qui est définie par des forces structurelles et non par la politique monétaire. Ce que je dis, c’est qu’actuellement ils semblent fluctuer plutôt autour de creux historiques.
Une conséquence possible de la faiblesse persistante des taux d’intérêt est que l’endettement des ménages pourrait continuer de s’accroître, par comparaison au poids total de l’économie. La dette des États pourrait également s’alourdir, du moment que ceux-ci tentent de relancer leur économie stagnante.
Actuellement, l’ensemble des dettes de tout genre dans le monde équivaut à plus de trois fois le produit intérieur brut (PIB) mondial. L’histoire montre qu’un niveau d’endettement élevé peut accentuer les effets d’un choc sur l’économie, comme une montée du chômage. Cela tient au fait que certains emprunteurs pourraient ne pas rembourser leur dette, amenant ainsi les institutions financières à accorder moins de prêts, ou même à faire faillite. De leur côté, les États lourdement endettés risquent de se trouver plus limités pour stimuler une économie fragilisée.
Au Canada, la plus importante vulnérabilité financière est l’endettement des ménages, qui représente 177 % du revenu disponible selon les données les plus récentes. Ce chiffre est légèrement inférieur au niveau record atteint l’an passé, mais reste élevé.
Dans d’autres pays, c’est la dette publique qui suscite le plus d’inquiétudes. Aux États-Unis, elle représente plus de 100 % du PIB, et elle augmente rapidement. Au Japon, elle dépasse 200 % du PIB. Par comparaison, la dette publique globale du Canada se situe à près de 90 % du PIB, dont environ 30 % correspondent à la dette fédérale.
Les pouvoirs publics ont pris au sérieux les leçons de la crise financière mondiale de 2008. Ils ont imposé aux banques de nouvelles règles en matière de fonds propres et de liquidités. Résultat, le système financier mondial est maintenant beaucoup plus sûr. Ici, au Canada, les autorités ont aussi resserré les lignes directrices sur les prêts hypothécaires afin d’aider à contenir les vulnérabilités financières. Grâce à ces changements, la viabilité de la dette des ménages est en train de s’améliorer graduellement, même si leur niveau d’endettement augmente encore.
En revanche, les leçons de la période de grande inflation qui a marqué les années 1970 semblent tomber dans l’oubli. La tendance récente où l’inflation se maintient sous la cible dans de nombreux pays a peut-être favorisé une certaine complaisance. Plus vraisemblablement, le risque d’inflation est noyé par des forces structurelles profondes qui limitent la croissance économique et gardent même les taux d’intérêt à long terme à des niveaux très bas.
Le risque d’une brusque résurgence de l’inflation à l’échelle mondiale est faible. Toutefois, il me semble que la combinaison du haut niveau d’endettement (du côté des ménages comme des États) et de politiques populistes pourrait faire augmenter l’inflation dans certains pays. Des dirigeants remettent même en question – avec zèle – la pertinence des cibles d’inflation et le besoin d’indépendance politique des banques centrales. Les ménages très endettés seraient tentés de voter pour des politiciens qui proposent de favoriser une plus grande inflation. C’est un fait, la période de forte inflation des années 1970 a vu une bonne partie de la richesse passer des mains des épargnants à celles des emprunteurs, notamment des autorités publiques.
Heureusement, le Canada est doté d’un cadre institutionnel qui lui permet de gérer ce risque directement. Tous les cinq ans, la Banque du Canada et le gouvernement fédéral s’entendent formellement et de façon transparente sur les objectifs de la politique monétaire. Cela donne à nos cibles d’inflation une légitimité démocratique et confère à la Banque l’indépendance opérationnelle nécessaire pour les atteindre. Fait important, le Canada conserve aussi un taux de change flottant, ce qui est une condition essentielle pour garder l’inflation à un niveau bas et stable au pays, quoi qu’il arrive à l’étranger.
Notre Vision 2020
Dans ce contexte, une panoplie de projets seront menés à la Banque en 2020. Mais permettez-moi de vous parler plus particulièrement de quatre d’entre eux.
Renouvellement de la cible d’inflation
Premièrement, il y a l’entente relative à la cible de maîtrise de l’inflation, que je viens de mentionner. Elle doit être renouvelée en 2021. La Banque profite du temps dont elle dispose entre chaque renouvellement pour dresser un bilan et examiner de façon approfondie les améliorations que nous pouvons apporter à notre politique monétaire.
Une page de notre site Web permet de suivre le déroulement du processus de renouvellement en cours. Nous y publions des travaux de recherche récents et fournissons de l’information sur les ateliers et conférences consacrés au sujet. Dans le cycle de renouvellement actuel, nous faisons un retour sur les fondements et comparons des cadres de ciblage alternatifs (par exemple, le ciblage de l’inflation moyenne ou du PIB nominal) avec la poursuite d’une cible d’inflation. Nous conduisons également des recherches sur les différents outils à notre disposition et sur la façon dont notre politique interagit avec d’autres politiques publiques.
De plus, nous intensifions nos efforts pour obtenir des points de vue extérieurs sur ces enjeux. Nous avons eu des discussions avec un vaste éventail d’intervenants, que ce soit des entreprises et des syndicats, des chercheurs universitaires ou d’autres banques centrales. En 2020, nous voulons organiser plusieurs tables rondes auxquelles participeront des représentants de la société civile afin de nous aider à mieux comprendre le fonctionnement de l’économie dans l’ensemble des secteurs et des régions. En tant qu’institution publique qui doit rendre des comptes, la Banque est impatiente de connaître votre point de vue. C’est pour cette raison qu’elle mènera en 2020 une consultation publique et transparente sur son site Web, qui donnera aux Canadiens partout au pays la possibilité de donner leur avis.
À la fin de 2020, nous publierons sur notre site Web un résumé de ces consultations auprès du public et des représentants de la société civile, ainsi qu’une synthèse des nouvelles recherches sur le sujet. Ensuite, nous ferons une recommandation au gouvernement et tiendrons des discussions qui aboutiront à la prochaine entente formelle sur le cadre de conduite de la politique monétaire en 2021.
Politique monétaire et stabilité financière
L’année prochaine, il sera également important que la Banque continue à intégrer les liens associés à la stabilité financière au cadre de conduite de la politique monétaire.
Un exemple me permettra d’illustrer ce point. Supposons que nous mettions à jour notre prévision économique. Nous en concluons que l’inflation risque de passer sous la cible. Nos modèles nous inviteraient alors à réduire les taux d’intérêt pour stimuler la croissance et ramener le niveau projeté de l’inflation à la cible, normalement d’ici six à huit trimestres.
Prenons le même scénario, mais cette fois en y ajoutant de hauts niveaux de vulnérabilités financières. Le gain de croissance apporté par la baisse des taux d’intérêt aiderait tout le monde à honorer ses dettes. Toutefois, une baisse de taux encouragerait aussi plus d’endettement et fragiliserait la croissance de l’économie en cas de choc. Ces circonstances compliqueraient peut-être alors l’atteinte de notre cible.
Prendre en compte des vulnérabilités financières revient à assouplir le retour à la cible. Le temps que nous aurions pour retrouver le taux cible dépendrait de la gravité de ces vulnérabilités. Naturellement, tant que des politiques macroprudentielles seront en place pour les limiter, les pouvoirs publics pourront leur donner moins d’importance.
Les économistes de la Banque ont commencé à mettre au point il y a quelques années un cadre pour nous aider à faire une évaluation objective. Ce modèle est fondé sur la « croissance exposée au risque », concept dont il tire son nom. Il réunit pour tous types de conditions les risques que la macroéconomie et les vulnérabilités financières font peser sur la croissance économique et l’inflation. Le modèle nécessite une bonne dose de jugement, mais apporte davantage de rigueur à nos délibérations et à nos communications.
Le modèle de croissance exposée au risque que nous utilisons aujourd’hui est un prototype qui repose sur les vulnérabilités financières vécues par différents pays et sur un modèle macroéconomique très simple. Les travaux destinés à améliorer ce modèle et à y introduire des vulnérabilités financières plus spécifiquement canadiennes sont à un stade avancé et ces améliorations devraient être apportées en 2020. Nous continuerons entre-temps à parfaire nos principaux modèles de prévision économique pour étoffer les liens entre le secteur financier et l’économie. Nous avons également commencé à définir l’étendue de notre programme de recherche concernant le modèle de la prochaine génération qui remplacera TOTEM (Terms of Trade Economic Model), notre principal modèle structurel de projection. Si l’on en juge par le passé, ce programme pourrait s’étaler sur cinq à dix ans.
Les répercussions de la numérisation
En 2020, la Banque évaluera aussi les conséquences économiques et financières de la numérisation. Ce sera notre troisième thème prioritaire.
Nous voyons déjà tout autour de nous les manifestations de la diffusion de l’intelligence artificielle, comme je l’ai souligné plus tôt. Cette technologie pourrait bousculer l’économie. À San Francisco, j’ai voulu souligner que la quatrième révolution industrielle ressemblera vraisemblablement aux trois premières. Il faudra donc s’attendre à des bouleversements pour les travailleurs de nombreux secteurs. Par ailleurs, les nouvelles technologies devraient stimuler la croissance des secteurs où elles seront implantées. Les gains de productivité qui en découleront feront monter le potentiel de croissance de l’économie. Ainsi, de nouveaux emplois naîtront dans de nombreux secteurs de l’économie et, dans le même temps, l’inflation évoluera sous le niveau qu’auraient projeté nos modèles.
Jusqu’à présent, les données économiques ne signalent pas de hausse de la productivité. Sur ce point aussi, les révolutions industrielles précédentes peuvent nous enseigner un certain nombre de choses. Nous savons maintenant que la productivité a progressé rapidement à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Pourtant, ce phénomène n’a été perçu que beaucoup plus tard dans les statistiques économiques de l’époque, puisqu’il est difficile de mesurer l’évolution des nouveaux secteurs d’activité. Il est très possible que les mêmes dynamiques émergent dans un avenir proche.
En 2020, la Banque consacrera beaucoup d’efforts à la conception de nouvelles méthodes pour découvrir et mesurer l’effet économique de la quatrième révolution industrielle. L’intelligence artificielle offre une avenue prometteuse. Elle pourrait nous permettre d’analyser des mégadonnées pour y rechercher des mots clés, puis de construire des indicateurs synthétiques des changements technologiques. C’est d’ailleurs dans ce domaine que Michelle Alexopoulos, professeure à l’Université de Toronto et lauréate de la Bourse de recherche de la Banque du Canada, réalise des travaux novateurs. Nous continuerons de discuter directement avec les entreprises canadiennes afin de recueillir de l’information sur l’ampleur de l’utilisation de l’intelligence artificielle.
L’avenir de la monnaie
Enfin, parlons maintenant du sujet de prédilection des banquiers centraux : l’argent. Comme la technologie est en train de modifier les habitudes de paiement des Canadiens, elle touchera également l’argent.
Sur cette question, Paiements Canada travaille avec la Banque et les grandes institutions financières à la modernisation des principaux systèmes de paiement canadiens. Le but est de permettre un plus large accès à ces systèmes et de favoriser l’innovation. La première étape consiste à remplacer le Système de transfert de paiements de grande valeur, entré en service voilà plus de 20 ans. Ce système gère les transferts entre les grandes institutions financières et est aussi utilisé par la Banque du Canada. Le nouveau système de paiement de gros devrait être achevé pour l’essentiel en 2020.
Le système de paiement de gros traite la majeure partie de l’encours des paiements. Cependant, les opérations de détail quotidiennes sont de très loin les plus nombreuses. Il est donc primordial que nous modernisions le système de paiement de détail. Dans deux ou trois ans, vous serez capables de faire des transactions entre particuliers en temps réel, ce qui représentera un progrès indéniable par rapport aux délais que nous connaissons aujourd’hui.
Ces avancées potentielles poussent la Banque à s’interroger davantage sur l’avenir de la monnaie, et tout particulièrement de l’argent comptant. Il y a dix ans, plus de la moitié de toutes les transactions au Canada étaient effectuées avec de l’argent comptant. Aujourd’hui, c’est environ le tiers d’entre elles. Il est de plus en plus fréquent de voir des gens passer leur carte au-dessus d’un lecteur ou payer avec leur téléphone. Le commerce en ligne est aussi plus présent, et plus de la moitié d’entre nous avons déjà envoyé un virement avec PayPal ou Interac. C’est au point que certains commerces ont commencé à n’accepter que des paiements électroniques.
Je crois que la monnaie de banque centrale – c’est-à-dire l’argent qui se trouve dans vos poches – restera un important bien public, donnant à un particulier le droit souverain de faire des paiements avec un instrument universellement accepté et de nature irrévocable. Ce bénéfice, même une monnaie numérique privée qui deviendrait largement diffusée ne pourrait pas l’offrir. L’argent comptant a aussi comme avantage d’être toujours fonctionnel : il n’est pas affecté par des pannes d’électricité ou des cyberattaques. Les billets pourraient donc continuer d’être utilisés jusqu’à un certain point, ne serait-ce que pour parer à des situations exceptionnelles.
Somme toute, il est légitime de se demander si la Banque du Canada jugera un jour nécessaire d’émettre une monnaie numérique comme une solution de rechange à l’argent comptant. Quoi qu’il en soit, comme le monde de la monnaie évolue très rapidement, nous avons besoin de mettre sur pied des plans pour parer à toute éventualité. Nous apporterons d’autres précisions à ce sujet au début de 2020.
Dans ce contexte, il est important que la Banque porte une attention particulière à d’autres technologies de paiement émergentes. Parmi elles se trouvent des cryptoactifs comme le bitcoin, ainsi que des cryptomonnaies stables comme la libra. Parce que ces deux formes de paiement pourraient prendre une dimension mondiale, elles attirent l’attention des banques centrales et d’autres organes de réglementation. Ces innovations vont présenter de nouveaux risques pour le système financier. Nous devrons comprendre ces risques et appliquer les réglementations appropriées. Les transactions internationales intéressent tout particulièrement les banques centrales.
Comme toujours, beaucoup d’autres thèmes occuperont la Banque du Canada en 2020, et ils seront bien plus nombreux que ceux que j’ai pu résumer aujourd’hui. Avant de conclure, je voudrais dire un mot sur un sujet qui a suscité beaucoup d’intérêt dernièrement : la théorie monétaire moderne.
En gros, selon cette théorie, un État qui émet sa propre monnaie ne peut pas faire faillite. Par conséquent, au lieu d’emprunter auprès du public en émettant des obligations, un État devrait dépenser autant que nécessaire avec de la monnaie fraîchement émise pour préserver la croissance de l’économie et maintenir l’inflation à un niveau stable.
Bref, la théorie monétaire moderne donne l’impression qu’il est possible de vivre sans rien payer. Mais, on le sait bien, cela est impossible. Par ailleurs, cette théorie n’a rien de « monétaire ». Les dépenses publiques constituent une décision budgétaire, qui ne relève pas de la banque centrale. Ensuite, cette théorie n’a rien de « moderne ». Elle a déjà été mise en œuvre de nombreuses fois, et les résultats n’ont pas été impressionnants. Par exemple, à la fin des années 1960, le gouvernement américain finançait la guerre du Viêtnam avec de larges déficits budgétaires. Cette situation l’a conduit à ouvrir la planche à billets. Résultat, le système de changes fixes de Bretton Woods s’est effondré et les années 1970 ont été marquées par une envolée de l’inflation dans le monde. Il existe des moyens bien plus efficaces d’éviter une faible croissance et la déflation : promouvoir l’innovation, créer des infrastructures, supprimer les obstacles aux échanges internationaux et régionaux, simplifier les formalités administratives – et ce ne sont là que les moyens les plus évidents. Une croissance tendancielle robuste donne la possibilité de focaliser l’action budgétaire et la politique monétaire en vue d’atténuer les fluctuations conjoncturelles.
Conclusion
Le moment est venu de conclure.
Nous pouvons voir que la faiblesse des taux d’intérêt, l’alourdissement de la dette et les changements technologiques sont des forces majeures qui, ensemble, créent des tensions pour les ménages, les entreprises et les États. Leur incidence gardera la Banque en éveil en 2020 et au-delà. Nous ne savons pas comment ces forces évolueront très précisément. Tous (consommateurs, gens d’affaires et autorités publiques), nous devrons faire face à ces sources d’incertitude à long terme.
Je sais que cela semble être un défi de taille. Toutefois, en jetant un regard sur l’histoire, on constate que les Canadiens ont toujours été confrontés à l’incertitude et à des forces mondiales redoutables – qui étaient d’ailleurs parfois plus puissantes que celles que nous connaissons aujourd’hui. Et pourtant, n’avons-nous pas créé une économie moderne florissante?
Tout n’est pas rose, j’en conviens. Des secteurs et des régions de notre pays continuent d’éprouver des difficultés, et les pouvoirs publics ont du pain sur la planche. Néanmoins, pensons à ce que nous avons traversé en dix ans : la crise financière mondiale, ensuite la lente reprise, l’effondrement des cours du pétrole et l’incertitude politique à l’étranger. Malgré tout cela, l’économie canadienne tourne presque à plein régime, l’inflation est à son niveau cible, le taux d’activité est en hausse dans quasiment tous les groupes d’âge et le taux de chômage avoisine des creux historiques.
J’ai appris à ne jamais sous-estimer la capacité des Canadiens à affronter les défis et à les surmonter en recourant toujours aux mêmes ingrédients : leur ardeur au travail et leur ingéniosité.
Je vous souhaite mes meilleurs vœux pour 2020.