Introduction
Je suis heureux de prononcer ce discours en Alberta aujourd’hui vu l’importance des produits de base – dont le pétrole – et de leurs prix pour les économies albertaine et canadienne
Si bon nombre d’entre nous ne se préoccupent de la valeur du dollar canadien qu’au moment de voyager, la Banque du Canada, la considère comme le prix le plus important pour l’économie du pays, puisqu’il influence directement une grosse partie de ce que nous produisons, consommons et échangeons.
Voilà donc pourquoi votre province est l’endroit tout indiqué pour examiner le rôle essentiel joué par notre taux de change flottant dans l’économie canadienne. Le moment est d’ailleurs bien choisi. Notre pays a abandonné la parité fixe avec le billet vert en mai 1970 et laisse flotter sa monnaie sans discontinuer depuis bientôt 50 ans : dans le monde, notre régime de changes flottants a la plus grande longévité.
Mon discours est le deuxième que je prononce dans une série d’interventions publiques de la Banque du Canada baptisées « Vers 2021 ». Pourquoi 2021? Parce que c’est alors que sera renouvelée son entente de cinq ans avec le gouvernement du Canada sur la maîtrise de l’inflation, entente qui a été adoptée pour la première fois en 1991. Pour son renouvellement, nous nous sommes engagés à réexaminer en profondeur notre cadre de politique monétaire, le but étant d’arriver à remplir au mieux l’objectif de stabilité des prix associé à notre mandat et à favoriser ainsi une croissance durable de la production et de l’emploi pour tous les Canadiens. Notre cadre a deux volets : une cible d’inflation de 2 % et un taux de change flottant.
En général, la cible d’inflation retient presque toute l’attention. Dans ce contexte, les bénéfices rattachés au flottement du dollar risquent d’être négligés alors même que la performance des régimes de changes flottants fait l’objet d’un plus grand intérêt de la part des décideurs à l’international.
Mon but aujourd’hui sera de passer en revue les données et de montrer qu’un taux de change flottant, déterminé par le marché, a été une bonne chose pour le Canada et bien d’autres économies ouvertes. Tout particulièrement, le régime canadien de cible d’inflation renforcé par une monnaie flottante est un cas d’école : il est le cadre de politique monétaire le plus durable de la période d’après-guerre1 . Notre taux de change flottant a aidé notre économie à s’adapter aux chocs extérieurs — surtout aux variations des prix des produits de base. Notre dollar flottant ne nous met pas complètement à l’abri de tous ces chocs, mais, aux côtés de la cible d’inflation de la Banque, il permet de connaître un taux d’inflation bas et stable, et contribue au bon fonctionnement de notre économie.
Nous n’allons pas modifier le régime de changes qui est intégré à notre cadre de politique monétaire. Cependant, il nous revient d’examiner régulièrement même les régimes les plus performants pour vérifier qu’ils servent bien les intérêts des Canadiens. En ce sens, il vaut la peine de se pencher sur les quatre principaux atouts de notre régime de changes flottants :
- Ce régime donne à la politique monétaire une indépendance afin que la stabilité des prix puisse être atteinte.
- En facilitant l’adaptation de l’économie aux chocs extérieurs, le régime atténue l’effet de ces chocs sur l’activité économique.
- Il contribue à la clarté et à l’efficacité de la politique monétaire.
- Il stimule le développement du secteur financier.
Nous examinerons également les récentes critiques des régimes de changes flottants. Puisque les taux de change sont des prix de marché qui se négocient au quotidien, ils sont foncièrement volatiles. Cette volatilité fait monter le coût des transactions internationales et présente des risques à gérer, en particulier du côté des importateurs et des exportateurs. Nous pensons malgré tout que les bénéfices apportées par le flottement du dollar canadien dépassent largement ce genre de coûts.
Le régime de changes du Canada
Le Canada exporte un large éventail de produits de base, qui représentent environ 45 % de ses exportations (graphique 1 et graphique 2). De ce fait, les prix des produits de base – pétrole, or, blé ou autres – sont d’une importance vitale pour les profits des exportateurs canadiens et l’économie canadienne dans son ensemble. Or, ces prix sont largement déterminés par les forces du marché, soit l’offre et de la demande mondiales. Par ailleurs, les prix des principaux produits de base exportés par le Canada sont fixés en dollars US. Je reviendrai sur ce point un peu plus tard.
Le taux de change flottant du dollar canadien est également déterminé par les forces du marché, même si la Banque du Canada exerce certainement une influence par le biais de son taux directeur. En général, lorsque la Banque augmente les taux d’intérêt ou amène les marchés à s’attendre davantage à une hausse des taux d’intérêt, le dollar canadien s’apprécie par rapport à d’autres monnaies. L’inverse se produit en cas de baisse de taux d’intérêt. Notre dollar est donc ainsi un canal de transmission important de la politique monétaire.
La valeur du dollar canadien est habituellement calculée par rapport au dollar américain, puisque cette devise est très utilisée pour l’évaluation des produits de base et d’autres monnaies. Cela s’explique par la prépondérance du billet vert dans l’économie mondiale et par son utilisation généralisée comme monnaie de réserve planétaire.
Même si la valeur de notre monnaie est importante pour les exportations, les importations et toute l’activité économique, la Banque du Canada n’a pas de cible précise pour le dollar canadien. Le taux de change flottant fonctionne bien mieux quand il est gouverné par les forces du marché dans le cadre d’une politique monétaire crédible. Voilà pourquoi en plus de vingt ans, la Banque n’est pas intervenue sur les marchés des changes pour soutenir le cours du dollar.
D’après notre analyse des fluctuations du taux de change, les mouvements de grande ampleur du dollar sont surtout influencés par les forces du marché prévues par la théorie, à savoir les variations des prix des produits de base et les écarts de taux d’intérêt2. Heureusement, des marchés financiers profonds et liquides se sont développés au pays et ces marchés aident les entreprises canadiennes à gérer à faible coût le risque lié à la volatilité de la monnaie.
Le principal objectif de notre politique monétaire est la stabilité des prix, et non une parité fixe. Maintenir l’inflation à un taux bas et stable de l’ordre de 2 % permet d’avoir un point d’ancrage nominal crédible. Des anticipations d’inflation bien ancrées font que la politique monétaire et notre taux de change flottant peuvent s’adapter aux chocs extérieurs et contribuer à protéger l’économie canadienne ainsi que les travailleurs de fluctuations excessives.
La relation entre le taux de change flottant et la cible d’inflation dans notre cadre de politique monétaire est illustrée dans la figure 1. Notre cadre de politique monétaire repose sur deux piliers : la cible d’inflation et le taux de change flottant3.
La figure 2 montre le fonctionnement du cadre. Le taux directeur est contrôlé par la Banque du Canada et influencé en tout premier lieu par les perspectives d’évolution de l’activité économique et de l’inflation. En comparaison, ce sont les forces mondiales du marché qui déterminent le taux de change. Ces forces, tant de l’économie réelle que de l’économie financière, englobent la demande et l’offre mondiales de biens, de services et d’actifs canadiens4. En s’adaptant à la pression de ces forces extérieures et en aidant à l’absorber, le taux de change flottant permet à la Banque de cibler l’inflation au moyen du taux directeur.Notre succès est éloquent, tout comme celui d’autres pays qui ont une cible d’inflation. Notre cible d’inflation de 2 %, située dans une fourchette entre 1 et 3 %, a été conjointement examinée et renouvelée par la Banque et le gouvernement à cinq reprises depuis 1995.
Même si en 25 ans la valeur du huard a énormément varié, entre un creux d’à peine plus de 60 cents US et un pic de plus de 100 cents US, l’inflation est restée à l’intérieur de la fourchette de 1 à 3 % dans plus de 80 % du temps5, la moyenne se situant tout juste au-dessous de 1,9 %. Cette stabilité des prix n’a pas été ébranlée par les crises financières qui ont touché les économies émergentes dans les années 1990, ni par la forte expansion au tournant du millénaire, puis la crise financière mondiale, la Grande Récession et la lente reprise qui l’a suivie. Or tous ces événements ont provoqué de grosses fluctuations des prix des produits de base.
Notre cadre de politique monétaire bénéficie d’un certain nombre d’atouts nationaux qui en renforcent la crédibilité et l’efficacité. L’un de ces atouts est la viabilité de la politique budgétaire que le gouvernement canadien applique depuis le milieu des années 19906. Cette politique prévoit une marge de manœuvre qui permet au gouvernement de relancer l’activité en cas de ralentissement économique en s’appuyant sur des mesures contracycliques comme les transferts régionaux. Parmi les autres atouts, citons la flexibilité du marché du travail, et le niveau élevé d’intégration économique et de mobilité des capitaux. Il y a aussi la résilience du système financier, sur laquelle je reviendrai7.
Nous avons planté le décor. Retournons maintenant aux quatre avantages associés à notre taux de change flottant.
Suivre sa propre voie
Depuis les débuts de son histoire, le Canada a eu besoin d’échanges commerciaux et d’investissements étrangers pour prospérer. L’ouverture de son économie rend cependant la population vulnérable à la conjoncture internationale. S’il profite des échanges commerciaux, tel un cargo, le Canada est toutefois aussi exposé aux bourrasques nées des tempêtes qui agitent l’économie mondiale. Pour limiter cette vulnérabilité, la meilleure stratégie est de garder notre navire en bon état, en maintenant notamment une politique monétaire axée sur la stabilité des prix.
Comment un taux de change flottant nous donne-t-il la latitude nécessaire pour fixer notre propre politique monétaire et le niveau de l’inflation? Un retour en septembre 1950, moment où le Canada a abandonné le régime de parités fixes du système de Bretton Woods d’après-guerre, nous aidera à le comprendre. Cette décision fut très largement critiquée. Elle était vue comme un changement radical, car le Canada avait été l’un des premiers signataires de l’accord de Bretton Woods à l’origine du système monétaire de l’après-guerre. Le temps a montré que ce changement de cap inaugurait une politique pionnière. Il a révélé la valeur d’un régime de changes flottants, qui a vraisemblablement épargné aux Canadiens des années d’inflation à deux chiffres.
À l’époque, l’économie américaine enregistrait une forte croissance alimentée par les dépenses militaires liées à la Guerre de Corée. La hausse de la demande aux États-Unis provoqua le développement de tensions inflationnistes et l’augmentation des prix des produits de base. Au Canada, les réserves de change grossissaient, dans le contexte d’un régime de parités fixes. Au lieu de continuer à laisser le Canada être touché par l’inflation présente aux États-Unis, les autorités ont décidé de laisser le taux de change flotter. Autrement dit, elles ont permis aux forces du marché de le déterminer. Le dollar canadien s’est alors apprécié rapidement, ce qui a contribué à contenir les tensions inflationnistes8.
Il est instructif de comparer notre expérience avec celle du Mexique à la même époque. Contrairement au Canada, le Mexique a conservé la parité fixe de sa monnaie par rapport au dollar américain. Le graphique 3a illustre ce qui est arrivé. Chez nous, le taux de change flottant a permis d’absorber les tensions inflationnistes : nos taux d’inflation ont été bien moins élevés qu’au Mexique.
Le Canada est revenu à une parité fixe en 1962 mais a abandonné pour de bon le système de Bretton Woods en 1970. Le contexte n’était pas très différent de celui des années 1950. À la Guerre de Corée avait succédé la Guerre du Viêt Nam. Canada et Mexique revivaient les mêmes trajectoires; je ne m’attarderai donc pas là-dessus. J’attire toutefois votre attention sur le graphique 3b.
On peut tirer des enseignements similaires de l’expérience des pays latino-américains à partir des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990. Cette période était plutôt instable, tant sur le plan économique que sur le plan politique. Malgré tout, de nombreux pays d’Amérique latine cherchaient à maintenir la parité fixe avec le dollar américain. Dans ces conditions, des crises de change fréquentes éclataient puisqu’il leur était impossible de conserver une parité fixe devenue intenable. Cette parité rendait leur politique monétaire largement tributaire de la politique monétaire des États-Unis, qui était bien souvent inadaptée aux besoins de leurs économies. À l’inverse, notre régime de changes flottants nous permettait, au Canada, de nous détacher de la politique monétaire américaine quand il le fallait, et cette latitude a été un ingrédient de la bonne performance de notre économie.
Je l’ai déjà mentionné, le Canada a adopté en 1991 son cadre de politique monétaire actuel, qui comprend une cible d’inflation et un taux de change flottant. Dès le départ, ce cadre a permis de réduire l’inflation et de la rendre plus stable. D’autres pays qui avaient adopté très tôt un régime de ciblage de l’inflation, comme la Nouvelle-Zélande en 1990 et la Suède en 1995, ont obtenu des résultats analogues. Devant une telle réussite, plusieurs pays étroitement liés aux États-Unis ont emboîté le pas : Brésil, Chili et Colombie en 1999, Mexique en 2001 et Pérou en 2002. L’adoption d’une cible d’inflation conjuguée à des réformes plus larges a abouti là aussi à des taux d’inflation stables, beaucoup moins élevés qu’auparavant.
En définitive, près de 40 pays, dont le Canada, ont réussi à mener une politique monétaire indépendante et à maîtriser l’inflation grâce à la latitude que leur donnait leur taux de change flottant.
Pourtant, les circonstances qui ont conduit à la crise financière mondiale, ainsi que les effets de cette crise, ont poussé certains observateurs à remettre en question la capacité des régimes de changes flottants à protéger l’économie contre les forces financières extérieures et à offrir à chaque pays une autonomie suffisante pour sa politique monétaire9. Selon ces observateurs, ce sont des facteurs mondiaux qui ont largement influencé les conditions financières dans les différents pays, peu importe le régime de changes en place. Dès lors, la politique monétaire suivie par chacun devenait inefficace. Pour avoir plus de contrôle sur la politique monétaire, il fallait donc, d’après eux, contrôler les mouvements de capitaux, surtout dans les économies émergents. Contrôler la circulation des capitaux viendrait toutefois fausser les incitations et bloquerait probablement le développement du secteur financier, lequel est nécessaire à une transmission efficace de la politique monétaire nationale.
Le principe théorique invoqué ici s’appelle l’impossible trinité, ou le triangle d’incompatibilité de Mundell. En deux mots, cela signifie qu’un pays qui veut une politique monétaire indépendante et une libre circulation des capitaux ne peut pas en même temps avoir un régime de changes fixes. Il ne peut réaliser que deux de ces trois objectifs. Autrement dit, un pays doit avoir un taux de change flottant s’il veut avoir une politique monétaire indépendante et une influence sur ses propres conditions monétaires.
Rey (2013) a soutenu récemment que le triangle d’incompatibilité ne s’applique plus, puisque les flux de capitaux sont gouvernés par un cycle financier mondial et que ce sont avant tout ces flux qui déterminent les conditions financières dans un pays et non la politique monétaire nationale. De ce fait, les autorités sont plutôt placées devant un dilemme (choix entre la libre circulation des capitaux et l’autonomie de la politique monétaire), et les États devraient contrôler les mouvements de capitaux pour arriver à mener une politique monétaire indépendante.
Shambaugh (2004) ainsi que Obstfeld, Ostry et Qureshi (2019) montrent cependant que les régimes de change ont de l’importance, même dans les économies émergentes, quand on prend en compte la transmission des chocs financiers internationaux. Les résultats des deux études montrent que les régimes de changes flottants assurent à la politique monétaire une plus grande autonomie et qu’ils respectent le triangle d’incompatibilité10.
Plus fondamentalement, dans un monde où les marchés de capitaux sont ouverts, l’effet de la politique monétaire sur les taux d’intérêt serait plus limité. Dans ce contexte, selon le modèle de Mundell, le taux de change jouerait un plus grand rôle dans la transmission de la politique monétaire. En d’autres termes, les régimes de changes flottants permettent toujours de conserver une partie de l’autonomie de la politique monétaire.
En somme, pour un pays exportateur de produits de base comme le Canada, c’est habituellement lorsque les cours des produits de base varient beaucoup qu’il se révèle nécessaire d’avoir une politique monétaire indépendante de celle des États-Unis. En effet, puisque nos voisins du Sud sont des importateurs nets de produits de base, ces mouvements de prix ont une incidence très différente des deux côtés de la frontière et appellent donc une politique monétaire différente pour maintenir la stabilité des prix. Or, l’indépendance de la politique monétaire n’est possible qu’avec un taux de change flottant11.
Des ajustements plus faciles
Un taux de change flottant favorise la stabilité des prix d’abord en permettant d’axer la politique monétaire nationale sur la poursuite d’un tel objectif, mais aussi en facilitant l’ajustement de l’économie du pays aux chocs extérieurs. Qu’il s’agisse d’une guerre commerciale mondiale ou d’une récession chez un important partenaire commercial, les prix des produits de base sont généralement les premiers touchés. Leur évolution est un indicateur de la conjoncture économique mondiale : en effet, les produits de base sont négociés activement sur les marchés mondiaux, où de nouvelles informations sont rapidement traitées et intégrées.
Le graphique 4 montre comment les prix des produits de base réagissent aux forces mondiales. Ainsi, l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce et son insertion dans l’économie mondiale ont fait augmenter la demande et les prix des produits de base entre 2002 et 2007. La Grande Récession de 2008-2009 a, quant à elle, eu l’effet contraire. Dans les deux cas, le taux de change du huard a évolué en bonne partie parallèlement à l’indice des prix des produits de base.
Mais comment notre taux de change flottant facilite-t-il l’ajustement de l’économie à un choc des prix des produits de base? Je vais l’illustrer par l’analyse d’un exemple concret récent.
Pendant le choc des prix du pétrole de 2014-2015, le prix du West Texas Intermediate a baissé d’environ 67 %, passant de 103$ US au deuxième trimestre de 2014 à 34 $ US le baril au premier trimestre de 2016. Sur la même période, le huard s’est déprécié d’environ 20 % : il est passé de 92 à 73 cents US.
Que serait-il arrivé si la Banque avait tenté de stabiliser le cours du dollar canadien au moment où le prix de notre principal produit de base exporté chutait? La tâche n’aurait pas été facile. Le moyen évident de limiter la dépréciation du dollar aurait été de relever les taux d’intérêt. Selon nos estimations, pour éviter cette dépréciation de 20 % du huard, la Banque aurait dû porter le taux directeur à 6,75 % en 2015, puis à 7,00 % au début de 201612. Or, comme vous vous souviendrez, la Banque a plutôt abaissé son taux directeur de 25 points de base à deux reprises en 2015, pour le faire passer de 1,0 à 0,5 %.
Ces hausses de taux hypothétiques visant à stabiliser le huard auraient frappé l’économie réelle de plein fouet. Contrairement aux réductions de taux qui ont stimulé la croissance, elles auraient fait baisser le produit intérieur brut (PIB) de 60 milliards de dollars, soit 3,1 % de moins que le niveau enregistré au début de 2016.
De plus, le nombre total d’heures travaillées aurait été inférieur de 4,7 % au début de 2016, ce qui représente quelque 900 000 emplois de moins ou un taux de chômage pouvant atteindre jusqu’à 4 points de pourcentage de plus que celui enregistré en 2016. Les salaires nominaux auraient aussi été inférieurs de 2,5 % aux niveaux observés. Enfin, l’inflation aurait été inférieure de 0,8 point de pourcentage en 201613.
Mais comment la dépréciation de 20 % du huard a-t-elle facilité l’ajustement économique? Le cours du dollar ayant moins baissé que celui du pétrole, les prix relatifs des autres biens et services ont augmenté par rapport à l’or noir. Cette variation des prix relatifs a fortement incité les entreprises à délaisser le secteur pétrolier pour réaffecter leurs ressources à d’autres secteurs de l’économie. La dépréciation a aussi rendu les biens et services étrangers plus chers, poussant les entreprises et les ménages canadiens à les remplacer par des biens et services nationaux. Le régime de taux de change flottants n’absorbe donc pas tout à fait le choc des prix des produits de base, mais il aide l’économie à mieux s’y ajuster grâce aux mouvements des prix relatifs14.
Cet ajustement relativement harmonieux tranche avec celui de l’exercice contrefactuel, où la variation des prix relatifs provient d’une chute de la production, d’une hausse prononcée du chômage et de baisses des salaires et des prix.
Les Albertains ont vécu les deux aspects de cet ajustement. Lorsque les cours mondiaux du pétrole se sont envolés entre 2002 et 2008, le dollar canadien a suivi la hausse, atteignant la parité avec le dollar américain. Le secteur manufacturier ontarien a alors perdu en compétitivité, ses produits étant devenus plus chers à l’étranger. Les investissements et les travailleurs se sont donc dirigés vers le secteur de l’énergie en Alberta et en Saskatchewan.
Bien entendu, le mouvement inverse s’est produit en 2014-2015, lorsque les prix du pétrole ont chuté et que le huard s’est déprécié. L’économie canadienne a dû s’ajuster : l’économie de l’Alberta s’est contractée alors que d’autres régions ont connu une expansion15.
Certains économistes ont affirmé récemment que l’avantage d’un ajustement relativement facile associé au régime de changes flottants n’est pas aussi important qu’on le prétend, en partie parce que les prix de nombreux biens échangés entre les pays sont désormais établis surtout en dollars américains. Les variations des taux de change pourraient donc ne pas influer sur les prix relatifs des importations et des exportations (les termes de l’échange), ce qui amoindrirait le rôle facilitateur des mouvements de change dans l’ajustement16. Par exemple, comme les prix des produits de base sont généralement établis en dollars américains, une baisse du taux de change ne les toucherait pas beaucoup et n’entraînerait donc pas une augmentation des exportations.
Toutefois, les données canadiennes n’appuient pas cette thèse. Même si les prix de plus de 80 % de nos importations et de plus de 90 % de nos exportations sont établis en dollars américains, les mouvements de change ont fortement aidé l’économie canadienne à s’ajuster à des variations notables des prix des produits de base17.
Ainsi, dans une étude récente, Gopinath (2017) soutient que l’habitude de fixer les prix des exportations en dollars américains fait que ces prix ne chutent pas lorsque la monnaie d’un pays se déprécie, et qu’il n’y a donc pas l’effet traditionnel de stimulation des exportations. Elle base cependant sa thèse sur l’analyse de données d’exportations hors produits de base. Or les marges bénéficiaires de ces biens différenciés permettent normalement d’absorber les mouvements de change. C’est pourquoi sa thèse est moins pertinente pour les grands exportateurs de produits de base comme le Canada : dans ces pays, les profits des exportateurs augmentent lorsque la monnaie nationale se déprécie par rapport au dollar américain, ce qui les incite à accroître la production et les exportations. De plus, la fixation des prix en dollars américains ne signifie pas nécessairement que ces prix seront figés dans tous les cas; des dépréciations importantes et durables pourraient encourager les exportateurs à diminuer leurs prix en dollars américains pour augmenter leurs ventes.
Clarification et élargissement des rôles
Avant l’adoption de notre régime actuel de ciblage de l’inflation, les objectifs de la politique monétaire n’étaient pas clairs18. Les participants au marché croyaient souvent que la Banque du Canada accordait une certaine importance à la stabilisation du taux de change dans le cadre de sa politique monétaire, ce qui obscurcissait le rôle de l’institution et nuisait à sa capacité à réagir à des chocs extérieurs.
Cependant, avec l’adoption du ciblage de l’inflation, l’objectif premier de la politique monétaire est devenu très clair, surtout lorsque la cible de 2 % a gagné en crédibilité. La politique monétaire visait alors plus clairement et avec plus de crédibilité la stabilité des prix, ce qui a mieux fait ressortir le rôle spécifique du taux de change, soit de réagir aux chocs extérieurs, notamment les variations des prix des produits de base19.
Les preuves les plus irréfutables de cette clarification des rôles sont présentées dans une étude récente menée à la Banque. Selon cette étude, avant 1991, la Banque établissait son taux directeur en fonction non seulement des conditions économiques, mais aussi des variations tant du taux de change que du taux des fonds fédéraux20. Depuis 1992, cependant, le taux directeur ne réagit essentiellement plus aux variations du taux de change. Le ciblage de l’inflation a simplement permis à la Banque d’axer sa politique monétaire sur la stabilité des prix.
Cette constatation est corroborée par des données : le taux de change serait ainsi devenu plus sensible aux variations des prix des produits de base après l’adoption du ciblage de l’inflation. Comme le montrent les graphiques 4 et 6, la corrélation entre le taux de change et les indices nationaux des prix des produits de base a augmenté au Canada, en Australie et au Chili, par exemple, après l’adoption d’un régime de ciblage de l’inflation21.
Le graphique 7 illustre le succès du cadre de conduite de notre régime. Après l’instauration du ciblage de l’inflation en 1991, l’inflation s’est stabilisée à un faible niveau. En même temps, le taux de change flottant a facilité l’ajustement de l’économie aux variations des prix des produits de base et à d’autres chocs mondiaux.
Ainsi, la politique monétaire a gagné en efficacité après l’adoption de la poursuite de cibles d’inflation parce que son rôle et celui du taux de change sont devenus plus clairs et plus crédibles.
Développement du secteur financier
Même si sa politique monétaire indépendante et son taux de change flottant lui permettent d’amortir les pires effets des tempêtes économiques, le Canada a besoin d’un secteur financier bien développé pour connaître une croissance économique soutenue. Au cours de l’histoire du pays, les institutions et les marchés financiers se sont développés pour soutenir le libre mouvement des capitaux et le commerce. Un solide cadre de politiques macrofinancières et notre taux de change flottant ont fortement contribué à cet approfondissement financier, qui a quant à lui facilité la transmission de la politique monétaire et amélioré le fonctionnement du régime de changes flottants.
Notre système financier a évolué pour assurer une intermédiation sûre et efficace des flux de capitaux étrangers. De plus, grâce à la stabilité du système financier canadien et à la crédibilité des institutions économiques et politiques canadiennes, nos entreprises et nos administrations publiques ont pu émettre des titres de dette à l’étranger en dollars canadiens.
L’adoption d’un taux de change flottant en 1950, puis à nouveau en 1970 a entraîné la création au pays de marchés financiers qui serviraient non seulement à mener des opérations de change, mais aussi à mieux gérer les risques d’une monnaie flottante. Dans les années 1970 et 1980, ces marchés étaient encore relativement illiquides, et la Banque du Canada devait intervenir continuellement pour y apporter des liquidités et en réduire la volatilité. Elle a toutefois cessé ses interventions au début des années 1990, le marché des changes de même que les marchés des changes à terme, des swaps de change et des swaps de taux d’intérêt étant devenus beaucoup plus profonds et plus liquides22. Ces marchés permettent aux entreprises canadiennes de gérer, à un coût relativement bas, les risques liés aux taux de change et aux transactions internationales.
L’expérience du Canada montre qu’un taux de change déterminé par le marché – conjugué à un cadre de réglementation et de supervision robuste et à une politique budgétaire viable – favorise le développement des marchés financiers, surtout lorsqu’il est combiné à une cible d’inflation. Autrement dit, il fait en sorte que les marchés sont plus complets. Résultat : l’intermédiation des flux de capitaux étrangers est plus sûre et plus efficace, et les pays jouissent d’une capacité accrue à émettre des titres de dette dans leur propre monnaie, ce qui réduit le risque d’asymétrie des monnaies inscrites à leur bilan23.
La même situation s’observe ailleurs. Les données portent à croire qu’on a assisté à un approfondissement financier similaire dans les pays ayant adopté un cadre de conduite de la politique monétaire axé sur une cible d'inflation. Selon des travaux récents menés par la Banque, l’adoption d’un cadre de politique monétaire combinant une cible d’inflation et un taux de change plus flexible entraînerait une hausse d’environ 10 à 20 % des mesures du développement des marchés financiers24. Ce constat est illustré au graphique 8.
Certains observateurs craignent qu’un taux de change flottant ait des répercussions sur la stabilité financière, particulièrement dans les économies émergentes. Ils soutiennent que ces pays devraient intervenir davantage pour maîtriser leur taux de change ou mettre en place des contrôles de capitaux en raison de leurs secteurs financiers sous-développés, du manque de crédibilité de leurs politiques monétaire et budgétaire, et de leur utilisation généralisée du dollar américain pour l’émission de titres de dette et le commerce extérieur. En conséquence, ces pays s’exposent à un risque d’asymétrie des monnaies dans leur bilan et à un risque de change accru : ils seraient donc vulnérables en cas de grandes fluctuations des taux de change. Dans ces circonstances, les taux de change doivent être gérés judicieusement pour limiter le risque d’extrême volatilité sur les marchés illiquides. Par contre, les interventions fréquentes sur le marché des changes et les contrôles de capitaux risquent d’avoir l’effet contraire en altérant les mesures incitatives du marché, et en nuisant au développement des marchés et des institutions du secteur financier qui sont le plus susceptibles d’atténuer ces risques. Il va sans dire que la meilleure solution serait de remédier à ces lacunes, comme le Canada et d’autres pays semblables l’ont fait.
Conclusion
Permettez-moi maintenant de conclure. Le Canada a été bien servi par son utilisation de longue date d’un régime de changes flottants. Ce choix a grandement contribué à maintenir l’inflation à un niveau bas et stable, ainsi qu’à favoriser une production et une croissance de l’emploi fortes et durables. Cela tient au fait que le taux de change flottant a soutenu et amélioré l’efficacité d’une politique monétaire indépendante, et aidé l’économie à s’ajuster aux chocs extérieurs provenant surtout des variations des prix des produits de base.
Comme vous le savez, la Banque a entrepris un examen approfondi du cadre de conduite de la politique monétaire en vue du renouvellement, en 2021, de son entente sur le ciblage de l’inflation avec le gouvernement fédéral. Dans ce contexte, nous échangeons avec le milieu universitaire et d’autres banques centrales, ainsi qu’avec divers intervenants du secteur privé et des Canadiens qui s’intéressent à la question.
La cible d’inflation retient surtout l’attention, mais le taux de change flottant est une partie essentielle de notre cadre et de son succès. Pendant 61 des 69 dernières années, le taux de change du dollar canadien a été flottant et largement déterminé par le marché, ce qui est beaucoup plus long que dans tous les autres pays25.
En même temps, nous savons que les ingrédients qui ont contribué au succès du système canadien ne sont pas en place partout ailleurs. Les économies émergentes pourraient prendre plus de temps à développer des institutions et des marchés financiers fonctionnels, de même qu’à se forger une crédibilité suffisante en matière de politiques pour récolter les fruits du flottement de leur monnaie26.
Toutefois, le Canada n’est pas un cas isolé. De nombreux pays ont tiré des leçons de notre expérience et adopté un cadre fondé sur un taux de change flottant et une cible d’inflation. Ils en tirent maintenant les avantages dont je vous ai parlé aujourd’hui. Ce cadre de politique monétaire est devenu la référence, au même titre que l’étalon-or l’a été à une certaine époque. Il s’est avéré le plus durable de l’après-guerre. De la quarantaine de pays qui l’ont intégralement adopté, aucun ne l’a abandonné. Il a manifestement bien résisté à l’épreuve du temps.
Remerciements
Je tiens à remercier Minnie Cui, Hélène Desgagnés, Edouard Djeutem, Jacob Dolinar, Wei Dong, Geoffrey Dunbar, Natasha Laponce, Amy Li, Eric Santor et Jing Yang de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation du discours.
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- 1. Selon Rose (2014), les cadres de politique monétaire composés d’une cible d’inflation et d’un taux de change flottant se sont avérés les plus stables depuis la crise financière mondiale. Il estime aussi que ce genre de cadre s’est révélé très solide, étant donné qu’aucun pays n’a eu à l’abandonner dans des périodes difficiles.[←]
- 2. La Banque du Canada a mené toute une série de travaux pour modéliser le dollar canadien. Citons Amano et Van Norden (1995), Issa, Lafrance et Murray (2008) ainsi que Djeutem et Dunbar (2018). Tous établissent que les prix des produits de base ont un rôle important dans la détermination du taux de change du dollar canadien.[←]
- 3. Notre cible d’inflation est flexible. La stabilité des prix est certes notre but premier, mais la trajectoire du taux directeur et l’horizon au bout duquel l’inflation devrait revenir à la cible sont choisis de façon à atténuer la volatilité de la production et de l’emploi, et de façon à réduire le cumul excessif de vulnérabilités financières. Pour en savoir plus, voir Banque du Canada (2016).[←]
- 4. Le taux de change est, par définition, le prix relatif du dollar canadien par rapport à une autre monnaie, la plupart du temps le dollar américain. Par conséquent, les facteurs mondiaux qui influent sur le cours du dollar américain auront aussi une incidence sur le taux de change du dollar canadien.[←]
- 5. Ce chiffre est obtenu en utilisant, pour l’ensemble des articles, les données mensuelles sur l’inflation annuelle mesurée par l’indice des prix à la consommation. Ces données proviennent de Statistique Canada.[←]
- 6. L’entente conclue entre la Banque du Canada et le gouvernement fédéral engage les deux parties à maintenir la cible d’inflation et donne une légitimité politique. Le processus d’assainissement budgétaire, commencé sérieusement par les autorités fédérales au lendemain de la crise du peso mexicain de décembre 1994, alors que le dollar canadien avait été très touché, a renforcé la crédibilité de la cible d’inflation.[←]
- 7. Ces atouts renforcent l’argument traditionnel de Mundell (1961), selon lequel le Canada est une zone monétaire optimale. Carney (2013) analyse plus en détail ces atouts, en particulier ceux que présentent les échanges commerciaux élevés entre les provinces et la résilience du système financier. Dans le fond, l’État-nation devrait être la zone monétaire optimale (Laidler, 1999), car ses citoyens sont ceux qui devraient choisir l’objectif ainsi que le cadre de la politique monétaire.[←]
- 8. Voir Powell (2005) pour en savoir plus sur les circonstances qui ont été à l’origine des changements de régime de changes au Canada. L’expérience du Canada a eu des implications importantes non seulement pour le Fonds monétaire international et le système de Bretton Woods, mais aussi pour la théorie et les politiques macroéconomiques au sein des économies ouvertes (Bordo, Gomes et Schembri, 2010).[←]
- 9. L’idée voulant que les régimes de changes flottants parviennent moins bien à protéger les économies nationales contre les chocs financiers extérieurs que contre les chocs de l’économie réelle a justifié la création et la mise en place de normes minimales mondiales pour la réglementation et la surveillance financières. Cet effort est piloté par le G20 et coordonné par le Conseil de stabilité financière. Voir Schembri (2016) pour d’autres précisions sur le sujet.[←]
- 10. En outre, Cerutti, Claessens et Rose (2019) ont trouvé peu d’éléments qui confortent l’idée selon laquelle un cycle financier mondial provoquerait les mouvements de capitaux.[←]
- 11. Poloz (2014) présente des éléments de preuve utiles. Voir également Murray (2000), qui compare l’évolution des termes de l’échange au Canada et aux États-Unis sous l’effet de variations des cours des produits de base.[←]
- 12. La Banque a réalisé cet exercice contrefactuel à l’aide du modèle TOTEM décrit par Murchison et Rennison (2006), Dorich et autres (2013), et Banque du Canada (2017).[←]
- 13. Les résultats illustratifs de cet exercice contrefactuel sont probablement plus importants que ce que nous aurions observé si le Canada avait eu un taux de change fixe avec le dollar américain au moment de la chute des prix du pétrole. En effet, les attentes des marchés quant à la conduite de la politique monétaire auraient été différentes.[←]
- 14. La réaction des autorités monétaires et du taux de change au choc des prix du pétrole illustre ce que Blanchard et Galí (2007) qualifient de « divine coïncidence ». En cherchant à maintenir le taux d’inflation à un niveau stable, la politique monétaire a permis de stabiliser la production et l’emploi.[←]
- 15. Voir Patterson (2016) pour en savoir plus sur l’ajustement de l’économie canadienne au choc des prix du pétrole de 2014-2015.[←]
- 16. Cet argument de l’existence d’une monnaie dominante dans les échanges s’applique surtout aux exportations, car les mouvements de change influeraient sur les prix intérieurs des importations, ce qui provoquerait un ajustement de leur volume.[←]
- 17. Devereux, Dong et Tomlin (2017) constatent que 88 % des importations canadiennes – selon leur valeur – étaient facturées en dollars américains entre septembre 2002 et juin 2008. Gopinath, Itskhoki et Rigobon (2010) estiment que les prix de 96 % des exportations canadiennes aux États-Unis au cours de la période allant de 1994 à 2005 étaient établis en dollars américains.[←]
- 18. Autrement dit, la fonction de réaction de la Banque du Canada à différents chocs n’était pas bien comprise.[←]
- 19. La répartition des rôles entre la politique monétaire et le taux de change correspond à celle décrite par Mundell (1961).[←]
- 20. Pour en savoir plus, voir Champagne et Sekkel (2018).[←]
- 21. Au Canada comme en Australie, le coefficient de corrélation entre le taux de change et l’indice des prix des produits de base observés a nettement augmenté après l’instauration d’une cible d’inflation : il est passé de -0,73 à 0,84 au Canada, de 0,51 à 0,84 en Australie, et de 0,35 à 0,49 au Chili. Ces changements de corrélations sont tous significatifs sur le plan statistique au seuil de 1 %. Pour plus de précisions, voir Cui (à paraître). Il est à noter qu’une partie de l’augmentation de la corrélation dans le cas du Canada s’explique par l’importance croissante des exportations de pétrole pendant la période examinée. Voir Issa, Lafrance et Murray (2008) pour plus de détails.[←]
- 22. Conformément à la politique du gouvernement du Canada, la Banque n’intervient plus qu’en circonstances exceptionnelles sur le marché des changes.[←]
- 23. Dodge (2007) explique que le maintien d’un taux de change fixe pourrait nécessiter l’imposition de contrôles sur les transactions financières et certaines variables réelles de l’économie. Or, un taux de change flottant ne nécessite pas de telles interventions.[←]
- 24. Voir Dunbar et Li (à paraître) pour plus de précisions. Selon leurs observations, le développement des marchés financiers est plus marqué dans les pays qui ont été les premiers à avoir adopté un régime de ciblage de l’inflation, notamment le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. L’échantillon étudié comprenait 30 pays qui ont opté pour une cible d’inflation entre 1980 et 2016.[←]
- 25. Le Canada est possiblement le meilleur exemple pour appuyer les résultats prédits par Milton Friedman (1953) dans son célèbre essai intitulé The Case for Flexible Exchange Rates.[←]
- 26. Dodge (2007) avance de façon convaincante que nombre de pays devraient chercher à mettre en place un taux de change flottant efficace. Selon lui, il s’agit d’un élément clé d’un ordre commercial et financier libéralisé, fondé sur le marché, qui favorise la croissance économique et la prospérité à l’échelle mondiale.[←]
Information connexe
Economics Society of Northern Alberta - Discours (Diffusion)
Renouvellement de la cible d’inflation - M. Lawrence Schembri, sous-gouverneur à la Banque du Canada, prononce un discours devant l’Economics Society of Northern Alberta. (14 h 45 (HE) approx.)