Déclaration préliminaire devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes

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Monsieur le Président, distingués membres du Comité, bonjour. La première sous-gouverneure Wilkins et moi sommes heureux d’être de retour devant vous pour présenter le Rapport sur la politique monétaire (RPM) que la Banque du Canada a publié la semaine dernière.

Il y a six mois, lors de notre dernier témoignage devant ce comité, nous estimions que les choses évoluaient de façon très positive. L’économie canadienne allait très bien et elle était, en gros, de retour à bon port, c’est-à-dire qu’elle tournait très près des limites de sa capacité et que l’inflation se situait près de notre cible. En même temps, nous suivions les risques liés aux mesures commerciales protectionnistes et aux niveaux élevés d’endettement des ménages.

Malheureusement, il s’est produit depuis deux événements négatifs. Ceux-ci ont obligé l’économie à prendre un détour et retardent son retour à bon port. Notre prévision part du principe que leur incidence sera temporaire et qu’une fois que l’économie se sera ajustée, la croissance va se redresser. Par conséquent, dans le RPM, nous avons abaissé notre prévision de croissance pour cette année; nous estimons qu’elle sera de 1,2 % en 2019, et d’environ 2 % en 2020 et en 2021.

Permettez-moi de vous donner plus de détails. D’abord, l’économie mondiale a ralenti vers la fin de l’année passée. Je dois préciser que nous nous attendions à un certain ralentissement en raison de la diminution de l’effet expansionniste des mesures budgétaires américaines. Mais la baisse de régime a été plus importante que la plupart des prévisionnistes l’avaient escompté et elle s’est poursuivie en 2019.

Ce ralentissement à l’échelle mondiale s’explique notamment par la guerre commerciale menée par les États-Unis, qui retarde les décisions d’investissement des entreprises dans de nombreux pays. L’incertitude entourant les futures politiques commerciales a augmenté : ici au Canada, les doutes quant à la ratification de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique ont augmenté et ils demeurent un risque à la baisse pour nos perspectives d’investissement.

Il est certain qu’une escalade des conflits commerciaux porterait un coup à l’économie mondiale, mais des progrès vers leur résolution lui seraient très favorables. Je tiens à souligner que les entreprises et les économies finiront par s’adapter au niveau accru d’incertitude concernant les échanges commerciaux, en revoyant leurs projets d’investissement à la baisse. Une fois ces ajustements effectués, toutefois, la croissance économique pourra se redresser.

La nouvelle chute marquée des prix du pétrole à la fin de 2018, qui a exercé une pression considérable sur le secteur pétrolier canadien, constitue l’autre événement important survenu depuis octobre. Plus récemment, les prix du pétrole se sont raffermis, y compris ceux obtenus par les producteurs de l’Ouest du pays. Mais les effets des contraintes de transport sur la croissance future demeurent une source appréciable de ralentissement et d’incertitude. Ce facteur a entraîné une autre révision à la baisse des intentions d’investissement dans le secteur. Cette révision est probablement en partie de nature plus structurelle que cyclique. En effet, elle représente l’ajustement continu du secteur à des cours mondiaux du pétrole entre 50 et 60 $ US le baril, des cours qui étaient beaucoup plus élevés il y a cinq ans. Ce processus d’ajustement se manifeste aussi dans les salaires et d’autres coûts, ainsi que dans l’évolution du marché du logement en Alberta.

Il est important de noter qu’à mesure que les investissements dans le secteur pétrolier diminuent, la croissance de l’économie canadienne ralentit. Cela dit, lorsque ces niveaux d’investissement vont cesser de descendre, la croissance au pays va se redresser, même si ce n’est pas le cas des investissements dans le secteur pétrolier, car d’autres sources de croissance vont devenir prédominantes dans les données. La même dynamique a été observée après le choc des prix du pétrole de 2014-2015.

En plus des préoccupations au sujet du commerce international et des prix du pétrole, nous avons continué de surveiller l’ajustement du marché canadien du logement aux mesures provinciales et municipales en matière de logement, aux nouvelles règles sur les prêts hypothécaires et aux hausses passées des taux d’intérêt. Cet ajustement est particulièrement important vu le niveau élevé d’endettement des ménages.

Notre analyse se trouve compliquée par l’activité sur certains marchés qui étaient effervescents auparavant, en particulier les régions du Grand Toronto et du Grand Vancouver. Une étude menée par le personnel de la Banque montre que la hausse marquée des reventes de logements par rapport aux niveaux dictés par les facteurs fondamentaux en Ontario et en Colombie-Britannique — et la baisse qui a suivi — présentent une forte corrélation avec les attentes à l’égard des prix des logements. Ce résultat donne à penser que les mesures provinciales et municipales en matière de logement ont eu un effet beaucoup plus grand sur l’activité dans le secteur de l’habitation que les modifications de la ligne directrice sur les prêts hypothécaires et les hausses passées des taux d’intérêt. Cette analyse est renforcée par le fait que de nombreux autres marchés au pays connaissent une activité solide avec les mêmes règles hypothécaires et les mêmes taux d’intérêt. C’est ce à quoi on s’attendrait dans une économie en croissance, où la population augmente et le marché de l’emploi est vigoureux. Par conséquent, à mesure que la situation se stabilise à Toronto et à Vancouver, le secteur canadien du logement devrait globalement croître de nouveau plus tard cette année.

Enfin, je rappellerais que le gouvernement fédéral et plusieurs provinces ont fait des annonces durant la période budgétaire. Selon notre analyse, l’effet combiné des ajustements aux projets d’investissement annoncés jusqu’ici se traduirait par une révision à la baisse de nos prévisions de croissance d’environ 0,2 point de pourcentage en 2020.

En résumé, l’économie canadienne est confrontée actuellement à des vents contraires, mais il y a de bonnes raisons de croire qu’elle va s’accélérer durant la deuxième moitié de l’année. Dans ce contexte, le Conseil de direction de la Banque juge qu’un taux directeur expansionniste demeure justifié. Nous continuerons d’évaluer le degré approprié de la détente monétaire à mesure que les nouvelles données seront disponibles. En particulier, nous suivons l’évolution des dépenses des ménages, des marchés pétroliers et des politiques commerciales mondiales afin de jauger la mesure dans laquelle les facteurs qui pèsent sur la croissance et les perspectives d’inflation se dissipent.

Sur ce, la première sous-gouverneure Wilkins et moi serons heureux de répondre à vos questions.