Dans son dernier discours de 2018, le gouverneur Stephen Poloz expose les vulnérabilités et les risques liés au système financier canadien, ainsi que la conjoncture économique au pays et dans le monde. Il explique comment la Banque du Canada a pris l’ensemble de ces éléments en compte pour parvenir à sa décision de décembre concernant le taux directeur.
Décision concernant le taux directeur
Le Conseil de direction a décidé de maintenir le taux directeur à 1,75 %.
Des vulnérabilités financières importantes
Après la crise financière mondiale, de bas taux d’intérêt étaient nécessaires pour stimuler l’économie canadienne. Il lui a cependant fallu dix ans — plus longtemps que prévu — pour se redresser.
Au cours de cette période, l’extraordinaire faiblesse des taux d’intérêt a encouragé les emprunts et les dépenses. Cela a inévitablement entraîné une forte demande de logements, l’augmentation de leurs prix et un gonflement inégalé de la dette des ménages.
L’endettement des ménages et les déséquilibres sur le marché du logement ont rendu notre système financier plus vulnérable aux chocs économiques.
Endettement des ménages et prix des logements : des signes positifs
La reprise de l’économie canadienne nous a permis de procéder à cinq hausses des taux d’intérêt au cours de la dernière année et demie.
Certains gouvernements ont aussi adopté de nouvelles règles pour rendre les emprunts plus sûrs. Avant d’obtenir un prêt hypothécaire, la plupart des nouveaux emprunteurs doivent maintenant réussir un test de résistance permettant de s’assurer qu’ils supporteront une éventuelle hausse des taux d’intérêt.
Grâce à ces mesures, le taux de croissance des emprunts a ralenti et la qualité des nouveaux prêts s’améliore. Nous savons qu’un moyen d’éviter une flambée des prix consiste à accroître l’offre de maisons et d’appartements sur le marché.
Nous commençons aussi à mieux comprendre les liens entre le secteur financier et l’économie. De nouvelles données, de nouveaux outils et de meilleurs modèles nous permettent de mieux saisir l’accentuation des vulnérabilités financières et les risques de ralentissement de la croissance économique que celles-ci entraînent.
Le niveau global des risques pesant sur le système financier canadien est à peu près le même qu’il y a six mois, lors de la publication de notre Revue du système financier. Les nouveaux prêts hypothécaires accordés sont plus sûrs et la croissance des prix des logements a décéléré. Cependant, l’encours de la dette des ménages restera élevé pendant des années et les prix des logements demeurent hauts dans certains marchés. »
Stephen S. Poloz, gouverneur
Examen des risques
Avant de fixer le taux d’intérêt directeur, nous devons soupeser les risques que présentent les vulnérabilités financières pour la croissance et l’inflation, ainsi que les risques liés à l’économie dans son ensemble.
Depuis octobre, la crainte d’un ralentissement économique mondial a augmenté, principalement en raison des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Cette situation représente un risque aussi bien à la hausse qu’à la baisse : les tensions pourraient s’accroître et toucher le Canada ou s’atténuer, ce qui profiterait à la croissance économique mondiale et à notre pays.
Les données récentes sur l’économie canadienne ont été décevantes. Nous avons observé :
- des investissements des entreprises plus faibles que prévu (mais leur croissance devrait reprendre);
- une croissance plus lente, mais plus stable, du secteur du logement;
- une forte baisse des prix du pétrole.
Cette chute des prix du pétrole, qui s’avère pénible pour l’Alberta, aura un impact considérable sur l’économie canadienne.
- Les prix mondiaux du pétrole ont fléchi en raison d’un recul de la demande mondiale et d’une augmentation de l’offre (surtout aux États-Unis).
- Les décotes que subit le pétrole de l’Ouest canadien se sont accentuées sous l’effet de la congestion des infrastructures de transport, de fermetures de raffineries et d’une accumulation des stocks.
- L’augmentation des capacités de transport par chemin de fer et pipeline aidera à long terme.
Ces évolutions surviennent dans le contexte d’un taux de chômage à son niveau le plus faible en 40 ans et d’une inflation proche de la cible, signes d’une économie tournant près des limites de sa capacité.
Compte tenu de l’ensemble de ces évolutions, nous estimons encore que le taux d’intérêt directeur devra augmenter jusqu’à l’intérieur d’une fourchette neutre – soit entre 2,5 et 3,5 % environ – pour assurer l’atteinte de la cible d’inflation. Bien entendu, le rythme de ce processus dépendra fortement des données. »
Stephen S. Poloz, gouverneur
Mise à jour des prévisions en janvier
Nous présenterons une mise à jour de nos prévisions en matière de croissance économique et d’inflation dans la prochaine livraison du Rapport sur la politique monétaire le 9 janvier 2019.