Introduction
Des modifications récentes des politiques ont une incidence manifeste sur le marché hypothécaire. Le nombre de nouveaux emprunteurs fortement endettés a chuté et l’activité hypothécaire dans son ensemble a considérablement ralenti. Le resserrement des politiques entourant l’admissibilité aux prêts hypothécaires et la hausse des taux d’intérêt se répercutent directement sur la qualité et la quantité du crédit. Parallèlement, les mesures provinciales et municipales concernant le logement ont pesé sur l’activité dans ce secteur et sur la croissance des prix dans certains marchés.
Les graphiques ci-dessous illustrent l’évolution des flux de prêts hypothécaires par suite de ces changements.
La qualité des prêts hypothécaires
Nota : Les données englobent les prêts hypothécaires pour l’achat d’un logement et les prêts refinancés octroyés par les institutions financières sous réglementation fédérale. Le taux hypothécaire à 5 ans correspond au taux d’intérêt contractuel médian d’un prêt hypothécaire à taux fixe émis par un prêteur sous réglementation fédérale.
Sources : ministère des Finances du Canada, relevés réglementaires soumis par les banques canadiennes et calculs de la Banque du CanadaDernière observation :
Ces deux dernières années, les autorités fédérales ont resserré les critères d’admissibilité aux prêts hypothécaires dans le but d’améliorer la qualité des nouveaux prêts octroyés. Les règles de l’assurance hypothécaire pour les prêts à RPV élevé1 (ceux dont le rapport prêt-valeur est supérieur à 80 %) ont été modifiées en octobre 2016. On y a inclus un test de résistance élargi permettant de vérifier si les emprunteurs auraient encore les moyens d’effectuer leurs paiements si les taux d’intérêt augmentaient.
Les emprunteurs qui ont l’intention de contracter un prêt représentant plus de 4,5 fois (450 % de) leur revenu annuel sont particulièrement vulnérables à des conditions défavorables, comme des taux d’intérêt plus élevés ou une perte de revenu. Le test de résistance élargi a contribué à réduire la proportion de nouveaux prêts hypothécaires à RPV élevé assortis d’un ratio de prêt au revenu supérieur à 450 % : elle est passée de 20 % au quatrième trimestre de 2016 à 6 % au deuxième trimestre de 2018.
Le Bureau du surintendant des institutions financières a introduit un test de résistance semblable pour les prêts à faible RPV dans la ligne directrice B-20 révisée qui est entrée en vigueur en janvier 2018. Par la suite, la part des prêts hypothécaires à faible RPV assortis d’un ratio de prêt au revenu supérieur à 450 % a chuté pour s’établir à 14 % au deuxième trimestre de 2018, contre 20 % un an auparavant.
Les hausses récentes des taux d’intérêt contribuent aussi à la réduction du nombre de ménages fortement endettés. Comme ils consacrent une plus grande part de leur revenu au remboursement de leurs dettes, les emprunteurs lourdement endettés sont les plus touchés par les taux d’intérêt plus élevés. Le taux moyen contractuel des prêts hypothécaires à taux fixe de cinq ans étant passé de 2,7 % à 3,3 % au cours de la dernière année, la proportion de nouveaux emprunteurs fortement endettés, dans l’ensemble, a diminué, passant de 18 à 13 %.
Les quelques graphiques suivants, qui présentent des données sur les prêts hypothécaires à faible RPV souscrits pour l’achat d’un logement, mettent en évidence les prêts hypothécaires qui font l’objet de la ligne directrice B-20.
Nota : Les données englobent les prêts hypothécaires à faible RPV non assurés octroyés par les institutions financières sous réglementation fédérale pour l’achat d’un logement.
Sources : relevés réglementaires soumis par les banques canadiennes et calculs de la Banque du Canada
Certains emprunteurs qui obtiennent un prêt hypothécaire à faible RPV ont révisé leur décision d’achat, comme l’indique une redistribution des ratios de prêt au revenu depuis le deuxième trimestre de 2017. Comme on consent moins de prêts aux emprunteurs fortement endettés, une plus grande part des prêts hypothécaires se concentre maintenant dans la fourchette des ratios allant de 250 à 450 %. Les prêts assortis d’un ratio de prêt au revenu juste en deçà de 450 % restent quand même relativement risqués et concernent probablement des emprunteurs obligés de contracter un prêt moins important que celui qu’ils auraient pu obtenir en l’absence d’un test de résistance. Par ailleurs, la ligne directrice B-20 révisée n’a pas éliminé complètement les prêts à ratio élevé de prêt au revenu, puisque les prêteurs peuvent tenir compte d’autres critères pour octroyer ce genre de prêts hypothécaires, dont l’avoir propre foncier ou les actifs financiers du demandeur2.
L’activité hypothécaire
Nota : Les données englobent les prêts hypothécaires à faible RPV non assurés octroyés par des institutions financières sous réglementation fédérale pour l’achat d’un logement.
Sources : relevés réglementaires soumis par les banques canadiennes et calculs de la Banque du Canada
Le nombre de nouveaux prêts hypothécaires à faible RPV pour l’achat d’une maison a diminué, à partir du deuxième semestre de 2017 et tout au long du premier semestre de 2018. Au premier trimestre de 2018, les anciens critères d’admissibilité s’appliquaient encore à certains prêts hypothécaires qui avaient été préapprouvés avant l’entrée en vigueur de la ligne directrice B-20 révisée. Au deuxième trimestre, alors que les nouvelles règles étaient pleinement en vigueur, le nombre de nouveaux prêts hypothécaires à faible RPV a reculé de 15 % par rapport à l’année précédente.
Le nombre de nouveaux prêts hypothécaires consentis à des emprunteurs fortement endettés a connu la baisse la plus prononcée, soit de 39 % en glissement annuel au deuxième trimestre de 2018. Ont contribué à cette baisse le test de résistance élargi ainsi que les effets des taux d’intérêt plus élevés sur les emprunteurs fortement endettés, qui ont pu être renforcés par des changements dans la confiance générale des marchés.
Cependant, le recul important du nombre de prêts hypothécaires dont le ratio de prêt au revenu est moins élevé indique que d’autres facteurs, comme les mesures provinciales et municipales en matière de logement, jouent un rôle important. En particulier, une taxe imposée aux acheteurs étrangers à Vancouver a été annoncée en juillet 2016 et a été étendue à d’autres régions en février 2018. Le gouvernement de l’Ontario a mis en vigueur une taxe semblable en avril 2017. D’autres mesures prises en Colombie-Britannique et en Ontario comprennent une taxe sur les logements vacants, des restrictions sur les locations à court terme et des mesures visant à accroître le nombre de logements abordables. Ces mesures ont contribué à changer la confiance des marchés, ce qui a, à son tour, ralenti l’activité et la croissance des prix.
Implications à l’échelle régionale
Nota : Les données englobent les prêts hypothécaires à faible RPV non assurés octroyés par des institutions financières sous réglementation fédérale pour l’achat d’un logement.
Sources : relevés réglementaires soumis par les banques canadiennes et calculs de la Banque du CanadaDernière observation :
La révision de la ligne directrice B-20 et la hausse des taux hypothécaires ont coïncidé avec un recul de la proportion d’emprunteurs à ratio de prêt au revenu élevé dans la plupart des grandes villes, mais dans des mesures différentes. À Toronto, la proportion d’emprunteurs fortement endettés a chuté, passant d’un sommet de 39 % au quatrième trimestre de 2017 à 28 % au deuxième trimestre de 2018. Hamilton, une ville voisine, a aussi connu une baisse prononcée des prêts hypothécaires plus risqués, bien que leur proportion y était déjà moindre. À Vancouver, on a observé une redistribution des ratios de prêt au revenu, les prêts hypothécaires à ratio très élevé de prêt au revenu étant moins présents, mais la proportion des prêts dont le ratio est supérieur à 450 % demeure substantielle.
Nota : Les données englobent les prêts hypothécaires à faible RPV non assurés octroyés par des institutions financières sous réglementation fédérale pour l’achat d’un logement.
Sources : relevés réglementaires soumis par les banques canadiennes et calculs de la Banque du Canada
D’autres facteurs ont également joué un rôle. De nombreuses villes ont connu un ralentissement de l’activité sur le marché hypothécaire au deuxième trimestre de 2018. Les marchés du logement de Toronto, de Vancouver et des régions avoisinantes enregistrent les ratios du prix au revenu les plus élevés au pays et ont fait l’objet de mesures prises par les autorités régionales en matière de logement au cours des deux dernières années. Ces marchés ont ralenti avant l’introduction de la ligne directrice B-20 révisée et sont demeurés faibles tout au long du deuxième trimestre de 2018. À Calgary, le marché immobilier ne s’est pas redressé depuis le choc pétrolier de 2015, l’effet combiné des taux plus élevés, du resserrement des règles hypothécaires et de la faible croissance des revenus continuant de freiner le marché local du logement. À l’autre bout du spectre, les régions métropolitaines d’Ottawa-Gatineau et de Halifax ont récemment assisté à une reprise, et la proportion d’emprunteurs à ratio élevé de prêt au revenu demeure modeste.
Dans l’ensemble, le degré de risque des nouveaux prêts hypothécaires a donc diminué, parce que la proportion d’emprunteurs à risque a reculé dans les villes. De plus, la composition régionale a changé, une part un peu plus importante de nouveaux prêts hypothécaires ayant été récemment constatée dans les régions à l’extérieur de Toronto et de Vancouver.
Nota : Sont compris dans ces prêts hypothécaires les prêts pour l’achat d’un logement, les prêts refinancés et les prêts hypothécaires de second rang dans la région du Grand Toronto. Le volume et la part de marché sont pondérés selon leur valeur en dollars.
Sources : Teranet et calculs de la Banque du Canada
La ligne directrice B-20 s’applique seulement aux prêteurs sous réglementation fédérale, comme les banques; mentionnons toutefois que les coopératives de crédit ont souvent recours à leurs propres tests de résistance pour les prêts hypothécaires. Les prêts hypothécaires octroyés par les sociétés de financement hypothécaire satisfont généralement aux normes du gouvernement fédéral en la matière, puisque l’essentiel de leur financement provient de programmes de titrisation soutenus par l’État. Les prêteurs privés, quant à eux, n’ont pas à se conformer à ces normes3.
Dans les régions où les prix du logement sont élevés, comme le Grand Toronto, les emprunteurs sont donc plus susceptibles de contracter un prêt auprès d’un prêteur privé, faute d’être admissible auprès d’autres prêteurs. Si le volume d’octroi de nouveaux prêts hypothécaires dans la région a diminué, tous prêteurs confondus, au deuxième trimestre de 2018, les prêteurs privés, eux, ont connu une baisse plus modérée. Leur part de marché s’est donc accrue, passant de 6 % au deuxième trimestre de 2017 à 9 % au deuxième trimestre de 2018, la tendance à la hausse observée depuis les deux dernières années se poursuivant. Nous ne disposons pas actuellement de données permettant de vérifier si cette tendance se manifeste dans les marchés hors de l’Ontario.
De nombreux facteurs à l’œuvre sur le marché hypothécaire nécessitent un suivi
Le resserrement des politiques en matière de prêts hypothécaires a contribué à réduire le nombre de nouveaux ménages fortement endettés. Toutefois, il n’est pas possible de distinguer le rôle joué par ces politiques de celui d’autres mesures dans l’évolution des tendances du marché hypothécaire. Les taux d’intérêt plus élevés accroissent directement le coût des emprunts hypothécaires, ce qui, dans les faits, rendent les exigences en matière de souscription hypothécaire plus rigoureuses. Parallèlement, la dynamique des prix du logement a changé dans certains grands marchés, ce qui tient en partie aux mesures prises par les autorités régionales. Une diminution des emprunts hypothécaires peut être à la fois une cause et un effet de l’évolution des tendances des prix du logement.
Comme il y a de nombreux facteurs à l’œuvre, nous ne pouvons pas déterminer avec précision le rôle joué par chacune des politiques. Toutefois, au fil du temps, l’accumulation de données et le recours à des modèles pourront nous aider à mieux comprendre l’influence de chaque facteur.
Notes
- 1. Les prêts hypothécaires dont le rapport prêt-valeur est supérieur à 80 % (dits « à RPV élevé ») doivent être assurés. Les prêts hypothécaires à faible rapport prêt-valeur (« à faible RPV ») comprennent les prêts non assurés au moment de leur octroi ainsi qu’un petit nombre de prêts assurés à RPV égal ou inférieur à 80 %.[←]
- 2. À l’heure actuelle, le BSIF prend des mesures visant à mettre fin aux décisions prises en se fondant trop sur l’avoir propre foncier et pas assez sur la capacité de l’emprunteur à rembourser son prêt. Voir Le Pilier du BSIF, octobre 2018.[←]
- 3. Les banques sont sous réglementation fédérale, les coopératives de crédit, sous réglementation provinciale, et les sociétés de financement hypothécaire et les prêteurs privés ne sont pas assujettis à une réglementation prudentielle. Parmi les prêteurs privés, on compte les sociétés de placement hypothécaire et autres entités similaires.[←]
Avis d’exonération de responsabilité
Les notes analytiques du personnel de la Banque du Canada sont de brefs articles qui portent sur des sujets liés à la situation économique et financière du moment. Rédigées en toute indépendance du Conseil de direction, elles peuvent étayer ou remettre en question les orientations et idées établies. Les opinions exprimées dans le présent document sont celles des auteurs uniquement. Par conséquent, elles ne traduisent pas forcément le point de vue officiel de la Banque du Canada et n’engagent aucunement cette dernière.
DOI : https://doi.org/10.34989/san-2018-35