Déclaration préliminaire devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce
Monsieur le Président, distingués membres du Comité, bonjour. La première sous-gouverneure Wilkins et moi sommes heureux d’être devant vous aujourd’hui pour présenter le Rapport sur la politique monétaire (RPM).
En avril dernier, nous vous avons parlé des progrès considérables de l’économie. Nous avons expliqué qu’après avoir manqué de vigueur au début de 2018, la croissance allait rebondir au deuxième trimestre, et s’établir à environ 2 % pour le reste de l’année. Nous avons aussi indiqué que l’inflation allait rester un peu au-dessus de notre cible de 2 % cette année, en raison de facteurs temporaires. L’effet de ces facteurs allait disparaître avec le temps, et l’inflation revenir à la cible en 2019.
Six mois plus tard, les choses évoluent de façon très positive. L’économie canadienne va très bien et continue de tourner près des limites de sa capacité. La croissance est assez généralisée dans l’ensemble des secteurs et des régions. Elle est aussi plus équilibrée. En effet, la composition de la demande se modifie en faveur des investissements des entreprises et des exportations plutôt que de la consommation et du logement. L’expansion de l’économie se fera à une cadence légèrement supérieure à celle de la production potentielle pendant la période de projection, puisqu’elle sera soutenue par la demande étrangère et intérieure et par les conditions financières favorables. L’inflation se situe quant à elle près de la cible après avoir été légèrement plus élevée qu’escompté en juillet et en août. Des changements dans la méthode utilisée par Statistique Canada pour mesurer les prix des billets d’avion expliquent en grande partie cet écart. Bien que l’inflation puisse encore afficher une certaine volatilité au cours des mois à venir, nos mesures de l’inflation fondamentale restent fermement autour de 2 %.
Bien entendu, nos prévisions demeurent soumises à des incertitudes et des risques importants. Le commerce et l’endettement des ménages sont deux de ces enjeux.
En avril, nous avions indiqué que le risque le plus important entourant les perspectives d’inflation était l’éventualité d’une montée notable du protectionnisme à l’échelle mondiale. Nous avions aussi précisé que nos prévisions tenaient compte de l’effet négatif de l’incertitude accrue à ce sujet sur les projets d’exportation et d’investissement des entreprises. Avant l’annonce du taux directeur la semaine dernière, nous avons bien sûr discuté longuement des implications du récent Accord États-Unis–Mexique–Canada. Cet accord est une bonne nouvelle, car il permettra de réduire une source importante d’incertitude qui a freiné les investissements des entreprises. D’après notre plus récente enquête sur les perspectives des entreprises, menée avant la conclusion de cet accord, les intentions d’investissement de ces dernières étaient déjà plutôt positives. Les entreprises cherchaient en effet à tirer parti de la vigueur de l’économie américaine. Compte tenu de l’accord, nous avons annulé en partie la diminution de nos perspectives d’investissement. Par mesure de prudence, nous ne l’avons pas retirée en entier. Il y a deux raisons à cela. La première est que nous voulons voir comment les entreprises ajusteront leurs projets d’investissement en pratique. La deuxième est que nous savons que les défis de compétitivité pèsent aussi sur les investissements.
Les mesures protectionnistes – surtout celles concernant les États-Unis et la Chine – ont aussi retenu notre attention, car elles ont déjà des conséquences sur les perspectives mondiales. Nous avons intégré dans nos prévisions les incidences attendues des droits de douane imposés jusqu’à maintenant. Nous avons aussi intégré un effet modérateur sur la confiance qui provient de la menace de mesures supplémentaires. Au total, nous estimons que ces facteurs vont réduire la production mondiale de 0,3 % d’ici la fin de 2020. C’est un coût considérable, qui s’élève à plus de 200 milliards de dollars américains.
La question des échanges commerciaux qui oppose les États-Unis et la Chine représente un risque aussi bien à la hausse qu’à la baisse pour la politique monétaire canadienne. En effet, les États-Unis et la Chine pourraient réussir à apaiser ou à régler ce conflit commercial. Un tel résultat serait positif pour le commerce international et les investissements, et pour le Canada. Le conflit pourrait aussi s’aggraver, ce qui mettrait en péril d’importantes chaînes de valeur mondiales. La croissance à long terme et la prospérité à l’échelle mondiale s’en trouveraient naturellement réduites. Mais les conséquences globales pour l’inflation seraient incertaines. Je vous invite à consulter l’encadré 1 du RPM pour en savoir plus sur les répercussions possibles des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine.
En ce qui concerne l’endettement des ménages, nous évaluons aussi la façon dont les gens s’adaptent aux taux d’intérêt plus élevés et aux modifications apportées plus tôt cette année à la ligne directrice B-20 sur la souscription des prêts hypothécaires. L’encadré 4 du RPM apporte des précisions sur l’incidence de la modification de ces règles sur le crédit hypothécaire.
Dans l’ensemble, les données indiquent que les ménages ajustent leur budget essentiellement comme prévu. Nous comprenons que cela peut être difficile, surtout pour ceux qui sont très endettés. Mais l’emploi et les revenus continuent aussi à croître, ce qui peut aider à amortir le processus d’ajustement. De plus, la qualité des nouveaux emprunts s’améliore et l’activité dans le secteur du logement ralentit pour se situer à un niveau plus soutenable. Tous ces éléments rendent l’économie plus résiliente et réduisent la probabilité que de nombreuses personnes se retrouvent plus tard dans une situation difficile. Les modifications aux règles semblent également avoir tempéré l’élan des spéculateurs sur certains marchés. La pression sur l’accessibilité à la propriété a donc diminué. Bien que les vulnérabilités du système financier demeurent élevées, le fait qu’elles se soient stabilisées et aient diminué légèrement à plusieurs égards est positif.
Pour conclure, je tiens à souligner que même si la Banque a relevé le taux directeur la semaine dernière pour le porter à 1,75 %, la politique monétaire reste expansionniste. De fait, le taux directeur est encore négatif en termes réels, c’est-à-dire une fois l’inflation prise en compte. Notre estimation d’une orientation neutre correspond à une fourchette, qui va actuellement de 2½ à 3½ %. Le taux directeur devra augmenter jusqu’à parvenir à une orientation neutre pour assurer l’atteinte de la cible d’inflation. Cela dit, le rythme approprié des hausses de taux dépendra de l’évaluation que nous faisons, à chaque date d’annonce préétablie, de l’évolution des perspectives d’inflation et des risques connexes. En particulier, nous continuerons de tenir compte de la façon dont l’économie s’ajuste aux taux d’intérêt plus élevés, vu l’endettement élevé des ménages. Nous évaluerons également si la forte confiance des consommateurs se conjugue à la vive croissance de l’emploi et des revenus et se traduit par une consommation plus élevée que prévu. Nous prêterons aussi une attention particulière à l’évolution des politiques commerciales mondiales et à ses implications pour les perspectives d’inflation. Encore une fois, il s’agit d’un risque tant à la hausse qu’à la baisse.
Sur ce, Monsieur le Président, la première sous-gouverneure Wilkins et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.