Investir dans l’indépendance de la politique monétaire en petite économie ouverte
Dans cette étude, nous explorons, dans un premier temps, les limites imposées à la politique monétaire en petite économie ouverte par les cycles financiers mondiaux, même en régime de changes flottants. Nous proposons ensuite des moyens de dépasser ces limites pour renforcer l’indépendance de la politique monétaire.
La démonstration que l’intégration financière mondiale a érodé, du moins de façon épisodique, la capacité des banques centrales de mener une politique monétaire indépendante n’est sans doute maintenant plus à faire. La question qui se pose ici est celle du manque d’instruments d’intervention. Nous proposons une sélection de moyens dans lesquels les petites économies ouvertes pourraient vouloir investir afin de renforcer l’indépendance de la politique monétaire. En disposant d’une gamme d’instruments d’intervention, il est possible d’opter pour la conduite adaptée aux circonstances. Nous nous intéressons à trois ensembles d’instruments qui ne sont pas nécessairement du ressort des banques centrales.
Les instruments formant le premier ensemble relèvent des politiques macroprudentielles. En modulant les volants de fonds propres contracycliques à la hausse ou à la baisse, par exemple, il est possible de réduire la procyclicité des flux de capitaux. De même, la modification des règles régissant le crédit hypothécaire dans le sens d’un assouplissement ou d’un durcissement – en particulier les restrictions touchant le recours au levier d’endettement et le service de la dette – peut amortir les chocs de taux d’intérêt étrangers transmis par le canal du marché obligataire intérieur. Ces outils n’ont été utilisés jusqu’à présent qu’à des fins macroprudentielles, mais si les autorités acceptaient de les faire varier dans les deux sens, ceux-ci pourraient faire beaucoup pour renforcer l’autonomie de la politique monétaire.
Le deuxième groupe d’instruments repose sur l’intermédiation financière publique directe. L’intermédiation financière publique – comme le crédit à l’exportation, les prêts aux PME ou la souscription de prêts hypothécaires – est normalement conçue pour remédier aux pénuries de crédit occasionnées par un secteur bancaire oligopolistique. Ce deuxième ensemble peut aussi servir à lutter contre la procyclicité inhérente à la création du crédit, même si elle tient à des facteurs à l’œuvre à l’échelle mondiale. Le recours à ces outils constitue l’une des principales raisons pour lesquelles le Canada a si bien surmonté la crise financière mondiale, les institutions publiques ayant réussi à annuler une bonne part des effets de l’apparition du phénomène de raréfaction du crédit. L’inflation a ainsi pu demeurer le centre d’attention de la banque centrale.
Le troisième ensemble ouvre une voie prometteuse passant par la mise au point de stabilisateurs budgétaires automatiques. Il est généralement admis que la politique budgétaire devient relativement plus efficace quand les limites de la politique monétaire sont sur le point d’être atteintes. En calibrant les paramètres de ces stabilisateurs pour qu’ils jouent un rôle plus important à ce moment précis qu’en temps normal peut favoriser l’obtention d’un dosage adéquat des politiques monétaire et budgétaire, atténuer la volatilité de la production et contribuer à préserver l’indépendance de la politique monétaire.
Dans ces trois domaines, on ne peut faire jouer les instruments simplement en appuyant sur un bouton dans le feu de l’action. Nous soutenons que pour se transformer en moyens d’action efficaces, ces instruments nécessitent dans tous les cas un investissement initial et une volonté affirmée de les ajuster dans les deux sens. Il est clairement avantageux de s’engager dans cette voie : le risque de perte d’indépendance de la politique monétaire intérieure généralement associée à un taux de change flottant peut s’en trouver nettement réduit.