L’économie canadienne et la dette des ménages : quelle est l’ampleur du problème?
Introduction
« Ne sois ni emprunteur, ni prêteur », écrivait Shakespeare. Ce conseil était peut-être avisé du temps de Hamlet, mais on s’imagine mal comment une économie moderne comme la nôtre pourrait fonctionner selon ce principe.
Pour la plupart des Canadiens, l’endettement est une réalité qui s’impose à un moment donné. Il permet notamment de poursuivre des études postsecondaires, ou d’acheter une voiture ou une maison. Bref, il s’agit d’un outil qui leur permet de mieux répartir leurs dépenses tout au long de leur vie.
La dette des ménages canadiens augmente depuis une trentaine d’années, non seulement en termes absolus, mais aussi par rapport à la taille de l’économie. À la fin de 2017, elle totalisait un peu plus de 2 000 milliards de dollars, dont près des trois quarts consistaient en prêts hypothécaires.
Le recours au crédit est certes indispensable à notre train de vie moderne, mais, ces dernières années, il est devenu une source de préoccupation croissante pour la Banque du Canada. L’attention particulière qu’elle y porte s’explique par le fait qu’un endettement élevé peut rendre à la fois les particuliers et l’ensemble de l’économie vulnérables à des événements négatifs.
On peut aborder la question sous deux angles. Traditionnellement, la Banque a focalisé son attention sur la vulnérabilité du système financier canadien associée à un endettement élevé. Autrement dit, elle analysait surtout comment les banques canadiennes géreraient une grave récession économique accompagnée d’un chômage élevé et d’une augmentation des défauts de paiement. Vu le fort endettement des ménages, elle concentre aussi son attention sur la vulnérabilité de notre économie à la montée des taux d’intérêt. L’économie est indéniablement plus sensible qu’auparavant à l’augmentation des taux d’intérêt, et ce, à un moment où les taux d’intérêt au Canada comme ailleurs dans le monde sont à la hausse.
C’est pourquoi je veux vous parler aujourd’hui de la dette des ménages canadiens. Je commencerai par décrire la dynamique qui a mené à son accroissement, puis indiquerai l’ampleur actuelle du problème et la manière dont nous pouvons en gérer les risques dans les années à venir.
Comment en sommes-nous arrivés là?
Une dette totale de 2 000 milliards de dollars est considérable. Pour mieux comprendre ce chiffre, on mesure couramment la dette des ménages d’un pays en la comparant au revenu disponible de ses habitants. Or, au Canada, la dette des ménages représente quelque 170 % du revenu disponible. Autrement dit, en moyenne, les Canadiens doivent environ 1,70 $ pour chaque dollar de revenu annuel net d’impôt.
Ce ratio a atteint un record : il y a vingt ans, il était d’environ 100 %. Malgré son haut niveau, d’autres pays comme la Suède, la Norvège et l’Australie affichent un ratio de la dette des ménages au revenu disponible encore plus élevé que le nôtre.
Cette comparaison internationale révèle des points communs. Comme le Canada, les pays que je viens de mentionner ont connu une hausse constante des prix des logements ces dernières décennies. Le taux d’accession à la propriété y est élevé, et les marchés hypothécaires y sont à la fois profonds et bien développés. Comme au Canada, la période d’amortissement des prêts hypothécaires en Australie est généralement de 25 à 30 ans. En Norvège et en Suède, certains propriétaires de logement contractent des emprunts qui leur permettent de ne payer que les intérêts, le principal étant transmis d’une génération à l’autre.
Le souhait d’accéder à la propriété fait partie de notre culture. L’acquisition d’un logement permet aussi de constituer un patrimoine, les prix des logements ayant en général monté plus vite que le revenu. Mon collègue, le sous-gouverneur Larry Schembri, a analysé en détail les facteurs qui déterminent ces prix dans un discours qu’il a prononcé en 2015. De nombreux facteurs touchant tant l’offre que la demande ont conduit à l’augmentation des prix.
Du côté de l’offre, le Canada est un pays fortement urbanisé; or l’offre de logements dans un grand nombre de villes est limitée par des restrictions sur l’utilisation du sol, telles que l’obligation de maintenir une ceinture verte et d’autres règlements de zonage. Les contraintes géographiques, sous forme de montagnes et de cours d’eau, contribuent aussi à limiter l’offre et à soutenir les prix des logements.
Du côté de la demande, plusieurs facteurs, dont la démographie et une période prolongée de faibles taux d’intérêt à long terme, ont favorisé la hausse tendancielle des prix. Ce que je veux souligner, cependant, c’est qu’un fort désir d’accéder à la propriété, combiné à la hausse des prix des logements, ne peut que faire accroître l’endettement des ménages.
Il vaut la peine d’examiner de plus près les liens entre faibles taux d’intérêt, hausse des prix des logements et endettement croissant des ménages. Comme vous le savez, notre politique monétaire vise à garantir un taux d’inflation bas et prévisible en maintenant un équilibre entre l’offre et la demande au sein de l’économie. Si le taux d’inflation est trop bas, la Banque du Canada peut abaisser son taux d’intérêt directeur et s’attendre à stimuler ainsi la demande de biens et de services. Lorsqu’elle majore son taux directeur, elle s’attend à modérer la demande.
Des taux d’intérêt relativement bas devraient donc se traduire par une forte demande de logements. Selon les données historiques, les taux hypothécaires ont nettement reculé à la fin des années 1990. Cette évolution s’explique en partie par une diminution à l’échelle mondiale des taux d’inflation et d’intérêt. Elle s’explique toutefois aussi par la crédibilité croissante du régime de ciblage de l’inflation que la Banque a mis en place en 1991. Les Canadiens en sont bientôt venus à s’attendre à ce que le taux d’inflation demeure bas, ce qui a fait fléchir les taux d’intérêt. C’est alors qu’a commencé la progression constante de l’endettement des ménages.
La situation a pris un autre tournant décisif après la crise financière mondiale de 2008. En effet, les banques centrales ont alors considérablement réduit les taux d’intérêt, les abaissant parfois à zéro, voire en territoire négatif, et les ont maintenus à des niveaux historiquement bas sur une période prolongée.
Les mesures budgétaires et monétaires prises de manière concertée à l’échelle internationale entre 2008 et 2010 ont stimulé l’économie et aidé le monde à éviter une autre Grande Dépression. Notre économie a toutefois eu du mal à gagner en vigueur ces dix dernières années, ne serait-ce que parce que notre reprise a été interrompue par l’effondrement des cours du pétrole à la fin de 2014. Aujourd’hui, l’inflation est à la cible et l’économie tourne très près des limites de sa capacité. Toutefois, comme les effets des chocs que nous avons subis se font encore sentir, il faut continuer à soutenir l’économie par des mesures de relance.
Je voudrais m’arrêter sur un point élémentaire mais très important : qu’elles soient de nature monétaire ou budgétaire, les mesures de relance ont un coût. Elles favorisent en effet la croissance en hâtant les dépenses des ménages et les investissements des entreprises, lorsqu’ils sont financés par des emprunts.
J’ai abordé cette dynamique d’endettement dans la conférence Purvis que j’ai prononcée il y a deux ans. Un pays qui recourt surtout à la politique budgétaire pour relancer l’économie peut faire gonfler sa dette publique. S’il mise surtout sur la politique monétaire, il en résulte un endettement accru des ménages. Dans les deux cas, les mesures de relance mènent à un alourdissement de la dette, qu’elle soit publique ou privée. En outre, un endettement excessif fragilise l’économie et réduit sa résilience aux chocs à venir. C’est pourquoi les décideurs publics doivent tenir compte des effets sur la dette de chaque combinaison particulière de mesures budgétaires et monétaires.
Le fardeau de la dette
En fin de compte, c’est le ratio du service de la dette au revenu qui importe le plus, car plus bas est le taux d’intérêt, plus grande est la dette qu’un ménage donné peut contracter. Nous allons donc analyser le ratio du service de la dette, qui correspond au total des paiements d’intérêts et des remboursements de principal exigés en pourcentage du revenu.
Fait remarquable, le ratio global du service de la dette hypothécaire des ménages canadiens a été très stable : il fluctue entre 5 et 7 % depuis le début des années 1990. Les Canadiens ont donc profité des faibles taux d’intérêt pour s’endetter davantage, ce qui maintient le ratio du service de la dette à un niveau relativement constant.
On voit aisément comment cette situation a pu se produire. Les institutions financières s’intéressent avant tout à la capacité de l’emprunteur à assurer le service de sa dette à partir du revenu qu’il touche régulièrement. Par conséquent, toute baisse des taux d’intérêt permet l’achat d’un logement plus cher. En outre, l’accès au crédit s’étant amélioré – notamment par le recours généralisé aux lignes de crédit garanties par l’avoir propre foncier –, il s’agit essentiellement pour les ménages de choisir le niveau global de leur dette hypothécaire et de se servir de cette dette à diverses fins.
Les Canadiens, peu importe leur groupe d’âge, comptent en effet de plus en plus sur les emprunts hypothécaires. Ainsi, le pourcentage des propriétaires de moins de 35 ans ayant une dette hypothécaire est passé d’environ 85 % en 1999 à 90 % en 2016. La hausse est plus flagrante dans le cas des 55 à 64 ans : le pourcentage est passé de 34 à 46 % sur la même période. Ces chiffres éclairent mieux le ratio de 170 % de la dette au revenu des ménages dont j’ai fait mention au début.
Soulignons que ce ratio de 170 % représente la moyenne canadienne et, à ce titre, il tient compte des ménages peu ou pas endettés. Du coup, pour que le niveau moyen d’endettement soit si élevé, il doit aussi englober des ménages très fortement endettés.
De fait, le ratio de la dette au revenu brut atteint 350 %, voire plus, chez environ 8 % des ménages. La dette de ces derniers représente un peu plus de 20 % de la dette globale des ménages. Ces personnes seraient les plus touchées par une hausse des taux d’intérêt. Nous surveillons de près la vulnérabilité que représentent ce groupe et sa dette, ainsi que le risque qu’elle fait peser sur le système financier et sur l’ensemble de l’économie. Par ailleurs, il importe que ces ménages prennent la mesure de leur vulnérabilité sur le plan personnel.
Dans ce contexte, les nouvelles règles hypothécaires mises en œuvre récemment sont particulièrement bienvenues, notamment celles qui imposent aux emprunteurs de prouver qu’ils sont en mesure d’assurer le service de leur dette à des taux d’intérêt plus élevés. Ces règles contribuent à réduire la vulnérabilité de l’économie, puisque les nouveaux emprunteurs seront plus résilients que les emprunteurs actuels. Des signes montrent que ces règles parmi d’autres portent leurs fruits. En effet, on constate déjà une baisse notable de l’émission des prêts hypothécaires à très fort ratio de prêt au revenu.
Niveaux d’endettement élevés et politique monétaire
Notons, toutefois, que ces règles ne s’appliquent qu’aux nouveaux prêts hypothécaires. L’encours de la dette des ménages, y compris les 1 500 milliards de dollars de prêts hypothécaires existants, demeure. Et cette dette a des conséquences de plus en plus grandes pour la politique monétaire. Comme je l’ai mentionné au début, l’un des enjeux importants pour nous à l’heure actuelle consiste à évaluer la mesure dans laquelle les consommateurs, et l’économie dans son ensemble, sont devenus plus sensibles aux mouvements des taux d’intérêt.
Cette question revêt en ce moment d’autant plus d’importance que l’économie nécessitera des taux d’intérêt plus élevés avec le temps pour assurer l’atteinte de nos objectifs en matière d’inflation. Compte tenu du niveau d’endettement actuel des ménages, nous nous attendons à ce que les majorations du taux directeur aient un effet modérateur plus prononcé que par le passé sur la demande. Une incertitude considérable règne toutefois à cet égard : la sensibilité pourrait s’avérer plus forte ou plus faible qu’escompté.
Depuis juillet dernier, la Banque a relevé les taux d’intérêt à trois reprises, faisant passer le taux directeur de 0,5 à 1,25 %. Il est cependant encore trop tôt pour déterminer l’ampleur de l’incidence qu’auront ces hausses. De nombreux facteurs expliquent pourquoi il faut du temps – jusqu’à deux ans, en fait – pour qu’une variation des taux fasse pleinement sentir ses effets sur l’économie. Soulignons, par exemple, que la majorité des prêts hypothécaires au Canada sont assortis d’un taux d’intérêt fixe, qui n’est habituellement modifié qu’à la fin du terme – le plus souvent tous les cinq ans. Les prêts hypothécaires à taux fixe qui n’ont pas été renouvelés depuis juillet dernier n’ont pas encore été touchés par les hausses des taux d’intérêt. Dans certains cas, les personnes qui ont renouvelé leur prêt ces derniers mois ont pu obtenir un taux comparable à celui qu’on leur avait accordé il y a cinq ans. En revanche, celles qui ont opté pour un taux variable, soit environ le quart des emprunteurs hypothécaires, ont bien sûr déjà vu leur taux monter.
Cela dit, on note certains autres signes de l’incidence des taux d’intérêt plus élevés. En effet, les banques ont augmenté les taux d’intérêt des nouveaux prêts – pas seulement les prêts hypothécaires, mais aussi d’autres formes de crédit aux consommateurs et aux entreprises. D’autres signes encore révèlent que le taux de croissance des emprunts a commencé à ralentir.
Vous vous demandez peut-être où se dirigent les taux d’intérêt. Nous savons qu’il existe un niveau où notre taux directeur est considéré comme neutre, c’est-à-dire où il ne stimule ni ne freine l’économie. Ce taux neutre ne peut pas s’observer et nous n’avons aucune emprise sur lui. Qui plus est, il peut varier au fil du temps, au gré de l’évolution de l’économie mondiale et de l’économie du pays.
En dépit de cette incertitude, le taux neutre constitue un point de référence utile pour les banques centrales, et ce, pour trois raisons. Premièrement, plus l’écart entre le taux directeur et le taux neutre est grand, plus l’effet sur l’économie est important. Deuxièmement, comme le taux neutre varie, une orientation donnée de la politique monétaire peut devenir plus ou moins expansionniste avec le temps, même si la banque centrale ne la modifie pas. Et troisièmement, si le taux neutre au sein d’une économie baisse suffisamment, il peut être ardu pour la banque centrale de fournir l’impulsion voulue en cas de ralentissement marqué.
Dans le Rapport sur la politique monétaire (RPM) paru le mois dernier, nous avons publié notre plus récente estimation du taux neutre au Canada, et indiqué que celui-ci s’inscrit à l’intérieur d’une fourchette comprise entre 2,50 et 3,50 %, dans l’hypothèse où tous les chocs touchant l’économie se sont dissipés. À 1,25 %, notre taux directeur aujourd’hui reste bien en deçà de notre estimation du taux neutre.
L’offre et la demande étant presque équilibrées dans notre économie, on pourrait s’attendre à ce que le taux directeur se situe beaucoup plus près du taux neutre. Toutefois, plusieurs forces semblent continuer à brider l’activité économique. Nous avons d’ailleurs traité de ces forces dans le RPM. Parmi elles, citons les nouvelles règles hypothécaires, l’incertitude persistante entourant la politique de commerce extérieur des États-Unis et la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain, ainsi que toute une série de défis sur le plan de la compétitivité auxquels doivent faire face les exportateurs canadiens. Ces forces n’agiront pas indéfiniment. À mesure qu’elles s’estomperont, la nécessité d’une détente monétaire soutenue ira aussi en s’atténuant, et la Banque augmentera naturellement les taux d’intérêt.
Le degré de détente monétaire peut également se mesurer à l’aide d’un autre outil, à savoir le taux d’intérêt réel, qui se définit comme la différence entre le taux directeur et le taux d’inflation. Aujourd’hui, le taux directeur corrigé de l’inflation s’établit à -0,75 %. À mesure que progresse l’économie et que se dissipent les forces qui pèsent sur elle, la nécessité d’un taux directeur corrigé de l’inflation inférieur à zéro diminue progressivement.
Gérer les risques
En bref, nous sommes de plus en plus convaincus que l’économie aura besoin d’un degré moindre de détente monétaire avec le temps. Au moment de prendre chacune de nos décisions concernant les taux d’intérêt, nous devons néanmoins considérer tous les risques auxquels l’économie est exposée au regard de nos prévisions, y compris les risques liés à l’endettement des ménages.
Si nous relevons les taux trop rapidement, nous courons le risque que la croissance s’étouffe et que l’inflation descende en deçà de notre cible. Si, au contraire, nous les relevons trop lentement, nous risquons de causer une intensification des pressions inflationnistes qui se traduirait par un dépassement de la cible d’inflation. Parallèlement, relever les taux trop lentement ferait encore augmenter la dette des ménages et accentuerait les vulnérabilités, tandis que les relever trop rapidement pourrait déclencher le genre de risque pour la stabilité financière que nous tentons d’éviter.
Comme vous pouvez l’imaginer, déterminer la trajectoire appropriée pour la politique monétaire exige une bonne dose de jugement. Les chercheurs de la Banque ont récemment mis au point une méthode importante et novatrice d’évaluation de ces arbitrages qui permet d’éclairer ce jugement. Nous avons d’ailleurs publié aujourd’hui une note analytique du personnel sur ces travaux.
En quelques mots, nous nous servons de nos modèles pour calculer les risques économiques associés à différentes trajectoires hypothétiques des taux d’intérêt. En examinant un grand nombre de ces trajectoires, nous sommes en mesure de décrire les arbitrages qui entrent en ligne de compte dans le choix d’une trajectoire donnée. On sait intuitivement qu’une hausse des taux d’intérêt entraîne un ralentissement de la croissance économique, mais qu’elle atténue aussi les vulnérabilités financières. Par conséquent, l’incidence qu’aurait sur l’économie un grave événement porteur d’instabilité financière s’en trouverait diminuée.
À partir de là, nous pouvons intégrer les politiques macroprudentielles, comme les nouvelles règles hypothécaires. En réduisant directement les vulnérabilités financières, les politiques macroprudentielles améliorent l’arbitrage devant lequel les décideurs publics sont placés lorsqu’ils doivent déterminer quand relever les taux d’intérêt. En d’autres termes, les politiques macroprudentielles permettent à la politique monétaire de produire des résultats comparables sur le plan de la croissance et de l’inflation sans exacerber les vulnérabilités financières.
Conclusion
Le moment est venu pour moi de conclure. Si Shakespeare était parmi nous aujourd’hui, il dirait sans doute que notre système financier offre aux Canadiens plus de choix que jamais quand il s’agit de décider s’il faut être, ou ne pas être, endetté. Le niveau record de la dette des ménages observé actuellement témoigne de l’évolution du système financier et du degré d’aisance des Canadiens à l’égard de l’emprunt. Mais il est aussi le fruit d’une période prolongée de très bas taux d’intérêt et de croissance des prix des logements.
À la Banque du Canada, nous suivons de près ces niveaux d’endettement en raison des risques grandissants qu’ils font planer sur la stabilité financière et l’économie. Nous savons qu’une partie des foyers canadiens sont fortement endettés, et leurs préoccupations à ce sujet iront en augmentant à mesure que les taux d’intérêt monteront. Il va sans dire qu’une hausse des taux d’intérêt serait vraisemblablement le signe d’une économie qui repose sur des assises encore plus solides et qui est moins sujette à un grave revers économique. En outre, notre système financier est résilient et, grâce aux nouvelles règles hypothécaires, il l’est de plus en plus. Pour autant, notre économie reste exposée à une hausse inopinée des rendements obligataires ou à un ralentissement de l’économie mondiale, car les deux effets seraient amplifiés par leur interaction avec l’endettement élevé des ménages.
En définitive, le mandat de la Banque consiste à examiner l’économie dans son ensemble et à porter un jugement sur les perspectives d’inflation. Aujourd’hui, les choses s’annoncent très bien, malgré l’ombre que jette l’endettement des ménages. Celui-ci présente encore des risques pour l’économie et la stabilité financière, des risques qui, en raison de la taille même de la dette en cause, persisteront un certain temps. Il y a cependant tout lieu de croire que nous pouvons continuer à les gérer avec succès. Les progrès économiques enregistrés à ce jour renforcent notre conviction que des taux d’intérêt plus élevés seront justifiés avec le temps; cela dit, une certaine détente monétaire sera encore nécessaire. Nous continuerons à surveiller la réaction des ménages et de l’économie tout entière aux taux d’intérêt plus élevés. Et nous ferons preuve de circonspection au moment d’apporter des ajustements à la politique monétaire, et serons guidés par les nouvelles données.
Je tiens à remercier Jing Yang de l’aide qu’elle m’a apportée dans la préparation de ce discours.