Rapport sur la politique monétaire – Déclaration préliminaire à la conférence de presse
Bonjour. Le gouverneur Poloz et moi sommes ravis d’être ici parmi vous pour répondre à vos questions à propos de l’annonce de ce matin concernant les taux d’intérêt et du Rapport sur la politique monétaire (RPM).
L’économie canadienne tourne près de son niveau potentiel d’activité, et l’inflation avoisine la cible de 2 %. Dans ce contexte, le Conseil de direction a décidé de relever le taux directeur de 1/4 de point de pourcentage pour le porter à 1,25 %.
Les données que nous avons reçues depuis octobre ont été généralement plus robustes que prévu. La croissance dans le monde continue de se renforcer et de se généraliser, ce qui a pour effet de soutenir la croissance ici, au pays. Nous avons revu à la hausse les perspectives de l’économie américaine en raison de l’accélération de l’activité et de la nouvelle loi fiscale adoptée à la fin de l’année dernière.
Au Canada, on s’attend à ce que la croissance économique se chiffre en moyenne à 2 1/2 % à court terme, avant de ralentir pour s’établir à un rythme plus soutenable au cours de la période de projection. Ces perspectives demeurent brouillées par l’incertitude entourant l’avenir de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Pour en arriver à sa décision, le Conseil de direction a longuement discuté de trois enjeux que j’aimerais passer en revue avec vous.
Le premier était lié à la marge de capacités excédentaires qui subsiste dans l’économie et à la façon dont elle évoluera. De toute évidence, cette question est toujours importante pour une banque centrale dotée d’un régime de ciblage de l’inflation, mais elle l’est particulièrement à cette étape du cycle économique. En octobre, nous avons indiqué qu’on observait encore des signes de ressources inutilisées sur le marché du travail. Nous avons aussi mentionné que, même si nous estimions que l’économie tournait presque à plein régime, il était possible que des capacités accrues soient créées avec le temps grâce aux investissements des entreprises et à une augmentation de la participation au marché du travail.
Les données dont nous avons pris connaissance portent à croire que la marge de ressources inutilisées sur le marché du travail a réellement diminué, et ce, un peu plus vite que nous le prévoyions. Le taux de chômage national a baissé pour s’établir à des creux historiques, le nombre moyen d’heures travaillées se redresse et l’enquête de la Banque sur les perspectives des entreprises fait état de signes de pénuries de main-d’œuvre plus intenses. Cela dit, les pressions sur les salaires demeurent modestes. Ces résultats pourraient indiquer qu’une certaine marge de ressources inutilisées subsiste sur le marché du travail. Ils pourraient aussi vouloir dire que les salaires sont devenus moins sensibles aux pressions sur le marché du travail, compte tenu de l’effet de la concurrence internationale. Quoi qu’il en soit, les salaires ne semblent pas exercer de pression sur l’inflation à ce stade-ci. Nous avons publié une note analytique du personnel à ce sujet aujourd’hui et nous continuerons de surveiller cette question de près.
En ce qui a trait à la création de capacités, nous avons également observé des signes positifs. Les investissements des entreprises ont continué de croître, l’enquête de la Banque sur les perspectives des entreprises montre que les intentions demeurent positives, et les révisions apportées aux données historiques impliquent que les capacités sont plus importantes que nous le pensions. Les nouvelles entreprises sont généralement une source essentielle de croissance des capacités et, bien qu’il soit encore trop tôt pour dégager une tendance, les données récentes sur la création d’entreprises sont encourageantes.
Nous mettrons à jour notre point de vue sur le potentiel de l’économie dans le RPM d’avril.
Le deuxième enjeu avait trait à l’influence qu’aura, sur les perspectives en matière d’inflation, l’évolution des pressions sur la capacité de production. Comme le gouverneur l’a souligné dans un discours en novembre dernier, certains économistes et décideurs publics ont du mal à expliquer le niveau d’inflation plus faible que prévu dans de nombreux pays. Cela n’a pas été le cas ici, au Canada, où les mesures de l’inflation fondamentale ont augmenté et évolué essentiellement comme on s’y serait attendu.
L’inflation a en fait été un peu plus élevée que ce qui était projeté en octobre, augmentant pour s’établir tout juste au-dessus de la cible de 2 % vers la fin de 2017. Ce résultat est attribuable à l’effet temporaire des prix plus élevés de l’énergie. Nous prévoyons une légère baisse de l’inflation à court terme, en raison principalement des effets de glissement annuel des prix de l’essence. En gros, nous nous attendons à ce que l’inflation fluctue relativement près de la cible tout au long de la période de projection.
Cela dit, il subsiste un risque que des tendances mondiales, comme la numérisation de l’économie, exercent un effet modérateur sur l’inflation. Nous continuerons de surveiller cette situation de près.
Le dernier enjeu dont nous avons discuté a trait à la meilleure façon de tenir compte de l’incertitude entourant la renégociation de l’ALENA dans nos décisions liées à la politique monétaire.
Lorsque des décisions de politiques du commerce extérieur ont déjà été prises, dans le cas du bois d’œuvre résineux par exemple, nous avons tenu compte des effets attendus. En outre, bien que les résultats de l’enquête sur les perspectives des entreprises aient été positifs, de plus en plus d’entreprises nous ont indiqué que l’incertitude entourant l’issue des négociations pèse sur leurs décisions en matière d’investissement et, dans une moindre mesure, en matière de commerce extérieur. C’est pour cette raison que nous avons incorporé un certain effet négatif additionnel à notre profil d’évolution des investissements des entreprises et des exportations.
Conformément à cette approche, nos perspectives reposent sur l’hypothèse que les accords commerciaux existants resteront en place au cours de la période de projection. Il existe encore une large gamme d’issues possibles, qui pourraient survenir dans de nombreux laps de temps différents. Nous ne connaissons pas l’issue des négociations, et nous ne savons pas comment les gouvernements vont y réagir. Autrement dit, il ne serait pas utile à cette étape de tenter de quantifier tel ou tel scénario aux fins de l’établissement de la politique monétaire.
Toutefois, le personnel de la Banque s’est attaché à déterminer les canaux par lesquels notre économie pourrait être touchée par des changements aux politiques du commerce extérieur. Cette démarche est subtile. La théorie économique nous enseigne que l’inflation peut subir à la fois des pressions à la hausse et à la baisse. La raison en est que les changements apportés aux politiques du commerce extérieur peuvent se transmettre par de multiples canaux qui touchent tant la demande que l’offre dans l’économie avec le temps. De tels changements peuvent aussi se répercuter sur les prix des actifs et le taux de change. Quelle que soit l’issue, nous serons prêts à évaluer les effets à mesure qu’ils se manifesteront, et à ajuster la politique monétaire à point nommé si nécessaire.
Compte tenu de tous ces enjeux, bien que l’on s’attende à ce que les perspectives économiques justifient des taux d’intérêt plus élevés avec le temps, il sera probablement nécessaire de maintenir un certain degré de détente monétaire afin que l’économie continue de tourner près de son potentiel et que l’inflation demeure à la cible.
La poursuite de la détente monétaire sera probablement nécessaire pendant un certain temps pour tenir compte de quelques facteurs. Parmi eux, mentionnons l’incidence de l’incertitude entourant les négociations commerciales, les effets attendus des ajustements apportés récemment aux règles relatives aux prêts hypothécaires et la sensibilité accrue de l’économie aux taux d’intérêt compte tenu de l’endettement élevé des ménages. Dans ce contexte, une hausse trop rapide du taux directeur augmenterait le risque d’une stagnation de l’expansion et ferait redescendre l’inflation sous la cible. Parallèlement, si l’on relevait les taux d’intérêt trop lentement, on risquerait de causer une intensification des pressions inflationnistes. C’est pourquoi le Conseil de direction continuera à faire preuve de circonspection au moment d’envisager de futurs ajustements à la politique monétaire et sera guidé par les nouvelles données sur lesquelles il se fonde pour évaluer la sensibilité de l’économie aux taux d’intérêt, l’évolution des capacités économiques et la dynamique de la croissance des salaires et de l’inflation.
Sur ce, le gouverneur Poloz et moi serons heureux de répondre à vos questions.