Intégrer l’incertitude dans la conduite de la politique monétaire

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Introduction

L’incertitude est un sujet de première importance pour bien des gens. Ils sont préoccupés, notamment, par l’avenir des accords commerciaux, par la sécurité d’emploi dans des économies de plus en plus automatisées ou par les menaces émanant de tensions géopolitiques dans de nombreuses régions du monde. Pourtant, dans plusieurs pays avancés, les actualités économiques ont réservé des surprises plutôt encourageantes récemment. Parallèlement, l’impression que l’incertitude s’accroît est très répandue, et le Canada ne fait pas exception.

Pour les dirigeants de banque centrale, comme moi, il n’y a là rien de particulièrement nouveau, même si les sources d’inquiétude changent au fil du temps. Cela va de soi pour ceux qui se souviennent de bouleversements comme le choc pétrolier dans les années 1970 et le lundi noir dans les années 1980. Notre mandat a toujours été de bien orienter la politique monétaire en tenant compte de l’incertitude. Aujourd’hui, alors que certaines banques centrales envisagent de passer à la vitesse supérieure, il est essentiel de savoir comment l’incertitude est prise en considération dans leurs décisions afin de comprendre et d’anticiper les mesures de politique monétaire.

Ce soir, je traiterai de ces questions dans le contexte de la politique monétaire de la Banque du Canada. Votre organisation, Money Marketeers of New York University, a pour but de favoriser les discussions sur des enjeux de politiques publiques pertinents. Je ne pourrais donc rêver d’un meilleur auditoire pour aborder ce sujet, et je vous remercie de m’avoir invitée.

J’axerai mon discours sur trois observations qui font l’objet d’un document d’analyse auquel j’ai travaillé avec mes collègues Rhys Mendes et Stephen Murchison1. On peut les résumer de la façon suivante :

  1. L’incertitude fait partie de la vie.
  2. La politique monétaire peut devenir asymétrique lorsqu’on y intègre l’incertitude.
  3. L’incertitude ne justifie pas un immobilisme dans la prise de décisions.

Il n’est pas étonnant que nos travaux aient révélé des domaines où d’autres recherches sont indispensables afin d’améliorer le cadre qui nous aide à composer avec l’incertitude. J’aborderai aussi ce sujet.

L’incertitude fait partie de la vie

Commençons donc par ma première observation. L’incertitude a toujours fait partie de la vie, personne n’y échappe. Comme bien des entreprises et des ménages, les banques centrales ont mis en place des techniques pour atténuer, si possible, le niveau d’incertitude auquel elles font face. La Banque a déployé des efforts considérables pour réduire l’incertitude en explicitant les objectifs de sa politique monétaire et le cadre lui permettant de les atteindre. L’entente conclue avec le gouvernement du Canada sur la cible de maîtrise de l’inflation, instaurée il y a un quart de siècle, établit un objectif clair pour la politique monétaire et consacre l’indépendance opérationnelle de la Banque2.

De plus, nous investissons constamment dans des modèles de prévision de pointe. À titre d’exemple, nous avons récemment mis à jour un de nos principaux modèles de projection afin qu’il permette de mieux tenir compte du rôle des ménages endettés dans la transmission de la politique monétaire. Cette innovation tombe à point nommé, étant donné que la dette des ménages canadiens s’est accrue de façon marquée ces dernières années3. Nous avons recours à des modèles concurrents pour éclairer nos délibérations, autant que possible, ce qui équivaut un peu à prendre conseil pour ses placements auprès de plus d’un courtier. Nous exploitons également de multiples sources d’information, dont les enquêtes auprès des entreprises, pour améliorer notre interprétation de l’économie.

Si seulement ces efforts permettaient d’éliminer complètement l’incertitude! Mais les choses ne sont pas aussi simples. Dans la réalité, les chercheurs visent une cible en mouvement, du fait des changements structurels qui s’opèrent actuellement dans l’économie, comme le vieillissement de la population. De plus, nous ne sommes pas à l’abri d’événements réellement inattendus, par exemple des désastres naturels. Par conséquent, un niveau considérable d’incertitude persiste toujours. Dans le contexte actuel, la Banque s’intéresse particulièrement aux données sur la progression des salaires et de la production potentielle, ainsi que sur les effets des deux hausses de taux d’intérêt qu’elle a effectuées cet été. Nous suivons aussi de près les négociations sur le commerce.

Alors, dans la pratique, comment la Banque compose-t-elle avec cette incertitude irréductible? À l’instar de nombreuses autres banques centrales, nous utilisons des modèles de projection qui prennent en considération les principales relations économiques pour générer une prévision. Cette prévision tient compte des mesures de politique monétaire qui seront vraisemblablement nécessaires pour ramener l’inflation à notre cible de 2 % pendant la période de projection. Nous déterminons ces mesures en nous basant sur ce que nous appelons une « règle de politique monétaire » simple.

Cette règle rend compte du comportement moyen de la Banque au fil de l’histoire et elle ne change pas en fonction du niveau ou des sources d’incertitude. Tout se passe donc comme si l’incertitude était écartée. Cette approche est intimement liée à la notion d’« équivalent certain » dans la littérature sur la politique monétaire, que l’on peut illustrer ainsi : viser le centre d’une cible même en sachant que le vent peut faire dévier la flèche dans une direction inconnue4. C’est un bon point de départ, mais ça ne suffit pas.

Dans les faits, la littérature économique fourmille d’exemples qui montrent pourquoi un tel cadre ne s’applique que dans certaines circonstances ayant assez peu à voir avec la réalité5. Les participants au marché parmi vous savent d’expérience à quel point la volatilité peut influer sur le comportement des investisseurs, même lorsque les rendements espérés ne sont pas touchés. Et certains investisseurs peuvent choisir de renoncer à des rendements attendus plus élevés pour éviter des risques extrêmes à la baisse.

Pour déterminer la meilleure façon de réagir à l’incertitude, il faut en connaître le type et le niveau. Dans certains cas, c’est faisable, mais dans d’autres, c’est très difficile. Dans la pratique, nous sommes aux prises avec l’incertitude quant au recul de la mondialisation et aux menaces qui planent sur les relations nouées en temps de paix. Des éventualités plus favorables sont également source d’incertitude, comme les perspectives de croissance de la productivité qu’offre la numérisation et les réformes structurelles entreprises dans les économies émergentes. Par ailleurs, nous faisons face à des scénarios dont nous ne connaissons même pas l’étendue des issues possibles. Dans de tels cas, les estimations statistiques fondées sur le passé ne sont évidemment pas d’une grande aide.

L’incertitude qui pèse actuellement sur l’avenir de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et les politiques connexes illustre bien cette réalité. Dans notre scénario de référence, nous avons pris en compte les effets estimés de l’incertitude sur les investissements des entreprises et les exportations afin de mieux équilibrer les risques, tout en présumant que les accords commerciaux resteraient inchangés. En outre, à l’exception des effets estimés de l’incertitude, nous n’avons pas pris en compte l’évolution possible des relations commerciales dans l’orientation actuelle de la politique monétaire. Nous suivons plutôt la progression de la situation de très près, et nous avons cerné les principaux canaux de transmission d’une montée du protectionnisme. Nous affinons également nos outils de modélisation afin de pouvoir incorporer immédiatement dans la projection tout changement susceptible de se concrétiser6. Cette approche cadre avec la manière dont nous avons considéré l’incertitude entourant d’autres accords commerciaux par le passé, par exemple, l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne et le Partenariat transpacifique.

Alors, dans la pratique, les banques centrales partent d’un cadre formel conforme à la notion d’équivalent certain, et elles utilisent ensuite leur jugement pour tenir compte des grandes sources d’incertitude considérées comme étant absentes du cadre d’analyse.

Quand la politique monétaire devient asymétrique

Cela m’amène à ma deuxième observation. La politique monétaire peut devenir asymétrique quand l’incertitude est rigoureusement prise en compte lors de sa formulation. Cela peut amener les responsables de la politique à fortement s’écarter de la simple notion d’équivalent certain.

En faisant un recoupement de notre raisonnement par rapport à la littérature économique sur la façon de mener la politique monétaire en situation d’incertitude, nous pouvons grandement améliorer notre compréhension à cet égard. Permettez-moi d’illustrer mes propos en vous décrivant deux situations qui sont particulièrement pertinentes dans le contexte actuel : la première appelle à des mesures énergiques, et la deuxième, à ce que les banques centrales appellent souvent « la prudence » ou « la patience ».

Quand incertitude rime avec réaction énergique

Pour illustrer la première situation, considérons la façon de conduire la politique monétaire lorsque les taux d’intérêt avoisinent la valeur plancher.

Nous nous souvenons certainement tous du moment où les banques centrales, dont la Banque du Canada, ont fortement réduit les taux d’intérêt lorsque les marchés financiers ont été paralysés en 2008. À la lumière de ce que nous savons aujourd’hui, soit que la plus grande des récessions mondiales depuis la Grande Dépression était sur le point de débuter, ces mesures de politique monétaire semblent évidentes. Pour autant, sachez qu’elles l’étaient moins à ce moment-là. La comparaison des mesures que nous avons alors prises avec celles prescrites par nos comportements passés nous révèle le caractère exceptionnel de l’intervention. En effet, la Banque a procédé à un assouplissement de la politique monétaire beaucoup plus important que d’habitude, à hauteur de deux points de pourcentage à un certain moment.

Cette intervention plus appuyée est un très bon exemple d’une politique monétaire optimale quand il est possible que celle-ci soit contrainte par la valeur plancher7. La possibilité d’appliquer des mesures de politique monétaire non traditionnelles assouplit cette contrainte, mais ne l’élimine pas, en raison des incertitudes considérables qui entourent l’efficacité de ce type de mesures8. En donnant un coup de fouet à l’économie lors de l’entrée en récession, les mesures prises par la Banque il y a dix ans ont réduit la probabilité que cette borne du zéro devienne contraignante. Ainsi, même si le PIB et l’inflation ont diminué, leur recul a été moins marqué que si le rythme des baisses de taux d’intérêt avait été plus lent. Par conséquent, le seul instrument non traditionnel que la Banque a dû utiliser à l’époque a été la communication d’indications prospectives exceptionnelles sous la forme d’un engagement conditionnel de laisser les taux d’intérêt inchangés9.

L’un des principes que nous pouvons tirer de cette expérience est que la politique monétaire devrait contrer plus vigoureusement les chocs négatifs quand les taux d’intérêt avoisinent leur valeur plancher que lorsqu’ils en sont éloignés, toutes choses égales par ailleurs. En outre, la politique est asymétrique en ce sens qu’elle réagit plus énergiquement aux chocs négatifs qu’aux chocs favorables. Et le fait est que nous avoisinerons la valeur plancher plus souvent que lors des décennies précédentes en raison de la baisse du taux d’intérêt neutre. Selon notre évaluation de la valeur plancher au Canada, que nous postulons être autour de -50 points de base, la probabilité que les taux se situent à la valeur plancher est d’environ 8 %, ce qui est approximativement cinq fois plus élevé qu’il y a 15 ans10.

Certes, cette stratégie peut s’avérer optimale, mais les banques centrales pourraient parvenir à réduire la volatilité de l’inflation et l’accumulation des vulnérabilités financières associées au crédit si elles étaient davantage convaincues de l’efficacité des instruments de politique monétaire non traditionnels. C’est pourquoi il est important que nous affinions ces instruments, comme l’assouplissement quantitatif, et que nous approfondissions notre connaissance de l’efficacité de leur transmission à l’économie réelle.

Quand incertitude rime avec prudence

Il arrive également que l’incertitude puisse appeler à la prudence ou à la patience, ce qui m’amène à mon second exemple. Il y a trois semaines à peine, la Banque a décidé de laisser le taux directeur inchangé, en déclarant à ce moment-là que, bien qu’un degré moindre de détente monétaire soit probablement nécessaire avec le temps, le Conseil de direction fera preuve de circonspection au moment de procéder à de futurs ajustements du taux directeur.

Parmi les raisons qui motivent la prudence, citons le fait que l’inflation se maintient depuis quelque temps déjà dans la moitié inférieure de la fourchette cible qui va de 1 à 3 %. Pour comprendre l’importance de ce constat, il est utile de rappeler pourquoi les fourchettes cibles de maîtrise de l’inflation ont été initialement choisies. La fourchette de 1 à 3 % témoigne principalement de la reconnaissance du fait qu’un degré d’imprécision est associé au ciblage de l’inflation11

Bien qu’on puisse s’attendre à des fluctuations normales du taux d’inflation à l’intérieur de la fourchette cible, les banques centrales s’inquiètent parfois outre mesure de la possibilité qu’il s’inscrive en dehors de cette fourchette. C’est ce que la littérature économique nomme une « fonction de perte coudée »12. Plus simplement, cela veut dire que la banque centrale accorde une pondération plus élevée aux risques à la baisse lorsque l’inflation est déjà faible. Il importe de souligner que ce raisonnement s’applique également aux situations où le taux d’inflation est proche de la limite supérieure de la fourchette. 

Même si le taux d’inflation avoisinait le point médian de la fourchette et que la valeur plancher n’était pas une préoccupation, la prudence pourrait encore être de mise. Au Canada, l’une des raisons de cette circonspection est qu’une plus grande incertitude entoure actuellement le degré de transmission de la politique monétaire. L’endettement accru des ménages a probablement exacerbé la sensibilité des dépenses aux hausses des taux d’intérêt, mais, à l’heure actuelle, il est difficile de savoir dans quelle mesure. Il existe également une incertitude quant aux interactions entre les hausses des taux d’intérêt avec le récent durcissement des politiques macroprudentielles13. La logique motivant la prudence, dans ce cas, est souvent désignée par « principe de modération de Brainard » : les modifications apportées à la politique monétaire devraient être moindres que si la banque centrale était plus certaine de l’incidence sur les dépenses14.

Une autre raison pour laquelle la prudence s’impose – dans ce cas-ci, il s’agit davantage d’une approche « attentiste » – tient à un désir d’éviter des revirements brusques de politique à l’avenir15. Depuis l’adoption des dates d’annonce préétablies en novembre 2000, la Banque du Canada a modifié son taux directeur 46 fois, dont à quatre reprises seulement pour en inverser la direction au cours d’une période de six mois. Le comportement des autres banques centrales est très similaire. Il n’est donc pas surprenant que ces dernières mentionnent également l’incertitude comme une raison justifiant le fait d’attendre16.

Ce raisonnement doit rappeler quelque chose aux gens d’affaires présents aujourd’hui qui ont envisagé des dépenses d’investissement considérables. Il peut en effet être utile d’avoir la possibilité d’attendre jusqu’à ce que l’on soit plus certain des rendements, surtout si l’investissement est dans une grande mesure irréversible.

À l’instar des investissements, les coûts fixes associés à un changement d’orientation de la politique monétaire pourraient expliquer l’aversion d’une banque centrale envers de tels revirements et encourager une approche attentiste en la matière. Cela dit, il est difficile d’établir le vrai coût des revirements de politique pour l’économie réelle. Il est possible que les coûts perçus se renforcent d’eux-mêmes, car le caractère exceptionnel des revirements fait en sorte qu’ils sont perçus comme des erreurs de politique lorsqu’ils surviennent plutôt que comme une réaction sensée à une nouvelle information.

L’incertitude ne justifie pas un immobilisme dans la prise de décisions

J’aborde maintenant mon dernier point. L’incertitude ne justifie pas un immobilisme dans la prise de décisions. Pour parvenir au bon équilibre entre intervention énergique et prudence en matière de politique monétaire, il faut faire preuve de discernement en ce qui a trait aux arbitrages complexes. Réfléchissez à mon dernier exemple sur l’approche attentiste. Pour une banque centrale, « l’avantage du dernier arrivé » n’existe pas. Mais, même dans le monde des affaires, le fait de trop retarder un investissement peut fragiliser une entreprise par rapport à ses concurrents.

Vérifier la logique de ce raisonnement à l’aide de modélisations formelles constitue une bonne pratique pour éclairer notre évaluation de ces arbitrages et appuyer des décisions qui résisteront à l’épreuve du temps.

C’est pourquoi la Banque axe ses recherches sur certains domaines clés. Plus particulièrement, nous nous attachons à mieux modéliser la dynamique entre l’économie réelle et l’économie financière, en particulier les éléments déclencheurs de l’instabilité financière. Cela demeure une zone d’ombre. Parallèlement, nous menons des travaux visant à mesurer l’efficacité des mesures macroprudentielles et des instruments de politique monétaire non traditionnels, auxquels s’ajoutent d’importants travaux entrepris pour étudier l’inflation et la dynamique des salaires, comme le gouverneur Stephen Poloz l’a mentionné la semaine dernière, à Montréal. Citons également un objectif à plus long terme : la prise en compte des effets de l’incertitude à laquelle les ménages et les entreprises sont confrontés dans leur propre prise de décisions. Ces travaux contribueront à améliorer les projections contenues dans le scénario de référence. 

Nous complétons ces projections avec des scénarios de risque fondés sur des modèles. Par exemple, le personnel de la Banque a récemment publié un scénario différent du scénario de référence dans lequel la production potentielle croît plus rapidement que prévu17. Nous nous attachons également à concevoir des règles de politique moins sensibles aux types d’incertitude que nous rencontrons au quotidien.

Le renforcement du cadre de politique monétaire favorisera non seulement la prise de décisions éclairées, mais également la transparence. Afin de saisir les raisons pour lesquelles des mesures ont été prises et quelles mesures l’avenir pourrait réserver, il faut comprendre le scénario de référence de la Banque ainsi que la manière dont celle-ci a pris l’incertitude en compte dans ses décisions de politique monétaire.

Nous disposons de nombreux moyens pour expliquer ces deux composantes18, qu’il s’agisse des discussions présentées dans la section consacrée aux risques du Rapport sur la politique monétaire (RPM) ou de la déclaration préliminaire lors de la conférence de presse qui suit sa parution. Nous avons aussi recours à des discours comme celui que je prononce aujourd’hui. À partir de l’année prochaine, nous avons décidé d’avancer le calendrier des discours qui font le point sur la situation économique pour les rapprocher des dates d’annonce préétablies entre les livraisons du RPM. Prononcés par des membres du Conseil de direction, ces discours seront suivis d’une période de questions des médias. Bien sûr, aucun outil de communication n’est efficace si nous n’atteignons pas notre public cible. C’est pourquoi nous continuons de faire évoluer notre stratégie numérique pour transmettre l’information de la façon dont les personnes préfèrent la recevoir de nos jours.

Conclusion

Le moment est venu de conclure. L’incertitude fait partie intégrante de notre vie à tous. Les dirigeants des banques centrales, quant à eux, ont des méthodes bien établies pour affronter l’incertitude dans la conduite de la politique monétaire. 

Une prise en compte rigoureuse de l’incertitude peut donner lieu à des mesures de politique monétaire asymétriques. J’ai expliqué pourquoi les autorités monétaires sont susceptibles de réagir à un choc négatif plus énergiquement qu’en temps normal quand les taux d’intérêt avoisinent la valeur plancher. J’ai également montré pourquoi, pendant les périodes d’incertitude comme celle que nous vivons en ce moment, il convient parfois d’adopter une démarche prudente.

Toutefois, la prudence a ses limites étant donné les arbitrages complexes qu’elle entraîne, notamment ceux liés à la stabilité financière. La Banque du Canada investit considérablement dans la recherche afin de mieux quantifier ces arbitrages et l’interaction avec les mesures de politique macroprudentielles.

À l’avenir, il est primordial que des personnes comme vous et les autres observateurs des banques centrales poursuivent le dialogue et transmettent leurs propres idées sur la manière de renforcer davantage le cadre de politique monétaire en contexte d’incertitude.

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  1. 1. Voir R. Mendes, S. Murchison et C. Wilkins (2017), Monetary Policy Under Uncertainty: Practice Versus Theory, document d’analyse du personnel no 2017-13, Banque du Canada.[]
  2. 2. L’entente sur la cible de maîtrise de l’inflation est renouvelée tous les cinq ans. Pour consulter le texte de la plus récente entente, voir la Déclaration commune du gouvernement du Canada et de la Banque du Canada concernant le renouvellement de la cible de maîtrise de l’inflation.[]
  3. 3. Voir l’annexe du Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada paru en octobre 2017 pour des précisions sur les améliorations apportées récemment à TOTEM, l’un des principaux modèles de projection de la Banque du Canada.[]
  4. 4. Dans la plupart des cas, les projections effectuées grâce aux modèles des banques centrales ne sont pas fondées sur des règles parfaitement optimales. Ainsi, la trajectoire de la politique qui découle de ces modèles ne constitue pas un équivalent certain au sens strict. Ici, il est entendu que les paramètres et les formes fonctionnelles de la règle de politique monétaire, peu importe comment ils sont choisis, ne changent pas quand on introduit le facteur incertitude.[]
  5. 5. La notion d’équivalent certain s’applique aux modèles quadratiques linéaires. On présume que la banque centrale dispose d’une fonction de perte quadratique applicable à une fourchette de maîtrise de l’inflation (c.-à-d. qu’elle tente de réduire au minimum la différence entre le taux d’inflation et la cible, et qu’elle tient autant compte des écarts positifs que négatifs par rapport à la cible), que le modèle est linéaire et que les chocs s’additionnent (c.-à-d. qu’ils ne changent pas la structure sous-jacente de l’économie).[]
  6. 6. Voir l’Encadré 1, intitulé « Conséquences potentielles d’une montée du protectionnisme commercial », du Rapport sur la politique monétaire de la Banque du Canada paru en avril 2017.[]
  7. 7. Le raisonnement intuitif qui sous-tend cette politique est clairement décrit dans R. Kato et S.-I. Nishiyama (2005), « Optimal Monetary Policy When Interest Rates Are Bounded at Zero », Journal of Economic Dynamics and Control, vol. 29, nos 1-2, p. 97-133.[]
  8. 8. Pour prendre connaissance des mesures de politique monétaire non traditionnelles que peut prendre la Banque du Canada, voir le Cadre de conduite de la politique monétaire en contexte de bas taux d’intérêt, publié en décembre 2015.[]
  9. 9. Dans son annonce du 23 avril 2009, la Banque a pris l’engagement suivant : « Sous réserve des perspectives concernant l’inflation, le taux cible du financement à un jour devrait demeurer au niveau actuel jusqu’à la fin du deuxième trimestre de 2010 afin que la cible d’inflation puisse être atteinte. »[]
  10. 10. Certaines estimations pour les États-Unis atteignent les 40 %. Cet écart avec le Canada s’explique en grande partie par des différences touchant la méthodologie, plutôt que les paramètres fondamentaux. Par exemple, si l’on modifie l’hypothèse concernant la valeur plancher en la portant à zéro et si l’on réduit à zéro le degré de lissage des taux d’intérêt dans la règle de politique monétaire, l’estimation de la probabilité d’atteindre la valeur plancher augmente à quelque 25 % pour le Canada. Pour obtenir une explication sur la méthode de calcul de la probabilité de se trouver à la valeur plancher, voir J. Dorich, N. Labelle St-Pierre, V. Lepetyuk et R. Mendes (à paraître), Could a Higher Inflation Target Enhance Macroeconomic Stability?, document de travail du personnel, Banque du Canada.[]
  11. 11. Voir S. S. Poloz (2017), Comprendre l’inflation : une question fondamentale, discours prononcé devant CFA Montréal et le Conseil des relations internationales de Montréal, Montréal (Québec), 7 novembre.[]
  12. 12. Citons, à titre d’exemple, une fonction de perte quadratique applicable à une fourchette de maîtrise de l’inflation. Voir A. Orphanides et V. Wieland (2000), « Inflation Zone Targeting », European Economic Review, vol. 44, no 7, p. 1351-1387.[]
  13. 13. Voir la Ligne directrice B-20 publiée par le Bureau du surintendant des institutions financières.[]
  14. 14. Voir W. Brainard (1967), « Uncertainty and the Effectiveness of Policy », The American Economic Review, vol. 57, no 2, p. 411-425. Pour un excellent exposé de ce principe et de ses limites, voir V. R. Reinhart (2003), Making Monetary Policy in an Uncertain World, actes d’un colloque sur les politiques économiques tenu par la Banque fédérale de réserve de Kansas City, Jackson Hole (Wyoming), p. 265-274.[]
  15. 15. Cela est illustré dans un modèle économique formel proposé par Mendes, Murchison et Wilkins dans le document de travail intitulé Monetary Policy Under Uncertainty: Practice Versus Theory.[]
  16. 16. Voir A. Al-Nowaihi et L. Stracca (2002), Non-Standard Central Bank Loss Functions, Skewed Risks and Certainty Equivalence, document de travail no 129, Banque centrale européenne.[]
  17. 17. Voir J. Yang, B. Tomlin et O. Gervais (2017), Alternative Scenario to the October 2017 MPR Base-Case Projection: Higher Potential Growth, note analytique du personnel no 2017-18, Banque du Canada.[]
  18. 18. Voir S. Kozicki et J. Vardy (2017), Communicating Uncertainty in Monetary Policy, document d’analyse du personnel no 2017-14, Banque du Canada.[]