Au fait des marchés : collecte de renseignements à la Banque du Canada

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Introduction

Bonjour. Merci de cette aimable présentation.

En tant que participants au marché, vous constatez probablement la rapidité avec laquelle la technologie et les marchés évoluent. J’en suis consciente aussi. Mes années de carrière dans le domaine des titres à revenu fixe et des marchés des actions m’ont permis d’observer les profonds changements qui s’y sont opérés. Peu avant que je commence à travailler dans le secteur des titres à revenu fixe, si vous vouliez vendre une obligation, vous deviez faire un appel téléphonique et ensuite transmettre tous les renseignements par téléimprimeur. Après quoi, un employé des services administratifs devait aller chercher l’obligation dans une chambre forte et la faire livrer à l’acheteur en mains propres. Imaginez combien les négociateurs actuels trouveraient ce processus lent, eux qui n’ont qu’à taper quelques touches sur leur clavier pour procéder à l’échange et au règlement de titres valant des millions de dollars.

Les changements qui bouleversent actuellement, à l’échelle mondiale, le fonctionnement du marché et la participation à celui-ci sont tout aussi spectaculaires. Certains découlent de mesures prises par des banques centrales, comme l’assouplissement quantitatif et les taux d’intérêt négatifs, alors que d’autres résultent de réformes réglementaires, de nouvelles technologies et de préférences des investisseurs. Citons, pour exemple, l’afflux d’investisseurs sur le marché des produits de base par l’entremise des fonds indiciels et des fonds négociés en bourse, ou encore la façon dont les entreprises qui se livrent à de la négociation à haute fréquence font se resserrer les écarts acheteur-vendeur dans les marchés de contrats à terme et les marchés des actions.

On peut également penser à l’établissement, au Canada et ailleurs, de contreparties centrales pour les opérations de pension et sur dérivés de gré à gré.

Il est important pour la Banque du Canada de rester au fait des nouvelles pratiques de négociation et du fonctionnement des marchés. Pour accomplir son mandat, qui consiste à « favoriser la prospérité économique et financière du Canada »1, elle doit suivre de près la vigueur et la santé du système financier.

À la Banque, je suis notamment responsable de la surveillance de nos activités sur les marchés financiers, y compris la collecte de renseignements sur ceux-ci, le sujet que j’aborderai aujourd’hui.

Les renseignements sur les marchés peuvent prendre différentes formes. Dans le sens le plus large, il s’agit des perspectives macroéconomiques que nous obtenons lors d’échanges avec des entrepreneurs exerçant leurs activités dans l’économie réelle. Cela comprend les travaux importants effectués par nos équipes régionales tous les trimestres, à l’occasion de notre enquête sur les perspectives des entreprises.

Je tiens à souligner que ces points de vue en temps réel sont absolument essentiels à notre compréhension globale de l’évolution de l’économie, surtout en période d’incertitude élevée. Ils nous procurent, au moment opportun, des indications que nous n’aurions pu dégager des données que des mois plus tard. Dans mon discours, je donnerai un exemple de la façon dont ces renseignements nous aident à prendre nos décisions de politique monétaire. Cependant, mon exposé d’aujourd’hui portera principalement sur l’information que nous récoltons auprès des marchés financiers.

Je commencerai par parler plus en détail de l’importance des renseignements sur les marchés recueillis par la Banque. Je présenterai ensuite nos méthodes de collecte de données et leur évolution. Enfin, je vous entretiendrai de ce que nous apprenons et de l’utilisation que nous faisons de ces connaissances.

Ce que nous devons savoir

L’information que nous recueillons sur les marchés constitue un complément essentiel à nos travaux d’analyse. Souvent, l’interprétation des données ou l’utilisation de modèles ouvrent des perspectives sur l’orientation de l’économie ou de l’inflation. Les renseignements sur les marchés viennent ensuite corroborer ou, à l’occasion, réfuter notre analyse. Grâce à eux, nous pouvons avoir un portrait plus complet de la conjoncture, ou mieux l’expliquer, afin de nuancer notre jugement quant aux perspectives. Ils enrichissent notre compréhension du fonctionnement des marchés et de leur réaction aux changements de réglementation, notamment. L’ensemble de ces renseignements et analyses nous aident à formuler les politiques de la Banque et sont indispensables à ses grandes fonctions. Laissez-moi vous parler un peu de ces fonctions.

Premièrement, il y a la conduite de notre politique monétaire axée sur le ciblage de l’inflation. Nous avons réussi à maintenir l’inflation près de notre cible de 2 % depuis 1995. Pour que cette politique soit efficace, il faut que nos décisions relatives au taux directeur se transmettent de manière efficiente aux marchés de capitaux. Par conséquent, nous devons à tout prix développer une excellente compréhension du fonctionnement des canaux de transmission et de leur évolution.

Deuxièmement, nous jouons le rôle d’agent financier du gouvernement fédéral. À ce titre, nous gérons ses réserves et sa trésorerie, et procédons à l’adjudication de ses obligations. Pour cette raison, nous devons évaluer l’influence de l’évolution des marchés sur ces activités.

Troisièmement, nous sommes chargés de favoriser l’efficience et la stabilité du système financier. Nous nous acquittons de cette responsabilité de différentes manières. Nos décisions et nos opérations tiennent compte des questions de stabilité financière. Nous octroyons des liquidités et des prêts de dernier ressort. Nous assurons également la surveillance des principaux systèmes de compensation et de règlement des paiements qui soutiennent l’économie et les marchés financiers du Canada. Il nous faut donc comprendre l’incidence possible de l’évolution des marchés sur le système financier, sur les vulnérabilités de celui-ci et sur l’efficacité de nos outils. Il faut dire qu’à l’exception des systèmes de paiement et de règlement, nous n’exerçons aucune autorité réglementaire sur les participants au marché financier. Et cela favorise, à dire vrai, des échanges bilatéraux francs. Parallèlement, nous communiquons régulièrement et ouvertement avec les autorités fédérales et provinciales qui assument ces responsabilités, et nous leur donnons accès à nos analyses des vulnérabilités et risques potentiels. 2

Les renseignements que nous nous procurons soutiennent nos grandes fonctions en nous permettant de rester informés de l’activité sur les marchés et de leur structure. Cette collecte de données n’a rien de nouveau : la Banque surveille les marchés depuis sa fondation, en 1935.

Toutefois, jusqu’à la crise financière de 2007-2009, la plupart des banques centrales, y compris la Banque du Canada, recueillaient surtout des renseignements axés sur les opérations et la formulation de la politique monétaire.3 La crise a cependant fait ressortir les lacunes de l’information collectée par les banques centrales relativement à certains secteurs où les risques étaient en augmentation. Nous connaissions bien les marchés traditionnels, comme ceux des obligations d’État et des changes, mais beaucoup moins d’autres secteurs, par exemple ceux des produits de crédit structuré et des dérivés de gré à gré. Dans certains de ces secteurs, le levier avait alors atteint des niveaux inquiétants.

En 2009, le G20 a demandé l’adoption de nouvelles règles visant à renforcer la stabilité du système financier mondial.4 Depuis, des mesures ont été adoptées, qui vont de réformes structurelles à des améliorations en matière de fonds propres. On parle ici, entre autres, des nouvelles normes de solvabilité et de liquidité, ainsi que des nouvelles exigences de gestion des risques s’appliquant aux dérivés de gré à gré.5

Ces réformes de la réglementation ont consolidé le système financier mondial. Aujourd’hui, les institutions au cœur de ce système – les banques et les autres intermédiaires financiers – sont plus sûres et ont un niveau de levier moins élevé. Malgré cela, nous savons tous que les risques n’ont pas disparu. Ils se trouvent peut-être maintenant dans des secteurs peu ou pas réglementés et donc difficiles à surveiller.

La réglementation a aussi une incidence sur la fonction d’intermédiaire que les banques exercent depuis longtemps. Comme elles s’efforcent d’optimiser l’utilisation de leurs fonds propres, elles diminuent la part de certaines catégories d’actifs dans leur bilan, notamment les obligations de sociétés. Cela a influé sur la liquidité de ces produits, et sur la façon dont les investisseurs exécutent leurs transactions et négocient.

En réponse à ces évolutions du fonctionnement des marchés et du comportement des participants, nous avons revu notre manière de surveiller la santé du système financier. Nous avons accru la fréquence de nos vérifications, prenons contact avec un plus grand éventail d’acteurs du marché et utilisons de nouveaux outils de diagnostic. Nous consacrons maintenant davantage de ressources à l’analyse du contexte entourant les vulnérabilités que nous cernons (qui, quoi, comment et pourquoi) et leur interaction avec les marchés.

Comment nous recueillons des renseignements sur les marchés

Pour accomplir nos nouvelles tâches, nous avons agrandi notre équipe au sein de la Banque. La communication étant essentielle, nous ne nous contentons pas d’échanger des courriels ou de publier des gazouillis, mais rencontrons en personne divers participants au marché pour discuter avec eux. Nous enrichissons ces entretiens au moyen d’analyses, de recherches et de sondages.

Pour faciliter nos échanges, nous maintenons (et dans certains cas avons renforcé) notre présence à Toronto, à Montréal et à New York. Nous effectuons régulièrement des voyages un peu partout au Canada, ainsi qu’à Londres et dans d’autres grands centres financiers internationaux.

Les personnes qui assistent à nos interventions publiques, au Canada et ailleurs, nous font aussi part de leur avis. Et, si nous nous sommes engagés à communiquer de nouveaux renseignements sur les perspectives et les politiques seulement en public, l’information qui nous est fournie dans des contextes publics et privés est extrêmement utile à la formulation de nos politiques.

À l’échelle internationale, nous collaborons étroitement avec d’autres banques centrales, et plusieurs membres de notre équipe siègent aux comités de diverses institutions du monde entier.6 Par exemple, je suis membre du Comité sur le système financier mondial de la Banque des Règlements Internationaux. J’ai ainsi l’occasion de discuter du fonctionnement des marchés du point de vue du Canada, tout en étant informée de la conjoncture à l’étranger.

Nos opérations de gestion des réserves, qui totalisent environ 75 milliards de dollars américains en actifs libellés en monnaie étrangère, constituent une autre source importante de renseignements, grâce à laquelle nous comprenons mieux l’évolution des marchés obligataires étrangers.

En outre, nous menons régulièrement, avec d’autres banques centrales et autorités monétaires, des enquêtes sur le volume des opérations de change et des opérations de gré à gré sur produits dérivés pour obtenir de l’information sur la taille et la structure de ces marchés.

Au pays, nos propres opérations sont une source importante de renseignements sur le financement et la liquidité. Nos négociateurs entretiennent un dialogue continu avec les participants aux adjudications des soldes de trésorerie du receveur général et à nos opérations de prise en pension. Nous combinons l’information acquise par les négociateurs à d’autres sources de renseignements sur les marchés pour évaluer, à l’aide d’un cadre que nous avons défini il y a plusieurs années,7 les vulnérabilités et les risques du système financier. Certains d’entre vous se sont peut-être familiarisés avec ce cadre par la lecture de la Revue du système financier de la Banque, publiée deux fois par an. (La livraison la plus récente a paru plus tôt ce mois-ci.) Le cadre nous aide à faire clairement ressortir les faiblesses fondamentales du système, comme un fort levier financier, des déséquilibres des prix des actifs ou des asymétries d’échéances et de financement, autant de facteurs susceptibles d’amplifier et de propager les chocs.

Il y a quelques années, par exemple, nous avons commencé à porter une plus grande attention aux fonds négociés en bourse – surtout ceux liés aux instruments à revenu fixe – en raison de leur popularité grandissante parmi les investisseurs. Au Canada, ces fonds restent d’une taille relativement petite. Mais s’ils croissaient de façon substantielle, ils risqueraient, dans certaines circonstances, de propager les chocs de liquidité, en particulier lorsque les actifs sous-jacents sont peu liquides. Ce secteur ne nous préoccupe pas pour l’instant, mais nous continuerons d’en surveiller le fonctionnement et la progression.

Nos évaluations se trouvent enrichies par les rencontres que nous tenons avec les participants aux marchés. Ces réunions contribuent à approfondir notre compréhension des vulnérabilités que nous avons décelées et des moteurs fondamentaux de l’activité sur les marchés. Elles se veulent un échange réciproque. Les participants nous renseignent sur le comportement des marchés et, de notre côté, nous avons l’occasion de leur expliquer notre cadre de politique monétaire.

Si l’expansion de nos activités de collecte de renseignements a impliqué un élargissement de notre réseau de relations, nous savons bien que le secteur financier est dynamique et que nos travaux ne le couvriront jamais dans son intégralité. Il reste que nous récoltons aujourd’hui des renseignements auprès d’un plus vaste éventail de segments et de participants des marchés. Nous pouvons ainsi obtenir de l’information quand surviennent des événements d’importance qui risquent de toucher les marchés canadiens, par exemple l’effondrement des cours des produits de base, le Brexit ou, récemment, la présidentielle aux États-Unis. Cette expansion nous aide à suivre de plus près la situation des marchés confrontés à de tels événements, à évaluer comment ils y réagiront et à comprendre les répercussions à court et à long terme.

Si vous le voulez bien, prenons un cas qui illustre à merveille pourquoi il nous est si utile de pouvoir compter sur des sources multiples et diversifiées de renseignements, notamment lorsqu’une grande incertitude pèse sur les marchés. Vous vous rappelez peut-être que, dans les mois qui ont suivi la chute des cours des produits de base en 2014, les perspectives d’évolution des prix du pétrole étaient nébuleuses. La courbe des cours à terme à six mois présentait une pente ascendante. Ce profil supposait que les participants aux marchés s’attendaient à un rebond des prix du pétrole, ou que – scénario plus pessimiste – le coût d’entreposage augmentait du fait du niveau élevé des stocks et que les prix demeureraient bas.

Pour avoir une meilleure idée de la situation, des employés de notre département des Analyses de l’économie canadienne, notamment du bureau de la Banque ici, à Calgary, se sont entretenus avec certaines de leurs relations du secteur pétrolier. Ces discussions nous ont amenés à conclure que les attentes des marchés étaient probablement trop optimistes. Il était clair qu’une hausse des prix du pétrole à moyen terme n’était pas assurée et que les effets néfastes réels sur les dépenses en immobilisations seraient plus importants que les données le laissaient entendre. L’incidence sur l’économie risquait d’être majeure. Cette information a alimenté notre réflexion et, au final, elle a motivé notre décision d’abaisser le taux directeur en janvier et juillet 2015. Deux ans plus tard, nous sommes d’avis que ces réductions ont facilité l’ajustement de l’économie au choc des prix du pétrole et que l’effet modérateur exercé par la baisse des cours s’est en grande partie estompé.8 Nous mettrons à jour nos perspectives dans les semaines à venir et les publierons le 12 juillet dans le Rapport sur la politique monétaire.

Enfin, nous avons mis sur pied un forum ayant pour mission de recueillir des renseignements sur le marché des titres à revenu fixe. Nous voulions mieux comprendre le changement que nous y observions en matière de prise de risque et les effets de ce changement sur son fonctionnement. Nous avons donc créé, il y a environ deux ans, le Forum canadien des titres à revenu fixe. Il se compose de spécialistes d’expérience des côtés acheteur et vendeur provenant des quatre coins du pays.

Je suis coprésidente du Forum. Ses membres se réunissent tous les trimestres pour examiner l’évolution du marché des titres à revenu fixe en mettant en commun leur expertise, notamment en ce qui a trait aux pratiques de négociation et aux modifications de l’infrastructure de ce marché. Ils mènent des recherches et des analyses visant à déterminer les améliorations possibles et à mettre en lumière ces questions. Les ordres du jour, exposés et procès-verbaux des réunions du Forum sont publiés dans le site Web de la Banque.9

Ce que nous apprenons et comment nous utilisons les renseignements sur les marchés

Lorsque le G20 a mis en place une réforme du système financier, les participants au marché se sont inquiétés des effets de cette démarche sur la liquidité du marché obligataire. Voilà pourquoi l’une des premières initiatives du Forum a été de sonder des investisseurs qui interviennent sur le marché canadien des titres à revenu fixe. Nous souhaitions savoir de première main s’il y avait eu des variations de la liquidité et, dans l’affirmative, si elles avaient eu une influence sur les méthodes de négociation, d’exécution des opérations et de gestion de portefeuille qu’utilisent les participants, y compris les émetteurs nationaux actifs.

Cette enquête nous a beaucoup appris.10 Les répondants ont confirmé que la liquidité de la plupart des instruments à revenu fixe avait légèrement diminué au cours des deux années précédentes. Ils nous ont aussi dit que la liquidité de certains produits, notamment les obligations de sociétés de qualité, s’était détériorée dans une plus large mesure.

L’un des points importants à retenir, c’est que beaucoup de participants se sont adaptés aux variations de la liquidité en changeant leur façon de gérer leurs portefeuilles. Par exemple, ils allouent plus de temps à l’exécution des opérations en les morcelant, ils détiennent plus de titres faisant partie des émissions les plus récentes, ils allongent la période de détention des actifs peu liquides et ils abaissent le taux de rotation de leurs portefeuilles. Ces changements de stratégie sont particulièrement évidents dans le segment des obligations de sociétés. Par ailleurs, des répondants du côté acheteur ont affirmé être disposés à apporter de la liquidité en adoptant un comportement contracyclique, afin de tirer avantage des distorsions causées par des pénuries de liquidité temporaires dans certains marchés.

Les résultats de l’enquête fournissent au Forum une base à partir de laquelle il pourra poursuivre ses travaux dans des domaines où il est possible d’améliorer le fonctionnement des marchés.

Les réunions du Forum offrent un terreau propice à l’éclosion de nouveaux domaines de recherche. L’an dernier, les membres ont discuté du fait que les courtiers recourent de plus en plus aux contrats à terme sur obligations du Canada à des fins de couverture. Lors de l’analyse des données, nous avons noté une plus grande participation d’entreprises pratiquant la négociation à haute fréquence dans ce segment. Pour faire la lumière sur cette situation, nous avons mené une étude de la négociation à haute fréquence dans le marché des contrats à terme sur obligations du gouvernement du Canada. Nous avons utilisé des données fournies par la Bourse de Montréal pour comprendre l’incidence de ce type de négociation sur le fonctionnement du marché.11

Selon notre étude, l’effet moyen de la négociation à haute fréquence sur les prix du marché a été quelque peu positif. Les écarts effectifs, les écarts entre les cours acheteur et vendeur ainsi que la volatilité des prix ont diminué, tandis que la profondeur moyenne du marché s’est accrue. La négociation à haute fréquence a eu une légère incidence positive sur le coût global d’exécution des transactions de petite taille. Cependant, il ne semble y avoir eu aucun effet sur le coût d’exécution des transactions de plus grande taille (supérieures à dix millions de dollars). Les données indiquent également que beaucoup de participants fragmentent maintenant leurs opérations en plusieurs petits blocs, une pratique dont nous avons entendu parler lors des réunions du Forum et des discussions avec des acteurs du marché intervenant dans diverses catégories d’actifs.

Alors, qu’est-ce qui se profile à l’horizon?

Comme nous l’avons souligné dans la plus récente livraison de la Revue du système financier, les changements apportés aux règles du financement hypothécaire à la fin de 2016 ont donné lieu à d’importantes modifications de l’activité hypothécaire. En raison du renchérissement considérable des logements dans certaines des plus grandes villes canadiennes, le segment des prêts non assurés s’est inscrit en forte hausse. Ce constat met en lumière la nécessité où se trouvent peut-être les participants au marché d’élaborer d’autres mécanismes de financement, en particulier pour les prêteurs de taille modeste.12

L’une des solutions possibles pour diversifier les sources de financement consisterait à développer le marché de la titrisation hypothécaire privée. Cette option a été soulevée à plusieurs de nos récentes discussions. S’ils sont mal conçus, les marchés de la titrisation peuvent présenter de grandes vulnérabilités.13 Mais adéquatement structurée, la titrisation privée pourrait bénéficier à l’économie, car elle aiderait les prêteurs à financer des actifs, élargirait la gamme des sûretés disponibles et favoriserait ainsi le fonctionnement du marché. Nous continuerons de suivre l’évolution de ce segment.

Dans le cadre d’un autre projet, nous élaborons une nouvelle enquête consacrée au risque systémique. Nous la lancerons l’an prochain et nous comptons la mener tous les semestres pour connaître le point de vue des répondants sur l’évolution du système financier et les principaux risques qui le menacent, de même que pour mesurer la confiance globale dans le système financier canadien. L’enquête tiendra lieu d’outil complémentaire à la surveillance que nous exerçons sur le système financier, éclairera la prise de décisions en matière de politique monétaire et contribuera à renforcer notre réseau. Nous y mettons la dernière main et nous prévoyons la lancer au début de 2018. Les résultats seront publiés dans la Revue du système financier.

Conclusion

En tant que banque centrale, nous faisons largement appel à nos excellents modèles et aux nouvelles données publiées afin de formuler nos prévisions. Or nous savons que les renseignements que nous recueillons apportent un complément absolument essentiel, surtout en période de transition ou lorsque la confiance joue un plus grand rôle qu’à l’habitude. Ces renseignements nous permettent de mieux comprendre l’état de l’économie de même que le fonctionnement et l’évolution des marchés. Et tout ce que nous apprennent nos modèles, les données, nos analyses et les renseignements récoltés auprès de nos relations alimente notre réflexion sur les mesures de politique monétaire à adopter.

Je tiens à souligner que, même si nos jugements en la matière se fondent en partie sur l’information que nous recueillons, nous sommes conscients que les marchés sont dynamiques et que nous n’aurons jamais un portrait vraiment complet et à jour de toute l’activité financière. Nous sommes réalistes à cet égard. Nous apprenons constamment et cherchons toujours à en savoir plus. Il est donc primordial que nous communiquions régulièrement avec des participants de toutes les sphères, qu’il s’agisse d’investisseurs ou d’émetteurs, d’exploitants d’infrastructures de marchés financiers, d’organes de réglementation ou d’autres intermédiaires des marchés de capitaux.

Et nous communiquons l’essentiel de ce que nous apprenons. Bien que nous souscrivions au principe de transparence, nous tenons compte de la nécessité de préserver la confidentialité de l’information qui nous vient des entreprises. Nous diffusons nos conclusions à grande échelle par l’entremise de publications de la Banque, comme la Revue du système financier, et des procès-verbaux du Forum canadien des titres à revenu fixe affichés dans notre site Web, afin d’informer et de sensibiliser le public tant au Canada qu’à l’étranger.

Alors discutons ensemble. Notre but ultime est de favoriser la stabilité et la résilience du système financier de sorte qu’il bénéficie à tous les participants aux marchés. Votre collaboration et vos commentaires nous sont nécessaires et précieux.

Information connexe

28 juin 2017

CFA Society Calgary — Discours (Diffusions)

Au fait des marchés : collecte de renseignements à la Banque du Canada — Mme Lynn Patterson, sous-gouverneure à la Banque du Canada, prononcera un discours devant la CFA Society Calgary (12 h 20 (heure des Rocheuses), 14 h 20 (heure de l’Est)  approx.).

  1. 1. Loi sur la Banque du Canada[]
  2. 2. Le gouverneur de la Banque du Canada siège au Comité consultatif supérieur, un organisme non législatif dont les membres discutent de politique macroprudentielle. Les autres membres sont le sous-ministre fédéral des Finances, le surintendant des institutions financières, le président de la Société d’assurance-dépôts du Canada et le commissaire de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.[]
  3. 3. Banque des Règlements Internationaux (2016), Market Intelligence Gathering at Central Banks, décembre.[]
  4. 4. Conformément au dispositif de Bâle III, le niveau minimal de fonds propres que doivent détenir les banques a approximativement quintuplé, et des niveaux encore plus élevés sont prévus pour les établissements les plus gros et les plus complexes. Selon les nouvelles normes de liquidité et de financement, la qualité des fonds propres que les banques doivent détenir a également été rehaussée. Voir Banque des Règlements Internationaux.[]
  5. 5. Comité sur le système financier mondial (2014), Market-Making and Proprietary Trading: Industry Trends, Drivers and Policy Implications, coll. « CGFS Papers », no 52, novembre.[]
  6. 6. Le personnel de la Banque du Canada participe activement au Conseil de stabilité financière et à son Comité permanent sur l’évaluation des vulnérabilités, au Comité sur le système financier mondial et au Comité des marchés de la Banque des Règlements Internationaux, ainsi qu’au tout nouveau Global Foreign Exchange Committee.[]
  7. 7. Voir la Revue du système financier, juin 2014[]
  8. 8. Voir Carolyn A. Wilkins, Le point sur l’économie canadienne : une diversité qui fait notre force, discours prononcé devant le groupe The Associates de l’Asper School of Business à Winnipeg (Manitoba), le 12 juin 2017 et l’entrevue du gouverneur Stephen S. Poloz à l’émission Information Radio, sur les ondes de la CBC, le 13 juin 2017[]
  9. 9. Voir la page du Forum canadien des titres à revenu fixe dans le site Web de la Banque.[]
  10. 10. Voir les résultats de l’enquête du Forum canadien des titres à revenu fixe.[]
  11. 11. Forum canadien des titres à revenu fixe, Négociation à haute fréquence sur les contrats à terme sur obligations du gouvernement du Canada de dix ans (CGB).[]
  12. 12. L’encours du crédit hypothécaire non assuré dépasse les 650 milliards de dollars. Voir l’Encadré 2 de la Revue du système financier de la Banque du Canada, juin 2017.[]
  13. 13. Les caractéristiques du marché susceptibles d’atténuer ces vulnérabilités comprennent la standardisation des sûretés sous-jacentes et de la structure des opérations, l’imposition d’obligations d’information strictes et la conservation du risque. Voir l’Encadré 3 de la Revue du système financier de la Banque du Canada, juin 2017.[]