Prêts à entreprendre : investissements et perspectives économiques

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Introduction

Merci de cette invitation à prendre la parole ici aujourd’hui. Mes collègues et moi consultons régulièrement le milieu des affaires, et je profite de l’occasion qui m’est offerte pour vous présenter nos prévisions économiques et prendre connaissance de vos points de vue. Ce processus de consultation compte pour beaucoup dans la formulation de la politique monétaire.

Afin d’atteindre l’objectif de politique monétaire visé par la Banque, soit de maintenir l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible au taux cible de 2 %, l’économie doit tourner à la limite de sa capacité de production, ou près de celle‑ci. Toutefois, la plupart des économies avancées, y compris le Canada, fonctionnent bien en deçà de leur plein potentiel depuis la Grande Récession de 2008-2009 en raison de l’insuffisance persistante de la demande.

Les données récentes semblent indiquer que la reprise de l’économie mondiale gagne en vigueur, après des années de déceptions successives. Plus particulièrement, la croissance de l’économie américaine devrait demeurer solide, à la faveur de fondamentaux robustes, dont un marché du travail vigoureux caractérisé par une hausse graduelle des salaires.

Dans le cas de l’économie canadienne, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) estimé par Statistique Canada pour le quatrième trimestre de 2016 est quelque peu supérieur aux prévisions que la Banque a présentées dans la livraison de janvier de son Rapport sur la politique monétaire. Si on peut se réjouir de ces résultats globaux, une analyse plus poussée donne à penser que la prudence reste de mise. Les exportations continuent de faire face aux défis qui subsistent sur le plan de la compétitivité. Bien que l’emploi ait enregistré des gains dernièrement, la progression modeste des salaires et des heures travaillées reflète toujours la persistance d’une marge de capacités excédentaires au Canada, contrairement aux États-Unis.

Une composante du PIB reste particulièrement préoccupante : les investissements des entreprises. Si les investissements dans le secteur de l’énergie paraissent s’être stabilisés après un douloureux ajustement au recul des cours du pétrole et des autres produits de base entamé en 2014, globalement, les investissements des entreprises dans l’économie demeurent faibles. Statistique Canada a aussi annoncé que les dépenses d’investissement des entreprises dans la construction non résidentielle avaient reculé de plus de 15 % au quatrième trimestre de 2016 et de presque 8 % sur l’ensemble de l’année.

La forte incertitude qui règne actuellement sur la scène géopolitique et les incertitudes connexes entourant les prévisions économiques contribuent sans doute considérablement à la poursuite de la tenue décevante des investissements des entreprises. Il est donc encore trop tôt pour prétendre que le pire est passé.

J’ai donc choisi de centrer mes propos aujourd’hui sur les investissements des entreprises, un sujet qui, j’en suis convaincu, revêt une grande importance pour bon nombre d’entre vous étant donné la vigueur de l’activité économique ici, en Colombie-Britannique. Il en est de même pour la Banque du Canada. Il est essentiel pour cette dernière d’acquérir une connaissance solide et à jour des intentions d’investissement du milieu des affaires pour pouvoir établir les prévisions de l’évolution de l’activité économique et de l’inflation qui lui servent à étayer ses décisions en matière de politique monétaire.

Bien que le poids des investissements des entreprises dans le PIB soit relativement faible – environ 12 % en moyenne – ceux-ci n’en constituent pas moins un indicateur économique fondamental que la Banque suit de près pour trois raisons principales. Tout d’abord, ils reflètent vos attentes quant à l’avenir : il s’agit donc d’un baromètre économique, en ce sens que vous n’investirez que si vous êtes suffisamment convaincus que la demande de biens et services restera stable, voire augmentera. Ensuite, les variations des investissements des entreprises peuvent déterminer l’évolution du cycle économique – les mouvements du PIB trimestriel durant la Grande Récession et la période qui a suivi étaient attribuables à près de 50 % à des variations des investissements des entreprises. Enfin, les investissements font augmenter le stock de capital et le niveau de la « production potentielle », ou capacité de production, soit le niveau de production qu’une économie peut durablement soutenir sans engendrer de pressions inflationnistes ou désinflationnistes.

Mon exposé se décline en trois grandes parties. Dans un premier temps, je présenterai un aperçu des forces cycliques et structurelles qui influent sur les investissements, puis je passerai en revue l’incidence de ces forces sur les investissements au Canada depuis la récession de 2008-2009, tout particulièrement de la mi-2014 jusqu’à aujourd’hui. Je terminerai par une description du scénario de référence de la Banque, ou les perspectives les plus probables en ce qui concerne les investissements et l’économie, ainsi que par l’évaluation des risques touchant l’inflation.

Les forces cycliques et structurelles qui influent sur les investissements

Les forces cycliques

Ainsi que je l’ai mentionné, les investissements des entreprises constituent une composante modeste et plutôt volatile du PIB, et l’investissement dans les divers secteurs de l’économie passe de sommets en creux, comme le mouvement d’une vague, sous l’effet des chocs subis par la demande. Ces variations sont le fruit de deux facteurs interreliés. Premièrement, les projets d’investissement sont souvent de grande envergure, engendrent des coûts irrécupérables et irréversibles, et demandent du temps pour la construction et la mise en service. Leur mise en œuvre dépend des anticipations quant à la demande future. Deuxièmement, les attentes de chaque entreprise sont souvent influencées par le comportement d’autres entreprises et le niveau de confiance général perçu dans le milieu des affaires. Par conséquent, lorsque les attentes évoluent dans le même sens, elles peuvent s’autoréaliser. Ainsi, si un grand nombre d’entreprises investissent en même temps, elles stimuleront collectivement la demande de leurs produits. Le célèbre économiste britannique John Maynard Keynes a qualifié ces forces psychologiques communes d’« enthousiasme naturel » (animal spirits, littéralement « esprits animaux »), qu’il définissait comme « un besoin instinctif d’agir plutôt que de ne rien faire »1.

Lorsque ces esprits s’éveillent et que les entreprises entrevoient un raffermissement de la demande, le rythme de l’activité économique s’accélère2. À mesure que les ventes et les bénéfices augmentent, les entreprises gagnent en confiance. Résultat, ces dernières investissent dans les machines, le matériel et les bâtiments en vue d’accroître leurs capacités. S’ensuit une hausse de l’emploi ainsi que des revenus et des dépenses des ménages qui, à son tour, stimule la demande et incite les entreprises à investir davantage.

L’autre facteur qui favorise le mouvement cyclique des dépenses d’investissement est la dépréciation. Au fil du temps, les immobilisations perdent de leur valeur ou deviennent désuètes et doivent donc être remplacées. Habituellement, lorsque la demande est faible ou incertaine, les entreprises retardent leurs décisions de réinvestissement3. Mais vient un temps où elles doivent agir. Ainsi, lorsque le mouvement de vague de l’économie semble s’inverser, les entreprises en profitent pour réinvestir, et l’effet conjugué de leurs actions accélère la reprise économique4.

En pratique, ces forces psychologiques et économiques vont souvent de pair et s’autoalimentent.

Les forces structurelles

Pour illustrer les forces structurelles, ou déterminants à long terme de la demande de capital et d’investissements, prenons l’exemple d’un processus typique de production de biens et de services d’une entreprise, lequel conjugue main-d’œuvre, capital et technologies. Les forces démographiques qui agissent sur la croissance de la main-d’œuvre jouent aussi sur la demande de capital. Ainsi, une expansion rapide de la main-d’œuvre incitera les entreprises à investir non seulement pour répondre à une demande accrue, mais aussi pour fournir à ces travailleurs supplémentaires le capital, notamment les machines, nécessaire pour augmenter leur productivité5. Le progrès technique représente aussi un facteur déterminant : un rythme d’innovation élevé fait augmenter le rendement de chaque unité supplémentaire de capital, encourageant ainsi les entreprises à investir davantage. De fait, les nouveaux investissements amènent souvent de nouvelles technologies et permettent d’améliorer encore plus la productivité.

La composition des investissements a aussi son importance. C’est la nature du processus de production qui détermine la quantité et le type de capital (et d’investissement) requis. Prenons les services. Ils nécessitent habituellement un investissement moindre que l’exploitation des sables bitumineux ou la production de véhicules automobiles. Par conséquent, l’expansion actuelle du secteur des services signifie que nous pourrions assister à un déplacement des investissements traditionnels dans les usines et les machines lourdes au profit d’investissements dans la propriété intellectuelle, notamment les logiciels et la recherche-développement, ainsi que le capital humain6.

Ajoutons que les investissements publics peuvent agir en complément des investissements privés et ainsi rendre ces derniers encore plus productifs. Une infrastructure de haute qualité sous forme de systèmes de transport, de centrales électriques et, récemment, de réseaux de télécommunication (dont la construction pourrait relever en partie du secteur privé) est essentielle au processus de production d’aujourd’hui, et c’est d’autant plus vrai dans le contexte actuel de transformation numérique accélérée de l’économie mondiale7.

Les investissements des entreprises depuis la Grande Récession

Comme je l’ai mentionné, les investissements des entreprises ont chuté durant la Grande Récession, et leur redressement plus faible que prévu par la suite, malgré des taux de financement historiquement bas, est une grande source de déception dans les économies avancées8.

Le défi des décideurs, dont la Banque du Canada, est d’évaluer quelle proportion de la faiblesse des investissements des entreprises est due à la dynamique du cycle économique et laquelle est attribuable aux forces structurelles. Cette distinction est importante pour l’établissement de nos projections concernant la demande et la production potentielle ou l’offre, lesquelles sont essentielles à la prise de décisions en matière de politique monétaire.

Revenons au Canada et penchons-nous maintenant sur l’incidence possible des forces cycliques et structurelles sur l’investissement au cours de cette période.

Deux facteurs cycliques majeurs ont influé sur les investissements des entreprises depuis la Grande Récession : les variations marquées des prix des produits de base et le rythme modéré de la reprise aux États-Unis.

Même si, au Canada, les investissements des entreprises ont reculé de façon aussi prononcée que dans les autres économies avancées, ils se sont redressés relativement vite, le secteur pétrolier et gazier ayant bénéficié d’un rebond appréciable des prix des produits de base (Graphique 1). Mais c’est surtout dans celui de la construction non résidentielle que l’effet a été le plus marqué, alors qu’à la fin de 2010, les investissements avaient déjà surpassé leur sommet d’avant la crise (Graphique 2). Sans compter les répercussions positives qui s’en sont suivies au chapitre des investissements dans les branches d’activité fortement liées au secteur des produits de base, même si la vague de fermetures d’entreprises d’autres secteurs n’était pas encore terminée.

À la mi-2014, le niveau d’investissement au pays dépassait de 15 % le pic enregistré avant la crise. Survint le choc des prix du pétrole. Les cours, qui se situaient à plus de 100 $ US le baril au premier semestre de 2014, ont chuté pour atteindre quelque 35 $ US le baril à la fin de 2015. Cette dégringolade a déclenché une série d’ajustements complexes de l’économie canadienne, dont une dépréciation marquée du huard, ajustements qui se poursuivent encore aujourd’hui9.

La Banque estime que ces deux dernières années, le niveau d’investissement dans le secteur pétrolier et gazier a reculé de presque 50 % (Graphique 3). De leur côté, les branches d’activité liées à ce secteur ont mis un frein à leurs investissements. Par conséquent, l’investissement au Canada a diminué de plus de 20 % depuis le milieu de 2014.

Le deuxième facteur cyclique qui a eu une incidence majeure sur les exportations et les investissements des entreprises au Canada est la mollesse de la reprise de l’économie américaine, la plus lente de la période de l’après-guerre10. Durant les années qui ont précédé le choc des prix du pétrole de 2014, le dollar canadien s’est apprécié parallèlement à l’augmentation des cours du pétrole et des autres produits de base. Les exportations canadiennes hors produits de base vers les États-Unis s’en sont trouvées moins concurrentielles, ce qui a renforcé le déplacement déjà entamé de l’activité économique du secteur manufacturier vers celui des services. Comme je l’ai mentionné plus tôt, il est probable que ce contexte ait entraîné une diminution du niveau d’investissement.

Voyons maintenant quels facteurs structurels ont pesé sur les investissements des entreprises durant cette période. Je me concentrerai sur deux facteurs : l’évolution démographique et la croissance de la productivité.

Le vieillissement de la population en cours dans la plupart des économies avancées a donné lieu à un ralentissement marqué de la croissance de la main-d’œuvre11, ce qui fait souffler un fort vent contraire sur les investissements. Au Canada et aux États-Unis, par exemple, la croissance annuelle de la main-d’œuvre a ralenti, pour passer d’environ 1 1/4 % en 2006 à moins de 1/2 % en 2016. Ce déclin a freiné la croissance de la production potentielle et la demande d’investissements.

La faible croissance de la productivité enregistrée depuis 2007 a aussi pesé sur les investissements des entreprises. Toutefois, si les changements démographiques sont assez prévisibles, il est plus difficile d’évaluer dans quelle mesure le recul de la croissance de la productivité résulte d’un changement structurel et dans quelle mesure il découle d’une réaction cyclique à la reprise anémique. À titre d’exemple, les fermetures d’entreprises et le bas taux de création d’entreprises constatés durant et après la Grande Récession ont non seulement entraîné une réduction directe des investissements, mais aussi affaibli le dynamisme du secteur privé, ce qui a eu des effets néfastes et persistants sur la croissance de la productivité12.

Tous ces défis ont amplifié l’incertitude entourant la vigueur de la demande future et ont miné la confiance des entreprises. En conséquence, les entreprises canadiennes ont fait preuve de prudence dans leurs décisions d’investissement, même si certains secteurs tournent près de leur plein potentiel. Parfois, les entreprises ont réagi aux hausses de la demande en intensifiant les embauches.

Voilà qui explique comment nous en sommes arrivés là. Laissez-moi maintenant vous présenter les plus récentes prévisions économiques de la Banque pour le Canada.

Les perspectives de l’économie et des investissements

Je vais d’abord souligner deux points importants tirés de la livraison de janvier du Rapport sur la politique monétaire de la Banque et de l’annonce du 1er mars relative au taux directeur.

Premièrement, les prévisions émises par la Banque depuis la mi-2016, qui font état d’une augmentation graduelle de la croissance de l’économie mondiale, concordent largement avec les données observées.

Deuxièmement, vu le surcroît d’inquiétude que suscitent d’éventuelles mesures protectionnistes, nous devons éviter de tenir pour acquis que les résultats économiques décevants obtenus depuis la Grande Récession sont derrière nous.

Cela dit, l’ajustement au déclin des cours des produits de base progresse, et l’activité dans les secteurs liés aux ressources semble avoir touché un creux.

La croissance du PIB réel devrait remonter, pour passer de 1,4 % en 2016 à un peu plus de 2 % en 2017 et 2018, l’expansion du secteur des services soutenant la hausse de l’emploi, des revenus des ménages et de la consommation.

Le renforcement de l’économie américaine et de l’économie mondiale ainsi que les mesures de relance budgétaire du gouvernement canadien devraient également soutenir la demande d’exportations et la demande intérieure. Les conditions financières demeurent propices aux investissements, malgré l’augmentation modeste des coûts d’emprunt à long terme observée depuis octobre.

Dans ce contexte, les investissements devraient lentement gagner en vigueur. Les données récentes sur les activités des installations de forage de pétrole et les projets de dépenses en immobilisations des entreprises pétrolières et gazières donnent d’ailleurs à penser que les investissements ont commencé à s’accroître dans ce secteur cette année. Parallèlement, la croissance du secteur des services et la modeste expansion des exportations devraient continuer de soutenir la croissance modérée des investissements dans les autres secteurs en 2017 et 2018.

L’inflation devrait avoisiner 2 % tout au long de 2017 et 2018, dans la mesure où les effets temporaires des prix plus élevés des produits énergétiques de consommation et des prix plus bas des aliments se dissiperont et où les capacités excédentaires au sein de l’économie se résorberont.

Les risques entourant les perspectives d’inflation

Les perspectives d’inflation sont entachées de certains risques que la Banque considère comme majeurs. Voyons d’abord deux risques qui pourraient faire croître les pressions inflationnistes et qui sont particulièrement importants du point de vue des investissements.

La croissance du PIB plus forte aux États-Unis

La reprise en cours aux États-Unis, la décision de la nouvelle administration américaine de relancer le processus d’approbation de l’oléoduc Keystone XL et d’autres projets énergétiques, ainsi que l’adoption d’autres mesures, comme la réforme fiscale, la déréglementation et les dépenses d’infrastructure, pourraient stimuler la demande et la confiance des entreprises, ce qui éveillerait des « esprits animaux » et accélérerait le rythme des investissements, de la création d’entreprises et de l’innovation. La hausse des dépenses des ménages et des investissements publics et privés aux États-Unis aurait une incidence positive sur les exportations et les investissements au Canada.

Le renchérissement des produits de base

Les cours des produits de base non énergétiques se sont récemment mis à monter, affichant une augmentation d’environ 2,7 % depuis la publication du Rapport sur la politique monétaire de janvier. Si cette tendance se poursuivait, il s’ensuivrait une amélioration des termes de l’échange du Canada ainsi qu’un accroissement de la richesse et, partant, une hausse des dépenses des ménages et des investissements des entreprises.

Examinons maintenant deux risques qui pourraient exercer des pressions à la baisse sur l’inflation.

Une tendance au protectionnisme

La nouvelle administration américaine et certains dirigeants politiques d’autres pays sont favorables à des politiques de repli, bien que les mesures concrètes restent à préciser. Ce protectionnisme briderait le commerce et la croissance économique à l’échelle mondiale et entraînerait, directement ou indirectement, une réduction des exportations et des investissements des entreprises au Canada. Il pourrait également ralentir, voire inverser, le processus d’intégration de l’économie mondiale, plus particulièrement l’établissement des chaînes de valeur mondiales qui ont stimulé la croissance au cours des dernières décennies.

L’atonie des investissements des entreprises au Canada

Les résultats décevants constatés jusqu’à présent sur le plan des investissements des entreprises pourraient traduire l’influence de facteurs structurels plus persistants, comme le ralentissement de l’accroissement de la main-d’œuvre, la faible croissance de la productivité et les obstacles réglementaires. Au fil du temps, une croissance moindre des investissements donnerait lieu à une réduction de l’intensification du capital et à un affaiblissement de l’expansion de la production potentielle.

Conclusion

J’aimerais conclure avec ces trois points.

Premièrement, la baisse des cours du pétrole et des autres produits de base observée depuis la mi-2014 a considérablement modifié la trajectoire des investissements des entreprises au Canada et aux États-Unis. Ces deux pays se trouvent maintenant à une phase différente de leur cycle économique respectif (Graphique 4 et Graphique 5). Même si l’ajustement de l’économie canadienne au choc des prix du pétrole va bon train, il subsiste une marge notable de capacités excédentaires dans l’économie. À l’inverse, l’économie américaine approche des limites de sa capacité de production. La Banque a indiqué dans son annonce de mars que la politique monétaire actuelle demeure appropriée en vue d’atteindre la cible d’inflation de 2 % de façon durable vers la mi-2018, tandis que les autorités américaines ont commencé à opérer un resserrement. La projection économique de la Banque sera mise à jour dans la livraison d’avril du Rapport sur la politique monétaire, et l’institution fera le point sur sa politique monétaire au même moment.

Deuxièmement, les récentes données économiques concordent largement avec les prévisions de la Banque, qui font état d’un raffermissement graduel de la croissance de l’économie mondiale. L’incertitude reste néanmoins élevée en raison d’éventuelles politiques qui mettraient en péril les progrès réalisés au fil des dernières décennies sur le plan de la libéralisation des échanges et de l’intégration économique.

Le Canada a cependant résisté à la tendance protectionniste. Il vient de conclure un important accord de libre-échange avec l’Union européenne et travaille activement à abaisser les barrières commerciales intérieures. La Banque estime que ces mesures, de même que les changements qui ont été apportés récemment à la politique d’immigration13, sont des avancées positives qui stimuleront la croissance à moyen et à long terme.

Troisièmement, enfin, je suis certain que bon nombre d’entre vous se demandent si c’est le bon temps d’investir et de faire croître votre entreprise. Ce type de décision est toujours difficile, mais la Banque du Canada a la volonté de réduire l’incertitude à laquelle vous êtes confrontés et de vous aider à prendre les meilleures décisions d’investissement possible. Pour ce faire, la Banque s’efforce d’atteindre son objectif de politique monétaire, soit le maintien d’un taux d’inflation bas, stable et prévisible.

Je tiens à remercier Russell Barnett de l’aide qu’il m’a apportée dans la préparation de ce discours.

Information connexe

21 mars 2017

Chambre de commerce du Grand Vancouver - Discours (Diffusions)

Prêts à entreprendre : investissements et perspectives économiques - M. Lawrence Schembri, sous-gouverneur à la Banque du Canada, prononce un discours devant la Chambre de commerce du Grand Vancouver (15 h 45 (HE) approx.)

  1. 1. J. M. Keynes (1936), The General Theory of Employment, Interest, and Money, Londres, Macmillan. Version française publiée en 1942 sous le titre Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Paris, Éditions Payot.[]
  2. 2. L’économiste américain Paul Samuelson est à l’origine du modèle multiplicateur-accélérateur servant à illustrer ces mouvements cycliques. Voir P. A. Samuelson (1939), « Interactions Between the Multiplier Analysis and the Principle of Acceleration », The Review of Economics and Statistics, vol. 21, no 2, p. 75-78.[]
  3. 3. L’incertitude accroît la valeur d’option de l’attente avant que les coûts irrécupérables des projets d’investissement ne soient engagés. Pour plus d’information, voir A. K. Dixit et R. S. Pindyck (1994), Investment under Uncertainty, Princeton (New Jersey), Princeton University Press.[]
  4. 4. Un autre facteur susceptible d’amplifier la volatilité des investissements des entreprises au fil de l’évolution du cycle est l’effet d’accélérateur financier. Lorsque les ventes et les bénéfices des entreprises sont en hausse, ces dernières voient leur bilan s’améliorer, ce qui facilite leur accès au financement – à de meilleures conditions de surcroît – et se traduit par un accroissement de l’investissement. Voir B. Bernanke, M. Gertler et S. Gilchrist (1999), « The Financial Accelerator in a Quantitative Business Cycle Framework », Handbook of Macroeconomics, sous la direction de J. Taylor et M. Woodford, Amsterdam, Elsevier, vol. 1, p. 1341-1393.[]
  5. 5. Une croissance plus élevée de la main-d’œuvre entraînera aussi une baisse des salaires par rapport au coût du capital. À la marge, les entreprises seront alors amenées à substituer la main-d’œuvre au capital, ce qui annulera en partie l’incidence positive de la progression de la main-d’œuvre sur la demande d’investissement.[]
  6. 6. Voir S. S. Poloz (2016), De coupeurs de bois à spécialistes des TI : l’expansion de l’économie des services du Canadadiscours prononcé devant l’Institut C.D. Howe, Toronto (Ontario), 28 novembre.[]
  7. 7. W. Dong, J. Fudurich et L. Suchanek (2016), The Digital Economy—Insight from a Special Survey with IT Service Exporters, document de travail du personnel no 2016-21, Banque du Canada.[]
  8. 8. Fonds monétaire international (2015), Perspectives de l’économie mondiale : Croissance inégale – Facteurs à court et long terme, Washington, avril.[]
  9. 9. Voir L. Patterson (2016), L’ajustement à la chute des prix des produits de base : une étape à la foisdiscours prononcé devant la Chambre de commerce d’Edmonton, Edmonton (Alberta), 30 mars.[]
  10. 10. Bien que les exportations canadiennes aient augmenté à un taux d’environ 4 % par année depuis la Grande Récession de 2008-2009, cette croissance est bien inférieure à celle enregistrée lors des phases de reprise qui ont suivi les récessions passées. Ainsi, les exportations se sont accrues à un rythme annuel proche de 8 % sur des périodes d’une durée comparable, soit les phases de reprise consécutives aux récessions de 1981-1982 et de 1990-1991. Voir L. Schembri (2016), Du bois jusqu’au Web : évolution passée et perspectives d’avenir des exportations canadiennesdiscours prononcé devant l’Atlantic Institute for Market Studies, Halifax (Nouvelle-Écosse), 8 novembre.[]
  11. 11. Dans le cadre de ce discours, « main-d’œuvre » s’entend de la population en âge de travailler, soit les personnes âgées de 15 à 64 ans.[]
  12. 12. Voir R. A. Decker, J. Haltiwanger, R. S. Jarmin et J. Miranda (2016), Declining Business Dynamism: Implications for Productivity?, document de travail no 23, Hutchins Center.[]
  13. 13. La cible d’immigration a été revue à la hausse : elle est passée d’une fourchette de 260 000 à 285 000 personnes pour 2015 à un niveau de 300 000 pour 2016 et les années suivantes. De plus, le système Entrée express, créé en janvier 2015 et élargi par la suite, permet d’accélérer le traitement des demandes de résidence permanente présentées au titre de divers programmes, dont le Programme des travailleurs qualifiés, le Programme des travailleurs de métiers spécialisés et la catégorie de l’expérience canadienne. Par ailleurs, le 9 mars dernier, le gouvernement fédéral a annoncé la mise en œuvre d’un nouveau projet qui aidera les entreprises canadiennes à forte croissance à attirer des talents mondiaux spécialisés grâce à des examens de dossiers et des approbations de permis de travail plus rapides et aux résultats plus prévisibles. Ces changements devraient contribuer à la croissance de la main-d’œuvre au Canada.[]