Déclaration préliminaire devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes
Monsieur le Président, distingués membres du Comité, bonjour. La première sous-gouverneure Wilkins et moi sommes heureux d’être ici parmi vous aujourd’hui.
Nous avons l’habitude de nous présenter devant votre comité deux fois par année pour discuter du Rapport sur la politique monétaire (RPM). Nous avons publié la plus récente livraison du Rapport la semaine dernière et nous serons ravis de répondre à vos questions sur son contenu et d’autres enjeux économiques. Toutefois, je soupçonne que vous voudrez en savoir davantage sur l’entente avec le gouvernement fédéral qui a été annoncée ce matin, concernant le renouvellement de notre cadre de maîtrise de l’inflation pour une autre période de cinq ans. Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de dire quelques mots sur ces deux sujets, à commencer par le RPM.
Depuis notre dernier témoignage, deux facteurs nous ont amenés à réviser à la baisse nos perspectives de l’économie canadienne. Le premier est le profil d’évolution plus faible des exportations. Après avoir fortement diminué pendant cinq mois, les exportations de biens se sont redressées en juillet et en août, mais pas suffisamment pour regagner le terrain perdu. Nous avons déployé beaucoup d’efforts pour déterminer les raisons de ce manque à gagner. La moitié environ peut s’expliquer par la faiblesse du commerce international et les changements dans la composition de la demande américaine, mais le reste est difficile à cerner. C’est pourquoi, dans nos perspectives, nous prenons maintenant pour hypothèse que cette partie restante est attribuable à des problèmes structurels à long terme, comme la perte de capacité exportatrice et les défis sur le plan de la compétitivité. Compte tenu de cette hypothèse, nous avons réduit le niveau projeté du PIB d’environ 0,6 % d’ici la fin de 2018, comparativement à celui présenté en juillet.
Les mesures macroprudentielles mises en œuvre par le gouvernement fédéral pour favoriser la stabilité du marché du logement représentent le deuxième facteur majeur qui a motivé notre révision à la baisse des perspectives de croissance. Ces mesures sont positives car, avec le temps, elles vont atténuer les vulnérabilités liées aux déséquilibres sur le marché du logement et dans le secteur des ménages. C’est important, car de telles vulnérabilités peuvent amplifier l’incidence des chocs économiques négatifs.
Les mesures prises par le gouvernement devraient freiner l’investissement résidentiel en affaiblissant l’activité de revente à court terme et se traduire par un changement modeste de la composition de la construction au profit de logements plus petits. Nous estimons ainsi qu’à la fin de 2018, le niveau du PIB sera inférieur de 0,3 % à ce qui était projeté en juillet.
À la lumière de ces évolutions, nous avons abaissé notre estimation de croissance pour 2016 à 1,1 %. L’expansion en 2017 et en 2018 devrait être d’environ 2,0 %, soit un niveau supérieur à celui de la production potentielle. Toutefois, comme l’écart de production est maintenant un peu plus grand et qu’il se résorbera plus tard qu’escompté en juillet, le profil de l’inflation est à présent légèrement plus bas. Nous nous attendons à ce que l’inflation mesurée par l’IPC global reste en deçà de 2 % jusqu’à la fin de l’année et qu’elle avoisine la cible de 2 % en 2017 et en 2018.
Ces perspectives sont entachées d’un certain nombre d’incertitudes. Il s’agit notamment des effets macroéconomiques des nouvelles règles hypothécaires, de la trajectoire probable de nos exportations, des effets des mesures budgétaires fédérales et de l’incidence de l’élection américaine sur la confiance des entreprises. Étant donné le caractère à la fois favorable et défavorable de ces incertitudes et la flexibilité inhérente à notre régime de ciblage de l’inflation, nous avons estimé que la politique monétaire actuelle demeure appropriée.
Passons maintenant, si vous le voulez bien, au renouvellement du régime de ciblage de l’inflation. Aujourd’hui, la Banque et le gouvernement ont annoncé que la cible d’inflation demeurera fixée à 2 %, soit le point médian d’une fourchette qui va de 1 à 3 %, pendant une autre période de cinq ans. C’est là une bonne nouvelle, car pendant 25 ans, notre régime a bien servi les Canadiens, tant dans les périodes calmes que dans les périodes agitées.
Les résultats à ce chapitre sont impressionnants. Depuis 1991, le taux d’inflation annuel s’est situé en moyenne à presque exactement 2 %. L’inflation est aussi plus stable, ce qui s’est traduit par un taux de chômage et des taux d’intérêt plus bas et plus stables. En retour, cette situation a aidé les ménages et les entreprises à prendre des décisions en matière de dépenses et d’investissement avec une plus grande confiance, favorisé l’investissement, contribué à la croissance durable de la production et de la productivité, et rehaussé le niveau de vie des Canadiens.
Comme c’est le cas à chaque renouvellement de l’entente, une foule de recherches et d’analyses ont été réalisées, et nous avons pris en compte les expériences et les leçons des cinq dernières années. Le personnel de la Banque a publié des douzaines de documents de recherche et collaboré avec des chercheurs d’autres banques centrales, des universitaires et des économistes du secteur privé. Et, comme d’habitude, nous avons posé des questions fondamentales pour nous assurer que le ciblage de l’inflation procure toujours efficacement ses avantages économiques. Nous avons examiné des solutions de rechange au ciblage de l’inflation pour voir si elles se traduiraient par des gains encore plus importants. Il s’agit là d’un des grands atouts d’une entente qui dure cinq ans : le régime n’est pas coulé dans le béton, et nous cherchons constamment des façons de l’améliorer.
Cela dit, force est de reconnaître que même après des années de taux d’intérêt très bas, la reprise au sortir de la Grande Récession demeure faible dans un grand nombre d’économies. Il n’est donc vraiment pas surprenant que certains se demandent si la politique monétaire a perdu son pouvoir. En fait, les bas taux d’intérêt contribuent pour beaucoup à soutenir l’économie. À titre d’illustration, si nous relevions les taux d’intérêt pour les porter aux niveaux d’avant la crise, disons de 3 à 4 %, on observerait une contraction considérable de l’économie, et ce sont ces effets restrictifs que nous contrebalançons avec les bas taux d’intérêt.
Cependant, même si la politique monétaire a encore du pouvoir, il est vrai qu’étant donné le niveau actuel du taux directeur, une réduction de ce dernier aurait un effet moindre que si les taux d’intérêt se situaient à des niveaux historiquement normaux. C’est le cas dans certaines économies. Dans ce contexte, il est particulièrement important que toutes les politiques - monétaire, budgétaire et macroprudentielle - fonctionnent en complémentarité.
Voilà pourquoi notre entente avec le gouvernement est cruciale. Le gouvernement énonce clairement qu’il appuie lui aussi le maintien de l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible, tout en nous conférant l’indépendance de poursuivre cet objectif comme bon nous semble. Le régime de ciblage de l’inflation a donné d’excellents résultats pendant 25 ans et, après avoir pris en compte tous les faits, nous n’avons trouvé aucune raison convaincante de le modifier.
Sur ce, Monsieur le Président, Carolyn et moi-même nous ferons maintenant un plaisir de répondre à vos questions.