La grande transition chinoise : les implications pour le Canada
Introduction
Si je demandais à tous ceux et celles qui sont ici quelle est la valeur du dollar canadien ces jours-ci, vous supposeriez sans doute que je veux dire sa valeur par rapport au dollar américain. Et vous tomberiez probablement pile sur la bonne réponse. Cela se comprend : les États-Unis sont notre plus important partenaire commercial, et la plupart des Canadiens, en particulier les gens d’affaires comme vous, connaissent très bien les liens qui existent entre nos deux économies.
Maintenant, si je vous demandais quel est le taux de change entre le dollar canadien et le renminbi chinois, il y a fort à parier que vous tomberiez un peu à côté. Il y a une explication à cela aussi : ce n’est pas un chiffre que vous voyez souvent, même si vous suivez les nouvelles concernant le ralentissement de l’économie chinoise ou la volatilité financière dans ce pays.
Pourtant, la Chine est le deuxième partenaire commercial du Canada et elle représente 17 % de l’économie mondiale1. Plus de 400 entreprises canadiennes, provenant de secteurs aussi diversifiés que les sciences de la vie, l’aérospatiale et les technologies de l’information, y ont pignon sur rue. La monnaie chinoise est en voie de devenir une monnaie de réserve mondiale. Dans dix ans, nos enfants pourraient bien convertir leurs dollars canadiens en renminbis aussi aisément que nous les échangeons actuellement contre des dollars américains.
La Banque du Canada s’intéresse de très près à la Chine en raison de son importance grandissante pour la prospérité économique et financière de notre pays. Au cours des prochaines minutes, je vous présenterai certaines de nos observations sur l’évolution de l’économie et du système financier chinois et vous parlerai des possibilités et des défis que réserve l’avenir.
Cette question concerne toutes les régions du pays, et tout particulièrement celle de Vancouver, notre voie d’accès à l’Asie. Je suis très heureuse d’être ici aujourd’hui, et je tiens à remercier la Chambre de commerce du Grand Vancouver de m’avoir invitée.
Dans mon discours, je passerai en revue quatre points qui orientent nos réflexions sur la Chine :
- La montée en puissance de la Chine sur la scène internationale a été remarquable, déstabilisatrice même, et a été profitable pour l’économie mondiale et le Canada.
- Le ralentissement de la croissance de l’économie chinoise pour revenir à un rythme plus soutenable est non seulement inévitable, mais souhaitable.
- L’histoire nous enseigne que de telles transitions sont difficiles à gérer, demandent du temps et risquent fort d’être irrégulières.
- Le Canada n’est pas à l’abri des risques que la Chine fait peser sur l’économie du globe, mais il est bien placé pour les gérer.
Le réveil d’un géant
Les réformes du marché mises en œuvre par la Chine dans les années 1980 et l’adhésion du pays à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001 ont marqué le début d’une profonde transformation dont les effets se sont fait sentir à l’échelle de la planète.
Pour la Chine, le processus a été extrêmement positif, malgré certaines tensions qu’il a pu engendrer, en particulier sur le plan environnemental. La taille de l’économie a plus que triplé. Plus de 250 millions de Chinois ont échappé à la pauvreté dans ce que l’on considère comme la plus grande migration jamais vue de travailleurs ruraux vers les centres urbains2. L’espérance de vie s’est allongée de près de trois ans. Et le pays accueillera le G20 cette année, ce qui n’est qu’un exemple de sa présence grandissante sur l’échiquier mondial.
Cette transformation s’est également avérée avantageuse pour l’économie du globe. Il est vrai que la Chine et d’autres marchés émergents ont livré une vive concurrence aux exportateurs de partout dans le monde, y compris au Canada.Il s’en est suivi une diminution de la proportion de travailleurs du secteur manufacturier dans les économies avancées, une situation difficile pour beaucoup. De plus, elle a vraisemblablement contribué au développement de déséquilibres au sein du système financier mondial avant la crise de 20083. En revanche, l’essor de la Chine a aussi permis au commerce mondial d’atteindre des sommets inégalés et aux exportateurs d’avoir accès à un marché plus vaste. Parallèlement, les entreprises et les ménages ont bénéficié d’une baisse du prix de nombreux produits4.
La progression de la Chine a aussi favorisé la hausse du cours des ressources que le Canada vend. La demande chinoise de pétrole a doublé ces quinze dernières années5, ce qui fait de ce pays le deuxième consommateur d’or noir du globe. En outre, la Chine achète maintenant la moitié de la production mondiale de métaux communs, comparativement à moins de 20 % en 2001.
Cette croissance a contribué à enrichir le Canada. La demande accrue de la Chine à l’égard des produits de base a favorisé l’amélioration importante de nos termes de l’échange – le prix de nos exportations par rapport à celui de nos importations – de 2001 à 2008. S’ils se sont détériorés ces deux dernières années, en partie à cause du ralentissement de la croissance de l’économie chinoise, les termes de l’échange se maintiennent néanmoins à un peu plus de 10 % au-dessus du niveau où ils se situaient lorsque la Chine a fait son entrée dans l’OMC.
On peut difficilement exagérer la rapidité avec laquelle les liens économiques entre les deux pays se sont développés. Les échanges commerciaux bilatéraux ont plus que quintuplé en quinze ans, et nos exportations vers la Chine dépassent aujourd’hui 20 milliards de dollars annuellement. La Colombie-Britannique a su en tirer parti : par exemple, tout près du tiers de ses produits forestiers destinés à l’exportation ont été vendus à la Chine l’an dernier, par rapport à un maigre 4 % en 2001.
Nos gouvernements ont aussi encouragé les échanges commerciaux et les investissements à la faveur d’accords et d’ententes avec la Chine et de missions commerciales dans ce pays6. L’augmentation de l’investissement direct étranger, dans un pays comme dans l’autre, témoigne des liens étroits qui se sont tissés7.
Sur le plan financier, la Banque du Canada et la Banque populaire de Chine ont conclu en 2014 un accord bilatéral de swap de dollars canadiens contre des renminbis portant sur un montant de 30 milliards de dollars. Cette entente a conduit à l’établissement, l’an dernier, de la plateforme canadienne de transactions en renminbis, grâce à laquelle il sera plus facile pour nos entreprises d’effectuer des opérations commerciales libellées dans la devise chinoise. Les institutions financières canadiennes sont déjà présentes en Chine et, il y a quelques mois à peine, la Colombie-Britannique est devenue l’un des premiers gouvernements à y émettre des obligations panda.
Rien ne sert de courir, il faut partir à point
Permettez-moi maintenant d’aborder mon deuxième point. La progression de l’économie chinoise a eu une incidence généralement positive sur l’économie canadienne, mais elle est en perte de vitesse. Ce ralentissement ramènera le taux de croissance à un niveau plus soutenable, et cela est non seulement inévitable, mais souhaitable.
L’économie chinoise s’est accrue d’un peu moins de 7 % l’an dernier. Cette expansion, qui peut sembler rapide pour les économies avancées, est pourtant la plus lente qu’ait connue la Chine depuis 25 ans et représente un recul par rapport à l’époque récente où elle se maintenait au-dessus de la barre des 10 %.
Ce ralentissement est normal. La Chine ne peut mener indéfiniment la stratégie économique dans laquelle elle est engagée depuis quinze ans et qui se résume à ceci : accroître la main-d’œuvre et le capital dans le but d’augmenter la capacité de l’économie à produire des biens qui seront ensuite vendus sur les marchés mondiaux.
Mais la limite a été atteinte, et ce, pour deux raisons. Premièrement, les facteurs démographiques ne jouent plus en faveur de la Chine : sa population en âge de travailler devrait reculer d’environ 5 % d’ici 20308. Deuxièmement, le pays ne pourra pas toujours compter sur les investissements. Ceux-ci représentaient 46 % du PIB en 2014, comparativement à 25 % dans le cas des autres pays émergents et des pays en développement et à 20 % pour les économies avancées9.
De plus en plus, la politique d’investissement intensif adoptée par la Chine engendre des capitaux investis en excès ou improductifs, ce qui pourrait certes stimuler la croissance à court terme, mais aussi augmenter la probabilité de devoir procéder à des ajustements pénibles plus tard.
Une question cruciale qui se pose est de savoir à quel taux s’établira, selon toute vraisemblance, la croissance de la Chine si cette dernière parvient à mener à bien sa transition. De l’avis des chercheurs de la Banque du Canada, le rythme annuel de croissance pourrait avoisiner 6 %, en moyenne, au cours des quinze prochaines années10. À cette cadence, la taille de l’économie double en moins de douze ans.
Pour comprendre comment une telle expansion est possible, il faut se rappeler qu’en Chine, le PIB par habitant correspond encore à seulement un cinquième de celui des États-Unis. Cela signifie qu’il reste un écart important à combler grâce à l’adoption des technologies de pointe existantes. Dans le cadre de ce processus, la proportion de travailleurs agricoles chinois continuera son déclin au profit des secteurs plus productifs.
La hausse des revenus en Chine devrait entraîner celle du niveau d’éducation, stimulant du coup la productivité. Ces améliorations sur le plan du capital humain pourraient plus que compenser le recul de la population en âge de travailler11.
Entre autres conséquences pour le Canada, la demande chinoise de produits de base devrait rester vigoureuse et augmenter à partir d’un niveau plus élevé qu’auparavant, malgré le ralentissement du rythme d’expansion économique et la réduction de la dépendance aux ressources naturelles en Chine.
Résoudre le casse-tête chinois
En troisième lieu, j’aimerais souligner le fait que l’histoire montre que la transition vers l’étape suivante du développement est difficile à gérer, demande du temps, et risque fort d’être irrégulière.
Si la Chine parvient à atteindre son potentiel de croissance, elle devra éviter de tomber dans ce que les économistes appellent le « piège du revenu intermédiaire », dans lequel les pays en développement susceptibles d’accéder au rang des économies avancées voient soudainement leur croissance stagner pendant de nombreuses années12.
Les autorités chinoises sont bien conscientes du défi particulier que présente le passage d’une économie alimentée par les investissements à une économie soutenue par la consommation intérieure. Un autre est l’accroissement de la productivité. Pour relever ces défis et permettre à l’économie d’atteindre son potentiel, elles s’efforcent d’assembler divers éléments, à la façon d’un casse-tête chinois. Il y a de nombreuses pièces à emboîter; permettez-moi de vous en présenter trois.
Un filet de sécurité sociale complet
La première pièce n’est pas du ressort des banques centrales, mais elle est cruciale pour que la demande se déplace vers la consommation. Je fais référence ici à un filet de sécurité sociale complet. Dans les économies avancées qui offrent un régime public de pension, d’assurance emploi et de soins de santé, les risques sont mutualisés, et les gens peuvent dépenser une plus grande partie de leur revenu parce qu’ils ont relativement moins besoin d’épargner en prévision des mauvais jours. C’est pourquoi les habitants des pays développés mettent de côté environ 5 cents en moyenne pour chaque dollar gagné. Par comparaison, les ménages chinois vivant dans les villes épargnent actuellement près de 40 % de leur revenu.
La main-d’œuvre et le capital chinois devront aussi s’ajuster à mesure que la composition de l’économie évoluera, la part relative des secteurs publics, tels que ceux du charbon et de l’acier, diminuant au profit des secteurs plus productifs, comme celui des services à forte valeur ajoutée13. Cette transition prendra du temps, en partie parce que de nombreuses personnes devront changer de région et peut-être même se recycler.
La Chine a pris des mesures qui vont dans la bonne direction. Elle a entrepris une réforme des pensions, décrété une hausse des dépenses de santé et engagé une réforme de son système d’enregistrement des ménages qui vise à donner aux travailleurs migrants l’accès à des services de base dans de plus petites villes du pays. La Chine a également inscrit le relèvement du niveau de protection sociale parmi ses priorités dans son nouveau plan quinquennal.
Un cadre solide de conduite de la politique monétaire
La deuxième pièce, qui concerne directement les dirigeants de banque centrale, consiste en un cadre solide de conduite de la politique monétaire qui offre l’assise nécessaire à une croissance durable. La Chine doit faire face à ce qu’on appelle en économie internationale le « triangle d’incompatibilité des politiques » ou « trilemme »14. Aucun pays ne peut maintenir longtemps les trois politiques suivantes : 1) un taux de change fixe, 2) une politique monétaire indépendante, 3) la libre circulation des capitaux internationaux. C’est l’exemple classique de l’expression bien connue « on ne peut pas tout avoir ».
Résoudre ce trilemme ne sera pas une mince tâche et prendra du temps. Ici, au Canada, nous le savons mieux que quiconque. Nous avons réussi à surmonter le trilemme, puis adopté en 1991 le ciblage de l’inflation, qui constituait le parfait complément d’un taux de change flottant et de la libre circulation des capitaux. Ce cadre de conduite de la politique monétaire nous a bien servis au cours des 25 dernières années.
Mais il ne faut pas oublier qu’il aura fallu des dizaines d’années et un certain nombre de revirements de politiques et d’erreurs de parcours avant de nous rendre là. Les férus d’histoire se souviendront qu’en 1950, le Canada avait d’abord laissé les marchés déterminer la valeur du dollar, avant de revenir à un taux de change fixe en 1962, pour enfin adopter un taux de change flottant en 197015. Cependant, il lui manquait toujours un point d’ancrage monétaire solide et cela a contribué à une période d’inflation très élevée qui a persisté jusqu’au début des années 1980. La leçon que nous en avons tirée est qu’en orientant la politique monétaire de façon à atteindre une inflation basse et stable, il est possible d’obtenir de meilleurs résultats sur le plan économique16.
La Chine n’a décidé que récemment de maintenir la stabilité de sa monnaie en arrimant le renminbi à un panier de devises plutôt qu’au dollar américain, comme c’était le cas jusque-là. Cette mesure a eu pour effet d’accroître la variabilité du taux de change du renminbi par rapport au dollar américain et donne lieu à des mouvements de change susceptibles de faciliter les profonds ajustements structurels. De fait, au Canada, nous avons été à même de constater que notre régime de changes flottants facilite les ajustements structurels comme la réorientation vers le secteur hors ressource qui est en cours. Ma collègue, la sous-gouverneure Lynn Patterson, a prononcé un discours à ce sujet la semaine dernière, et j’en recommande la lecture à toute personne désireuse d’en savoir plus sur cette transition17.
Cela dit, en supposant que les autorités chinoises orientent la politique monétaire pour qu’elle soutienne le taux de change, la poursuite des objectifs nationaux pourrait exiger des compromis. En outre, le niveau approprié du panier de devises pourrait changer avec le temps, ce qui entraînera des mouvements spéculatifs de capitaux si le niveau cible n’est pas modifié rapidement.
Les autorités chinoises se sont engagées à libéraliser davantage leur compte de capital. L’assouplissement des restrictions sur les flux internationaux de capitaux, s’il est bien géré et mis en place au moment opportun, pourrait aider le pays à réaliser sa transition18. Par ailleurs, la libéralisation du compte de capital favoriserait l’établissement de marchés complets et améliorerait l’accès au financement de marché en Chine.
D’autre part, la libéralisation du compte de capital représente l’un des plus grands défis à relever pour les économies en développement. Prenons l’exemple de la crise asiatique : les pays ont libéralisé leur compte de capital avant que leur système financier ne soit prêt et ont subi une crise de change en 1997 qui a eu pour effet de retarder leur développement de quelques années. L’une des leçons à tirer est la nécessité de pouvoir compter sur des marchés financiers bien développés et résilients qui permettent l’évaluation des risques et facilitent les flux financiers importants. Cet épisode montre aussi qu’un manque de souplesse des taux de change déterminés par le marché peut engendrer un recours démesuré aux emprunts en devises sans couverture. Les opérations de couverture font augmenter le coût des emprunts à l’étranger et auraient limité les expositions excessives.
La stabilité financière
La stabilité financière est la dernière pièce du casse-tête dont je parlerai, et elle comprend son lot de préoccupations. Dans le sillage de la crise financière mondiale, la Chine s’est engagée dans une expansion massive du crédit afin de soutenir la demande intérieure19. La dette globale de la Chine a augmenté beaucoup plus rapidement que l’activité économique; elle correspond actuellement à quelque 285 % du PIB. Environ 60 % de cette dette est concentrée dans le secteur des sociétés non financières, principalement des entreprises publiques20. Ce secteur comprendrait un fort volume de capital excédentaire et de créances douteuses.
Il y a aussi d’autres sources d’inquiétudes, comme la possibilité que la valeur des créances douteuses dans le secteur bancaire ait été sous-déclarée et la progression rapide de l’octroi de prêts et d’autres activités financières auxquelles s’adonnent des entités qui peuvent être soumises à une réglementation légère21.
C’est pourquoi les autorités chinoises s’emploient à renforcer la réglementation et la surveillance. Par exemple, elles ont amélioré la transparence autour de la dette du pays, ce qui devrait permettre de déceler plus facilement les problèmes avant qu’ils ne dégénèrent. Ainsi, les administrations locales doivent maintenant financer leurs nouveaux projets en émettant des obligations plutôt qu’en recourant à des produits financiers opaques. En outre, la Chine affiche une position créditrice nette - d’environ 1,7 billion de dollars américains -, ce qui, jusqu’à un certain point, la met à l’abri des décisions prises par les investisseurs internationaux.
La Banque populaire de Chine a, jusqu’à présent, été en mesure de gérer les pressions à la baisse sur le renminbi, qui se sont accompagnées de sorties de capitaux. Selon les estimations, 600 milliards de dollars américains sont sortis de la Chine l’an dernier22. Une partie de ces sorties de capitaux correspondait au remboursement par des sociétés chinoises de leurs dettes en devises, ce qui est une bonne chose. La valeur des réserves de la Banque populaire de Chine s’élève encore à environ 3 billions de dollars américains. Les marchés craignent que si les pressions s’exerçant sur le compte de capital devaient persister, la banque centrale pourrait devoir soit abaisser sa fourchette cible pour sa monnaie, soit adopter des mécanismes de contrôle des capitaux plus rigoureux. Les autorités chinoises privilégient une approche proactive en matière de communication et de réforme afin d’alimenter la confiance dans le système financier du pays.
L’avenir de la Chine importe pour le Canada
Voilà qui m’amène à mon dernier point. Le Canada n’est pas à l’abri des risques que fait planer la transition de la Chine sur l’économie mondiale. Il est néanmoins bien placé pour les gérer.
À la Banque du Canada, nous avons réfléchi aux implications qu’aurait un choc émanant de la Chine sur l’économie canadienne23.
Le Canada se ressentirait surtout de la baisse des prix des produits de base et du ralentissement des échanges commerciaux. Il se pourrait alors que les répercussions financières directes soient relativement limitées, nos banques étant peu exposées directement à la Chine. Par ailleurs, les banques américaines et européennes avec lesquelles nos institutions financières font affaire ont renforcé leur bilan depuis la crise financière. Cela dit, l’incertitude quant aux perspectives concernant la Chine a eu une incidence étonnamment forte sur la confiance des investisseurs ces derniers mois. Il pourrait donc s’agir d’un canal important.
Pour avoir une idée générale de l’importance que pourraient avoir les canaux des échanges et des prix des produits de base, des membres de notre personnel ont effectué des simulations à l’aide de nos modèles économiques. Ils ont examiné l’incidence qu’aurait sur l’économie canadienne une baisse de 1 point de pourcentage du taux de croissance du PIB de la Chine par rapport à celui projeté dans notre scénario de référence. Ils ont déterminé que le PIB du Canada perdrait 0,1 point de pourcentage. À titre de comparaison, si le même choc se produisait aux États-Unis, ce résultat serait multiplié par six.
Les effets d’un choc en provenance de la Chine dépendraient aussi d’un certain nombre d’autres facteurs que nos modèles ne représentent pas très bien, tels que les secteurs de l’économie chinoise où la croissance serait plus lente et le degré de gravité du dysfonctionnement des marchés financiers mondiaux. Une dépréciation notable du renminbi, surtout si elle était soudaine, pourrait perturber le système financier à l’échelle du globe, ce qui aurait des implications pour le Canada. Ces effets seraient également fonction des progrès que l’économie canadienne aurait accomplis pour s’ajuster à la chute des prix des produits de base observée ces deux dernières années.
Les institutions financières canadiennes disposent des fonds propres et des liquidités nécessaires pour faire face à ce genre de choc défavorable. Des tests de résistance réalisés par le Fonds monétaire international et les autorités canadiennes en 2013 ont montré que nos banques peuvent résister à un choc de plus grande ampleur que ceux survenus durant la crise financière de 2008 ou les récessions des années 1990 et 198024.
Conclusion
Mesdames et Messieurs, permettez-moi de conclure avec une citation qui remonte à 200 ans et qu’on attribue à Napoléon. Il aurait dit à propos de la Chine : « Ici repose un géant endormi, laissez-le dormir, car quand il s’éveillera, il étonnera le monde. »
Cette phrase tient de la prescience. En effet, l’intégration de la Chine à l’économie mondiale a été tout à fait extraordinaire.
À mesure que l’économie chinoise parvient à maturité, sa croissance ralentit pour atteindre un rythme plus soutenable, ce qui est souhaitable. La Chine a le potentiel qu’il faut pour progresser à un bon rythme à plus long terme, mais la transition demandera du temps, et de l’incertitude plane sur sa capacité à réaliser pleinement ce potentiel. La Chine pourrait donc traverser des périodes de volatilité économique et financière.
La Banque continuera de surveiller de près les évolutions en Chine, compte tenu de l’importance de celle-ci pour l’économie mondiale et le Canada. La transition de la Chine présente des risques, et le Canada est bien placé pour les gérer. Parallèlement, en raison de la baisse des prix du pétrole et d’autres produits de base, des ajustements complexes sont en train de s’opérer au pays.
En mars, la Banque a laissé le taux directeur inchangé, l’évolution de l’économie étant essentiellement conforme aux attentes présentées dans la livraison de janvier du Rapport sur la politique monétaire. La semaine prochaine, nous actualiserons notre projection en tenant compte de tout ce qui est survenu depuis janvier, y compris les mesures annoncées dans le budget fédéral.
Et si vous vous demandez encore quel est le taux de change et avez résisté à la tentation de le chercher dans Google, la réponse est environ cinq renminbis pour un dollar canadien.
Je tiens à remercier Mark Kruger et Gurnain Pasricha de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.