Au rythme du cycle des produits de base : le cas des ressources dans l’économie canadienne

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Introduction

Ce n’est pas la première fois qu’un gouverneur de la Banque du Canada se déplace à Calgary pour aborder la question des produits de base. J’ai le sentiment que ce ne sera pas la dernière. Ce sujet de discussion coule de source ici, en Alberta, où les ressources représentent plus du quart de l’économie. Bien évidemment, ces richesses ne sont pas propres à l’Alberta. Les ressources naturelles ont joué un rôle de premier plan dans l’économie du pays depuis l’arrivée des premiers Européens. Le Canada est actuellement le seul gros exportateur de ressources naturelles au sein du G7. Le pétrole n’est pas tout, car le pays est aussi un important producteur et exportateur de charbon, de gaz naturel, de métaux communs et précieux, de minéraux comme la potasse, et de produits agricoles et forestiers.

Le Canada possédant toutes ces ressources extrêmement variées, nous avons dû apprendre à composer avec les fortes fluctuations de leurs prix. Je ne parle pas seulement du degré élevé de volatilité qui va généralement de pair avec bon nombre de matières premières. Je pense aussi aux fluctuations à long terme des prix, qu’on appelle communément les « supercycles ». N’oublions surtout pas que ces fluctuations à long terme sont déterminées par les lois économiques fondamentales de l’offre et de la demande, de même que par les progrès technologiques constants qui sont susceptibles d’influer à la fois sur la production et sur la consommation.

Le scénario est bien connu. Une hausse importante et persistante de la demande se traduit par des pressions continues à la hausse sur les prix des ressources pendant plusieurs années. La montée des prix a un effet stimulant sur l’offre. Les entreprises passent ainsi à l’action, par exemple en investissant dans de nouvelles capacités et en cherchant des façons d’accroître leur efficience. Certes, les prix élevés encouragent la recherche et le développement, mais les progrès technologiques sont sous la loupe constante du secteur des ressources naturelles. De telles innovations font apparaître des moyens d’augmenter la production et de réduire les coûts de production. C’est de plus grâce à ces progrès que les prix des produits de base corrigés de l’inflation suivent une tendance générale à la baisse depuis 200 ans.

Il faut parfois des années, voire des décennies, avant de mener à terme les investissements qui favorisent une production accrue. Mais au fil du temps, la hausse de la production découlant de ces investissements se conjugue à la stabilisation de la demande pour donner lieu à une période de pressions à la baisse sur les prix. Aux prises avec le fléchissement des prix, les entreprises réduiront peut-être leurs investissements et leur production. À la longue, les prix inférieurs stimuleront la demande, et les investissements moindres nuiront à l’offre future; d’où une hausse des prix. Puis, les producteurs entament un nouveau cycle des prix.

Les économies reposant sur les ressources naturelles devront, par la force des choses, faire face à d’importantes fluctuations des prix. Ces chocs n’entraînent pas seulement que des oscillations du revenu national : ils forcent également les entreprises à prendre des décisions sur la répartition des ressources, comme le capital et la main-d’œuvre. Ces décisions engendrent souvent des ajustements difficiles, mais elles sont nécessaires pour maximiser le potentiel de notre économie.

S’il est vrai que l’abondance de matières premières complique parfois la gestion des entreprises et la conduite des politiques économiques, il est de loin préférable qu’un pays bénéficie de telles ressources plutôt que d’en être dépourvu. Même si les prix sont à la baisse, comme récemment, notre patrimoine naturel est une réserve de valeur, une source de richesses pour l’avenir.

Dans la suite de mon intervention aujourd’hui, je compte évoquer certaines des forces mondiales à l’origine des récentes fluctuations des prix des produits de base, avant d’examiner leur possible évolution dans les prochaines années. Pour souligner à quel point les perspectives peuvent être incertaines, je présenterai ensuite différents scénarios susceptibles de changer du tout au tout l’avenir des producteurs. Enfin, je reviendrai sur certains des enseignements que les décideurs publics et les chefs d’entreprise peuvent appliquer aujourd’hui et dans les années à venir.

Les forces mondiales en jeu

Revenons sur les prix des ressources depuis une quinzaine d’années. Nous avons assisté à une augmentation importante et persistante de la demande, causée par la rapide croissance économique des marchés émergents. En Chine, pays le plus peuplé du monde, la croissance économique annuelle s’établissait en moyenne à environ 10 % entre 2001 et 2011, période incluant la crise financière mondiale.

La croissance chinoise a généré une énorme demande et une hausse des prix de beaucoup de ressources canadiennes, en particulier le charbon et le pétrole ainsi que les métaux communs tels le cuivre, le nickel et l’aluminium. Par suite de la migration, dans les marchés émergents, de millions de personnes quittant les zones rurales pour les villes, la demande a progressé du côté des matériaux de construction comme le minerai de fer destiné à la fabrication de l’acier, ce qui a soutenu les prix. Bien que la crise financière ait provoqué un recul des prix, bon nombre de matières premières se sont rapidement redressées. En avril 2011, l’indice des prix des produits de base établi par la Banque du Canada avait atteint son sommet d’après-crise.

Mais, la croissance rapide perd généralement de son intensité à mesure que l’expansion parvient à maturité. La croissance économique chinoise a décliné pour s’établir à 7,5 % en moyenne depuis 2012, les autorités s’employant à favoriser une expansion plus durable, qui serait tournée davantage vers le marché intérieur. Dans le même ordre d’idées, l’Inde, dont la croissance annuelle du PIB s’établissait à près de 9 % entre 2005 et 2010, a également ralenti la cadence depuis 2012. Il est vrai que le recul de ces taux de croissance a influé sur les prix, mais n’oublions pas que les marchés émergents continuent de représenter une importante source de demande. Depuis le début de la décennie, l’économie chinoise, désormais la deuxième du monde, a en effet plus que doublé, en dollars courants.

Des réactions du côté de l’offre exercent aussi des pressions à la baisse sur les prix des métaux et de plusieurs produits énergétiques. Par exemple, l’offre de minerai de fer augmente toujours malgré le recul des cours, sous l’effet des investissements pluriannuels réalisés en période de prix élevés. Ces investissements ont conduit à un accroissement des capacités dans les régions à faibles coûts de production comme l’Australie et le Brésil.

J’aimerais à présent parler brièvement des prix du pétrole. C’est manifestement une question de grande importance ici en Alberta, compte tenu de ses retombées sur l’emploi et sur l’ensemble de l’économie. Elle est tout aussi importante pour le Canada globalement en raison des incidences sur le revenu national et le commerce interprovincial, tout comme de l’influence notable du secteur sur les investissements des entreprises.

Pourquoi les prix du pétrole se sont-ils autant repliés? Eh bien, c’est surtout parce que l’offre s’est accrue de façon marquée, principalement à la faveur des progrès technologiques réalisés dans l’industrie de l’extraction pétrolière partout dans le monde. Citons notamment les sables bitumineux, le pétrole de réservoirs étanches et le gisement de Bakken. En particulier, les progrès technologiques ont permis aux producteurs d’exploiter le pétrole de réservoirs étanches. À elle seule, la production américaine, qui avant 2008 était pour ainsi dire nulle, a atteint 4,2 millions de barils par jour l’an dernier. Cet accroissement représente grosso modo l’équivalent de la production annuelle de pétrole au Canada.

Compte tenu de l’effondrement des prix l’an dernier, la Banque s’est entretenue à maintes reprises avec des chefs d’entreprise pour essayer de déterminer avec précision leur réaction. Au début de l’année, les pétrolières prévoyaient réduire leurs investissements d’environ 30 %. Comme les prix ne se redressaient pas comme prévu à l’époque, elles ont alors indiqué vouloir diminuer leurs projets d’investissement d’environ 40 %. Au cours des échanges des dernières semaines, j’ai appris qu’à l’heure actuelle, un grand nombre d’entreprises révisent encore leurs attentes à long terme quant aux cours du pétrole. La Banque continuera d’évaluer quelle en sera l’incidence sur leurs dépenses d’investissement.

C’est dire qu’il est très difficile de prévoir l’évolution des prix du pétrole. Dans le cadre de ses projections, la Banque a pour habitude de postuler la stabilité des prix du pétrole et d’utiliser ses modèles économiques pour mettre à l’épreuve différents scénarios. Je sais que beaucoup d’entreprises font de même. Cette façon de procéder peut toutefois présenter des risques. En effet, comme la grande majorité des transactions pétrolières ne sont pas effectuées entre les producteurs et les consommateurs mais sont plutôt de nature financière, les prix sont généralement plus volatils que les facteurs fondamentaux sous-jacents.

Avant d’aller plus loin, j’aimerais insister sur un point. La baisse actuelle des prix des métaux communs et du pétrole ne veut pas dire pour autant que les investissements à long terme, qui mettent parfois des années à se concrétiser et peuvent s’étaler sur des décennies, n’avaient pas lieu d’être. Sans ces investissements, nous n’aurions jamais pu tirer parti des prix plus élevés, qui ont fait grimper le revenu global au Canada. Ce qui compte pour tel ou tel investissement, c’est l’évolution des prix pendant toute la durée du projet, qu’il est impossible de connaître au moment où les décisions d’investissement à long terme doivent être prises.

De la fin de 2008 à la fin de 2010, le prix du cuivre a triplé tandis que celui du pétrole et du nickel a plus que doublé. Si l’on croit aux forces du marché, ces mouvements montraient clairement la nécessité d’investir et d’accroître la production. Ceux qui ont pu entrevoir les occasions à saisir, procéder à des ajustements et tirer parti des prix élevés en ont récolté les fruits, et la hausse des revenus a apporté d’importants bienfaits à l’économie canadienne.

Différents scénarios et importance de la souplesse

J’aimerais prendre quelques minutes pour parler de l’avenir. Le cycle des prix que j’ai brièvement abordé peut sembler assez facile à anticiper. Pourtant, nous avons constaté à maintes reprises par le passé que de nouvelles technologies peuvent rapidement renverser les hypothèses au sujet de la demande et de l’offre futures.

Ainsi, dans les années 1970, on entrevoyait que les réserves de cuivre seraient épuisées avant la fin du siècle. Mais les prévisionnistes n’avaient pas prévu que le fil de cuivre – depuis longtemps, un matériau essentiel des infrastructures de communication – allait être remplacé par le câble de fibre optique, composé de filaments de verre ou de silice. Cette technologie a contribué à faire baisser la demande de cuivre, prolongeant ainsi la durée des réserves.

De la même façon, la photographie numérique a eu des répercussions notables sur l’industrie du développement photographique. Il y a 20 ans, l’idée que tout le monde puisse emporter partout avec soi un téléphone qui serait également un appareil-photo de très bonne qualité aurait semblé ridicule. On prenait alors des photos avec un appareil à pellicules, puis on allait faire développer celles-ci. Le procédé nécessitait une grande quantité d’argent. À l’époque, à moins d’anticiper l’avènement de la photographie numérique, on aurait sans doute pensé que cette source de demande pour l’argent ne se tarirait jamais. Au lieu de cela, selon l’Institut de l’argent, organisme établi à Washington, l’utilisation de ce métal en photographie a culminé en 1999 pour chuter de près de 80 % depuis lors.

C’est en raison de ce genre d’avancée technologique qu’il est si difficile de prévoir l’offre et la demande futures. Mais ce sont aussi ces progrès technologiques qui, conjugués aux nombreux atouts du Canada dans le secteur des ressources naturelles, créeront les possibilités à même d’assurer notre prospérité à l’avenir. La demande visant nos produits n’est pas près de disparaître : nous continuerons de fournir du bois d’œuvre pour la construction résidentielle, des métaux pour la production industrielle et du pétrole pour la fabrication des matières plastiques. Et on aurait du mal à imaginer au Canada des routes dont le revêtement d’asphalte n’aurait pas besoin de réfection.

De plus, n’oublions surtout pas que le Canada est pourvu de richesses extrêmement diversifiées. Les cycles des métaux communs et du pétrole sont certes dans une phase descendante, mais il existe encore une demande appréciable pour soutenir les prix de nombreux produits agricoles. Comme je l’ai indiqué, les marchés émergents continuant de croître, leur population s’urbanise de plus en plus. En Amérique du Nord, 82 % de la population vit en zone urbaine, contre 55 % en Chine et 30 % seulement dans d’autres pays émergents comme l’Inde.

Cette tendance à l’urbanisation devrait se poursuivre. Elle s’accompagnera d’une demande grandissante de biens de consommation – en particulier les produits agricoles. Pensez aux centaines de millions de gens qui sont en train de gravir l’échelle des revenus en Inde et en Chine. Leur nouveau régime alimentaire ne fait pas que gonfler la demande à l’égard des sources de protéines traditionnelles. Il entraîne également une demande d’intrants – fertilisants, aliments pour bestiaux et pour poissons, graines oléagineuses et cultures spéciales telles que les lentilles et les pois chiches. De fait, les chiffres les plus récents sur le trafic de marchandises au port Metro Vancouver font état d’une forte augmentation des expéditions de blé et de cultures spéciales, ainsi que d’une hausse tangible de celles de viande, de volaille et de potasse.

Le Canada est particulièrement bien placé pour tirer parti de la demande accrue de poissons et de fruits de mer. Les exportations canadiennes de fruits de mer en Chine ont progressé de 11 % au premier semestre de l’année par rapport à la même période l’an dernier. Pour ne citer qu’un exemple, 60 000 homards en provenance d’Halifax arrivent chaque semaine par avion à Shanghai, à la faveur des progrès réalisés dans les technologies de transport et de production. C’est en partie grâce à cette demande que les prix de ce crustacé ont grimpé en flèche.

Dans le domaine de l’aquaculture, toutefois, le potentiel de croissance semble considérable. Alors qu’entre 2009 et 2013, l’élevage des moules progressait de quelque 35 %, la production de saumons d’élevage se stabilisait à environ 100 000 tonnes par an. Le Canada est le pays qui a le plus long littoral au monde. Or le volume de notre production de fruits de mer est dérisoire par comparaison avec celui de pays comme la Norvège, qui en produit sept fois plus que nous. Je laisse le soin à d’autres de déterminer le meilleur moyen d’exploiter cette ressource potentielle. Les minéraux des terres rares, les 17 éléments utilisés dans les produits de haute technologie comme les téléphones cellulaires et les véhicules hybrides, représentent une autre source de croissance possible pour le Canada dans l’avenir.

Nul ne sait avec certitude où les nouveaux débouchés se présenteront dans 30 ans. Quelles nouvelles percées technologiques se profilent à l’horizon? Prenons par exemple l’avenir de la désalinisation de l’eau. Pour le moment, le procédé utilisé pour enlever le sel de l’eau de mer est trop énergivore pour être rentable à grande échelle. Mais il nous suffit peut-être d’un seul progrès technologique pour régler ce problème. Imaginez ce qui se passerait si l’eau dessalée des océans atténuait les effets de la sécheresse chronique qui accable l’ouest du continent nord-américain et l’Australie.

Je vous donne ces exemples pour montrer à quel point l’avenir est incertain. Nous devons tous – les entreprises, les consommateurs et les gouvernements – nous préparer pour l’avenir à partir de l’information la plus exacte possible. Or, l’incertitude naturelle nous oblige à faire preuve de souplesse pour nous adapter aux circonstances qui peuvent changer rapidement.

Pour parler concrètement, les dirigeants d’entreprise doivent donc être conscients des risques liés à l’exploitation des ressources naturelles, gérer ces risques le mieux possible, en plus d’être prêts à réagir aux signaux des marchés et à saisir les occasions qui se présentent. Les entreprises faisant preuve de flexibilité ont toujours été les mieux placées pour prospérer au fil du temps. Les décideurs peuvent contribuer à ces efforts en favorisant la souplesse de l’économie, c’est-à-dire en facilitant les ajustements nécessaires et en ne faisant pas obstacle à la circulation de l’investissement et de la main-d’œuvre d’une région à l’autre. Le marché du travail au Canada a démontré une flexibilité impressionnante lors de l’essor des prix du pétrole, des travailleurs affluant en Alberta pour répondre à la demande. Et, lors de sa dernière enquête sur les perspectives des entreprises, la Banque a eu des indications que les pénuries de main-d’œuvre s’atténuent dans les régions où certaines personnes parties travailler pour le secteur pétrolier d’une autre province regagnent leur province d’origine.

Des enseignements pour les décideurs publics

Avant de conclure, permettez-moi de vous dire quelques mots sur le rôle de la politique monétaire dans ce contexte. Nous pouvons tirer des enseignements des cycles des prix qui se sont succédé par le passé. Le plus important concerne l’importance de notre cadre de conduite de la politique monétaire. Nous n’avons pas beaucoup de prise sur les chocs touchant les prix des matières premières. Par contre, notre politique peut aider l’économie à s’ajuster à eux. En particulier, notre taux de change flottant contribue à amortir en partie les effets des mouvements de prix en plus de transmettre des signaux de nature à faciliter les ajustements.

Souvenez-vous de la dernière décennie. Entre 2002 et 2012, les prix du baril de pétrole sont passés d’environ 25 dollars américains à plus de 100 dollars, ce qui a fait bondir le revenu national. Pendant la même période, le dollar canadien s’est apprécié : il est sorti d’un creux historique de quelque 62 cents américains pour s’établir au-dessus de la parité, contribuant ainsi à réduire les risques d’inflation liés au raffermissement de la croissance et à la hausse des revenus.

De la même façon, durant l’année écoulée, tant les prix du pétrole que notre monnaie ont nettement reculé. Le taux de change flottant contribue à atténuer les risques de désinflation découlant de la baisse du revenu national. De plus, le flottement de la monnaie donne à la Banque du Canada toute la latitude nécessaire pour concentrer son seul outil de politique monétaire sur une cible unique, soit l’inflation. Si elle tentait de compenser les variations du taux de change, elle finirait par entraver les mouvements naturels des ressources économiques.

Parce que son mandat est axé sur le maintien d’un taux d’inflation bas, stable et prévisible, la Banque a acquis de la crédibilité, et les attentes d’inflation des Canadiens sont bien ancrées, même en présence d’importantes fluctuations de prix. Par exemple, dans les moments où les coûts de l’énergie ont varié sensiblement, notamment le prix de l’essence, il y a eu peu de raisons de croire que les consommateurs commençaient à modifier leurs attentes d’inflation globales, que ce soit à la hausse ou à la baisse.

Pourquoi est-ce important? Comme les Canadiens jugent crédible notre engagement à l’égard de la cible d’inflation, il nous est beaucoup plus facile d’atteindre le but de notre mandat sans que la production ou les taux d’intérêt varient de façon marquée. Ceux d’entre vous qui se souviennent du choc des prix pétroliers des années 1970 se rappelleront des efforts qu’il a fallu déployer pour parvenir à maîtriser l’inflation. Nous n’avions alors aucune cible crédible et les attentes n’étaient pas ancrées, si bien que l’inflation a explosé. Il a fallu que les taux d’intérêt montent à des niveaux très élevés pour que les prix soient maîtrisés.

Autre élément à retenir : les mouvements des prix des produits de base peuvent perturber le lien normal existant entre l’inflation mesurée par l’IPC global (l’inflation globale) et l’inflation mesurée par l’indice de référence (l’inflation fondamentale) qui nous sert de guide dans la conduite de la politique monétaire. Par exemple, l’inflation globale subit actuellement une pression à la baisse liée aux effets de la diminution des coûts de l’énergie. Par contre, l’inflation fondamentale, qui exclut les composantes les plus volatiles de l’inflation, est poussée à la hausse par les prix des biens importés que le récent recul du taux de change a fait grimper. Nous nous attendons toutefois à ce que ces effets soient ponctuels, c’est pourquoi nous ne les prenons pas en compte. Comme nous l’avons mentionné dans le Rapport sur la politique monétaire de juillet, si l’on fait abstraction de tous les effets transitoires, la tendance sous-jacente de l’inflation se situe aux alentours de 1,5 à 1,7 %, soit au-dessous de la cible de 2 %.

Compte tenu de la complexité de ces éléments, la Banque analyse, dans le cadre de son examen régulier du régime de ciblage de l’inflation, ses méthodes de mesure de l’inflation fondamentale. L’année prochaine, nous devrons décider si la Banque doit continuer de recourir à une mesure prééminente de l’inflation fondamentale et, dans l’affirmative, si elle conservera à cette fin la mesure actuelle.

Lors de l’annonce du taux directeur diffusée plus tôt ce mois-ci, la Banque a fait remarquer que le secteur des ressources continue de s’ajuster aux cours plus bas et que ces ajustements complexes prendront beaucoup de temps. Son régime de ciblage de l’inflation contribuera à faciliter ces ajustements. Le Canada a déjà vécu ce scénario – nous avons bien géré la situation dans le passé, et je suis convaincu que nous continuerons à faire de même dans l’avenir.

Conclusion

Le moment est venu pour moi de conclure. Les Albertains le savent bien, il n’est pas toujours aisé de suivre le rythme des cycles des prix des matières premières. Les fluctuations des prix des ressources font sentir leurs effets sur tous les pays, qu’ils soient consommateurs ou producteurs. Le Canada a la chance d’être les deux, et nous ne devrions pas faire peu de cas des ressources dont nous bénéficions, car elles sont riches de possibilités. Au fil des années, les Canadiens ont bâti une économie prospère à partir de ce patrimoine. Nous continuerons dans cette voie. Et au lieu de résister aux forces du marché, les Canadiens devraient être attentifs aux signaux envoyés par les fluctuations des cours. Tout comme nous avons su nous adapter à la hausse des prix, nous pouvons nous ajuster à leur baisse. Ces ajustements ne sont jamais faciles à opérer. Ils sont souvent difficiles et pénibles pour les personnes concernées et leur famille. Cependant, ils sont nécessaires.

Pour sa part, la Banque du Canada continuera à favoriser une inflation basse, stable et prévisible. C’est la meilleure contribution qu’elle puisse apporter pour assurer aussi bien la croissance vigoureuse et soutenue de l’économie, que la souplesse facilitant les ajustements et garantissant la prospérité de notre pays riche en ressources.

Je tiens à remercier Bahattin Buyuksahin, Brigitte Desroches, Kun Mo et Konrad Zmitrowicz de l’aide qu’ils m’ont apportée dans la préparation de ce discours.

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