Regard de l’extérieur : analyse de l’économie canadienne du point de vue international

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Introduction

Bonjour, et merci de m’avoir invité à prendre la parole devant vous à l’occasion de cet atelier.

En tant que sous-gouverneur à la Banque du Canada, une de mes responsabilités consiste à superviser les travaux d’analyse que mène la Banque sur la conjoncture économique à l’étranger. Avant d’occuper ce poste, je dirigeais le département des Analyses de l’économie internationale de l’institution. Ainsi, au fil des ans, j’ai pu étudier de manière assez détaillée les économies d’autres pays ainsi que les politiques d’autres gouvernements et banques centrales.

Le fait d’aborder dans une perspective internationale les questions qui touchent l’économie canadienne nous permet de nous poser plusieurs questions : En quoi nos économies sont-elles similaires? En quoi sont-elles différentes? On a souvent avantage à regarder vers l’extérieur et à examiner ce qui se passe au-delà de nos frontières : cela nous aide à déceler et à résoudre des énigmes ou des problèmes que nous pressentons dans notre pays. Nous devons toutefois veiller à ne pas présumer que ce qui est arrivé ailleurs se produira forcément chez nous.

En regard de la plupart des autres économies avancées, la tenue remarquable qu’a affichée l’économie canadienne pendant la crise financière et la reprise qui a suivi tient pour beaucoup à l’efficacité avec laquelle la Banque du Canada maîtrise l’inflation et à la crédibilité que l’institution a acquise depuis l’introduction, en 1991, de sa politique monétaire fondée sur le ciblage de l’inflation (Graphique 1 et Graphique 2)1. Bien entendu, nous avions d’autres atouts qui ont eux aussi joué un rôle important, notamment un système financier résilient et des mesures de relance budgétaire prises rapidement.

Mais je ne suis pas venu pour vanter nos succès passés. J’ai aujourd’hui un objectif plus immédiat, qui comporte trois volets : en premier lieu, je présenterai les deux grands défis macroéconomiques à une croissance économique durable auxquels est actuellement confronté le Canada; ensuite, je décrirai à grands traits trois énigmes en matière d’analyse qui sous-tendent ces défis et que nous devons déchiffrer pour formuler une politique monétaire appropriée; enfin, j’aimerais montrer comment l’information tirée de l’expérience d’autres pays peut nous aider à résoudre ces énigmes et guider la conduite de la politique monétaire dans notre pays.

Deux grands défis macroéconomiques

Depuis un certain temps, l’économie canadienne tourne nettement en deçà de son potentiel (Graphique 3), ce qui se reflète pour une grande part dans la faiblesse des taux d’inflation observée récemment (Graphique 4). C’est pourquoi le premier défi de la Banque consiste à ramener l’inflation à la cible de 2 % adoptée en accord avec le gouvernement fédéral et à assurer le retour de l’économie réelle à son plein potentiel - ces deux objectifs allant généralement de pair.

Mais il ne suffit pas d’éliminer l’offre excédentaire et de ramener l’inflation à la cible. Un second défi se pose, qui concerne une croissance économique déséquilibrée. En effet, pour être viable, la croissance doit reposer sur des sources bien équilibrées. Un rétablissement précipité de la production à son plein potentiel n’est ni suffisant ni désirable s’il ne dure pas et qu’il a été « acheté » au prix d’une instabilité future et d’une croissance plus faible.

Vous vous demandez peut-être ce que j’entends par croissance économique déséquilibrée. Pourquoi toute croissance, quelle qu’en soit la cause, ne serait-elle pas souhaitable? Dans l’économie actuelle, il y a déséquilibre du fait que la croissance a été trop largement tributaire de l’augmentation des dépenses des ménages - notamment l’achat de maisons, ce qui s’est traduit par une montée rapide de l’endettement de ce secteur. Pour que la croissance future puisse perdurer, elle devra s’appuyer dans une plus large mesure sur les investissements fixes des entreprises et sur les exportations.

Aux pires moments de la dernière récession, la demande d’exportations canadiennes s’est effondrée, et des mesures de détente monétaire exceptionnelles ont été nécessaires pour stimuler la demande intérieure afin de soutenir l’emploi et les revenus (Graphique 5). Les interventions vigoureuses effectuées à point nommé par la Banque - combinées à une relance budgétaire exceptionnelle - ont été efficaces, et une demande intérieure supplémentaire s’est effectivement substituée à une demande étrangère atone. On ne peut cependant pas recourir indéfiniment à de telles mesures. La contribution des ménages a essentiellement fait son temps; si l’on sollicite encore plus ce secteur, on risque de créer des problèmes. Ainsi, nous sommes en présence d’une économie qui, à bien des égards, a affiché une bonne tenue, mais où la production aussi bien que l’inflation se situent à environ 1 % en deçà des niveaux qu’elles devraient enregistrer, et où les sources de la demande doivent être déplacées2.

Des énigmes macroéconomiques

Dans le scénario de référence du Rapport sur la politique monétaire de janvier, la Banque prévoit que, d’ici deux ans environ, la production retournera à son plein potentiel et l’inflation reviendra graduellement à la cible. Chaque fois qu’elle fixe le taux cible du financement à un jour - son principal instrument de politique monétaire - à un niveau qui lui permette d’atteindre son objectif sur cette période, la Banque doit s’appuyer pour une bonne part sur son jugement et doit souvent soupeser plus d’un risque planant sur l’économie. Cette incertitude tient en partie au fait que nous n’avons pas une image claire de la situation économique du moment ni des forces qui sont à l’œuvre. L’écart de production, par exemple, n’est pas une donnée observable, et il doit être estimé.

Mais la difficulté ne vient pas simplement d’une connaissance imparfaite du point de départ. Comme la politique monétaire agit sur l’économie après des délais longs et variables, elle doit être formulée en anticipant l’avenir et les forces qui pourraient être à l’œuvre au sein de l’économie dans un an ou deux3.

La situation actuelle se trouve de surcroît compliquée par trois énigmes macroéconomiques, qui concernent le récent comportement de trois variables clés et les implications qui en découlent pour la tenue future de l’économie.

Premièrement, l’inflation a été anormalement faible compte tenu de l’ampleur estimée de l’écart de production et d’autres facteurs observables dont on pense qu’ils exercent des pressions à la baisse sur les prix.

Deuxièmement, les investissements fixes ont été anormalement faibles dans un contexte où les entreprises affichent des bilans solides, où leurs bénéfices sont à des niveaux historiquement élevés, où le coût du capital est bas et où la reprise mondiale connaît un dynamisme croissant.

Troisièmement, les exportations hors produits de base ont été anormalement faibles malgré le raffermissement de la croissance mondiale et un contexte de concurrence légèrement plus favorable.

En d’autres termes, la situation sur le plan macroéconomique n’a pas évolué exactement comme nous nous y attendions.

Dans un tel cas, on a tendance à considérer les énigmes comme exclusivement canadiennes et à chercher des explications chez nous. Si l’inflation est étonnamment basse, c’est peut-être parce que l’écart de production au Canada a été mal évalué et que l’offre excédentaire au sein de l’économie est plus importante que la Banque ne l’avait envisagé. La faiblesse des exportations tient peut-être au fait que les entreprises canadiennes sont moins concurrentielles qu’on ne le pensait au départ, de sorte que les exportations se redressent moins vite que la croissance de la demande américaine ne le laisserait supposer. Les investissements affichent peut-être un bas niveau parce que les firmes canadiennes sont intrinsèquement prudentes ou qu’elles prennent des précautions excessives, ou parce que les exportations ont été décevantes.

En cherchant les réponses chez nous, nous risquons toutefois de nous limiter et de passer à côté de renseignements de l’extérieur qui pourraient nous être utiles. L’économie canadienne évolue souvent de façon remarquablement similaire à celle d’autres pays. Cela ne tient pas seulement au fait que le Canada est une petite économie ouverte - et par là même à la merci de chocs importants provenant de l’économie mondiale -, quoique cet aspect joue sans doute un rôle important dans la simultanéité des changements au pays et à l’étranger. Dans bien des cas, cette similitude est aussi le résultat de forces générales à l’œuvre à l’échelle mondiale, qui touchent plusieurs économies en même temps et qui se font sentir au Canada même si nous n’avons pas de liens évidents avec les pays concernés en matière de commerce ou d’investissement. Ou encore, l’analogie peut s’appliquer à des événements qui se sont produits par le passé dans un autre pays, mais qui présentent néanmoins une ressemblance saisissante avec notre situation et qui, par conséquent, sont instructifs.

Quelle qu’en soit la nature ou la source, ces situations similaires à la nôtre sont potentiellement utiles en contrepoint à notre propre expérience et parce qu’elles fournissent un prisme important et précieux à travers lequel examiner l’économie au Canada.

À présent, si vous le voulez bien, je vais examiner chacune des énigmes que je viens de mentionner et vous montrer comment nous avons amélioré notre compréhension de ce qui se passe chez nous en regardant au-dehors.

Les trois énigmes dans une optique internationale

La faiblesse de l’inflation

La première chose que l’on remarque à propos de l’inflation est qu’elle affiche un bas niveau dans pratiquement toutes les économies avancées. Le Canada n’est en effet pas un cas isolé, puisque, dans presque toutes ces économies, l’inflation se situe nettement en deçà des cibles établies (Graphique 6). Toutefois, ce qui retient l’attention n’est pas seulement la faiblesse des taux d’inflation; c’est aussi le moment où elle se manifeste. La plupart des reculs de l’inflation se sont produits au cours des deux dernières années. Dans un moment, vous comprendrez pourquoi cela est important.

Au Canada, la faiblesse de l’inflation a été largement attribuée à une offre excédentaire persistante dans l’économie, qui exerce des pressions à la baisse sur les salaires et les prix, ainsi qu’à une montée des pressions concurrentielles dans le secteur du commerce de détail. Or, selon nos meilleures estimations, ces facteurs n’expliquent pas entièrement le recul.

Si l’on examine l’inflation dans d’autres pays, on pourrait conclure que des forces sont à l’œuvre à l’échelle mondiale et que l’inflation au Canada n’est pas exclusivement déterminée par des facteurs intérieurs. De fait, les résultats statistiques issus de ce qu’on appelle l’analyse en composantes principales, qui permet de cerner l’élément commun à divers ensembles de données, portent à croire que cette proposition est jusqu’à un certain point vraie pour ce qui est de l’inflation mesurée par l’IPC global.

La forte corrélation observée entre les taux d’augmentation de l’IPC global dans tous ces pays est liée, dans une grande mesure, à des variations parallèles des prix des aliments et de l’énergie, qui sont réputés pour être très volatils et qui sont principalement établis sur les marchés mondiaux. Ce résultat n’est pas surprenant; il renforce encore un fait déjà connu.

La surprise concerne plutôt les variations de l’inflation fondamentale, qui exercent aussi une influence importante sur l’inflation mesurée par l’IPC global4. S’il n’est pas facile de dégager une composante commune au moyen de techniques statistiques, on constate néanmoins que les taux d’inflation ont évolué de concert et se sont tous orientés à la baisse très récemment.

L’existence d’écarts de production notables dans chacun des pays pourrait expliquer cette baisse généralisée, mais on n’observe aucune correspondance dans le temps. En effet, ces écarts existent depuis plusieurs années et, dans certains cas, vont en se rétrécissant (Graphique 7). La question est donc de savoir pourquoi on assiste à un affaiblissement de l’inflation maintenant.

Il se peut que des facteurs idiosyncratiques, propres à chaque pays, soient à l’origine de ce comportement commun, mais une coïncidence aussi extrême semble peu probable. L’explication la plus plausible de ce synchronisme à l’échelle internationale est que l’effet des écarts de production sur l’inflation se fait sentir après un délai beaucoup plus long qu’on ne l’avait d’abord estimé et que, pour produire un effet, les écarts doivent être non seulement importants, mais également persistants. En fait, il se pourrait même que la sensibilité des prix à la présence d’une offre excédentaire s’accroisse au fil du temps.

Sans pour autant écarter la possibilité que d’autres facteurs soient à l’œuvre au Canada, tel un écart de production que l’on sous-estimerait, il convient de considérer sérieusement l’explication du décalage de l’effet. Pourvu que cette relation se maintienne, l’inflation devrait remonter à la cible à mesure que la production retournera à son niveau potentiel.

La faiblesse des investissements

Il en va essentiellement de même des investissements « manquants » au Canada. On peut aisément recenser nombre de facteurs intérieurs dont on pourrait supposer qu’ils brident les investissements des entreprises au pays (Graphique 8 et Graphique 9). Les Canadiens sont-ils, par nature, réfractaires au risque? Les firmes canadiennes sont-elles trop à l’aise avec ce qui a fonctionné par le passé et réticentes à se lancer dans de nouvelles directions? Y a-t-il des obstacles institutionnels ou financiers dont nous n’avons pas connaissance? La faiblesse des investissements pourrait-elle être due à la mauvaise tenue de nos exportations hors produits de base depuis la fin de 2011? Avant de répondre par l’affirmative à l’une ou à l’ensemble de ces questions, il importe de signaler que les entreprises dans d’autres pays accumulent des soldes de trésorerie et retardent leurs investissements fixes elles aussi, déclarant dans de nombreux cas des taux d’investissement bien inférieurs à leurs taux d’amortissement, ce qui a pour effet de pousser toujours plus bas le stock de capital. L’« argent qui dort », comme on l’a appelé, n’est pas un phénomène spécifiquement canadien.

Des chercheurs aux États-Unis ont avancé une explication fondée sur leurs travaux statistiques, qui est à la fois intuitive et convaincante5. Ils ont montré que l’incertitude exerce un effet modérateur important sur les décisions d’investissement, distinct des autres facteurs qui pourraient être associés de près à cette incertitude. Leurs résultats ont été reproduits par des chercheurs d’autres pays, et l’on observe une correspondance étroite, voire un lien causal, entre leurs mesures de l’incertitude et les investissements fixes. Il ne serait pas étonnant que les entreprises soient un peu craintives et hésitantes à engager d’importantes sommes d’argent dans la foulée de l’expérience traumatisante que fut la crise. Il est simplement trop avantageux d’attendre que les choses se clarifient. Heureusement, l’incertitude semble s’atténuer et l’on observe des signes que les investissements vont s’accélérer dans un avenir rapproché.

La faiblesse des exportations

La tenue décevante affichée récemment par les exportations canadiennes suit grosso modo la même évolution que l’inflation et les investissements, à une ou deux exceptions notables près. Il y a eu une dissociation apparente entre la demande étrangère et le bilan du Canada au chapitre des exportations hors produits de base pendant les deux dernières années. Les secteurs de l’économie américaine qui ont été les plus durement touchés durant la récession sont ceux qui revêtaient le plus d’importance pour les exportateurs canadiens. À mesure que ces secteurs se sont redressés, nos exportations auraient dû s’accélérer. Or, ça n’a pas été le cas. Ce résultat décevant se confirme même lorsqu’on tient compte de la vigueur persistante du dollar canadien et du recul marqué de notre compétitivité internationale depuis le début des années 2000. S’il est possible que la mesure de la compétitivité ou de la demande étrangère (que la Banque estime à partir d’une mesure de l’activité étrangère) ait été entachée d’erreurs, la compétitivité en baisse semble être un facteur explicatif moins probant6. Ni le dollar ni la compétitivité définie en termes plus généraux (c’est-à-dire en fonction des écarts de productivité et de salaire corrigés des variations de change) n’ont présenté de rupture de tendance apparente. La majeure partie de la tenue décevante des exportations ne concerne que les deux dernières années (Graphique 10 et Graphique 11).

Il est intéressant de noter que la croissance du commerce mondial s’est effondrée à peu près au même moment et de façon encore plus spectaculaire que celle du commerce extérieur canadien (Graphique 12). Peut-être ces deux phénomènes ont-ils une cause commune et devrions-nous apprécier ce que nous avons.

Dans le cas qui nous occupe, cependant, toute conclusion hâtive fondée sur le synchronisme pourrait être trompeuse. En effet, la plupart des raisons avancées pour expliquer l’effondrement du commerce mondial, telles que les contraintes liées à la disponibilité du crédit commercial et l’activité économique exceptionnellement faible en Europe, concernent peu le Canada directement7.

Mais une autre explication a été avancée, qui porte également sur des causes externes et qui est un peu plus prometteuse. Cette explication a trait au précipice budgétaire aux États-Unis et à l’important assainissement budgétaire en cours dans ce pays depuis deux ans.

On pourrait penser que la demande d’exportations canadiennes émanant des administrations américaines (fédérale, d’État et locales) est très faible, mais des observations préliminaires indiquent que, de 1997 à 2012, environ 12 % de nos exportations hors produits de base étaient destinées au secteur public des États-Unis. En outre, une version modifiée de la mesure de l’activité étrangère utilisée par la Banque, qui prend plus largement en compte les achats des administrations publiques américaines, semble améliorer notre capacité à appréhender la faiblesse des exportations sur les deux dernières années. Cette mesure se révèle toutefois beaucoup moins efficace pour expliquer l’évolution sur les trois années précédentes. Des travaux sont par conséquent en cours en vue de mettre au point d’autres mesures de l’activité étrangère qui pourraient mieux fonctionner pour la période tout entière.

Voilà un exemple utile de la façon dont une optique internationale peut tout aussi bien nous induire en erreur que nous éclairer. Un lien possible s’est révélé un cul-de-sac, tandis que l’autre laisse entrevoir une réponse possible. Qui dit corrélation ne dit pas forcément causalité, mais la présence d’une corrélation nous permet de repérer les événements pouvant mériter une analyse plus approfondie.

Le lourd endettement des ménages et la forte activité dans le secteur du logement

L’endettement des ménages et l’activité dans le secteur canadien du logement ont aussi fait l’objet d’une attention soutenue ces dernières années. En effet, contrairement aux trois éléments précédents - l’inflation, les investissements et les exportations -, le lourd endettement des ménages et la forte activité dans le secteur du logement ne représentent pas forcément une énigme. Toutefois, ils ont atteint des sommets historiques et se sont révélés plus marqués et plus résilients que de nombreux économistes ne l’avaient prévu. Non seulement l’endettement des ménages et l’activité dans le secteur du logement sont extrêmement élevés par rapport à ce que le Canada a connu par le passé, mais ils ont également approché les niveaux où l’on a observé un effondrement du marché immobilier dans d’autres pays.

Le Graphique 13 et le Graphique 14 fournissent des comparaisons internationales pour deux séries qui ont particulièrement attiré l’attention d’organismes internationaux (et celle de la revue The Economist). Ce sont le ratio de la dette au revenu disponible des ménages et le ratio du prix moyen des logements au revenu disponible. Il va sans dire que ces ratios ne sont pas non plus passés inaperçus auprès de la Banque du Canada. De fait, celle-ci a désigné l’endettement des ménages et la surévaluation des logements comme les risques intérieurs les plus importants pour la stabilité financière au pays.

Il faut souligner que les chiffres dans ces graphiques représentent des moyennes nationales et qu’ils varient selon la région et le type de logement. À certains endroits, ils sont beaucoup plus bas, alors qu’à d’autres, comme à Vancouver et Victoria, ils sont beaucoup plus élevés.

Des pays comme les États-Unis et le Royaume-Uni ont subi des corrections brusques et douloureuses à des niveaux d’endettement et de prix comparables, corrections qui ont entraîné des conséquences économiques et financières beaucoup plus graves. Toutefois, on aurait tort de conclure qu’il en ira nécessairement de même au Canada.

Dans son scénario de référence, la Banque prévoit que l’endettement des ménages, les prix des logements et les mises en chantier vont se stabiliser pour ensuite diminuer graduellement (en termes réels dans le cas du prix des logements), autrement dit qu’ils vont connaître un atterrissage en douceur. Des données récentes, concernant notamment la décélération de la hausse mensuelle du prix des maisons existantes, la baisse du nombre de mises en chantier et les taux de croissance historiquement bas des crédits aux ménages, étayent toutes ce point de vue et indiquent que la situation se stabilise, quoique les risques demeurent élevés.

Des observations internationales tendent également à confirmer ce scénario plus favorable. Des pays comme l’Australie ont réussi un atterrissage en douceur, et on pourrait arguer qu’au Canada, les conditions préalables sont encore plus propices à une telle issue. Des critères plus stricts en matière de souscription de prêts hypothécaires, des ratios de l’avoir propre foncier à la dette hypothécaire plus élevés, les niveaux historiquement bas du coût du service de la dette, un secteur bancaire plus résilient et plusieurs mesures macroprudentielles préventives qui ont été prises, sous forme de règles d’assurance et de financement hypothécaire plus rigoureuses, vont tous dans ce sens. De fait, la qualité du crédit au Canada a augmenté alors même que la croissance du crédit se poursuit.

Dans ce cas-ci, le point de vue international met en lumière le potentiel de détérioration et d’amélioration de la situation. Il fait ressortir les risques qui pourraient se matérialiser si celle-ci est mal gérée, mais il indique également qu’un dénouement plus favorable est possible - et, de fait, plus probable. Il convient néanmoins de suivre les choses de près, afin d’éviter que cette mise en garde ne se vérifie.

Conclusion

L’économie mondiale et l’expérience d’autres pays nous fournissent une sorte de laboratoire naturel grâce auquel nous pouvons mieux analyser les évolutions économiques au Canada. Dans bien des cas, les cycles économiques d’autres pays sont en phase avec les nôtres ou les ont précédés. Souvent, cela s’explique par le fait que les événements survenant à l’étranger façonnent ce qui se passe au Canada; à d’autres moments, il se peut que cette similitude soit le fruit d’une circonstance fortuite ou d’une force plus générale qui agit simultanément sur nous et d’autres.

Un point de vue international peut être porteur d’une meilleure compréhension ainsi que de renseignements utiles sur le plan des politiques. S’il est important d’interpréter avec prudence ce que l’on observe dans une optique internationale, nous avons été à même de constater comment une telle démarche peut nous aider à résoudre les énigmes économiques intérieures et à orienter les politiques. En ce qui concerne l’inflation, les investissements fixes, les exportations et le secteur des ménages, elle a également montré la voie de résultats plus positifs et corroboré les projections contenues dans le scénario de référence de la Banque. Le point de vue international nous permet d’approfondir notre compréhension du fonctionnement de l’économie canadienne et nous procure une confiance accrue dans la façon dont les mesures que nous prenons influent sur l’issue ultime.

La conjoncture économique au Canada n’est pas prédéterminée par les événements qui se produisent au-delà de nos frontières. Les facteurs intérieurs ont leur importance, et nous sommes en définitive les maîtres de notre destin. L’examen d’un point de vue international nous permet simplement de diriger nos affaires de manière plus éclairée et il améliore les chances d’un dénouement favorable.

  1. 1. Depuis 1995, l’objectif consiste à atteindre un taux d’accroissement annuel de l’indice des prix à la consommation (IPC) global de 2 %, point médian d’une fourchette de maîtrise de l’inflation allant de 1 à 3 %. Cette cible est réexaminée approximativement tous les cinq ans conjointement par la Banque du Canada et le gouvernement fédéral, et la dernière fois qu’elle a été renouvelée remonte à 2011. Voir Banque du Canada (2011), Reconduction de la cible de maîtrise de l’inflation : document d’information - novembre 2011.[]
  2. 2. Dans la déclaration de janvier sur la politique monétaire, la Banque annonçait : « L’inflation au Canada est descendue davantage en deçà de la cible de 2 % du fait principalement de l’importante offre excédentaire au sein de l’économie et de la concurrence accrue dans le commerce de détail. La Banque s’attend maintenant à ce que le profil d’évolution de l’inflation soit plus bas qu’anticipé précédemment pendant la majeure partie de la période de projection. Elle prévoit que l’inflation retournera à la cible de 2 % dans deux ans environ, les effets de la concurrence dans le commerce de détail se dissipant et les capacités excédentaires se résorbant. » Rapport sur la politique monétaire, Sommaire, janvier 2014.
    Dans le communiqué sur le taux directeur paru le 5 mars, la Banque indiquait que « l’inflation devant rester nettement sous la cible pendant quelque temps, les risques à la baisse entourant l’inflation demeurent importants ».[]
  3. 3. J. Murray (2013), « La prise de décision en matière de politique monétaire à la Banque du Canada », Revue de la Banque du Canada, automne, p. 1-10.[]
  4. 4. La principale mesure de l’inflation fondamentale de la Banque est CPIX, dont sont exclues huit des composantes les plus volatiles de l’indice des prix à la consommation ainsi que l’effet des modifications des impôts indirects sur les autres composantes.[]
  5. 5. S. Baker, N. Bloom et S. J. Davis (2012), « Uncertainty and the Economy », Policy Review, no 175, p. 3-13.[]
  6. 6. La mesure de l’activité étrangère est un indice pondéré en fonction des échanges qui regroupe les diverses sources de demande étrangère, comme le marché du logement ou les investissements fixes aux États-Unis, et les pondère selon leur importance au regard des exportations canadiennes.[]
  7. 7. Bien entendu, il n’est pas exclu qu’il existe un lien indirect entre les commerces extérieurs du Canada et de l’Europe qui pourrait expliquer la faiblesse de nos exportations.[]