Quelques questions soulevées actuellement par la réforme financière
Introduction
Je suis très heureux d’être à Montréal aujourd’hui, tout juste de retour de Mexico, où ont eu lieu les réunions du G20 à l’intention des ministres des Finances et des gouverneurs de banque centrale. Même si les sujets importants abordés ont été nombreux, une grande partie de nos discussions ont porté sur les progrès accomplis dans la réforme du secteur financier mondial.
Le but de mon propos aujourd’hui est de faire le point sur ce qui a été réalisé et ce qu’il reste à faire.
L’importance de ces efforts devrait être évidente. Il y a cinq ans, la perte totale de confiance dans le secteur financier privé n’a pu être enrayée que par des mécanismes de soutien exceptionnels dans les plus riches économies du monde. Au cours de la récession qui a suivi, l’économie mondiale a subi des pertes de production de plus de 4 billions de dollars et l’élimination de près de 28 millions d’emplois.
Ici, au Canada, nous avons appris que mettre de l’ordre dans ses propres affaires ne suffit pas. Malgré la robustesse et le bon fonctionnement de notre système financier, le PIB du pays a reculé de près de 70 milliards de dollars, et plus de 430 000 emplois ont été perdus. Même si nous avons plus que récupéré toutes ces pertes, notre économie est toujours freinée par la faiblesse de la reprise à l’échelle du globe. C’est pourquoi il est important pour tous les Canadiens que tous les pays mettent en œuvre ces réformes.
Pour faire le bilan de la situation dans les pays du G20, je mettrai l’accent sur trois questions :
- Les banques sont-elles plus sûres aujourd’hui?
- Avons-nous mis fin au phénomène des institutions jugées « trop importantes pour faire faillite »?
- Le secteur bancaire parallèle est-il une force bénéfique ou maléfique?
Permettez-moi d’aborder la première question.
Les banques sont-elles plus sûres?
La fragilité du système bancaire a été cruellement révélée par la crise. Bien des gens se rappellent le moment décisif de la défaillance de Lehman Brothers Or, ce n’était qu’un exemple des failles généralisées des modèles bancaires dans les économies avancées.
En 2008, de grandes banques aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Irlande, en Suisse, aux Pays-Bas et en Belgique ont fait faillite ou ont été secourues par l’État. Ce qui est exaspérant, c’est que la veille de leur effondrement, chacune des banques se vantait d’avoir un niveau de fonds propres qui dépassait de beaucoup les normes en vigueur à l’époque.
Comment était-ce possible? Dans certains cas, on s’est aperçu, quand les choses se sont gâtées, que des expositions « hors bilan » relevaient en fait de la responsabilité des banques. Dans d’autres cas, les bilans regorgeaient de produits structurés supposément sans risque qui étaient en réalité terriblement toxiques. En définitive, les anciennes normes de fonds propres reposant sur le risque étaient à la fois trop faibles et trop faciles à contourner. Cela s’est révélé désastreux lorsque les banques ont dû absorber des pertes.
La constitution d’une réserve de fonds propres
Aussi, personne ne s’étonnera qu’au moment d’accroître la résilience du système, le G20 a commencé par renforcer le régime de fonds propres des banques. Les nouvelles règles de Bâle III permettent d’améliorer énormément la quantité et la qualité des fonds propres bancaires :
- L’exigence minimale en matière d’actions ordinaires passera de 2 à 4,5 % en vertu de Bâle III, et à 7 % une fois ajouté le nouveau volant de fonds propres de conservation. Le montant exigé de fonds propres de grande qualité est donc trois fois plus élevé.
- La mise en œuvre du nouveau volant de fonds propres contracyclique obligera les banques à bonifier leurs fonds propres dans une proportion pouvant atteindre 2,5 points de pourcentage si les menaces de perturbations systémiques s’intensifient.
- Les banques dont la faillite présenterait un risque pour le système financier international devront détenir un montant de fonds propres encore plus élevé. D’ici 2019, les exigences de fonds propres de ces institutions seront majorées d’un volant allant de 1 à 2,5 % des actifs pondérés en fonction des risques.
En outre, les nouvelles règles augmenteront les expositions que les banques inscrivent dans leur bilan et obligeront ces dernières à détenir plus de fonds propres pour couvrir leurs activités plus risquées (par ex., les activités de négociation et de titrisation). Ainsi, les fonds propres exigés pour les portefeuilles de négociation tripleront.
L’augmentation réelle est encore plus importante si l’on prend en compte la définition plus stricte des fonds propres. Au total, les grandes banques devront détenir au moins sept fois plus de fonds propres qu’avant la crise.
Même si on prévoit que ces mesures seront mises en œuvre au cours des six prochaines années, les banques n’attendent pas pour rétablir la confiance dans leur solvabilité. Depuis la fin de 2007, les grandes banques aux États-Unis et en Europe ont accru leur capital-actions ordinaire de 575 milliards de dollars et leur ratio de capital-actions ordinaire de 25 %. Calculé selon les nouvelles règles, le ratio moyen de fonds propres des banques actives à l’échelle internationale se situait déjà à 7,7 % au début de 2012 1.
En général, le secteur bancaire peut atteindre les nouvelles cibles simplement en limitant la distribution des bénéfices pendant la période de transition. En effet, pour que toutes les grandes banques atteignent d’ici janvier 2019 le ratio de capital-actions ordinaire de catégorie 1 établi dans Bâle III, elles devront mobiliser un montant à peu près équivalent à celui de leurs bénéfices globaux après impôt de l’an dernier.
Les banques canadiennes donnent le ton. Depuis la fin de 2007, les grandes banques du pays ont accru leur capital-actions ordinaire de 70 %, ou 67 milliards de dollars. Toutes les grandes banques canadiennes devraient satisfaire aux exigences strictes de Bâle III (établies pour 2019) d’ici janvier prochain, comme le prévoit le Bureau du surintendant des institutions financières.
La modération du recours au levier financier
Dans un monde idéal, les organismes de réglementation auraient une mesure précise du degré de risque des actifs des banques au moment d’établir le ratio de levier. Or, qui vit dans un monde où les risques sont connus avec certitude et peuvent être mesurés avec précision?
Par conséquent, en guise de protection contre les imperfections inhérentes à un dispositif de fonds propres reposant sur le risque, un ratio de levier simple mais efficace a été importé du Canada et intégré à la norme mondiale. Le ratio de levier impose un plafond sur le montant d’actifs qu’une banque peut détenir pour chaque dollar de fonds propres. Il protège le système de risques que nous pourrions considérer comme faibles mais qui, en fait, ne le sont pas.
Dans la période qui a précédé la crise, lorsque les préoccupations entourant les risques étaient au plus bas (et que les risques eux-mêmes étaient en réalité au plus haut), les banques canadiennes étaient contraintes par le ratio de levier. Ailleurs, le niveau de levier financier s’est envolé et, dans certains cas, a doublé ou triplé, alors que les mesures corrigées en fonction du risque sont demeurées stables.
Lorsque la panique financière s’est intensifiée, les investisseurs ont eu de plus en plus recours à des méthodes simples pour juger de l’adéquation des fonds propres. En définitive, seuls comptaient les fonds pouvant efficacement absorber les pertes et les tests simples visant à mesurer l’effet de levier. Sous cet éclairage, bien des rois de la finance de par le monde se sont retrouvés, semble-t-il, nus. Par comparaison, les banques canadiennes étaient drapées dans leurs plus beaux atours d’hiver.
La surprotection
L’approche de surprotection axée sur le ratio de fonds propres et le ratio de levier prévoit deux tests visant à évaluer le montant maximal d’actifs qu’une institution financière peut détenir par rapport à ses fonds propres. Une question qui se pose est de savoir lequel les banques devraient respecter en premier. Si c’est le ratio de levier qui a préséance, les banques accumuleraient des actifs plus risqués et les sortiraient de leur bilan par des moyens qui satisfont les comptables, mais, au bout du compte, pas les créanciers. C’est pourquoi un test complexe de pondération du risque est également nécessaire, et ce test devrait être calibré afin d’avoir préséance sur le ratio de levier dans des circonstances normales.
Les banques sont plus sûres grâce à cette approche combinée, mais il reste encore beaucoup à faire. Nous devons veiller à l’application uniforme de ces mesures. C’est dans cet esprit que le Conseil de stabilité financière (CSF) vient de publier un examen de la mise en œuvre des mesures dans les grands pays. Cette revue fait ressortir certaines lacunes, qui devront être comblées. Le CSF et le G20 continueront à faire appel à cette transparence et à la pression des pairs pour s’assurer que les règles du jeu sont équitables.
Certes, la résilience bancaire repose sur beaucoup plus que les fonds propres. Elle nécessite également une meilleure gestion des risques et une gouvernance améliorée. J’expliquerai plus tard, au moment de conclure, dans quelle mesure la totalité des réformes prévues par le CSF favoriseront justement cela.
Avons-nous mis fin au problème des institutions jugées trop importantes pour faire faillite?
Les mesures prises jusqu’à présent ont fait baisser la probabilité de défaillance, mais puisque des défaillances surviendront encore, il faut en atténuer l’incidence.
En particulier, nous devons nous attaquer une fois pour toutes à l’injustice engendrée par un système qui privatise les gains et socialise les pertes. En redonnant le capitalisme aux capitalistes, la discipline se durcira au sein du système et, avec le temps, les risques systémiques diminueront. De plus, le fait de savoir que de grandes entreprises peuvent faire faillite sur des marchés éloignés sans grandes répercussions chez nous rétablira la confiance à l’égard d’un système mondial ouvert.
Le coût du problème des institutions trop importantes pour faire faillite
En plus du coût public des sauvetages, il faut tenir compte de la subvention implicite, qui est moins transparente et qui perdure. Les grandes banques profitent de coûts d’emprunt plus faibles en raison du soutien direct et des garanties implicites offerts par l’État. Dans les faits, les 20 grandes banques mondiales ont ainsi économisé 70 milliards de dollars par année avant la crise, soit l’équivalent de 20 % de leurs bénéfices 2.
En outre, les problèmes de l’aléa moral associés au soutien implicite de l’État peut amplifier la prise de risque, réduire la discipline de marché, créer des distorsions de concurrence et accroître davantage la probabilité de tensions.
Que faisons-nous pour remédier à la situation?
Pour éviter que les contribuables assument ces coûts et favoriser la discipline de marché, les pays du G20 prennent plusieurs mesures.
D’abord, le CSF a déterminé quelles sont les institutions d’importance systémique à l’échelle mondiale en fonction de leur taille, de leur complexité et de leur interconnexion avec d’autres éléments du système financier 3. Aucune banque canadienne ne figure sur la liste actuelle.
Ensuite, pour s’attaquer aux risques systémiques et d’aléa moral associés à ces institutions financières d’importance systémique, le CSF a élaboré un train de mesures, les principaux attributs de régimes de résolution efficace pour les institutions financières 4. Une fois mises en œuvre, ces mesures permettront de résoudre la défaillance de toute institution financière sans perturber gravement le système financier ou exposer les contribuables à des pertes éventuelles. Conformément à ces attributs, ce sont les détenteurs d’obligations, les actionnaires et les dirigeants - plutôt que les contribuables - qui subiront le poids des pertes en raison du nouveau pouvoir de mise à contribution des investisseurs instauré dans tous les pays membres du G20. Les autorités pourront ainsi convertir certaines créances privées en actions afin de recapitaliser un établissement défaillant et de répartir ses pertes. Devant pareille éventualité, les créanciers privés devraient se plier à une plus grande discipline de marché, après s’être comportés comme des parasites à l’égard des contribuables.
Par ailleurs, chaque institution financière d’importance systémique à l’échelle mondiale doit être dotée de plans de redressement et de résolution et faire l’objet d’une évaluation de sa résolvabilité. Des accords de coopération transfrontière propres à chaque institution doivent aussi être conclus entre les autorités compétentes. En outre, d’ici le milieu de 2013, les pays membres auront préparé des plans spécifiques relatifs au redressement des institutions financières d’importance systémique à l’échelle mondiale ou, au besoin, à la résolution des faillites de ces dernières.
Enfin, chaque institution financière d’importance systémique doit être soumise à une surveillance plus assidue et plus efficace 5.
Les autres établissements financiers d’importance systémique
Parallèlement à la mise en place de ces mesures, le Conseil de stabilité financière s’emploie à étendre ce cadre aux autres établissements financiers d’importance systémique, notamment les banques d’importance systémique à l’échelle nationale, les compagnies d’assurance internationales, les sociétés financières non bancaires et les infrastructures essentielles des marchés financiers.
En particulier, pour encadrer les banques d’importance systémique à l’échelle nationale, le CSF et le G20 ont convenu d’une méthode fondée sur des principes, qui complète le cadre relatif aux banques d’importance systémique à l’échelle mondiale et laisse à chaque pays une marge d’appréciation dans la manière d’évaluer l’importance systémique de ces établissements et de mettre en œuvre des instruments de politique. Au Canada, c’est le Bureau du surintendant des institutions financières qui établira ces modalités. Les cadres mis en place par les différents pays pour les banques d’importance systémique à l’échelle nationale seront soumis à un examen par les pairs afin d’assurer le maintien de règles du jeu équitables et la compatibilité des cadres nationaux et mondial.
D’autres progrès sont nécessaires
Nous avons fait de solides progrès, mais nous ne savons pas encore si nous avons réussi à mettre fin au problème des banques jugées trop importantes pour faire faillite. Ainsi, les agences de notation continuent de hausser les notes des grandes banques dans une proportion qui tient compte d’un soutien implicite de l’État. Cette majoration a augmenté depuis la crise. Selon certaines estimations, l’apport implicite des contribuables à ces institutions pourrait avoir décuplé 6.
Malgré les déclarations des dirigeants des pays du G20, les investisseurs semblent penser que les gouvernements vont de nouveau faiblir lorsqu’ils seront aux prises avec la faillite d’une grande banque. Cela montre entre autres que nous avons besoin de lois plutôt que de propositions. Mais cela pourrait aussi indiquer la nécessité de prendre d’autres mesures et de dresser des plans clairs pour la résolution de la défaillance de chaque institution d’importance systémique. Il pourrait s’agir notamment de rendre plus efficaces les accords transfrontières relatifs au règlement des faillites et, à mon avis, de définir avec précision les titres pouvant être requalifiés, d’exiger un montant minimum pour ces titres et de publier une procédure présumée de résolution.
Cette semaine, à Mexico, nous nous sommes entendus pour redoubler nos efforts à cet égard. Au sommet de Saint-Petersbourg, en septembre prochain, le CSF déterminera si nous avons réglé le problème des institutions trop importantes pour faire faillite, et je suis convaincu que les pays du G20 seront d’accord pour aller de l’avant avec toute autre mesure nécessaire. Le G20 est déterminé à mettre fin au problème des institutions trop importantes pour faire faillite.
Le secteur bancaire parallèle est-il une force bénéfique ou maléfique?
Les actions que les autorités mènent pour accroître la sûreté du système bancaire classique soulèvent certaines préoccupations légitimes quant à la possibilité que ces actions ne poussent les risques vers le secteur bancaire parallèle. C’est l’une des raisons pour lesquelles le CSF a lancé une réforme en profondeur de la surveillance et de la réglementation du secteur bancaire parallèle, qui a été approuvée par le G20.
On définit le secteur bancaire parallèle comme les activités d’intermédiation de crédit faisant intervenir des entités et des activités qui sont, en partie ou entièrement, extérieures au système bancaire classique. Si elle est menée correctement, cette intermédiation peut certes être utile pour remplacer le financement bancaire et soutenir l’activité de l’économie réelle. Mais la crise nous a montré que les entités non bancaires peuvent mener leurs activités à une grande échelle et selon des modalités qui font peser des risques semblables à ceux d’une banque sur la stabilité financière. Il en va de même pour certains types de transactions non réglementées.
Comme c’est le cas des banques, le système bancaire parallèle peut être vulnérable à des retraits massifs, ce qui augmente le risque systémique. Cela peut alimenter les cycles de surchauffe lors d’un excès de confiance et amplifier les cycles de récession lorsque la confiance disparaît.
Par exemple, dans une dynamique qui a nourri la bulle immobilière aux États-Unis, la valeur des véhicules d’investissement structurés a triplé au cours des trois années qui ont précédé 2007, et les swaps sur défaillance ont été multipliés par six. Au terme d’une réévaluation brutale de la solvabilité de ces instruments, les marchés du papier commercial adossé à des actifs (PCAA) ont été paralysés, la valeur des véhicules d’investissement structurés a fondu et des retraits massifs ont été effectués dans les fonds du marché monétaire.
Les conséquences pour le secteur réglementé ont été immédiates et dévastatrices. Des fuites de capitaux provenant de fonds mutuels du marché monétaire ont privé le secteur bancaire de financement à court terme. D’autres marchés financiers essentiels, comme ceux des pensions et des dérivés de gré à gré, ont aussi été paralysés. Pratiquement toutes les banques d’investissement américaines et de nombreuses banques commerciales n’ont pas pu renouveler leurs positions de financement.
Pendant ce temps, le secteur du PCAA non bancaire canadien - un exemple type de produit du secteur bancaire parallèle - s’est également effondré 7. C’est au prix d’efforts herculéens des secteurs public et privé que l’on a pu se sortir de cette débâcle au moyen de l’accord de Montréal.
Espérons que les leçons de ces épisodes navrants resteront bien présentes dans l’esprit des investisseurs, des banques et des autorités de réglementation pendant un certain temps. Mais l’expérience montre que nous aurions tort de compter seulement sur notre mémoire. C’est pourquoi le CSF et le G20 agissent.
Notre objectif principal est de contrôler les risques provenant d’entités qui sont extérieures au secteur bancaire traditionnel mais font néanmoins peser sur la stabilité financière une menace semblable à celle d’une banque. Parallèlement, nous voulons préserver les modèles de financement non bancaire qui sont viables et exempts de tels risques, mais fournissent une concurrence indispensable aux banques et du crédit à l’économie réelle.
Par conséquent, l’approche du CSF qui a été présentée cette semaine à Mexico est proportionnée aux risques planant sur la stabilité financière. Elle s’attache d’abord aux activités qui ont été une source de problèmes pendant la crise. Elle prévoit également un processus de surveillance du système bancaire parallèle, de manière à ce que toute nouvelle activité qui se développe rapidement et qui présente des risques bancaires puisse être repérée tôt et, au besoin, faire l’objet de mesures.
Cinq chantiers ont été lancés pour s’attaquer aux vulnérabilités. Les travaux ont pour but :
- d’atténuer les effets de débordement entre le secteur bancaire traditionnel et le secteur bancaire parallèle;
- de rendre les fonds du marché monétaire moins sujets à des retraits massifs;
- d’atténuer les risques systémiques que posent d’autres entités du secteur bancaire parallèle;
- d’harmoniser les incitations liées au processus de titrisation, afin d’éviter la création d’un levier financier excessif au sein du système financier;
- de diminuer les risques et les incitations procycliques associés aux contrats de financement garanti, comme les prises en pension et le prêt de titres.
Les recommandations initiales seront publiées sous peu aux fins de consultations publiques. L’incidence de ces mesures sur la résilience du système financier et sur la croissance économique sera évaluée en profondeur. Le Conseil soumettra à l’approbation des dirigeants du G20 un ensemble intégré de recommandations définitives, tenant compte de ces évaluations, au sommet de Saint-Pétersbourg.
Le but ultime de ces réformes est de faire du secteur bancaire parallèle à risque un système de financement de marché résilient, lequel est un élément essentiel et utile du système financier moderne.
Faire fonctionner le marché
Je me suis attardé, aujourd’hui, à présenter dans les grandes lignes un train de mesures ambitieuses et indispensables qui amélioreront nettement la sûreté et la stabilité du système financier. Du fait de la nature particulière des sociétés financières et des coûts énormes d’une faillite, les banques ont besoin d’une réglementation et d’une surveillance qui s’ajoutent à leur cadre de gouvernance interne et à la discipline de marché 8. Les nouvelles règles de Bâle sur les fonds propres et la liquidité des banques favoriseront une meilleure gestion des risques. Grâce aux nouvelles normes du CSF en matière de compensation, les incitations des banquiers et des actionnaires seront mieux harmonisées avec les besoins de l’économie au sens large 9. Une surveillance plus assidue et plus efficace renforcera la gouvernance interne et la gestion des risques 10.
Mais il ne s’agit pas de multiplier les exigences de fonds propres et autres exigences réglementaires imposées aux banques à un point tel que l’on n’entendra plus jamais parler d’elles, que ce soit comme source de risque ou comme source de crédit pour l’économie réelle. Aucun système de surveillance ne peut tout relever.
La principale responsabilité du repérage et de la gestion des risques appartient à la direction de chacun des établissements, lesquels dans tous les cas peuvent compter sur un effectif bien supérieur à celui des autorités de surveillance pour ce qui est des gestionnaires des risques et des responsables de l’observation des règles et de l’audit. Et comme la réglementation ne peut pas, à elle seule, optimiser le risque et le rendement, le CSF prend des mesures pour améliorer le rôle du marché et trouver un juste équilibre.
En réglant le problème des institutions trop importantes pour faire faillite et en soumettant ainsi les établissements à la sanction ultime du marché, on resserrera la discipline au sein du système.
À Mexico, les dirigeants du G20 ont aussi donné leur aval à la nouvelle feuille de route du CSF pour mettre fin à la confiance accordée de manière automatique aux notes de crédit. De cette manière, on favorise la diversité de jugement individuel du secteur privé, ce qui réduit les effets de seuil et rehausse la résilience.
Par ailleurs, l’amélioration de la divulgation, de la gouvernance et de la gestion des risques contribuera aussi à l’instauration d’un système financier plus résilient. C’est pourquoi je suis ravi de la récente publication du rapport du groupe de travail sur le renforcement des obligations d’information. Par cette initiative, encouragée par le CSF, le secteur privé offre des recommandations pour que soient fournis aux investisseurs de meilleurs renseignements sur les modèles d’affaires et les principaux risques des banques, ainsi que sur les pratiques de ces dernières en matière d’évaluation des risques. Au fil du temps, ces mesures devraient aider à renforcer la confiance des acteurs du marché à l’égard des institutions financières et à améliorer le fonctionnement des marchés financiers, venant ainsi compléter la mise au point de la réglementation par le secteur public. J’encourage vivement les banques à mettre en œuvre ces recommandations.
À mesure que les exigences de fonds propres de Bâle sont mises en application, que l’infrastructure des marchés évolue et que les banques, et surtout leurs investisseurs, acquièrent une meilleure appréciation de leurs perspectives en matière de risque et de rendement, les banques commencent à modifier leurs modèles d’affaires. Déjà, quelques-unes d’entre elles ne figurent plus dans la liste des banques d’importance systémique à l’échelle mondiale, parce qu’elles ont simplifié et diminué leurs modèles d’affaires et en ont réduit les risques. D’autres institutions mettent moins l’accent sur les activités prestigieuses mais risquées qu’elles mènent sur les marchés de capitaux, activités qui profitaient aux employés plus qu’aux actionnaires ou à la société. Alors que le processus de réforme avance, nous pouvons nous attendre à d’autres ajustements qui, au bout du compte, conduiront à un secteur plus résilient, diversifié et présentant un profil risque/rendement plus viable.
Conclusion
Le mois dernier à Tokyo, le Fonds monétaire international a demandé, avec raison, si le système financier était plus sûr aujourd’hui qu’à la veille de la crise 11. La réponse est oui.
Dans un contexte économique difficile, les banques ont néanmoins considérablement accru leurs fonds propres et amélioré leur liquidité. Elles sont plus actives dans la gestion des risques. Les pays appliquent avec diligence des mesures qui permettront de résoudre les défaillances des institutions financières. L’infrastructure des marchés des dérivés est en voie d’être transformée afin d’atténuer les risques systémiques. La taille du secteur bancaire parallèle a reculé de 20 points de pourcentage par rapport au PIB, et le secteur est retourné aux niveaux observés pour la dernière fois en 2004-2005.
Toutefois, malgré les progrès accomplis, le système financier mondial n’est toujours pas aussi sûr qu’il devrait l’être. Beaucoup de choses ont été réalisées, mais il reste encore énormément à faire.
L’ambitieux programme de réformes que je viens de décrire se traduira par une différence considérable - lorsqu’il sera entièrement mis en œuvre. Tous les pays du G20 doivent mettre la barre plus haut. Voilà pourquoi le Conseil de stabilité financière se concentre de plus en plus sur une mise en œuvre rapide et cohérente des réformes convenues. Nous pointerons du doigt ceux qui traînent les pieds ou contournent les règles et les obligerons à rendre des comptes.
L’argument en faveur de la réforme est aussi éloquent aujourd’hui qu’il l’était quand le G20 a amorcé le processus en 2008 : les mesures visant à renforcer la stabilité financière ont pour effet de soutenir l’expansion économique et la création d’emplois, plutôt que de les freiner, même à court terme. La croissance du crédit a repris dans les pays où les institutions financières ont résolument renforcé leurs bilans, réorienté leurs activités commerciales essentielles et amélioré leurs sources de financement - autrement dit dans les pays où les institutions financières sont revenues à un modèle économique plus viable.
Comme je l’ai souligné aujourd’hui, d’autres mesures s’imposent. Mais je peux vous assurer, d’après les récentes conversations que nous avons eues à Mexico, que le G20 et le CSF demeurent déterminés à créer un système financier mondial plus résilient et plus efficient.