La prise de décision en matière de politique monétaire à la Banque du Canada
Introduction
Je tiens à remercier la Mortgage Brokers Association of British Columbia de m’avoir invité à prendre la parole cet après-midi. Le titre de votre congrès est intrigant.
L’action de Gatsby le Magnifique, écrit par F. Scott Fitzgerald, se déroule durant les années folles, une période marquée par des progrès notables associés à des excès sur le plan économique, et à laquelle a succédé la dévastation de la Grande Dépression.
Je ne sais pas exactement à quoi les organisateurs songeaient lorsqu’ils ont choisi ce thème; peut-être voulaient-ils attirer l’attention sur les parallèles à faire entre cette lointaine époque et les événements récents. Ces douze dernières années, nous avons connu une période de croissance et de prospérité phénoménales au sein de l’économie mondiale, suivie d’une crise financière profonde et synchronisée, au cours de laquelle nous avons failli revivre la même chose que dans les années 1930.
Le Canada a mieux résisté que la plupart de ses pairs à la crise financière qui s’est déclarée en 2007-2008, grâce en partie à la bonne santé financière de ses banques, à la réglementation prudente de son secteur financier et à sa situation budgétaire solide, ce qui a permis au gouvernement de mettre en œuvre des mesures contracycliques vigoureuses.
La politique monétaire de la Banque du Canada, guidée par le régime de ciblage de l’inflation adopté il y a plus de vingt ans, a aussi joué un rôle crucial dans la tenue affichée par le Canada durant la crise et la reprise. Elle a procuré au moment voulu une détente monétaire considérable et, du fait de sa crédibilité durement acquise, a contribué à ancrer la confiance des ménages et des entreprises durant une période agitée.
Aujourd’hui, je veux vous parler de la prise de décision en matière de politique monétaire à la Banque du Canada. Mon exposé portera sur trois sujets connexes qui, je l’espère, sauront vous intéresser et vous être utiles compte tenu du rôle important que vous jouez dans le secteur financier canadien 1.
D’abord, je vous expliquerai la façon dont se déroule le processus décisionnel relatif à la politique monétaire. Ce processus peut sembler plutôt simple en théorie, mais il est très complexe en pratique.
Je parlerai ensuite de l’information qui est recueillie et interprétée dans le cadre du processus. Comme vous pourrez le constater, la formulation de la politique monétaire repose sur une grande quantité d’information.
Enfin, dans la troisième partie de mon discours, je compte rétablir la vérité au sujet de trois idées fausses répandues à propos de la politique monétaire.
Quelques notions de base sur la politique monétaire
Avant de décrire le processus de prise de décision, toutefois, il serait probablement utile que je vous dise quelques mots sur la politique monétaire elle-même, question de situer le contexte.
Comme je l’ai mentionné plus tôt, en théorie, tout semble relativement simple. La politique monétaire canadienne poursuit un objectif : atteindre et maintenir un taux d’inflation bas, stable et prévisible. Cet objectif a été officialisé en 1991 dans une entente en matière de maîtrise de l’inflation conclue entre le gouvernement fédéral et la Banque. Cette entente établit un taux d’inflation cible bien précis, soit le point médian d’une fourchette de maîtrise de l’inflation, ainsi que l’indice des prix servant à mesurer l’inflation.
Depuis 1995, le niveau visé pour le taux d’inflation est 2 % (la fourchette allant de 1 à 3 %), et l’inflation est mesurée par le taux de variation sur douze mois de l’indice des prix à la consommation (IPC) global.
Cet objectif peut paraître bien étroit – et j’y reviendrai dans un moment –, mais l’expérience a montré qu’il représente la meilleure contribution que la Banque peut apporter au bien-être économique des Canadiens. La plus grande certitude que cet objectif procure concernant la trajectoire future des prix permet aux ménages et aux entreprises de prendre des décisions plus éclairées en matière de dépenses et d’investissement, et réduit au minimum l’iniquité associée aux variations inattendues des prix. Le maintien de l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible est un moyen d’arriver à une fin et non une fin en soi.
En temps normal, cet objectif unique est poursuivi au moyen d’un seul instrument ou outil de politique monétaire, à savoir la modification du taux du financement à un jour 2. Ce taux, qui est fixé par la Banque du Canada, détermine les taux auxquels les banques et certains autres agents peuvent emprunter ou prêter à très court terme. Mais l’histoire ne se termine pas là. Les mouvements du taux du financement à un jour entraînent une série de changements au sein de l’économie qui au bout du compte se répercutent sur le taux d’inflation.
Le mécanisme de transmission
Le mécanisme de transmission de la politique monétaire peut être décrit comme suit (Figure 1). La modification du taux du financement à un jour influe sur les taux d’intérêt que le marché établit pour les titres assortis d’une échéance plus longue et présentant diverses caractéristiques de risque et de liquidité (par exemple, les taux des prêts hypothécaires). Elle a aussi une incidence sur le taux de change – la valeur externe du dollar canadien. Les mouvements de prix de ces actifs, à leur tour, agissent sur la demande globale dans l’économie canadienne, car ils ont une influence sur les décisions tant des Canadiens que des étrangers en matière de dépenses et d’investissement.
Si la Banque estimait probable que de fortes pressions exercées par la demande globale puissent pousser la production au-delà des limites de la capacité de l’économie et faire grimper l’inflation au-dessus de la cible de 2 %, elle réagirait en relevant le taux du financement à un jour. Les autres taux d’intérêt et le taux de change subiraient alors des pressions à la hausse, ce qui, toutes choses égales par ailleurs, aurait pour effet de modérer la demande globale, d’éliminer l’écart entre la production effective et la production potentielle, et de stabiliser l’inflation à la cible de 2 %. On procéderait à l’inverse, naturellement, si la demande était trop faible et qu’il semblait probable que l’inflation tombe en deçà de 2 %. On abaisserait le taux du financement à un jour, ce qui donnerait lieu à un accroissement de la demande globale, à une réduction de l’offre excédentaire et à une hausse de l’inflation. Il est important de noter que la Banque applique une approche symétrique dans la poursuite de son objectif de politique monétaire et qu’elle s’efforce de ne pas manquer la cible dans un sens comme dans l’autre. Le maintien de la production effective à son potentiel ou près de celui-ci est le seul moyen qui permet de garder l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible.
L’instauration d’une cible d’inflation explicite et la poursuite continue de celle-ci contribuent à renforcer la crédibilité, à arrimer les attentes d’inflation des entreprises et des ménages ainsi qu’à accroître l’efficacité de la politique monétaire. Une cible explicite offre également un moyen de juger directement des résultats de la Banque, ce qui, en définitive, améliore la reddition de comptes.
Voilà ce que la Banque cherche à accomplir et comment elle s’y prend pour y parvenir, c’est-à-dire par le jeu du mécanisme de transmission de la politique monétaire.
La vie serait facile si, une fois qu’on a atteint la cible, on pouvait se contenter de garder le taux du financement à un jour là où il est et laisser l’économie tourner toute seule. Dans les faits, bien sûr, cela est impossible. L’économie est constamment secouée par des chocs d’ampleur et de durée diverses, d’origine intérieure ou extérieure. Ces chocs ne sont pas faciles à prévoir (s’ils l’étaient, on ne les appellerait pas des chocs). En effet, on ne peut souvent déterminer la nature et l’intensité potentielle d’un choc que bien après qu’il se soit produit. Ce qui ajoute à la difficulté, c’est que la politique monétaire agit sur l’économie après des délais longs et variables. Il faut normalement de quatre à six trimestres avant que les effets des rajustements du taux directeur ne se fassent pleinement sentir sur l’activité économique, et de six à huit trimestres dans le cas de l’inflation (soit essentiellement deux ans). La politique doit donc être axée sur l’avenir et les décideurs publics sont obligés de prendre une décision dans des conditions d’incertitude considérable.
C’est donc dire qu’une politique en apparence relativement simple et dont l’application semble mécanique s’avère dans les faits très complexe et difficile à mettre en œuvre.
Les dates d’annonce préétablies
Avant décembre 2000, la Banque n’avait pas de calendrier fixe pour l’annonce de ses décisions relatives aux taux d’intérêt. Au lieu de cela, elle se tenait prête à intervenir au moment jugé approprié. Si cette façon de faire semble tomber sous le sens et qu’elle offrait sans doute une grande marge de manœuvre, l’expérience ici et ailleurs a montré qu’elle ajoutait à l’incertitude dans un contexte opérationnel déjà très incertain. Les entreprises, les ménages et les participants aux marchés ne savaient jamais quand la Banque allait changer le taux. Pour cette dernière, cela compliquait également la planification des activités de prévision et de prise de décision en matière de politique monétaire.
Pour éviter ces problèmes et rendre le processus plus prévisible, la Banque est passée à un régime de dates d’annonce préétablies. Elle prend maintenant ses décisions à propos du taux directeur huit fois par an, à des dates annoncées d’avance, qui sont séparées par un intervalle de six ou sept semaines. Toutefois, la Banque se réserve le droit, dans des circonstances exceptionnelles, de modifier le taux directeur à des dates non prévues au calendrier. Les deux seules fois qu’elle l’a fait au cours des douze dernières années étaient le 17 septembre 2001, à la suite des attentats terroristes aux États-Unis, et le 8 octobre 2008, dans le cadre d’une mesure d’assouplissement synchronisée prise avec d’autres banques centrales.
Le calendrier est établi en parallèle à la diffusion de données économiques clés utilisées lors des activités de prévision et de suivi de la Banque. Quatre dates d’annonce tombent peu après la publication des Comptes nationaux trimestriels, qui font état du produit intérieur brut (PIB) du Canada et de ses diverses composantes. Les quatre autres dates se trouvent à mi-chemin entre les premières et sont aussi choisies pour coïncider avec la parution de données importantes.
La dernière date d’annonce préétablie remonte au 17 avril.
Qui prend la décision?
Les principaux intervenants du processus relatif à l’annonce du taux directeur sont le Conseil de direction, le Comité d’examen de la politique monétaire et les quatre départements d’analyse économique de la Banque.
Au sommet, nous avons le Conseil de direction, à qui appartient la décision finale sur le taux d’intérêt, qui est formé du gouverneur, du premier sous-gouverneur et des quatre sous-gouverneurs. Vient ensuite le Comité d’examen de la politique monétaire, qui joue un rôle important dans les délibérations menant à la décision. Le Comité comprend les membres du Conseil de direction plus cinq ou six conseillers – auxquels se joignent souvent un ou deux conseillers spéciaux –, les chefs des quatre départements d’analyse économique, des représentants des bureaux régionaux de Montréal et Toronto, ainsi que certains autres cadres supérieurs.
Les quatre départements d’analyse économique sont ceux des Analyses de l’économie canadienne, des Analyses de l’économie internationale, de la Stabilité financière et des Marchés financiers. Ces appellations sont assez claires, mais je préciserais quand même que le département de la Stabilité financière s’occupe généralement des activités des institutions financières canadiennes et étrangères, tandis que celui des Marchés financiers se concentre sur les marchés financiers du pays et de l’étranger.
Que font tous ces gens? Pour l’essentiel, ils appuient les membres du Conseil de direction en leur transmettant les renseignements et les analyses dont ils disposent et en les faisant profiter de leur expérience et de leur jugement. La Banque du Canada met tout en œuvre pour réduire au minimum l’incertitude inhérente à la formulation de la politique, et les risques connexes, et à cette fin elle met à profit toute idée et tout renseignement utile, qu’il soit d’origine interne ou externe. Pour ce qui est de l’information provenant de l’extérieur, la Banque utilise notamment les séries de données d’organismes tels que Statistique Canada, les analyses conjoncturelles et les prévisions d’autres banques centrales, de gouvernements, d’institutions financières internationales et d’économistes du secteur privé, de même que les recherches menées par des universitaires. Tout cela en sus des travaux de son propre personnel.
Ces sources fournissent des renseignements approfondis et divers, qui contribuent à chaque étape du processus jusqu’à la décision finale. Je vais à présent vous donner un bref aperçu du déroulement de chaque étape.
Un processus décisionnel en cinq étapes
Le processus décisionnel se décompose en cinq grandes étapes, qui sont illustrées à la Figure 2 3.
À la première étape, qui a lieu trois semaines avant que soit prise la décision relative au taux d’intérêt, le personnel présente sa projection au Conseil de direction. La projection est essentiellement élaborée à partir de TOTEM II 4, le plus récent modèle de la Banque en matière de prévision et de simulation de la politique monétaire. Outre les résultats ainsi obtenus, le personnel fait aussi appel à de l’information provenant d’un certain nombre d’autres sources et d’autres modèles, qui analysent plus en détail un secteur en particulier (modèles satellites) ou qui décrivent l’économie en fonction d’un ensemble de données ou d’un paradigme différent.
Il faut savoir que TOTEM II et nombre d’autres modèles utilisés au département des Analyses de l’économie canadienne s’appuient de façon critique sur des intrants issus d’un modèle de l’économie mondiale (GEM) et d’un modèle détaillé de l’économie américaine (MUSE) – tous deux construits et exploités par le département des Analyses de l’économie internationale. Ici encore, on prend également en compte de nombreux autres éléments d’information. Comme l’économie du Canada est ouverte, l’évolution de la situation dans le monde, par exemple les variations des prix des produits de base, la croissance de la demande en Asie et les perspectives de l’économie américaine, joue un rôle majeur pour établir le sentier d’évolution de l’économie canadienne.
Le personnel de la Banque se fonde sur la synthèse des résultats de tous ces modèles et analyses et sur son jugement pour élaborer un scénario de référence (ou scénario le plus probable), qu’il expose aux membres de la Haute Direction lors de cette première réunion. À cette occasion, plusieurs risques clés ainsi que d’autres scénarios sont sélectionnés. Le personnel met au point ces scénarios pendant les deux semaines suivantes, en prévision de la deuxième étape, soit la principale séance d’information.
Contrairement à la première étape où les principaux participants sont les départements des Analyses de l’économie canadienne et de l’économie internationale, la deuxième fait intervenir dans une large mesure les quatre départements d’analyse économique. La principale séance d’information comporte six éléments clés :
- un état, à jour, de la conjoncture économique et des risques;
- les résultats de l’enquête sur les perspectives des entreprises, compilés par les cinq bureaux régionaux de la Banque;
- un rapport faisant état des pressions qui s’exercent sur la capacité de production et d’autres indicateurs de l’inflation;
- une analyse de la situation concernant la monnaie et les conditions de crédit;
- les résultats de l’enquête de la Banque auprès des responsables du crédit;
- un aperçu de la situation des marchés financiers et des attentes en matière de politique monétaire au Canada, aux États-Unis et dans le reste du monde.
Habituellement, la troisième étape – les recommandations formulées par le personnel – se déroule un vendredi, deux jours après la principale séance d’information. Un cadre supérieur du département des Analyses de l’économie canadienne ou des Analyses de l’économie internationale est chargé de résumer et d’actualiser les éléments d’information présentés aux étapes précédentes et de formuler une recommandation quant à toute mesure de politique monétaire qui devrait être prise. Cet aperçu et cette recommandation servent de point de départ à un débat approfondi auquel prennent part tous les membres du Comité d’examen de la politique monétaire. Les problèmes tactiques et les questions de communication de même que diverses options de politique sont alors examinés, à la lumière d’une note préparée par le département des Marchés financiers. La réunion du Comité se termine par un tour de table, où chaque membre, à l’exception des six qui siègent au Conseil de direction, doit présenter sa recommandation.
La quatrième étape – la décision du Conseil de direction – commence le vendredi après-midi, immédiatement après les délibérations de la troisième étape, et reprend le lundi suivant. Les membres du Conseil de direction sont les décideurs en matière de politique monétaire. Ils passent en revue l’information et les recommandations qu’ils ont reçues, procèdent à un échange de points de vue et explorent toute question en suspens. Le lundi, d’autres discussions ont lieu, une décision est arrêtée et un communiqué de presse est rédigé puis approuvé.
La cinquième et dernière étape du processus – la communication de la décision – est centrée sur la publication, le mardi à 9 heures, du communiqué annonçant la décision de la Banque et expliquant les motifs qui la sous-tendent. Quatre fois par an, le message est renforcé et développé dans le Rapport sur la politique monétaire qui est publié le lendemain. Le rapport décrit de manière plus détaillée la conjoncture économique au Canada et dans le monde, la projection de la Banque et les principaux risques à la hausse et à la baisse qui planent sur les perspectives en matière d’inflation.
En plus du Rapport sur la politique monétaire, la Banque publie deux périodiques, qui paraissent quatre fois l’an, environ une semaine avant la prise de la décision relative au taux d’intérêt. L’Enquête sur les perspectives des entreprises résume les résultats d’entrevues réalisées chaque trimestre par le personnel des cinq bureaux régionaux de la Banque auprès d’un échantillon représentatif d’entreprises d’un bout à l’autre du pays. Les résultats de cette enquête fournissent un important complément aux autres éléments d’information sur lesquels s’appuient le Comité d’examen de la politique monétaire et le Conseil de direction, et ils permettent en quelque sorte de vérifier ce qui se passe effectivement à l’échelle régionale. La seconde publication, l’Enquête auprès des responsables du crédit, est fondée sur des entretiens menés auprès des grandes banques et institutions financières canadiennes pour savoir si les modalités d’octroi de prêts aux entreprises se sont assouplies ou resserrées au cours des trois mois précédents.
Les dernières activités de la Banque en ce qui a trait aux communications entourant ces quatre livraisons du Rapport sur la politique monétaire sont une conférence de presse du gouverneur et du premier sous-gouverneur et leurs témoignages devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes et le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
Le processus que je viens de décrire montre bien que, pour la Banque, les communications sont fondamentales. C’est en effet un aspect critique de notre obligation de rendre compte aux Canadiens et un moyen de rendre la politique monétaire plus efficace en aidant la population à mieux comprendre l’économie et nos interventions.
Trois erreurs répandues au sujet de la politique monétaire
Malgré l’importance que nous attachons aux communications et tout le temps que nous consacrons à ces activités, le public se fait souvent une idée erronée du rôle de la politique monétaire et des contraintes auxquelles la Banque pourrait être soumise. C’est pourquoi j’aimerais prendre les quelques minutes qui me restent pour vous parler de trois idées fausses parmi les plus répandues à notre sujet.
1. En se concentrant sur l’inflation, la Banque laisse de côté des objectifs plus importants comme le plein emploi et la hausse du niveau de vie.
C’est faux. L’expérience a montré que la stabilité des prix est la plus importante contribution de la Banque au bien-être économique des Canadiens. Depuis l’adoption du régime de ciblage de l’inflation en 1991, le contexte d’inflation bas et stable a permis aux consommateurs et aux entreprises de gérer leur situation financière en sachant mieux ce que sera le pouvoir d’achat futur de leur épargne et de leurs revenus. Les taux d’intérêt, tant nominaux que réels, ont également été plus faibles pour toute une gamme d’échéances. De façon générale, le niveau bas, stable et prévisible de l’inflation a favorisé une croissance économique plus régulière au pays, ainsi qu’un taux de chômage moins élevé et moins variable.
2. Si l’économie canadienne tourne près de son potentiel (soit à un niveau avoisinant le plein emploi) et que l’inflation se situe près de 2 % ou à la cible, les taux d’intérêt doivent se situer à proximité de leurs niveaux « normaux » ou « neutres ».
C’est faux. Si aucune force n’agissait sur l’économie pour l’éloigner de l’état désiré, cette affirmation serait juste. Mais cela est peu fréquent. Des vents contraires ou favorables sont souvent présents, qui menacent de pousser l’activité économique et l’inflation à la hausse ou à la baisse. La politique monétaire doit faire pression contre ces forces en leur opposant des taux d’intérêt plus élevés ou plus bas afin de stabiliser l’économie et de maintenir l’inflation à la cible. La politique monétaire est rarement statique : elle doit réagir selon que ces forces s’apaisent ou s’intensifient.
3. Le fait de s’attacher à la stabilité des prix bride la capacité de la Banque de poursuivre son autre grand objectif, la stabilité financière.
C’est faux. S’il semble parfois y avoir des tensions entre ces deux visées, elles sont en fait inextricablement liées; on ne peut atteindre l’une sans maintenir l’autre. Il est vrai que d’autres leviers des politiques publiques, par exemple la réglementation des banques ou les outils macroprudentiels, sont généralement le premier moyen de défense pour assurer la stabilité financière, mais la politique monétaire peut, dans des circonstances exceptionnelles, jouer un rôle complémentaire à cet effet. Heureusement, le cadre de politique monétaire actuel est suffisamment souple pour répondre à cet impératif tout en atteignant la cible d’inflation à moyen terme. Ainsi, on ne sacrifie pas l’une au profit de l’autre.
Conclusion
Le cadre de politique monétaire du Canada et le processus que la Banque utilise pour prendre ses décisions ont évolué au fil du temps. Le passage au ciblage de l’inflation en 1991 et l’adoption des dates d’annonce préétablies sont certainement les changements les plus remarquables, mais de nombreuses autres améliorations ont été apportées dans la façon dont la politique monétaire est formulée et mise en œuvre. Le processus décisionnel que j’ai décrit est intensif et il repose sur la collaboration. Il s’est aussi révélé très efficace. Nous continuerons sans doute de le perfectionner, à la lumière des enseignements que nous tirons de nos expériences. La recherche d’améliorations concernant le processus de prise de décision demeure une constante.
Je vous remercie de votre intérêt. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.