Sommaire de l’enquête de 2011 sur la couverture du risque de change au Canada

Disponible en format(s) : PDF

Depuis 2004, la Banque du Canada réalise chaque année une enquête qualitative 1 visant à évaluer l’ampleur des activités de couverture du risque de change au pays. L’institution sonde les banques actives sur le marché canadien des changes 2, notamment les onze membres du Comité canadien des marchés des changes (CCMC). L’enquête de 2011 a été divisée en deux volets, l’un portant sur les opérations des entreprises ayant des besoins de couverture à l’égard de l’évolution du dollar canadien et l’autre sur celles des investisseurs institutionnels dans la même situation. Le présent sommaire regroupe les réponses recueillies par écrit en juillet, ainsi que les informations obtenues dans le cadre d’entretiens et de rencontres tenus en août et en septembre 3. Étant donné sa nature qualitative plutôt que quantitative 4, l’enquête donne seulement une vue d’ensemble des activités de couverture. Bien qu’il s’en dégage des thèmes communs, les conclusions peuvent différer entre banques, du fait notamment de la composition régionale et sectorielle différente de la clientèle de chacune.

  • Les clients institutionnels demeurent à l’origine de la plupart des opérations de couverture, mais leurs transactions sont largement de nature mécanique (activités courantes de couverture et de rééquilibrage). L’activité de couverture des exportateurs, qui continue de dominer du côté des entreprises, est motivée d’abord par le niveau du dollar canadien.
  • Le risque de change pour les importateurs et les exportateurs a augmenté surtout relativement au dollar américain, tandis que pour les investisseurs institutionnels canadiens, il s’est accentué principalement à l’égard de l’euro et du dollar australien. L’exposition aux monnaies des marchés émergents a aussi progressé, particulièrement en ce qui a trait aux devises latino-américaines. Les investisseurs institutionnels étrangers ont accru leur exposition aux actifs canadiens.
  • Tant chez les entreprises que chez les clients institutionnels, environ la moitié de l’ensemble des expositions au risque de change est couverte. La plupart des clients institutionnels possèdent en la matière une politique en bonne et due forme, contre moins de la moitié des entreprises. Dans la majorité des cas, les couvertures des clients institutionnels sont renouvelées de manière à protéger un placement sous-jacent à long terme, alors que les couvertures des entreprises se rapportent pour la plupart à des flux de trésorerie précis et n’ont pas à être renouvelées. Dans les deux groupes, les couvertures ont le plus souvent une durée inférieure à six mois.
  • L’incidence des mouvements du dollar canadien sur les revenus des entreprises varie selon le type de client. De l’avis des banques, les importateurs canadiens ont été avantagés par ces mouvements et ils ont haussé le volume de leurs opérations de couverture et allongé la durée de celles-ci pour profiter de la vigueur de la monnaie canadienne. Du côté des exportateurs canadiens, l’incidence s’est révélée modérément négative. Les exportateurs reportaient généralement leurs opérations de couverture alors même que s’appréciait le dollar canadien. Quand il leur arrivait néanmoins de se couvrir, les instruments choisis étaient de courte durée, dans l’attente d’un recul futur du dollar canadien.
  • Les investisseurs institutionnels canadiens ont accru légèrement leurs placements en devises, tirant ainsi parti de la hausse du dollar canadien. Cependant, leur ratio global de couverture pour les actifs étrangers est demeuré le même.
  • Les banques estiment en moyenne à 1,0172 et 1,0109 respectivement le niveau du dollar canadien retenu par l’ensemble de leurs clients dans leur budget de 2011 et de 2012. 5

Ces thèmes sont décrits dans le détail ci-dessous.

Comment se ventilent les clients, leur risque de change et leurs opérations de couverture?

L’activité de couverture des fonds institutionnels canadiens continue de prédominer dans le volume total des opérations recensées par les banques. Les caisses de retraite sont les plus actives à ce chapitre, suivies des investisseurs et des opérateurs spéculatifs. Du côté des entreprises, le gros des opérations de couverture du risque de change émane des exportateurs.

Globalement, c’est à l’égard du dollar américain que l’exposition des entreprises au risque de change a connu la plus forte progression et à l’égard du yen qu’elle a le plus diminué. Les clients institutionnels établis au Canada ont le plus souvent accru leurs positions en devises; ce sont celles en euros et en dollars australiens qui ont le plus augmenté, alors que celles en dollars américains ont reculé. L’exposition totale aux monnaies des marchés émergents poursuit son avancée tant chez les entreprises que chez les clients institutionnels : les devises latino-américaines et asiatiques ont gagné du terrain, tandis que celles des pays d’Europe de l’Est en ont perdu. De manière générale, les acteurs de marché se montrent plus sélectifs, se tournant vers des régions et des devises particulières plutôt que vers l’ensemble des économies émergentes. Par exemple, les entreprises canadiennes multiplient leurs investissements en infrastructures en Amérique latine. L’exposition des entités étrangères aux actifs canadiens s’est accentuée pendant la période étudiée, bien que, selon certains participants à l’enquête, quelques investisseurs aient récemment réduit légèrement leur exposition à ces actifs étant donné la tenue décevante de la monnaie canadienne comparativement à d’autres options de placement.

Les clients institutionnels et les entreprises continuent de couvrir environ la moitié de leurs positions en devises. Cette proportion n’a pratiquement pas changé depuis l’enquête précédente. Une fraction importante des clients institutionnels possède une politique de couverture du risque de change en bonne et due forme, contre moins de la moitié chez les entreprises. La stratégie de couverture varie selon le type d’entreprise. Par exemple, les exportateurs canadiens ont moins cherché à se protéger et ont raccourci la durée moyenne de leurs couvertures. Le repli du cours des produits de base allié à la vigueur de la monnaie a ainsi assombri leurs résultats. Il semble que les exportateurs aient été réticents à se couvrir parce qu’ils s’attendaient à une dépréciation du dollar canadien 6. À l’opposé, les importateurs canadiens ont accru tant leur ratio de couverture que la durée des couvertures acquises pendant l’année pour tirer profit de la robustesse du dollar canadien.

La durée des instruments de couverture qu’utilisent les deux catégories de clients considérées ne dépasse habituellement pas six mois. Chez les clients institutionnels, la durée est presque toujours inférieure à six mois et la plupart des couvertures sont renouvelées au moyen de swaps de change pour des périodes de un à trois mois. Ces renouvellements ont contribué à la nette hausse du volume des opérations constatée dans le groupe des clients institutionnels.

Dans le cas de la clientèle d’entreprises, les couvertures ont en majorité une durée d’au plus six mois et se répartissent également entre trois fourchettes de durée : moins d’un mois, de un à trois mois et de trois à six mois. Seul un faible pourcentage d’entre elles font l’objet d’un renouvellement, car la plupart des couvertures visent des flux de trésorerie précis.

Le niveau auquel s’établit le dollar canadien est le premier facteur à l’origine des variations de l’activité de couverture parmi les entreprises. Le niveau des cours du produit de base sous-jacent arrive au second rang. Lors de l’enquête précédente, ce dernier facteur avait été cité comme la cause principale des variations. Dans le groupe des investisseurs, les deux grandes sources de variation sont, dans l’ordre d’importance, les fluctuations de la volatilité de l’actif sous-jacent et les activités de rééquilibrage menées en fin de mois ou de trimestre. Le niveau auquel se situe la devise est jugé secondaire.

Le recours aux options sur devises est encore peu répandu, tous clients confondus, surtout à cause des règles comptables et des restrictions découlant des mandats, règles ou politiques en matière de trésorerie (sans oublier qu’il faut obtenir l’approbation du conseil d’administration). La baisse de la volatilité implicite des options pendant l’année écoulée n’a eu aucune incidence sur la demande d’options de la part des entreprises. Par contre, elle aurait stimulé l’utilisation de ce type d’instrument parmi les investisseurs institutionnels. Autre facteur expliquant la hausse légère de la demande : l’intensification de la commercialisation des options auprès des clients institutionnels. Certains participants ont également signalé que les clients se servaient plus volontiers de produits structurés sur devises pour augmenter leurs rendements 7.

Les clients paraissent encore peu nombreux – une très faible proportion d’entreprises et moins du tiers des clients institutionnels – à utiliser pour leurs opérations de couverture les cours de change publiés 8. Tout comme l’avait révélé l’enquête de l’an dernier, les clients institutionnels se servent surtout du cours de clôture à Londres (publié par WM/Reuters à 11 h, heure de l’Est), alors que les entreprises privilégient le taux de change donné par la Banque du Canada à midi (heure de l’Est).

La plupart des participants ont indiqué que la compétitivité des prix s’était renforcée au cours des douze mois précédents, mais aucun facteur explicatif n’émerge clairement. Par exemple, le nombre des partenaires bancaires retenus par les clients n’a pas augmenté de façon générale, comme ce fut le cas après la débâcle de Lehman Brothers, bien que certaines banques aient évoqué une telle hausse. Ont aussi été mentionnés l’arrivée de nouveaux venus sur le marché canadien, la concurrence plus vive que se livrent les opérateurs de change pour attirer la clientèle de détail et le recours accru aux systèmes de négociation électronique. Il en a résulté un resserrement des écarts entre les cours acheteur et vendeur dans ces systèmes, de même qu’une plus grande efficience dans l’exécution des opérations de change, d’où une progression des volumes. La négociation électronique demeure essentiellement l’apanage des clients institutionnels. Parmi les entreprises, le taux de pénétration reste faible et lié à leur taille.

Le prix des produits de change est davantage influencé par le coût du crédit que dans le passé. Les banques ont de plus en plus tendance à faire assumer le coût du crédit (le coût associé au risque de contrepartie) par le client, surtout dans le cas d’instruments de long terme, et ce, malgré la forte compétitivité des prix. Cependant, bon nombre de banques ont souligné que cette compétitivité les empêchait d’en faire autant pour les opérations de courte durée (au plus deux ans).

Globalement, les changements imminents dans la réglementation financière des marchés des changes n’ont eu jusqu’ici que peu d’effet sur les décisions des clients quant à la couverture de leur risque de change, étant donné l’ampleur indéterminée des changements à venir et le moment incertain de leur mise en œuvre, constamment reportée. D’après certaines banques, les clients s’attendent à ce que les coûts de transaction augmentent par suite des modifications actuellement à l’étude. L’inquiétude exprimée varie selon la taille et la complexité de l’entité. Les grandes entreprises américaines en particulier consacrent des ressources à l’analyse des incidences éventuelles des changements qui seront apportés à la réglementation.

Quelles sont les attentes des participants par rapport au niveau du dollar canadien et à son effet sur leurs clients?

L’incidence des mouvements et du niveau du dollar canadien sur les revenus a varié selon le type de clientèle. Pour les exportateurs canadiens, cette incidence a été modérément négative, alors qu’elle a été modérément favorable pour les importateurs canadiens.

Les participants ont aussi été invités à estimer le niveau du dollar canadien que leurs clients ont retenu dans leur budget de 2011 et de 2012. Selon leurs estimations (présentées aux Tableaux 1 à 3), la moyenne des cours postulés par les entreprises et les clients institutionnels, aussi bien pour 2011 que pour 2012, se situe au centre de la fourchette dans laquelle le dollar a évolué durant la dernière année. Toutefois, la plage des estimations est relativement large : elle va de 10 à 14 cents pour 2011 et de 13 à 17 cents pour 2012. De plus, contrairement aux attentes exprimées lors de l’enquête précédente, on prévoit que le dollar canadien se dépréciera légèrement en 2012 comparativement à cette année.

Lors des entretiens individuels, on a demandé aux banques d’indiquer les seuils que devrait franchir le dollar canadien selon eux pour que les entreprises modifient leur comportement en matière de couverture. Dans le cas des exportateurs, dont un grand nombre n’achèterait aucune protection, un taux de change à 1,10 était généralement perçu comme un seuil crucial susceptible de les amener à réévaluer leurs besoins de couverture à la hausse. De nombreux exportateurs avaient prévu un recul du dollar canadien et réduit en conséquence leur couverture alors même que celui-ci affichait de la vigueur. Récemment, la monnaie canadienne s’est rapprochée de la parité avec la devise américaine, ce qui a poussé les exportateurs à accroître leurs couvertures et incité certains d’entre eux à en prolonger la durée.

Les banques ont néanmoins souligné que plus de la moitié de leurs clients exportateurs exercent leurs activités en dollars américains, puisqu’il s’agit principalement de producteurs de matières premières dont les recettes se chiffrent surtout en cette devise. Ces exportateurs sont nombreux à acheter des dollars canadiens exclusivement pour régler les dépenses engagées au Canada et à réserver leurs dollars américains au financement d’autres activités à l’échelle mondiale. D’après les banques, si les exportateurs sont mieux placés pour composer avec la force du dollar canadien qu’ils ne l’étaient en 2007, il reste que beaucoup d’entre eux comptaient l’an dernier sur une montée des cours des produits de base pour compenser l’appréciation du dollar canadien. Or, depuis quelque temps, le faible niveau de ces cours a obligé les exportateurs à suivre de plus près les mouvements du dollar canadien et réduit l’efficacité de leur protection naturelle contre la vigueur de celui-ci. Les participants sont d’avis qu’un taux de change oscillant entre 0,99 et 0,95 pousserait les importateurs à se prémunir davantage contre un repli du dollar canadien, encore que la plupart des importateurs soient perçus comme particulièrement bien protégés. Il convient de mentionner certains commentaires selon lesquels la robustesse de la monnaie canadienne a permis à des entreprises de se doter d’une couverture intégrale à l’égard de leurs emprunts en devises ou de rembourser ces derniers à un coût avantageux.

Tableau 1 : Estimation par les participants du niveau moyen du dollar canadien qu’ont retenu leurs clients (entreprises et institutions) dans leur budget de 2011 et de 2012*


2011

2012

Moyenne

1,0172 (0,9833)

1,0109 (0,9893)

Haut (bas)

1,1008 (0,9084)

1,1047 (0,9053)

Bas (haut)

0,9412 (1,0625)

0,9335 (1,0713)

* La valeur du dollar canadien exprimée en dollars américains est donnée entre parenthèses.

Tableau 2 : Estimation par les participants du niveau moyen du dollar canadien qu’ont retenu les entreprises dans leur budget de 2011 et de 2012*


2011

2012

Moyenne

0,9929 (1,0071)

1,0198 (0,9806)

Haut (bas)

1,0397 (0,9618)

1,0665 (0,9377)

Bas (haut)

0,9412 (1,0625)

0,9346 (1,0700)

* La valeur du dollar canadien exprimée en dollars américains est donnée entre parenthèses.

Tableau 3 : Estimation par les participants du niveau moyen du dollar canadien qu’ont retenu les institutions dans leur budget de 2011 et de 2012*


2011

2012

Moyenne

1,0294 (0,9714)

1,0065 (0,9936)

Haut (bas)

1,1008 (0,9084)

1,1047 (0,9053)

Bas (haut)

0,9577 (1,0442)

0,9335 (1,0713)

* La valeur du dollar canadien exprimée en dollars américains est donnée entre parenthèses.

Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec l’une des personnes suivantes :


Analyste principal
Département des Marchés financiers
613 782-8013


Analyste principale
Département des Marchés financiers
613 782-8684

  1. 1. Les opinions exprimées dans cette synthèse résument les commentaires des représentants des banques qui ont rempli un questionnaire sur les pratiques de leurs clientèles d’entreprises et d’institutions en matière de couverture du risque de change lié au dollar canadien. Ces opinions ne reflètent donc pas nécessairement le point de vue de la Banque du Canada.[]
  2. 2. Les institutions suivantes ont participé à l’enquête : Bank of America Merrill Lynch, la Banque HSBC (Canada), Barclays Capital, BMO Marchés des capitaux, BNP Paribas, Citigroup, la Deutsche Bank, Groupe Financière Banque Nationale, JPMorgan, Marchés mondiaux CIBC, RBC Marchés des Capitaux, Scotia Capitaux, State Street Global Markets (Canada) et Valeurs mobilières TD.[]
  3. 3. Pendant l’enquête, la valeur du dollar canadien a oscillé entre 0,9974 et 1,0630 dollar américain. Le taux de change moyen pour la période s’est établi à 1,0282.[]
  4. 4. Les banques ont été priées de décrire globalement les activités des clients, au lieu de dresser un portrait quantitatif des transactions de ces derniers. En outre, il peut se révéler très difficile pour elles, dans certains cas, de discerner la nature exacte ou le but précis d’une opération de change.[]
  5. 5. L’estimation du CAD/USD fut entre 0.9412 et 1.1008 pour 2011 et entre 0.9335 et 1.1047 pour 2012.[]
  6. 6. La grande volatilité des taux de change en août, lorsque le dollar canadien est redescendu à la parité avec le dollar É.-U., a incité quelques exportateurs à augmenter leurs couvertures à long terme afin de profiter de la faiblesse de la monnaie canadienne.[]
  7. 7. Les options structurées sur devises sont une forme plus complexe de contrats (stratégies) d’option qui servent habituellement à diminuer le coût de l’option.[]
  8. 8. Ces cours sont calculés à un moment précis de la journée en se fondant sur les taux négociés ou affichés, selon la méthode utilisée.[]