Déclaration préliminaire devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes
Merci de nous donner la possibilité de témoigner ici aujourd’hui.
L’évolution économique et financière récente
Au cours des dernières semaines, plusieurs risques à la baisse entourant la projection énoncée par la Banque dans la livraison de juillet du Rapport sur la politique monétaire se sont matérialisés. La crise de la dette souveraine en Europe s’est intensifiée, la cote de crédit des États-Unis a été abaissée et une vaste gamme de données ont révélé un ralentissement de la croissance mondiale.
Les États-Unis vivent la plus faible reprise qu’ils aient connue depuis la Grande Dépression. Ce n’est guère surprenant puisque l’histoire nous enseigne que les récessions qui s’accompagnent d’une crise financière sont généralement plus profondes et sont suivies d’une reprise deux fois plus longue. Les récentes révisions apportées aux données de référence indiquent que la récession américaine a été encore plus profonde, et la reprise qui a suivi le creux, encore plus modeste que ce qui avait été annoncé précédemment.
La Banque s’attend à ce que les ménages américains continuent à restreindre leurs dépenses étant donné leur niveau d’endettement élevé, le recul important de leur richesse et la situation difficile sur le marché du travail. En outre, les stimulants budgétaires aux États-Unis se transformeront bientôt en freinage budgétaire.
Depuis plus d’un an, la Banque est préoccupée par les perspectives de résolution des tensions internes au sein de la zone euro. Certaines de ces craintes sont maintenant confirmées : les difficultés budgétaires et financières aiguës en Europe ont engendré une baisse généralisée de l’appétit pour le risque et pourraient entraîner des bouleversements plus graves sur les marchés mondiaux du financement.
Face aux incertitudes en Europe et aux signes d’un ralentissement de la croissance mondiale, les cours des actions et des produits de base ont fortement baissé et la volatilité sur les marchés financiers s’est vivement intensifiée. Les répercussions sur les marchés financiers canadiens ont été moins marquées mais sont tout de même notables. Il importe de souligner que les actions canadiennes ont affiché une bien meilleure tenue que leurs pendants américains, britanniques et européens et que nos marchés de financement essentiels ont continué de fonctionner de façon ordonnée. Cette évolution contribuera à assurer des flux de crédit appropriés aux ménages et aux entreprises du Canada.
Les événements récents nous rappellent que, dans un monde submergé par les dettes, l’assainissement du bilan des banques, des ménages et des pays va prendre des années. Par conséquent, le rythme, le profil et la variabilité de la croissance à l’échelle du globe se modifient, et le Canada doit s’adapter.
Bref, les forts vents contraires extérieurs auxquels la Banque fait référence depuis longtemps soufflent maintenant plus fort. Pour les producteurs canadiens, la vigueur persistante du dollar canadien accentue la faiblesse de la demande américaine. En grande partie sous l’effet de ces facteurs externes, les données canadiennes récentes laissent présager une croissance minimale ou légèrement négative au deuxième trimestre. Parallèlement, l’évolution du marché du travail et les intentions d’investissement des entreprises donnent à penser que l’économie canadienne demeurera vigoureuse.
La Banque prévoit toujours que la croissance s’accélérera au deuxième semestre, à la faveur des investissements des entreprises et des dépenses des ménages. Le dynamisme continu des principales économies émergentes devrait également contribuer à maintenir les prix des produits de base à des niveaux relativement élevés. Cependant, par rapport aux attentes que nous avons exposées précédemment, nous anticipons une légère baisse du rythme de l’activité économique à l’échelle mondiale et, par conséquent, au Canada, ce qui aura des répercussions sur le taux d’utilisation des ressources et les pressions inflationnistes.
Considérations relatives aux politiques
Depuis le début de la crise, la stratégie économique globale a consisté à favoriser une croissance de la demande intérieure face à ces forts vents contraires extérieurs et à encourager les entreprises canadiennes à se moderniser et à se réorienter en fonction de la nouvelle économie mondiale.
En réaction à la récession prononcée et synchronisée à l’échelle du globe, la Banque a abaissé rapidement le taux cible du financement à un jour pour l’établir au plus bas niveau possible. Elle a presque doublé son bilan afin de fournir des liquidités exceptionnelles au secteur financier. Elle a aussi donné des indications extraordinaires quant à la trajectoire probable du taux directeur grâce à l’engagement conditionnel qu’elle a pris.
Les programmes de relance budgétaire mis en œuvre par les gouvernements fédéral et provinciaux ont fourni un soutien additionnel important à la demande intérieure et contribué de façon marquée à la croissance économique du Canada en 2009 et 2010.
Grâce à la vigueur sous-jacente de nos facteurs fondamentaux, notamment la résilience de notre système financier, ces politiques se sont révélées très efficaces. La demande intérieure au pays a crû plus de deux fois plus vite qu’aux États-Unis. Le Canada a récupéré toute la production et environ 140 % des emplois perdus pendant la récession. Et la stabilité des prix a constamment été maintenue.
Comme le ministre des Finances l’a souligné, à juste titre, et comme l’évolution récente l’a fait ressortir, la viabilité des finances publiques est fondamentale. Il est essentiel de conserver l’avantage dont jouit le Canada à ce chapitre au moyen d’un plan d’assainissement budgétaire mis en œuvre à un rythme approprié, conformément aux engagements pris au sommet du G20 qui s’est déroulé à Toronto.
De même, les prêts octroyés au secteur privé ne peuvent croître de façon illimitée. Les Canadiens sont aujourd’hui aussi endettés que les Américains et les Britanniques.
Dans un contexte caractérisé par des taux d’intérêt exceptionnellement bas, nous devons veiller à ne pas répéter les erreurs d’autres pays, qui doivent maintenant relever le défi de réduire en même temps le niveau insoutenable de leur endettement public et privé.
La politique de la Banque
Dans ce contexte extérieur difficile, la Banque continuera de soutenir l’expansion économique du Canada de cinq façons.
Premièrement, la meilleure contribution que la politique monétaire puisse apporter consiste à maintenir l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible. La politique monétaire est axée sur la cible de 2 % que nous visons pour l’inflation mesurée par l’IPC global. Il s’agit d’un engagement symétrique. Autrement dit, la Banque est tout aussi préoccupée quand l’inflation tombe sous la cible que lorsqu’elle la dépasse.
Depuis l’éclatement de la crise, la Banque a démontré sa flexibilité et sa rapidité à réagir dans la conduite de la politique monétaire. À mesure que la reprise au Canada a progressé, nous avons insisté sur le fait que nous ferions preuve de prudence en ce qui a trait à toute réduction possible du degré de détente monétaire.
Comme nous l’avons souligné dans la plus récente livraison du Rapport sur la politique monétaire, notre approche reposera toujours sur une analyse approfondie et réfléchie et sur un jugement éclairé, plutôt que sur des règles mécaniques. Ce point est particulièrement important dans le contexte actuel, où soufflent de forts vents contraires extérieurs. Bien évidemment, si les perspectives concernant la croissance et l’inflation changent, l’orientation de la politique monétaire sera modifiée en conséquence.
Deuxièmement, la Banque prendra les mesures nécessaires afin que les marchés de financement essentiels demeurent liquides. En cas de choc systémique majeur, la Banque dispose d’un large éventail d’outils pour fournir des liquidités exceptionnelles conformément à un cadre fondé sur des principes. Parallèlement, les liquidités de la banque centrale ne doivent pas remplacer une saine gestion des risques par les institutions financières privées. C’est pourquoi la Banque continuera de collaborer avec le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) afin de prévenir l’aléa moral, en veillant à ce que les banques privées conservent des réserves de liquidités adéquates.
Troisièmement, nous devons continuer de rendre le système financier plus résilient, au Canada et à l’échelle mondiale. Les événements récents font ressortir l’importance d’appliquer les réformes financières du G20, notamment les exigences de fonds propres et de liquidité prévues dans l’accord de Bâle III. Étant donné la position de chef de file qu’occupent nos banques et la concordance entre les nouvelles normes et celles du Canada, ce n’est pas le moment pour notre pays de passer d’élève modèle à dernier de classe. De plus, il est dans l’intérêt du Canada de voir à ce que les autres suivent son exemple. Le risque qu’une nouvelle crise financière étrangère ne vienne secouer son économie s’en trouvera ainsi réduit.
Quatrièmement, la Banque continuera de travailler de concert avec ses partenaires fédéraux pour surveiller les risques pesant sur la stabilité financière et mettre au point les moyens d’intervention appropriés. Citons l’exemple de l’approche pondérée adoptée pour faire face à l’endettement croissant des ménages. Depuis 2008, le gouvernement fédéral a pris, en temps opportun, une série de mesures prudentes afin de resserrer les exigences de l’assurance hypothécaire et de favoriser ainsi la stabilité à long terme du marché canadien du logement.
Enfin, comme les risques les plus grands pour notre économie proviennent de l’étranger, la Banque doit travailler avec ses collègues internationaux alors qu’ils s’attaquent au double défi que représente la réduction du niveau excessif de la dette privée et de la dette publique. La situation est particulièrement sérieuse en Europe, où des plans budgétaires nationaux crédibles doivent s’accompagner de vastes changements des mécanismes budgétaires et de gouvernance économique européens. Nous sommes en discussions constantes et intensives avec nos collègues européens, de façon bilatérale et dans le cadre du G7, du G20, de la Banque des Règlements Internationaux et du Conseil de stabilité financière.
Comme la Banque l’a souligné à maintes reprises, le principal défi consiste à rééquilibrer la demande entre les pays avancés et les pays émergents. À cette fin, la Banque investit dans les efforts déployés actuellement par le G20 pour élaborer un cadre favorisant la libre circulation des capitaux; elle collabore avec le Conseil de stabilité financière afin d’élaborer et de mettre en œuvre de vastes réformes financières; et elle travaille étroitement avec ses collègues du ministère des Finances afin d’orienter le Cadre du G20 pour une croissance forte, durable et équilibrée. Ce rééquilibrage exigera des changements importants aux politiques budgétaires, structurelles et de taux de change de nombreux pays.
En conclusion, les défis qui se présentent dans le contexte économique mondial actuel sont importants, mais les occasions qui s’offrent au Canada le sont tout autant. La situation financière de nos entreprises et de nos administrations publiques est saine, nos institutions financières comptent parmi les plus résilientes du globe, et notre économie peut être adaptée aux sources futures de croissance mondiale. Pour tirer parti de ces avantages, nous devrons continuer d’investir massivement en vue d’améliorer la productivité, et consentir des efforts soutenus en matière d’innovation afin de développer de nouveaux marchés.
Pour sa part, la Banque dispose d’une vaste gamme d’outils et de moyens d’action qu’elle continuera à utiliser au besoin pour faire en sorte que les Canadiens puissent saisir ces occasions dans un cadre de stabilité macroéconomique et financière nationale.