Les trois R : Revoir, Réfléchir et Réaffirmer
Le mois de septembre est le moment propice pour revoir le passé, réfléchir sur le présent et réaffirmer les objectifs pour l'avenir. Tout comme les élèves qui ont repris le chemin de l'école ce mois-ci, je vais me soumettre à cette discipline annuelle aujourd'hui et a) revoir les événements extraordinaires de la dernière année, b) réfléchir sur les mesures d'intervention officielles qui ont été prises ainsi que sur les perspectives économiques actuelles et c) réaffirmer l'engagement de la Banque du Canada à l'égard de la stabilité des prix. Même si, cette année, septembre apporte des signes d'un regain de vigueur de l'activité à l'échelle du globe, la reprise en est à ses balbutiements et est alimentée presque entièrement par les politiques publiques. À moyen terme, un transfert difficile devra s'opérer : la croissance devra être favorisée par le secteur privé et non plus par le secteur public. À long terme, la restructuration fondamentale dont fera l'objet l'économie mondiale rendra la conjoncture économique difficile.
Revoir
Il y a un an, nous étions plongés dans la crise économique la plus grave que nous ayons connue depuis la Grande Dépression. De grandes institutions avaient fait faillite et le fonctionnement même du système financier mondial était menacé. Presque tous les actifs financiers du monde étaient réévalués : les marchés boursiers se sont effondrés, les écarts de crédit se sont fortement creusés et la volatilité des taux de change s'est accrue considérablement. La crise financière aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Europe continentale s'est rapidement propagée par la voie des liens financiers, des échanges commerciaux et de la confiance, provoquant ainsi une récession synchronisée et profonde d'envergure mondiale.
Les principales banques centrales ont réagi immédiatement en fournissant un apport exceptionnel de liquidités totalisant des centaines de milliards de dollars afin d'assurer le fonctionnement continu du système. Le 8 octobre, les banques centrales des pays du G10, dont la Banque du Canada, ont procédé à une réduction concertée exceptionnelle de leurs taux d'intérêt de l'ordre de 50 points de base, la première depuis les attentats terroristes du 11 Septembre. Quelques jours plus tard, les pays du G7 ont adopté une mesure décisive. Lors d'une réunion historique tenue le 10 octobre 2008, ceux-ci, y compris le Canada, ont pris les engagements suivants :
- Recourir à tous les moyens à notre disposition pour soutenir les institutions financières d'importance systémique et prévenir leur défaillance.
- Prendre toutes les mesures nécessaires afin de veiller à ce que les banques et les autres institutions financières aient un large accès aux liquidités et au financement.
- Veiller à ce que nos banques puissent mobiliser, auprès de sources publiques et privées, des capitaux en quantité suffisante pour rétablir la confiance et pouvoir continuer à accorder des prêts aux ménages et aux entreprises.
Le caractère ambitieux et la clarté de ces engagements étaient sans précédent. Dans les pays au coeur de la crise, les gouvernements ont recapitalisé les banques et garanti leurs emprunts, et les banques centrales ont encore augmenté l'octroi de liquidités. Dans certains cas, les dépenses engagées par les gouvernements pour venir en aide au secteur financier ont atteint 25 % du PIB, ce qui est remarquable. En effet, de par leur ampleur, elles étaient comparables à celles qui sont faites en temps de guerre, mais elles étaient affectées à une calamité survenant en temps de paix.
Au début de cette année, même si le système financier s'était éloigné du bord de l'abîme, les perspectives économiques semblaient extrêmement incertaines. Le paradoxe de l'épargne - selon lequel les actions rationnelles sur le plan individuel sont dommageables sur le plan collectif - battait son plein. Le choc et la gravité de la crise avaient fortement ébranlé la confiance des entreprises et des ménages. Les entreprises différaient leurs projets d'investissement et se constituaient des réserves de liquidités. De même, les ménages reportaient leurs gros achats et accumulaient une épargne de précaution. Les banques de partout dans le monde diminuaient leurs prêts et thésaurisaient. En conséquence, la production industrielle et les échanges internationaux étaient en chute libre.
Néanmoins, même si cette opinion n'était guère partagée à l'époque, la Banque jugeait que les mesures d'intervention officielles propres à favoriser la reprise étaient mises en oeuvre et que la croissance reprendrait plus tard dans l'année. La rapidité et l'ampleur des mesures de politique monétaire étaient déjà considérables. En avril, la plupart des grandes banques centrales avaient abaissé leurs taux directeurs aux niveaux les plus bas jamais observés, et certaines sont allées encore plus loin en adoptant des stratégies non traditionnelles, parmi lesquelles l'assouplissement direct du crédit et l'assouplissement quantitatif. Au cours de la même période, des mesures importantes de relance budgétaire étaient adoptées partout dans le monde pour soutenir la demande. Enfin, dans le cadre du processus du G20, des réformes énergiques étaient entreprises afin d'accroître la stabilité et l'efficience du système financier mondial.
Le message de la Banque au cours de la dernière année a été relativement simple : « Il y a un plan pour rétablir la confiance et la croissance, nous sommes en train de l'appliquer et il va fonctionner. » La Banque prévoit depuis longtemps que les effets combinés des mesures d'intervention officielles s'accumuleront au fil du temps et se feront pleinement sentir en 2010. Et nous avons toujours escompté que ces effets seraient particulièrement prononcés au Canada grâce à divers facteurs : la rapidité et l'ampleur des mesures de politique monétaire, les mesures de relance budgétaire, la robustesse de notre système financier et la santé relative des bilans des entreprises et des ménages canadiens. Il apparaît maintenant que ces attentes commencent à se réaliser.
Réfléchir
De fait, on observe de plus en plus de signes que l'activité a commencé à se redresser dans de nombreux pays. La croissance reprendra probablement dans toutes les grandes économies au cours du présent trimestre et le rythme de l'expansion à l'échelle internationale l'an prochain devrait même être supérieur à ce que la Banque avait prévu dans la dernière livraison du Rapport sur la politique monétaire. Même si la reprise commence à peine et qu'elle est faible, le fait qu'elle survienne incite néanmoins certaines personnes à se demander : Pourquoi toute cette agitation? S'agissait-il vraiment de la Grande Récession?
Ces premiers succès ne devraient pas nous amener à relâcher notre vigilance. C'est uniquement grâce aux mesures décisives et sans précédent prises par les pays du G20 que la chute de l'économie a été stoppée et que la demande mondiale a commencé à se redresser. Étant donné l'ampleur des ajustements fondamentaux qui continuent d'être opérés, la reprise à l'échelle du globe devrait être lente. En d'autres termes, nous sommes peut-être sur la bonne voie, mais nous avons une longue route à parcourir.
À l'avenir, il sera important de faire la distinction entre la croissance favorisée par la mise en oeuvre de politiques, à court terme; le dynamisme de la demande privée, à moyen terme; et la capacité de l'économie mondiale de relever les défis à long terme que cette crise a mis au jour.
Les perspectives à court terme : la croissance favorisée par la mise en oeuvre de politiques
La reprise naissante d'envergure mondiale découle en grande partie des mesures de politiques exceptionnelles qui ont été prises au cours de la dernière année. Aux États-Unis, les versements de prestations de sécurité sociale, les crédits d'impôt et les programmes provisoires d'incitation à l'achat, comme la « prime à la casse », ont une incidence considérable sur la demande. Parallèlement, au Japon, les transferts de l'État aux particuliers ont fortement stimulé la consommation de façon temporaire. En Chine, la demande intérieure a aussi été plus vigoureuse qu'escompté à l'origine, mais, dans ce pays également, il ne faudrait pas sous-estimer l'influence des politiques. Parmi les interventions cruciales qui y ont été faites, notons les mesures de relance budgétaire estimées à 5,5 % du PIB et la hausse de 34 % des prêts consentis par les banques, des banques d'État pour la plupart.
Les conditions financières internationales se sont nettement améliorées, même si le degré de tension financière était élevé. Les écarts se sont rétrécis, l'émission d'obligations de sociétés a été très importante et les marchés boursiers se sont redressés et avoisinent maintenant les niveaux auxquels ils se situaient avant la faillite de Lehman Brothers. Toutefois, dans la plupart des grandes économies, le crédit bancaire est limité et les modalités non tarifaires des prêts se sont durcies. Dans l'ensemble, le système financier mondial demeure tendu et de nombreux marchés, notamment les marchés américains des prêts interbancaires et de la titrisation, bénéficient toujours du soutien de l'État.
Du côté des entreprises, en raison du recul marqué de l'activité survenu dans le monde plus tôt cette année, les firmes se sont retrouvées avec des niveaux de stocks beaucoup plus élevés qu'elles ne l'auraient voulu. La réduction radicale de leur production par la suite a donné lieu à une liquidation massive des stocks. À l'heure actuelle, le cycle des stocks a commencé à s'inverser à la faveur de la remontée attendue des ventes. Ce mouvement stimulera fortement la croissance, mais de façon temporaire.
Dans ce contexte, l'activité s'est redressée au Canada. La reprise dans notre pays sera soutenue par la situation financière relativement bonne des Canadiens, l'efficacité de notre système financier, l'à-propos des mesures de politique monétaire et le renchérissement récent des produits de base. Comme nous l'avons signalé dans notre communiqué annonçant notre décision concernant le taux directeur plus tôt ce mois-ci, la progression du PIB au Canada pourrait être plus vigoureuse pendant le deuxième semestre de 2009 que la Banque ne l'entrevoyait dans la livraison de juillet du Rapport sur la politique monétaire.
Il convient toutefois de reconnaître l'importance des facteurs temporaires. Par exemple, la vigueur des ventes de maisons existantes tient notamment à la demande refoulée découlant de l'hésitation des ménages à effectuer des dépenses de consommation au plus fort de la crise. En outre, l'accessibilité à la propriété s'est beaucoup améliorée en raison du très bas niveau des taux d'intérêt. Citons également la production automobile au Canada, qui devrait plus que doubler (en chiffres annuels désaisonnalisés) au troisième trimestre. Ce bond est principalement attribuable à la reprise de la production, qui avait cessé lorsque d'importants fabricants d'automobiles ont restructuré leurs opérations plus tôt cette année, ainsi qu'à la nécessité de reconstituer les stocks qui ont diminué à la suite du programme de prime à la casse mis en oeuvre aux États-Unis.
Cette dynamique peut commencer à réduire les capacités inutilisées dans l'économie. Il ne faut toutefois pas oublier qu'il existe actuellement un écart très important entre le potentiel de production, ou l'offre globale, et la demande globale de notre production. De nombreuses indications attestent d'ailleurs de ce fait. Ainsi, les taux d'utilisation des capacités dans le secteur de la fabrication se situent à leurs niveaux les plus bas enregistrés depuis au moins un quart de siècle, le taux de chômage a augmenté de 2,9 points de pourcentage pour se situer à son niveau le plus élevé en onze ans et demi, et, selon les résultats de l'enquête de la Banque sur les perspectives des entreprises parus en juillet, seulement 28 % des firmes auraient de la difficulté à répondre à une hausse inattendue de la demande, soit le chiffre le plus bas observé depuis le 11 septembre 2001. Dans le Rapport de juillet, la Banque estimait que sa mesure habituelle de l'écart de production, un indicateur global de l'écart entre l'offre et la demande globales dans l'économie, atteignait -4,3 %. Il s'agit là de l'écart le plus large, en valeur absolue, constaté depuis le début des années 1980.
Cet important écart de production atténuera les pressions inflationnistes durant la phase initiale de la reprise. Et une croissance soutenue de la demande privée sera nécessaire pour que l'économie retourne à son potentiel.
Les perspectives à moyen terme : le transfert au secteur privé
Les décideurs publics des pays du G20 se sont engagés à maintenir en place les mesures de relance « jusqu'à ce que la reprise soit assurée ». Quels sont les moteurs de cette reprise? Que faudra-t-il pour rester non seulement sur la bonne voie mais aussi dans les délais prévus?
À l'externe, il est important que la demande privée progresse de manière soutenue dans les pays qui se sont trouvés à l'épicentre de la crise, en particulier les États-Unis. Malheureusement, la reprise pourrait s'avérer à la fois difficile et inégale. La montée en flèche du chômage pèsera sur la confiance des consommateurs et la croissance du revenu disponible. En outre, l'assainissement du bilan des ménages prendra un certain temps.
De même, la remise en état des principaux systèmes financiers étrangers n'est pas terminée. La disparition du secteur bancaire parallèle et les tensions persistantes dues à la récession impliquent qu'il faudra une nouvelle restructuration et beaucoup plus de capitaux pour que les conditions financières reviennent complètement à la normale. Entre-temps, le secteur financier continuera de freiner l'expansion dans de nombreux pays industrialisés.
Certains facteurs viennent contrebalancer l'influence de ces vents contraires extérieurs. D'abord, la composition de l'activité aux États-Unis deviendra probablement plus favorable à la croissance de l'économie canadienne. En raison de la tendance récente observée à ce chapitre chez nos voisins du sud, notamment l'anémie des secteurs du logement et de l'automobile, la récession s'est révélée particulièrement difficile à surmonter pour nos entreprises. À mesure que ces secteurs se stabiliseront et se mettront à progresser modestement, la situation se renversera et l'effet sur le Canada sera important.
De plus, si le rythme global de croissance s'annonce modéré à l'échelle mondiale, l'économie canadienne dépendra davantage de l'expansion des marchés émergents en ce qui concerne la demande extérieure. Cela contribuera à soutenir les prix des produits de base de façon importante et, partant, l'économie canadienne à moyen terme. Il reste toutefois à savoir si les marchés émergents seraient en mesure de maintenir une croissance plus vigoureuse de la demande intérieure. À titre d'exemple, l'augmentation rapide des prêts intérieurs pose des problèmes quel que soit le contexte, spécialement dans les pays, telle la Chine, dont le système bancaire est en plein développement.
Dans l'ensemble, on ne peut se fier uniquement au secteur externe pour alimenter la reprise au Canada. Les facteurs intérieurs pourraient jouer un rôle crucial à cet égard. Ainsi que je le mentionnais plus tôt, la contribution des stocks sera temporaire. Le logement devrait être à l'origine d'un certain dynamisme à court terme, mais le niveau de la demande refoulée semble limité. Comme la plupart des mesures de relance budgétaire prendront fin d'ici l'an prochain, ce sont les dépenses des ménages et des entreprises qui devront stimuler l'expansion économique.
La croissance soutenue des dépenses de consommation nécessitera des décisions de la part des ménages qui reposent sur la confiance plutôt que sur le soulagement et qui sont financées par des revenus plutôt que par l'endettement. Le redressement de la croissance du revenu disponible exigera, pour sa part, une amélioration des conditions sur le marché du travail, à commencer par une augmentation du nombre d'heures travaillées, suivie d'une stabilisation puis d'une hausse de l'emploi. Vu les capacités excédentaires au sein de l'économie, ce processus pourrait demander un certain temps.
Les entreprises devront elles aussi faire montre de confiance. Il ne leur suffira pas de reconstituer leurs stocks et d'exploiter à nouveau les capacités inutilisées. Les intentions d'embauche et d'investissement, et par la suite les décisions en matière de dépenses d'investissement et d'emploi, devront également augmenter. Étant donné l'ouverture de notre économie, ces perspectives seront tributaires au premier chef de l'idée que l'on se fait des conditions externes.
En évaluant l'état de la reprise, la Banque ne se limitera pas à un seul point de données. Les indicateurs issus de sondages seront sans doute les premiers à témoigner du revirement, mais il nous faudra attendre la confirmation de statistiques plus probantes. Au bout du compte, notre évaluation s'appuiera sur des éléments d'information fournis par toute une gamme d'indicateurs.
Des risques importants continuent de peser sur les perspectives concernant l'inflation. Parmi les risques à la hausse, mentionnons un rétablissement plus rapide que prévu de la confiance des ménages et des entreprises et une nouvelle amélioration de nos termes de l'échange. Du côté des risques à la baisse, qui sont liés pour l'essentiel à des facteurs extérieurs, notons des difficultés associées à la réparation en cours du système financier mondial ainsi qu'une atonie plus durable de la demande privée étrangère. En outre, la possibilité que la vigueur du dollar canadien persiste viendrait contrecarrer les facteurs positifs que je viens de mentionner. La hausse récente du dollar tient en partie aux mêmes facteurs qui alimentent la reprise au Canada, notamment la remontée des cours des produits de base. Elle est également liée à un affaiblissement plus généralisé de la devise américaine, étant donné la normalisation des conditions financières dans le monde. Toutes choses égales par ailleurs, une vigueur persistante du dollar canadien réduirait la croissance réelle et retarderait le retour de l'inflation à la cible visée.
La Banque évaluera la résultante des risques entourant l'inflation dans sa prochaine livraison du Rapport sur la politique monétaire. Même si le taux directeur se situe à sa valeur plancher, la Banque conserve une flexibilité considérable dans la conduite de la politique monétaire.
Les perspectives à long terme : un contexte mondial plus difficile
À long terme, le profil et le rythme de la croissance mondiale se trouveront considérablement modifiés. Ce qu'il est convenu d'appeler la Grande Récession aura de profondes répercussions. Le taux d'accroissement de la production potentielle au sein de l'économie du globe a vraisemblablement diminué dans la foulée de la crise et prendra un certain temps à se redresser. Le coût budgétaire qu'il a fallu payer pour mettre un frein à la dégringolade devra d'abord être contenu puis remboursé sur de nombreuses années. Plus fondamentalement, les sources de demande devront se rééquilibrer tant à l'intérieur des économies qu'entre elles.
Pour relever ces défis, des mesures difficiles et de grande envergure seront requises dans toutes les économies. Une fois la reprise assurée, il faudra des efforts concertés dans la plupart des pays afin de restaurer la viabilité des finances publiques. Cette nécessité est particulièrement criante dans les pays menacés par des pressions démographiques et dotés de régimes d'avantages sociaux insoutenables. Les pressions budgétaires pourraient aussi se faire sentir avec plus d'acuité si le rééquilibrage de la croissance mondiale échoue. Comme en font foi les récentes réunions du G20, de grandes réformes sont indispensables pour accroître la résilience et l'efficience du système financier mondial. De plus, compte tenu de la brusque hausse du chômage et des changements notables qui risquent de toucher la croissance mondiale, les réformes structurelles visant à améliorer la souplesse du marché du travail et à recycler les travailleurs revêtiront une grande importance. Enfin, les pays en excédent qui ont besoin de stimuler leur demande intérieure, comme la Chine, devront adopter un programme complet de réformes structurelles. Les réformes nécessaires pour améliorer les régimes de protection sociale et libéraliser le secteur financier intérieur sont complexes et mettront des années avant de porter leurs fruits. Elles doivent également être complétées par des ajustements appréciables des taux de change réels des pays en déficit et de ceux en excédent.
Réaffirmer
Face à ces défis et à ces incertitudes, la crédibilité de la politique macroéconomique est essentielle. S'il existe une constante, c'est la détermination inébranlable de la Banque à maintenir la stabilité des prix. La contribution la plus directe que la politique monétaire puisse apporter à la bonne tenue de l'économie consiste à donner aux Canadiens et aux Canadiennes l'assurance que leur monnaie conservera son pouvoir d'achat. Cela signifie qu'elle a pour objet de garder l'inflation à un niveau bas, stable et prévisible. La stabilité des prix a pour effet de diminuer l'incertitude, de réduire au minimum les coûts de l'inflation, d'abaisser le coût du capital et de créer un climat dans lequel les ménages et les entreprises peuvent investir et faire des projets d'avenir.
La Banque poursuit un seul objectif en matière de politique monétaire, à savoir l'atteinte de la cible d'inflation de 2 % qu'elle s'est fixée. Le fait d'avoir un objectif simple et crédible de stabilité des prix s'est avéré extrêmement utile durant la crise et devrait continuer de l'être lorsque nous en sortirons. La Banque suit une approche symétrique pour ce qui est de la maîtrise de l'inflation. Autrement dit, nous sommes tout aussi préoccupés lorsque l'inflation tombe au-dessous de la cible que lorsqu'elle la dépasse. Le régime de cibles d'inflation permet tout aussi bien de prévenir l'enracinement d'une inflation élevée et volatile que d'empêcher le déclenchement d'une déflation persistante. C'est pourquoi les attentes d'inflation sont demeurées solidement arrimées à la cible de 2 % de la Banque.
La capacité de maîtriser les attentes d'inflation a contribué à maintenir les taux d'intérêt réels à un bas niveau et à procurer le degré de détente monétaire nécessaire. Le point d'ancrage pour l'inflation est toujours essentiel, même lorsque l'orientation donnée est extraordinaire. C'est pour cette raison que l'engagement actuel de la Banque – de maintenir le taux cible à sa valeur plancher jusqu'à la fin du deuxième trimestre de 2010 – dépend explicitement des perspectives de l'inflation.
Qu'on ne s'y trompe pas : la Banque juge que son taux directeur devrait demeurer à 1/4 % au moins jusqu'à la fin de juin l'an prochain pour pouvoir atteindre sa cible d'inflation de 2 %. Cet engagement conditionnel ne laisse nullement entrevoir ce qui se produira après la fin du deuxième trimestre de 2010. Il ne constitue pas non plus une garantie que les taux vont absolument demeurer au niveau actuel. Bref, il s'agit d'une attente et non d'une promesse. Si les circonstances qui influent sur les perspectives de l'inflation devaient se modifier de façon importante, l'engagement conditionnel changerait lui aussi. La seule constante est que la Banque établira toujours la politique monétaire de façon à réaliser la cible d'inflation.
Conclusion
Je dirai, en conclusion, que s'il y a une leçon qu'il convient de bien comprendre, c'est que les politiques comptent. L'adoption de politiques énergiques a permis de stopper la chute libre de l'économie provoquée par la crise financière. Ce sont les actions des pouvoirs publics qui stimulent la reprise initiale. Les décideurs devront faire preuve d'adresse pour maintenir en place les mesures de relance suffisamment longtemps pour que la demande privée assume le fardeau d'assurer la croissance, mais pas trop longtemps, au risque de miner la confiance et la durabilité de cette croissance. Même une fois accompli ce tour de force, les retombées de la crise exerceront des pressions considérables sur les politiques structurelles de tous les pays, y compris le Canada.
Les récents événements ont marqué un tournant décisif. Une restructuration massive et soutenue de l'économie mondiale s'est amorcée. Le Canada entame cette période muni de nombreux atouts, mais les efforts qu'il nous faudra consentir seront sans précédent. Nos entreprises devront développer de nouveaux marchés à mesure que l'avantage historique d'un accès relativement ouvert aux marchés américains perdra de son importance. La Banque du Canada continuera de revoir les grandes forces mondiales que j'ai décrites aujourd'hui, d'y réfléchir et d'en rendre compte. Comme je l'ai réaffirmé, sa principale contribution consistera à atteindre systématiquement sa cible d'inflation, de sorte que les Canadiens puissent planifier et investir en toute confiance.