La réaction de la Banque du Canada aux turbulences financières : un processus continu
Bonjour. Il y a un peu plus d'un an, les premiers effets d'une série de turbulences financières se faisaient sentir. L'agitation qui a secoué les marchés financiers au cours de la dernière année a été difficile pour un grand nombre de particuliers et d'entreprises et leur a coûté cher; elle a posé de multiples problèmes aux décideurs publics et a eu des répercussions sur l'ensemble de l'économie. Mais l'épisode a aussi amené de nombreux acteurs à réexaminer leur façon d'évaluer les risques, à remettre en question les pratiques de gestion du risque et à améliorer les politiques et les opérations. Ce fut certainement le cas à la Banque du Canada.
Dans mon discours aujourd'hui, j'aimerais décrire comment la Banque a réagi aux problèmes de liquidité engendrés par les bouleversements qui se sont produits tout au long de l'année et donner un aperçu des changements qu'elle a apportés à son cadre de politique en matière de liquidité, tant pour surmonter les difficultés à mesure qu'elles survenaient que pour améliorer sa capacité de fonctionner dans l'avenir. Je ferai également un survol des conditions actuelles sur les marchés canadiens du crédit et commenterai brièvement l'évolution de l'économie depuis que nous avons publié la Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire à la mi-juillet. Je commencerai par un résumé des origines de la tourmente financière.
Les origines de la tourmente financière
Pendant un certain nombre d'années, le niveau désiré de l'épargne à l'échelle du globe a dépassé celui des investissements. Cette situation a entraîné une diminution des taux d'intérêt réels à long terme partout dans le monde, ce qui a amené les investisseurs dans leur « quête de rendement » à prendre des risques moyennant des primes moins généreuses que par le passé et à accepter des niveaux de levier beaucoup plus élevés dans les produits financiers et dans leurs bilans afin d'atteindre les rendements espérés. Cette quête de rendement a aussi eu pour effet de fortement stimuler la demande – et la création – de produits financiers structurés plus complexes, tels que les titres garantis par des créances (TGC) adossés à des titres adossés à des actifs ou à d'autres TGC ainsi que le papier commercial adossé à des actifs (PCAA) garanti par des TGC, dont certains (après 2000) reposaient sur des prêts hypothécaires américains à risque.
Ces instruments financiers complexes étaient évalués par les agences de notation du crédit à l'aide de la même échelle que celle qui s'appliquait aux titres de dette ordinaires des sociétés. Certains vendeurs insistaient sur le fait que ces produits avaient une note de crédit élevée – beaucoup étaient cotés AAA – mais passaient sous silence leurs autres caractéristiques. Bon nombre d'investisseurs ont failli à leur devoir de diligence raisonnable et se sont fiés exagérément aux notes de crédit en tant qu'indicateurs du risque global associé à ces instruments d'emprunt complexes. Entre autres, ils ont négligé de prendre en considération des risques autres que ceux liés au crédit, comme les risques de marché et de liquidité. Dans bien des cas, la complexité de ces produits les rendait opaques, et trop souvent les investisseurs ont placé leur argent et leur confiance dans des instruments qu'ils ne comprenaient pas entièrement.
La qualité générale des prêts hypothécaires américains à risque s'est détériorée tout au long de 2005 et 2006, quoique cette détérioration n'ait pas été réellement apparente avant le premier semestre de 2007 pour ceux qui avaient investi dans les titres hypothécaires 1. L'octroi des prêts à risque était fondé sur l'hypothèse d'une hausse durable des prix des maisons. Lorsque la hausse a pris fin, la constatation tardive par les agences de notation de la piètre qualité de ces prêts s'est traduite par un déclassement des produits structurés exposés aux prêts hypothécaires à risque, souvent de plusieurs crans. Ces instruments étaient détenus par une vaste gamme de fonds de placement, dont les promoteurs étaient dans bien des cas des banques. De fait, certains produits étaient détenus directement par les banques elles-mêmes. Les investisseurs ont vite constaté que la valeur des instruments de dette structurés bien cotés pouvait chuter substantiellement et que ceux-ci étaient susceptibles de subir d'importantes baisses de cote. Ils ont par conséquent commencé à se détourner de presque tous les types de produits structurés, soit parce que la complexité de ces instruments empêchait de nombreux participants au marché de bien les comprendre et donc d'évaluer correctement le risque correspondant, soit parce qu'ils cherchaient à détenir uniquement des actifs notés AAA à juste titre. Au Canada, le PCAA faisait partie des produits structurés. Après le déclenchement de la crise, le PCAA non bancaire a cessé d'être renouvelé au pays, ce qui a mené à un moratoire dans le cadre de l'accord de Montréal. Au fil des mois, la liquidité des marchés des produits titrisés s'est réduite considérablement, à des degrés divers selon les instruments.
Le déclassement des produits structurés fondés sur des prêts hypothécaires américains à risque et le tarissement des marchés du PCAA ont fait naître deux autres préoccupations chez les acteurs du marché. Premièrement, on s'est inquiété de la santé financière des contreparties, notamment des banques, les pertes de valeur de marché érodant les fonds propres. Deuxièmement, on a craint que les activités de titrisation se poursuivent à un rythme beaucoup plus lent que par le passé, et que la réintermédiation qui en résulterait n'entraîne une croissance plus rapide du bilan des banques et un besoin connexe de capitaux. Ces deux préoccupations ont donné lieu à un net élargissement des écarts de taux d'intérêt ainsi qu'à une dégradation de la liquidité dans les marchés du financement bancaire à court terme de nombreux pays.
Il est important de noter que la diminution de la liquidité de ces marchés n'est pas sans rapport avec celle des marchés des actifs en général. En effet, théoriquement, il y a des raisons de croire que la liquidité des marchés et la liquidité de financement des banques qui effectuent des opérations de négociation se renforcent mutuellement, ce qui peut entraîner la liquidité dans une spirale descendante ou ascendante 2. Cette possibilité vient de ce que la capacité des opérateurs de fournir des liquidités dans les marchés repose sur les ressources financières à leur disposition, qui, elles, provenant de leurs capitaux propres et de prêts sur marge, dépendent de la liquidité des marchés. Cette seconde relation tient au fait que les mouvements des prix des actifs se répercutent sur le capital en raison de la comptabilité fondée sur les valeurs de marché, et que, selon les observations, les marges ont tendance à augmenter lorsque les prix des actifs reculent 3. Dans un autre ordre d'idées, j'ajouterais que l'effet de levier des opérations de négociation est fortement procyclique, baissant lorsque les prix des actifs baissent et montant lorsqu'ils montent 4.
La dégradation de la liquidité des marchés, surtout de la liquidité de financement des banques, préoccupait les banques centrales au plus haut point. Quelles mesures la Banque du Canada a-t-elle alors prises?
Les mesures d'intervention en matière de liquidité
Le mois dernier, le Comité sur le système financier mondial de la Banque des Règlements Internationaux a publié un important rapport 5 qui résumait les interventions des banques centrales par suite des turbulences financières et proposait sept recommandations visant à renforcer l'efficacité avec laquelle les banques centrales gèrent les problèmes de liquidité, y compris ceux éprouvés sur les marchés du financement. Comme l'élaboration de ces recommandations a pris plusieurs mois, certaines d'entre elles avaient déjà été mises en œuvre dans des banques centrales. J'ai pensé qu'il serait utile de me servir de ces recommandations pour structurer le résumé que je vais vous présenter concernant les mesures que nous, à la Banque du Canada, avons prises depuis août 2007, y compris l'élaboration de nouveaux principes et politiques en matière de liquidité.
La première recommandation est qu'une banque centrale devrait s'assurer que son cadre opérationnel lui permet d'atteindre la cible qu'elle s'est fixée pour son taux directeur, même dans les périodes de turbulence. Tant avant que pendant la crise, le moyen utilisé par la Banque pour favoriser, au besoin, le maintien du taux du financement à un jour près du niveau visé consistait à effectuer des opérations de pension à un jour – prises en pension spéciales et cessions en pension – ainsi qu'à fixer, à la fin de la journée, le niveau cible des soldes de règlement pour le lendemain. La Banque est intervenue énergiquement à l'aide de ces instruments entre le 9 août 2007 et le 30 avril de cette année pour renforcer la cible relative au taux du financement à un jour 6. Comme ces interventions ont porté leurs fruits, aucun changement d'ordre politique ou opérationnel lié directement à cette recommandation n'a été apporté (Graphique 1).
Les deuxième et troisième recommandations portent sur la capacité d'une banque centrale de mener efficacement ses opérations d'injection de liquidités, même lorsque les marchés clés sont illiquides. Concrètement, cela signifie que la banque centrale devrait être prête, le cas échéant, à prendre des mesures qui vont au-delà d'un ajustement de l'offre de réserves globale, c'est-à-dire à accroître le volume de financement à plus d'un jour et à effectuer des opérations garanties par un large éventail de titres et avec une vaste gamme de contreparties.
Pour pouvoir le faire, la Banque du Canada a modifié trois de ses instruments. Premièrement, en août de l'année dernière, elle a élargi temporairement l'éventail de titres admissibles dans le cadre de ses opérations à un jour. Deuxièmement, en décembre 2007 et janvier 2008, puis de mars à juin de cette année, la Banque a conclu une série de prises en pension à plus d'un jour – assorties généralement d'une échéance de 28 jours – garanties par une gamme de titres plus large que ce qu'elle accepte normalement 7. Troisièmement, à la fin de l'an passé, la Banque a annoncé qu'elle élargissait la liste des garanties admissibles dans le cadre de son mécanisme permanent d'octroi de liquidités et qu'elle y inclurait un sous-ensemble du papier commercial adossé à des actifs (PCAA) ayant pour promoteur une institution de dépôt et des titres du Trésor américain. Des catégories précises de PCAA sont devenues admissibles le 31 mars 2008, et les titres du Trésor américain, le 30 juin 2008.
Des mesures ont également été prises pour moderniser la Loi sur la Banque du Canada. Des modifications législatives devant donner à la Banque plus de souplesse lorsqu'elle injecte des liquidités dans le système financier en réponse à des conditions changeantes ont été adoptées par le Parlement et ont récemment été promulguées. Elles permettront à l'institution de recourir à un éventail encore plus large de titres dans le cadre de ses opérations de rachat et, ce qui est important, à celles assorties d'une échéance de plus d'un jour.
En application de sa nouvelle politique, la Banque peut décider de conclure des opérations de rachat dans le but de résorber des tensions financières susceptibles d'avoir d'importantes incidences macroéconomiques. Dans ces circonstances « exceptionnelles », elle peut vendre ou acheter des titres en dehors des obligations et des bons du Trésor du gouvernement du Canada et pour une période plus longue qu'un jour. La liste des titres admissibles à ce genre d'opérations est incluse dans la politique de la Banque, qui a été publiée dans la Gazette du Canada le 26 juillet 2008 8. Je tiens à souligner que cette politique ne contraint aucunement l'institution à accepter, pour une opération donnée, tout l'éventail des titres prévus.
La mesure dans laquelle la Banque exercerait ce pouvoir, une fois que la situation serait déclarée « exceptionnelle », serait régie par un ensemble de principes applicables aux interventions de la Banque du Canada sur les marchés. Je décrirai ces principes après avoir présenté la dernière recommandation du rapport du Comité sur le système financier mondial.
Récemment, nous avons également annoncé que nous pourrions recourir aux prêts de titres à plus d'un jour ainsi qu'aux facilités de prêt à plus d'un jour dans certaines circonstances 9. Bien que la Banque dispose actuellement d'un programme de prêt de titres (qui lui permet d'offrir les titres du gouvernement canadien sur son bilan pour lesquels la demande est temporairement forte sur le marché), les prêts accordés en vertu de ce programme sont assortis d'une échéance de un jour ouvrable et sont consentis afin de résoudre des tensions exercées sur un titre en particulier du marché des pensions. Les prêts de titres à plus d'un jour serviraient à procurer des liquidités à plus long terme et de manière plus générale aux participants aux marchés financiers, en augmentant l'offre de titres de grande qualité qui pourraient être utilisés comme garantie en périodes de pénurie de titres. Les facilités de prêt à plus d'un jour devraient s'avérer particulièrement utiles dans les cas où les primes de liquidité sont faussées sur les marchés monétaires et où au moins deux institutions de dépôt éprouvent des problèmes de liquidité.
La quatrième recommandation tient compte de la possibilité que les canaux de distribution de liquidités d'un pays à l'autre soient perturbés en période de turbulence et de la nécessité pour les banques centrales d'envisager d'accepter des actifs libellés en monnaies étrangères ou de conclure des accords de swap de devises entre elles. Pour résoudre cette question, comme je l'ai mentionné précédemment, la Banque du Canada a élargi l'éventail des titres admissibles en nantissement dans le cadre de son mécanisme permanent d'octroi de liquidités pour y inclure des titres du Trésor américain à compter du 30 juin 2008. Les accords de swap aident aussi à éviter les goulots d'étranglement dans la distribution internationale de liquidités, pouvant permettre aux institutions nationales de se procurer des fonds en devises. Depuis de nombreuses années, la Banque du Canada a accès à des dollars américains grâce à l'accord de swap qu'elle a conclu avec la Réserve fédérale. Elle n'a toutefois pas eu à faire appel à cette facilité de crédit au cours de la récente période d'agitation des marchés et ne devrait y recourir que rarement, voire jamais, car la plupart des banques canadiennes ayant des succursales ou des filiales aux États-Unis, elles peuvent se procurer des fonds en dollars É.-U. par le truchement du guichet d'escompte de la Réserve fédérale.
La cinquième recommandation vise l'accroissement des communications avec les acteurs du marché et les médias durant des périodes de tensions financières. Au cours de la dernière année, en plus de ses communications normales sur ses activités courantes, la Banque s'est appliquée à divulguer activement toute mesure inhabituelle prise dans le cadre de ses opérations ainsi que les raisons de ces interventions. À de nombreuses occasions, les membres du Conseil de direction de la Banque ont commenté publiquement l'évolution de la situation et la réaction de l'institution 10. Le personnel de la Banque transmet régulièrement aux participants du marché des renseignements liés aux besoins de financement, et ces communications ont joué un rôle crucial lorsque des pressions se sont exercées sur la liquidité du marché. À la fin du printemps, le gouverneur Carney a précisé quelles conditions du marché amèneraient la Banque à cesser une intervention telle que des prises en pension à plus d'un jour, et ce message a été divulgué avant l'avis selon lequel la Banque ne renouvellerait pas les prises en pension à plus d'un jour arrivant à échéance le 26 juin. Tout au long de cette année agitée, la Banque a donné des indications claires sur les opérations qu'elle a menées afin d'assurer un apport en liquidités, aussi bien lorsqu'elle a accru ses interventions que lorsqu'elle est devenue la première grande banque centrale à mettre fin aux mesures spéciales.
La sixième recommandation vise à réduire le discrédit qui accompagne le recours au mécanisme permanent d'octroi de liquidités, notamment en améliorant la compréhension qu'a l'ensemble des acteurs du marché du rôle d'un tel mécanisme et, le cas échéant, en créant de nouvelles facilités suscitant moins de jugements défavorables que les cas passés d'aide d'urgence. Tant avant que pendant cette période de turbulence, les institutions ayant eu recours au mécanisme permanent d'octroi de liquidités de la Banque du Canada, qui consiste en l'obtention de prêts à un jour afin de combler des besoins de financement temporaires et généralement assez faibles, n'ont guère été discréditées. Ce devrait être également le cas pour celles qui feront appel à la facilité de prêt à plus d'un jour à laquelle nous songeons, car celle-ci sera offerte à la discrétion de la Banque à des moments où plus d'une institution de dépôt sera soumise à des tensions 11.
La recommandation finale du rapport du Comité sur le système financier mondial est axée sur l'atténuation de l'aléa moral. Le Comité fait valoir que les banques centrales doivent évaluer soigneusement les avantages attendus de leurs interventions visant à restaurer la liquidité des marchés en regard de leurs coûts potentiels et, au besoin, de mettre en œuvre des mesures de protection contre la distorsion des incitations. Les événements de l'année écoulée nous ont amenés à réexaminer la question de l'aléa moral dans l'octroi de liquidités. Un article paru dans la livraison de juin de la Revue du système financier 12 présente une série de principes qui devraient aider la banque centrale à déterminer le moment et la nature des interventions visant à injecter des liquidités dans les marchés financiers. Ces principes, qui précisent les cas extrêmement limités où la Banque du Canada pourrait intervenir sur les marchés financiers, contribuent à l'atténuation de l'aléa moral. En voici un aperçu :
- premièrement, l'intervention doit être ciblée, la banque centrale devant tenter de parer uniquement aux défaillances du marché qui sont d'envergure systémique, qui ont des conséquences macroéconomiques et qu'elle est à même de corriger en fournissant des liquidités;
- deuxièmement, l'ampleur de l'intervention doit être dosée en fonction de la gravité du problème;
- troisièmement, la banque centrale doit utiliser des instruments adaptés à la situation. Les problèmes de liquidité de marché doivent être réglés au moyen d'opérations sur le marché faisant appel à un mécanisme d'adjudication, tandis que les pénuries de liquidité dont souffrent des institutions particulières doivent être palliées par l'octroi de prêts;
- quatrièmement, les transactions doivent être effectuées aux prix fixés par le marché, afin que les distorsions soient réduites au maximum;
- cinquièmement, la banque centrale doit privilégier une intervention limitée et sélective, l'introduction d'un élément de coassurance, l'application de taux dissuasifs selon le cas ainsi que la promotion d'une surveillance rigoureuse de la gestion des risques de liquidité.
Ce sont là, en substance, les mesures que nous avons prises depuis août 2007 pour donner suite aux préoccupations soulevées dans le rapport du Comité sur le système financier mondial (Tableau).
D'autres banques centrales ont aussi axé leurs efforts sur les mêmes objectifs. Le rapport du Comité donne à entendre que les interventions des banques centrales face à la tourmente des marchés ont permis de réduire mais non d'éliminer les tensions sur les marchés monétaires à court terme et, partant, de limiter les dommages à l'économie. Cependant, il a été beaucoup plus difficile de régler les problèmes de liquidité éprouvés par les marchés du financement dans un sens large, et plus particulièrement les marchés de prêts à plus d'un jour non garantis. On note dans le rapport que l'évaluation par les banques centrales de leur capacité de composer avec de telles pressions du marché dépend essentiellement des origines de celles-ci : de la mesure dans laquelle elles découlent de craintes d'un manque de liquidités, lesquelles se prêtent aux interventions de banque centrale, et de la mesure dans laquelle elles sont imputables au risque de contrepartie ou d'autres préoccupations, qui dépassent le cadre des opérations des banques centrales. En général, on a estimé que les tensions auraient été plus prononcées et plus dommageables si les banques centrales n'étaient pas intervenues énergiquement.
Ce que je viens de dire ne signifie pas que nous avons mis à profit toutes les grandes leçons sur le plan des politiques que nous avons tirées de cette période de turbulence financière. Quelques questions importantes sont actuellement à l'étude : quel rôle les fluctuations du secteur financier jouent-elles dans l'économie réelle et comment les règlements et les pratiques, notamment la réglementation touchant les institutions financières, peuvent-ils atténuer ou exacerber ces fluctuations. Sous les auspices du Forum sur la stabilité financière, divers comités internationaux se penchent sur ces enjeux cruciaux et ils sont en train d'examiner différentes propositions. Il est important de réduire la procyclicité du système financier, y compris peut-être les aspects clés que sont l'effet de levier et la liquidité, afin de limiter l'ampleur des effets de perturbations financières futures.
J'aimerais maintenant traiter des conditions actuelles sur les marchés.
L'état actuel des marchés
Même si les conditions du crédit au Canada demeurent difficiles, elles sont meilleures à bien des égards que celles observées sur d'autres grands marchés. Ainsi, les écarts entre les taux des emprunts à court terme et le taux du financement à un jour attendu se sont nettement rétrécis ces derniers mois (Graphique 2). Cette baisse s'explique principalement par la meilleure santé des institutions financières canadiennes. Le recul plus faible des niveaux des cours en bourse des institutions financières canadiennes par rapport à leurs homologues étrangères au cours des 14 derniers mois témoigne aussi de cette vigueur relative (Graphique 3). Un risque demeure toutefois que les tensions persistantes sur les marchés financiers mondiaux n'aient d'autres répercussions au Canada.
Les écarts de taux d'emprunt effectifs moyens auxquels sont confrontés les banques, les entreprises non financières et les ménages ont augmenté d'environ 75 points de base par rapport au taux du financement à un jour depuis le début de la tourmente financière l'été dernier; cette hausse a toutefois été plus que compensée par la baisse cumulative de 150 points de base du taux cible du financement à un jour. Par conséquent, on estime que les coûts d'emprunt effectifs des banques, des entreprises et des ménages ont diminué de quelque 75 points de base depuis un an. Le Graphique 4 montre un élément expliquant l'accroissement des coûts du financement pour les banques.
Étant donné le repli récent de l'activité économique et les conditions généralement difficiles sur les marchés de crédit, le rythme de croissance des crédits aux entreprises a décéléré au cours des derniers trimestres (Graphique 5). Par contre, la progression des crédits aux ménages demeure robuste (Graphique 6), ce qui est sans doute attribuable au dynamisme de l'emploi et à l'accroissement passé de la richesse et du revenu réel. La vigueur soutenue de la croissance des crédits aux ménages a néanmoins de quoi étonner, compte tenu de la modération de l'activité sur le marché du logement et de la dégradation apparente de la confiance des consommateurs. L'expansion des crédits aux ménages devrait ralentir au cours des prochains mois.
L'évolution économique récente
Les turbulences persistantes sur les marchés financiers mondiaux comptent parmi les trois grands facteurs qui influent sur l'économie canadienne, les deux autres étant le ralentissement prolongé de l'économie américaine et les fortes variations des cours de certains produits de base, notamment de l'énergie.
Au deuxième trimestre de 2008, la croissance économique aux États-Unis était un peu plus vigoureuse que ce à quoi on s'attendait au moment de la parution de la Mise à jour du Rapport sur la politique monétaire en juillet, alors qu'on observait le contraire au Japon et en Europe. Des données récentes donnent aussi à penser que le taux de progression du PIB canadien au deuxième trimestre était sans doute légèrement plus faible qu'escompté.
Cette atonie de la croissance à l'échelle mondiale explique en grande partie la baisse des cours des produits de base, en particulier ceux de l'énergie, depuis la mi-juillet. À son tour, ce recul a contribué de façon marquée à la dépréciation du dollar canadien par rapport à son pendant américain. Ces deux phénomènes exerceront des effets opposés sur la demande de biens et services canadiens.
En juillet, le taux d'augmentation de l'IPC global s'établissait à 3,4 % et celui de l'indice de référence à 1,5 %. La Banque du Canada prévoit toujours que le taux d'accroissement de l'IPC global et celui de l'indice de référence convergeront vers la cible d'inflation de 2 % au second semestre de 2009. Cependant, étant donné la baisse récente des prix au comptant et à terme de l'énergie, la hausse temporaire du taux d'augmentation de l'IPC global d'ici le premier trimestre de 2009 devrait être inférieure aux projections contenues dans la Mise à jour.
La Banque continuera de suivre de près l'évolution des risques ainsi que la situation économique et financière au pays et à l'étranger et de mener une politique monétaire axée sur la réalisation de la cible d'inflation à moyen terme.
Conclusion
En guise de conclusion, je tiens à souligner que les problèmes survenus au cours de la dernière année ont présenté des défis et ont été riches en enseignements pour les particuliers, les entreprises et les décideurs publics.
On peut tirer deux conclusions des répercussions de ces problèmes au Canada. D'abord, le système financier est solide, et les secteurs financier, non financier et des ménages sont suffisamment robustes pour composer avec les difficultés que l'on a observées sur les marchés financiers.
Ensuite, nous pouvons tous faire mieux. Au cours de cette année agitée, les entreprises financières et les particuliers ont réellement appris à faire mieux – à mieux comprendre et gérer les risques inhérents à l'investissement et à l'utilisation du crédit. Voilà une issue favorable. Nous avons tous tiré des leçons importantes de l'année écoulée, banques centrales et autres décideurs compris. Les outils d'intervention de la Banque du Canada ont été mis à l'épreuve et, en général, ils ont donné les résultats escomptés. Lorsque des possibilités d'améliorer et de perfectionner notre cadre de politique lié à l'octroi de liquidités se sont présentées, nous les avons saisies.
La stabilité financière et la liquidité des marchés sont indispensables à la santé de l'économie. Grâce à une gamme élargie d'outils, la Banque du Canada continuera à soutenir la stabilité et l'efficience du système financier et, partant, à contribuer au bien-être des Canadiens et des Canadiennes.