La recherche d'une productivité accrue

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Étant donné le degré d'incertitude qui règne actuellement dans le monde, nous sommes tous naturellement portés à nous soucier des perspectives à court terme. C'est compréhensible. Mais, en même temps, il importe de voir au delà du court terme et de prêter attention aux tendances à long terme et au potentiel de notre économie.

C'est pourquoi, cet après-midi, j'ai choisi de vous parler de certaines considérations touchant la productivité. La productivité n'est pas quelque chose auquel seuls les économistes devraient s'intéresser. Chacun de nous est concerné. Voici pourquoi.

Pourquoi nous intéressons-nous à la productivité?

La productivité est un facteur déterminant de notre niveau de vie. Mais ce n'est pas le seul facteur. La croissance de la productivité est le principal élément qui contribue à la progression soutenue des revenus réels et à notre prospérité générale. Les gains de productivité sont aussi ce qui permet aux entreprises d'augmenter les salaires tout en maîtrisant leurs coûts et en demeurant rentables.

Comme vous pouvez le voir, il y a de très bonnes raisons pour lesquelles nous tous — travailleurs, consommateurs, gens d'affaires et gestionnaires — devrions mieux comprendre les facteurs qui stimulent la croissance de la productivité dans le temps. De plus, nous devrions tous chercher des moyens d'améliorer nos résultats à cet égard.

Qu'est-ce qui alimente la croissance de la productivité?

Quels sont les facteurs qui contribuent à la croissance de la productivité?

La productivité du travail — c'est-à-dire la quantité de biens et de services produits par travailleur — dépend du niveau de formation et de l'expérience des employés, ainsi que de l'équipement dont ils disposent. Elle dépend aussi d'autres facteurs qui, ensemble, influencent la mesure dans laquelle les ressources humaines et les ressources en capital sont utilisées de façon intelligente. Certains facteurs sont du ressort des entreprises : l'innovation technologique et les changements aux structures organisationnelles et aux pratiques de gestion.

D'autres facteurs de nature structurelle sont également importants. Ce sont notamment la concurrence, l'ouverture au commerce extérieur et aux investissements étrangers, les politiques publiques et le développement des marchés financiers.

Comme vous pouvez l'imaginer, il est extrêmement difficile de démêler et de mesurer la contribution propre de tous ces facteurs à la croissance de la productivité. Quoi qu'il en soit, mon intention aujourd'hui n'est pas de m'arrêter à des estimations chiffrées. Je préfère plutôt discuter des principaux déterminants de la productivité et de ce que nous devons faire pour qu'elle augmente au Canada.

Que faudra-t-il pour faire augmenter la croissance de la productivité?

En tenant compte des déterminants de la productivité, on peut dénombrer quatre moyens d'accroître notre rendement : augmenter les dépenses d'investissement, adopter les nouvelles technologies, améliorer les pratiques de gestion et relever la qualité de la main-d'oeuvre. Mais, en fait, ces quatre facteurs sont étroitement liés.

Commençons par les dépenses d'investissement. On peut accroître le niveau de productivité en utilisant plus de machines — ou en les remplaçant par de nouvelles (qui, très souvent, sont à la fine pointe de la technologie).

Cela m'amène directement au deuxième moyen de gagner en productivité, soit l'adoption de nouvelles technologies. L'essor de la productivité enregistré récemment aux États-Unis tient en bonne partie aux gains d'efficience réalisés grâce à la production et à l'utilisation des technologies de l'information et de la communication, les TIC. Les TIC comprennent, en règle générale, le matériel informatique, les logiciels et le matériel de télécommunications.

On les appelle des « technologies à usage général ». Elles peuvent se répandre et créer de nouveaux produits, processus et applications qui augmentent la productivité dans une vaste gamme de secteurs de l'économie — un peu comme ce fut le cas pour le moteur électrique à la fin du XIXe siècle.

L'expérience montre que les « technologies à usage général », comme les TIC, demandent du temps pour se répandre. Il y aura donc encore des occasions, au cours de la présente décennie et de la prochaine, de profiter des technologies qui ont été mises au point durant les années 1980 et 1990. Les bases sont jetées, et il reste encore d'autres gains de productivité à réaliser.

Cependant, même si les nouvelles technologies exigent du temps pour se propager, le rythme auquel elles le font est important. Ce rythme dépend de la rapidité avec laquelle nous nous mettons à innover et de ce que nous faisons ensuite pour exploiter ces technologies de pointe et en faciliter la diffusion.

Comme vous pouvez le constater, ici aussi l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. En effet, ce sont les entreprises et les économies qui sont les plus rapides à tirer parti des nouvelles réalités qui en retirent les plus grands bénéfices.

Durant la première moitié des années 1990, le Canada a été plus lent que les États-Unis à effectuer les investissements nécessaires pour tirer profit des nouvelles technologies. Mais, depuis 1996, ce type d'investissement connaît un essor au Canada. Nous commençons maintenant à voir apparaître les premiers signes d'une progression plus rapide de la productivité et, selon nos analyses, les investissements passés donneront lieu à d'autres gains d'efficience.

La conception de nouvelles structures organisationnelles, l'amélioration des compétences et la gestion du savoir

Je passerai maintenant au troisième facteur clé qui permet de faire augmenter la croissance de la productivité : une meilleure gestion.

Pour réaliser le plein potentiel des nouvelles technologies, nous devons prêter beaucoup plus d'attention à la manière dont nous les intégrons à nos pratiques de gestion et à la façon dont nous nous organisons pour faire des affaires. L'expérience montre que les investissements dans les technologies de pointe ne suffisent pas à garantir des gains appréciables et soutenus de productivité si les gestionnaires et les employés ne savent pas comment exploiter avantageusement ces nouvelles applications.

Le vrai défi pour les gestionnaires a toujours été d'apporter les changements fondamentaux nécessaires pour profiter à fond des technologies de pointe. Nous tous, aujourd'hui, — dans les entreprises canadiennes, au gouvernement et à la Banque du Canada — avons aussi beaucoup à faire pour adapter nos entreprises et nos institutions. Il faut tenir compte du fait que, pour optimiser nos investissements en technologie, nous devons encourager les échanges de connaissances parmi les employés. La gestion du savoir est essentielle.

Le quatrième moyen de stimuler la croissance de la productivité est de relever le niveau de compétence de la main-d'oeuvre. Cela ne veut pas seulement dire un niveau d'instruction plus élevé, mais aussi une formation continue en cours d'emploi afin que nous ayons les compétences nécessaires pour récolter tous les dividendes possibles des investissements dans les nouvelles technologies. Et, soit dit en passant, cela s'applique à tous les employés — pas seulement à ceux qui ont fait des études supérieures — ainsi qu'à tous les secteurs — pas uniquement à celui de la haute technologie. Nous ne pouvons plus négliger la formation professionnelle des cadres intermédiaires et des autres employés, ni celle des ouvriers dans le secteur industriel et celui de la construction.

Je tiens par ailleurs à souligner que la technologie augmente les possibilités de fournir aux employés l'information nécessaire pour résoudre des problèmes liés à leurs tâches, directement à leur poste de travail. Les banques et les compagnies d'assurance ont déjà recours à ce nouveau type de formation, et nous devrions le faire aussi en plus grand nombre.

Le rôle des politiques publiques

J'ai parlé de quatre facteurs susceptibles de faire augmenter la productivité : accroissement de l'investissement, adoption de nouvelles technologies, amélioration de la gestion et hausse du niveau de compétence de la main-d'oeuvre. Être conscient de ces facteurs est une chose. Mais c'en est une autre de trouver le cadre de politique publique approprié qui permette et favorise l'adaptation, tout en soutenant l'innovation au pays. Pourtant, il est d'une importance capitale que nous y parvenions.

Quels sont les défis qui nous attendent?

Le premier est de préserver le cadre solide de mise en oeuvre des politiques macroéconomiques que nous avons instauré au prix de nombreux efforts. Grâce à deux initiatives clés qui ont été prises au cours de la dernière décennie, l'inflation se maintient à un niveau bas, stable et prévisible et la dette publique a été fortement réduite. Je tiens à souligner que le gouvernement fédéral continue à abaisser le ratio de la dette au PIB et, pour la première fois depuis 1985, celui-ci est passé sous la barre des 50 %. J'aimerais préciser aussi que les dépenses publiques fédérales au titre des programmes sont également à la baisse : elles se situent actuellement à moins de 12 % du PIB.

Une politique de faible inflation, associée à des finances publiques saines et à un ratio de la dette au PIB en baisse, permet de maintenir les taux d'intérêt à des niveaux favorables au financement d'innovations.

Un taux d'inflation bas encourage les entreprises à être plus efficientes. Il leur donne une base plus solide pour prendre des décisions à long terme réfléchies, comme celle d'investir dans de l'équipement de pointe. La maîtrise de l'inflation incite également les entreprises à contenir leurs coûts. Et la réduction des coûts va de pair avec l'amélioration de la productivité.

Une politique monétaire axée sur un faible taux d'inflation et un taux de change flottant permet aussi à l'économie d'atteindre son plein potentiel. C'est là un point extrêmement important parce que le chômage et les capacités excédentaires dans l'économie ne sont pas propices à l'investissement ni à l'innovation.

Mais, si un cadre solide de mise en oeuvre des politiques macroéconomiques est essentiel, il ne peut garantir à lui seul une productivité accrue. Pour ce faire, un certain nombre de conditions doivent être remplies. Et c'est là que nous faisons tous face à d'autres défis.

L'un de ces défis est d'éviter de soutenir des modes de production dépassés. En conservant les activités à faible productivité, nous limiterons les gains potentiels de productivité. Nous devons donc faciliter la transformation de ces activités en des activités économiques plus productives. Nous n'avons pas à chercher bien loin l'exemple d'une région où des transformations économiques remarquables ont eu lieu ces dernières années. J'étais dans la Beauce au début des années 1960, quand son économie dépendait très fortement des industries traditionnelles, comme celles de la filature et du tissage. Depuis, ces dernières ont été remplacées par des PME innovatrices et dynamiques.

La concurrence constitue un autre défi. La concurrence et l'ouverture d'une économie jouent un rôle déterminant dans la croissance de la productivité. Il ne fait pas de doute que les grosses sociétés canadiennes ont compris comment exploiter les avantages de l'ouverture et d'une concurrence très vive. Elles sont présentes sur les marchés mondiaux et doivent survivre. Elles prennent donc des mesures pour devenir plus productives. Mais bon nombre d'entreprises plus petites ne se sont pas encore aventurées sur le marché international. Du point de vue des politiques publiques, l'enjeu est d'encourager ces entreprises à comprendre qu'il est dans leur intérêt, à titre d'entrepreneurs, de se tourner davantage vers l'extérieur et de prendre des initiatives pour accroître la productivité et réduire les coûts.

Un autre défi concerne la canalisation de l'épargne vers l'investissement et l'affectation efficiente du capital. Je ne saurais assez souligner l'importance d'un secteur financier sain, innovateur et dynamique. Ceci est particulièrement important si nous voulons que les entreprises qui cherchent à adopter de nouvelles technologies aient un accès approprié à du financement innovateur. Cela signifie que le secteur financier doit passer de ce qu'il était à la fin du XXe siècle, à ce qu'il devrait être au début du XXIe siècle, mais sans que l'intégrité et la stabilité de notre système financier ne soient compromises.

Conclusion

Permettez-moi maintenant de conclure. Même si nos préoccupations quotidiennes sont accaparées par l'incertitude mondiale, j'ose espérer qu'aujourd'hui, j'aurai réussi à nous encourager à voir au delà du court terme. Il faut se rappeler, qu'à long terme, l'augmentation des revenus et du niveau de vie dépend essentiellement d'une amélioration de la productivité.

Dans ce contexte, je me suis penché sur certains défis auxquels nous faisons face ainsi que sur les mesures que nous pouvons prendre pour atteindre une productivité plus élevée.

La Banque du Canada continuera de faire sa part en favorisant un climat d'inflation bas, stable et prévisible — un climat propice aux innovations, à la prise de risques et aux investissements. Mais il reste que nous avons tous un rôle à jouer pour accroître la productivité et favoriser la prospérité des Canadiens et des Canadiennes.

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