Déclaration préliminaire devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes
Nous sommes heureux de témoigner devant le Comité à l'occasion de la publication, aujourd'hui, de la livraison d'automne du Rapport sur la politique monétaire, qui présente la plus récente évaluation de la Banque concernant les perspectives en matière de croissance économique et d'inflation au Canada. M. Knight et moi espérons pouvoir revenir tous les six mois lors des livraisons futures du Rapport.
Toutes les économies nationales sont actuellement aux prises avec des difficultés économiques, qui tiennent à un nouveau recul de la croissance mondiale et aux actes terroristes commis aux États-Unis. En cette période où les entreprises, les gouvernements et les ménages, tant au Canada que dans le reste du monde, s'efforcent de faire face aux conséquences de ces attentats, il est naturel que nous nous préoccupions d'abord des problèmes à court terme. Mais, comme je l'ai dit dans une allocution prononcée à Moncton il y a deux semaines, il importe aussi, en pareilles circonstances, de maintenir un certain recul et de ne pas perdre de vue les tendances à long terme et le potentiel de notre économie. Sous cet angle, les perspectives sont plus encourageantes. Au cours de la dernière décennie, nous avons remarquablement renforcé les assises de notre économie. Les progrès que nous avons réalisés à ce chapitre devraient nous aider à surmonter les difficultés, peu importe les turbulences et les incertitudes à court terme que nous devons affronter.
Les incertitudes, il est vrai, sont énormes en ce moment. J'aimerais donc les examiner avec vous et vous exposer les perspectives de l'économie et les mesures que prend la Banque pour soutenir la croissance au Canada.
Lorsque j'ai témoigné devant ce comité en mai 2001, l'information dont la Banque disposait allait généralement dans le sens de ses prévisions, à savoir que la croissance connaîtrait une modeste reprise au second semestre de 2001 et s'accélérerait encore en 2002. Les facteurs sur lesquels nous comptions pour ranimer la croissance étaient la fin de la correction des stocks, les réductions d'impôt, l'assouplissement des conditions monétaires au pays et la reprise des investissements des entreprises aux États-Unis.
Mais, au milieu de l'été, il est devenu de plus en plus clair que la relance escomptée des investissements aux États-Unis serait retardée et que le ralentissement dans ce pays serait plus prononcé et durerait plus longtemps que prévu. L'activité à l'extérieur de l'Amérique du Nord avait aussi commencé à se ressentir de façon plus manifeste de l'essoufflement de la croissance aux États-Unis et du repli en cours à l'échelle mondiale dans les secteurs de l'information et des télécommunications. Au même moment, au Canada, on relevait des indices que la progression de la demande intérieure, qui était demeurée soutenue durant la première moitié de l'année, faiblissait; de plus, la correction des stocks semblait moins avancée que prévu, en particulier dans les secteurs des produits électriques et électroniques.
La Banque a donc revu à la baisse ses prévisions concernant le second semestre de 2001 et le premier de 2002. Et, à la fin d'août, elle a réduit les taux d'intérêt afin de soutenir la croissance de la demande intérieure et de maintenir l'inflation près de la cible de 2 % à moyen terme.
Les actes terroristes commis aux États-Unis, et leurs répercussions un peu partout dans le monde, ont beaucoup accentué l'incertitude et assombri encore davantage les perspectives de croissance à court terme. C'est pourquoi la Banque est intervenue exceptionnellement le 17 septembre, en dehors de son calendrier normal d'annonces, pour réduire les taux d'intérêt de un demi-point de pourcentage et raffermir la confiance.
Il est très difficile d'évaluer les effets économiques des actes terroristes. Cette situation est sans précédent dans l'histoire nord-américaine, et il faudra encore un certain temps pour en comprendre toutes les retombées.
Étant donné les effets directs des attentats, leurs conséquences immédiates sur la confiance des ménages et des entreprises, et les ajustements nécessaires pour faire face aux risques accrus à la sécurité, la Banque s'attend à ce que la croissance de la production au Canada soit à peu près nulle ou légèrement négative au second semestre de 2001. Pour l'ensemble de l'année, celle-ci devrait ainsi avoisiner 1 1/2 %.
Pour ce qui est de 2002, le moment et l'ampleur de la reprise dépendront essentiellement de la conjoncture géopolitique ainsi que de la rapidité avec laquelle la confiance retournera à la normale en Amérique du Nord. Mais une fois que l'incertitude engendrée par les actes terroristes se sera dissipée, je suis convaincu que la production, l'investissement et l'emploi reprendront un rythme sain de croissance, vu la solidité des assises de l'économie canadienne.
À l'heure actuelle, on peut imaginer deux scénarios quant à l'évolution de la confiance. Dans le premier, la confiance pourrait se rétablir rapidement, et l'économie pourrait retrouver sa vigueur à la faveur des mesures monétaires et budgétaires fortement expansionnistes déjà mises en place. Dans le deuxième, la confiance pourrait demeurer fragile encore un certain temps et, par conséquent, la croissance resterait anémique durant la majeure partie de 2002.
Dans les deux cas, notre économie devrait fonctionner encore, à la fin de l'an prochain, en deçà des limites de sa capacité. On s'attend donc à ce que l'inflation mesurée par l'indice de référence descende à quelque 1 1/2 % au deuxième semestre de 2002. Si les cours de l'énergie restent aux niveaux du début de septembre ou en dessous, l'inflation mesurée par l'IPC global devrait aussi tomber à environ 2 % d'ici la fin de 2001, pour ensuite glisser sous ce niveau en 2002.
À la lumière de ces considérations, nous avons, le 23 octobre, abaissé de nouveau notre taux directeur de 3/4 de point de pourcentage. Les réductions totalisant 3 points de pourcentage opérées depuis janvier visent à soutenir la croissance et à maintenir l'inflation près de notre cible de 2 % à moyen terme.
Étant donné le grand nombre d'inconnues de la conjoncture actuelle, nous continuerons de suivre la situation de très près, et réévaluerons les perspectives de l'économie canadienne au fur et à mesure que nous recevrons de nouvelles informations.