Déclaration préliminaire devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce
C'est avec plaisir que je me présente aujourd'hui devant votre comité pour la première fois depuis ma nomination au poste de gouverneur de la Banque du Canada.
J'aimerais, pour l'occasion, parler de la contribution que la Banque apporte à la bonne tenue de l'économie, de l'importance que l'institution attache à l'ouverture et à la transparence ainsi que du rôle qu'elle joue dans la promotion de la stabilité financière à l'échelle nationale et internationale. Je me propose ensuite d'exposer le point de vue de la Banque sur la situation économique actuelle et de discuter avec vous de toute question que vous souhaiterez soulever.
La Banque du Canada a pris l'engagement de promouvoir le bien-être économique des Canadiens. À cette fin, elle mène la politique monétaire de façon à favoriser une expansion soutenue de l'économie, en créant des conditions propices à la croissance des investissements, de l'emploi et des revenus et en travaillant à rendre l'environnement macroéconomique plus stable.
La contribution toute particulière que la Banque peut faire consiste à préserver la confiance des Canadiens dans la valeur future de leur monnaie. Ceux-ci devraient pouvoir vaquer à leurs occupations en ayant la certitude que leur banque centrale fera tout ce qu'il faut pour maintenir l'inflation future à un niveau bas, stable et prévisible.
La pierre angulaire de notre approche en matière de politique monétaire est une cible explicite de maîtrise de l'inflation. La fourchette cible actuelle, qui va de 1 à 3 % – avec 2 % comme point de mire –, a été établie par la Banque, de concert avec le gouvernement, en vertu d'une entente qui vient à terme à la fin de 2001. Une nouvelle entente pour les années suivantes sera rendue publique bien avant l'expiration de cette fourchette.
Dans un monde exposé à toutes sortes de chocs et où on assiste à une ouverture et à une mondialisation grandissantes des marchés financiers, les mesures de politique monétaire ont de meilleures chances de porter leurs fruits si elles sont plus prévisibles et mieux comprises du public. C'est la raison pour laquelle la Banque insiste sur l'importance de la transparence et d'un dialogue efficace. À cet égard, j'aimerais rappeler notre plus récente initiative en vue d'améliorer la compréhension qu'a le public des interventions de la Banque; je pense ici à notre nouveau système de huit dates préétablies par année auxquelles nous annonçons notre décision de modifier ou de maintenir le taux officiel d'escompte et expliquons les raisons de notre décision dans un communiqué.
Pour qu'une économie de marché comme la nôtre puisse afficher de bons résultats, il faut non seulement que règne une confiance générale dans la capacité de la monnaie de conserver sa valeur, mais aussi que les institutions financières, les marchés financiers et l'infrastructure financière du pays soient solides et efficients. Les particuliers et les entreprises doivent être convaincus que les créances financières peuvent être créées, détenues et transférées de manière fiable et efficiente. C'est pourquoi la Banque du Canada travaille étroitement avec des institutions fédérales et provinciales afin de promouvoir la stabilité financière.
La Banque s'occupe surtout des questions de stabilité qui touchent l'ensemble du système financier. Notre contribution consiste à fournir des liquidités aux acteurs financiers, à exercer une surveillance sur les grands systèmes de compensation et de règlement, à donner au gouvernement des conseils stratégiques sur le cadre général du système financier et à collaborer aux travaux des autres organismes nationaux et internationaux qui s'intéressent à la stabilité financière.
Étant donné l'interdépendance grandissante au sein de l'économie mondiale, nous devons travailler – et c'est d'ailleurs ce que nous faisons – avec les autres membres de la communauté internationale afin de favoriser la mise en place de systèmes financiers nationaux robustes et d'éviter ou d'atténuer les crises financières mondiales comme celles que nous avons traversées durant les années 1990.
Le Canada possède un système financier dont la solidité et l'efficience sont reconnues mondialement. Pour que celui-ci demeure solide et efficient, nous devons évoluer au même rythme que les marchés financiers. La Banque continuera, par conséquent, de travailler étroitement avec ses partenaires canadiens et étrangers afin de renforcer la stabilité financière ici et ailleurs dans le monde.
Permettez-moi maintenant de vous donner un bref aperçu de la conjoncture économique actuelle.
Depuis l'automne dernier, la plupart des prévisionnistes ont revu à la baisse leurs projections du taux de croissance de l'économie mondiale pour 2001, les ramenant d'un peu plus de 4 % à tout juste au-dessus de 3 %. Sans être spectaculaire, une croissance de 3 % serait tout de même très respectable.
Aux États-Unis, l'évolution positive dans des domaines comme l'emploi et le logement laisse espérer la fin prochaine du ralentissement. La Banque continue de croire que le rythme d'expansion de l'économie américaine va se redresser au second semestre de 2001, grâce au repli sensible des taux d'intérêt, à la modération des prix de l'énergie et à l'achèvement du rajustement actuel des stocks. Le moment exact où se produira la reprise demeure toutefois inconnu et dépendra dans une large mesure de l'évolution de la confiance des consommateurs et des investissements des entreprises dans ce pays.
Au Canada, on avait prévu une décélération de la croissance en 2001, des pressions ayant commencé à s'exercer sur l'appareil de production. De fait, un ralentissement a été enregistré au quatrième trimestre de l'année dernière. Par ailleurs, à la lumière des révisions apportées aux chiffres des trois premiers trimestres, il apparaît que le niveau de l'activité économique n'était pas aussi élevé à la fin de 2000 que nous l'avions d'abord estimé. De plus, les indicateurs les plus récents donnent à penser que l'économie a progressé moins rapidement au premier trimestre de 2001 que durant les derniers mois de 2000.
Le ralentissement apparaît clairement dans le secteur de l'automobile, où il a fallu réduire la production à cause du recul de la demande aux États-Unis et de l'accumulation de stocks excédentaires. Les produits électroniques et les télécommunications sont deux secteurs où la production mondiale dépasse la demande et où l'activité – qui se situait à de très hauts niveaux – a aussi décéléré.
Ces trois industries de premier plan attirent naturellement beaucoup d'attention, en particulier dans les régions du Canada où elles sont fortement concentrées. L'activité reste également faible du côté des produits de base non énergétiques. Mais ramenons les choses à leur juste mesure : d'autres secteurs importants de notre économie affichent encore un dynamisme considérable. Les derniers chiffres indiquent que les investissements dans le domaine de l'énergie sont très vigoureux. Par ailleurs, le volume des ventes au détail autres que celles de voitures reste ferme, tout comme le niveau de l'activité dans les secteurs du logement et de la construction non résidentielle, ainsi que dans la plupart des autres industries de services.
Lorsque nous avons examiné l'ensemble de ces données au début de mars, nous sommes arrivés à la conclusion que nous disposions, à court terme, d'une certaine latitude pour assouplir la politique monétaire sans provoquer de pressions sur la capacité et l'inflation. Nous avons donc abaissé le taux d'escompte de 50 points de base le 6 mars dernier, ce qui porte à 75 points de base la réduction totale depuis janvier. Les baisses des taux d'intérêt au pays et la hausse des revenus disponibles alimentée par les récentes réductions d'impôts devraient aider à soutenir l'expansion de la demande intérieure au second semestre de 2001.
L'impulsion additionnelle donnée à l'économie est compatible avec le maintien de l'inflation mesurée par l'indice de référence à près de 2 %, soit le point médian de la fourchette de maîtrise visée par la Banque. Pour ce qui est du taux d'augmentation de l'IPC global, nous pensons qu'il baissera pour s'établir autour de 2 % au second semestre, si les cours mondiaux du pétrole demeurent à peu près aux niveaux actuels.
Tout compte fait, la Banque reste relativement optimiste quant aux perspectives économiques du Canada pour le reste de l'année et le début de 2002.
La volatilité récente des taux de change, tant au Canada que dans un grand nombre d'autres pays, a fait l'objet de beaucoup de commentaires, et je voudrais moi aussi dire quelques mots à ce sujet. Ce qui est arrivé, c'est que le dollar américain s'est apprécié par rapport à toutes les grandes devises en dépit du tassement marqué de la progression de l'activité économique aux États-Unis. Le cours du dollar canadien étant un prix important dans notre économie, la Banque reconnaît que les variations qu'il subit peuvent représenter une source d'inquiétude pour les Canadiens. Aussi, je tiens à vous assurer que la Banque suit de près l'évolution des marchés et qu'elle évalue avec soin les effets des fluctuations du taux de change sur la demande globale et l'inflation au Canada.
Pour conclure, Monsieur le Président, j'aimerais insister sur deux points. Premièrement, des risques et des incertitudes, découlant de l'évolution à l'échelle mondiale et particulièrement aux États-Unis, pèsent sur la situation économique de notre pays. Même si une modération de la demande américaine s'avérait nécessaire pour maintenir une croissance non inflationniste à moyen terme, le ralentissement a été plus brusque qu'on ne s'y attendait. La question est maintenant de savoir à quelle vitesse pourront être opérés en Amérique du Nord les ajustements requis sur le plan de la production et des stocks.
Deuxièmement, les facteurs fondamentaux de l'économie canadienne sont solides; en fait, ils n'ont jamais été aussi robustes depuis près de 30 ans. Le Canada continue de jouir d'un taux d'inflation bas, stable et prévisible. Nos administrations publiques réalisent des surplus budgétaires. L'excédent de la balance commerciale canadienne atteint des niveaux records. Les gouvernements fédéral et provinciaux sont en train de réduire le niveau de leur dette, et le Canada diminue son endettement net vis-à-vis de l'étranger. En outre, les investissements dans le matériel et la technologie, qui sont essentiels à l'amélioration de la productivité et des niveaux de vie, ont connu une forte poussée. Cette force des facteurs fondamentaux devrait être favorable au dollar canadien au fil du temps. De plus, les bilans des entreprises sont excellents, les institutions financières sont en bonne santé, et les marchés de crédit fonctionnent bien. Et bien que le fardeau de la dette des ménages se soit accru, les consommateurs sont maintenant mieux en mesure d'assurer le service de leur dette grâce à la hausse des revenus et à la réduction des taux d'intérêt.
Somme toute, Monsieur le Président, je crois que le Canada est en bonne posture pour traverser sans grande difficulté cette période d'ajustement économique. Étant donné les incertitudes, cependant, la Banque continuera de suivre de près l'évolution économique afin de préserver le bas niveau de l'inflation qui aide notre économie à atteindre son plein potentiel.