Déclaration préliminaire devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

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Monsieur le Président,

C’est avec plaisir que je me présente aujourd’hui devant votre comité pour faire le point sur la situation économique et la politique monétaire au Canada et aussi pour vous entretenir d’autres questions concernant la politique économique. Et comme la Banque du Canada a déposé récemment son rapport annuel devant le Parlement, je serai heureux de répondre à vos questions sur la façon dont celle-ci mène ses opérations.

Lors de notre dernière rencontre, en novembre 1998, une grande incertitude planait sur l’évolution des marchés financiers internationaux et de l’économie mondiale, laquelle semblait toutefois se dissiper lentement. Je vous indiquais alors que la croissance de l’économie canadienne en 1999 dépendrait de la persistance de cette incertitude et de la rapidité avec laquelle les marchés financiers intérieurs se stabiliseraient. Cela était particulièrement important, car l’intensification de l’agitation financière de l’automne dernier avait ébranlé la confiance des ménages et des entreprises au pays.

Je vous faisais également remarquer que le Canada était en meilleure posture que par le passé pour faire face à la crise internationale, en raison des progrès que nous avions accomplis en restructurant notre secteur privé pour le rendre plus compétitif, en mettant de l’ordre dans nos finances publiques et en maintenant l’inflation à un niveau bas et stable.

Depuis novembre, les perspectives se sont améliorées, même si l’incertitude persiste dans certains secteurs. Les réductions de taux d’intérêt opérées aux États-Unis à l’automne, puis dans d’autres pays industriels, ont contribué à apaiser les marchés financiers internationaux et à soutenir l’activité économique. Les plus récentes diminutions ont eu lieu au début d’avril, lorsque la Banque centrale européenne et la Banque d’Angleterre ont abaissé leur taux directeur respectivement de 50 et de 25 points de base.

Ces dernières mesures, qui devraient contribuer à maintenir la confiance et à alimenter la dépense intérieure partout en Europe, sont aussi de bon augure pour l’économie mondiale en général.

De plus, le prix des produits de base s’est raffermi au premier trimestre de cette année. Mais le facteur externe positif le plus important pour le Canada a peut-être été la tenue remarquable de l’économie américaine. À la fin de 1998, celle-ci était beaucoup plus robuste qu’on ne s’y attendait. Par conséquent, le niveau et le dynamisme affichés par l’activité économique aux États-Unis au début de 1999 vont au-delà des estimations de la plupart des prévisionnistes.

L’économie canadienne a aussi repris de la vigueur au cours des trois derniers mois de 1998. Même si ce regain était dû en partie à la fin des arrêts de travail du troisième trimestre, le principal moteur de la relance aura été le bond enregistré par les exportations. De plus, la progression de l’emploi a été particulièrement forte durant les derniers mois de 1998. Grâce à ces facteurs, ainsi qu’à une plus grande stabilité financière et à l’amélioration de la confiance des consommateurs qui en a découlé, il semble bien que l’économie canadienne ait continué de croître à un bon rythme durant la première partie de 1999.

L’inflation au Canada a fluctué aux alentours de la limite inférieure de la fourchette de 1 à 3 % visée par la Banque. Ce bas taux d’inflation et la stabilité accrue des marchés financiers ont incité la Banque à réduire les taux d’intérêt à quatre reprises entre septembre et mars. Ces réductions ont annulé complètement la hausse de 1 point de pourcentage du taux officiel d’escompte que la Banque avait dû effectuer en août dernier pour soutenir la confiance des investisseurs à la suite d’une accentuation de la volatilité sur la scène financière internationale.

Pour ce qui est de l’avenir, la vigueur continue de l’économie américaine et le bas niveau du dollar canadien devraient continuer de stimuler la croissance de nos exportations. Le retour de la stabilité sur les marchés financiers et les conditions monétaires expansionnistes devraient favoriser une augmentation de la dépense des ménages et des entreprises au Canada. Néanmoins, la stagnation de l’économie japonaise et l’incertitude qui persiste en Amérique latine – alimentée par les difficultés financières qu’affronte le Brésil – ont pour effet de freiner l’activité économique mondiale et la reprise sur les marchés de produits de base qui sont
importants pour le Canada.

Tout compte fait, même s’il reste de l’incertitude, les perspectives économiques au Canada et dans le reste du monde sont meilleures qu’elles ne l’étaient en novembre dernier.

Monsieur le Président, je sais que Ie succès du lancement récent de l’euro – la monnaie commune des onze pays membres de l’Union économique et monétaire européenne – a amené votre Comité à examiner les différents régimes de change. Je serai heureux de répondre à vos questions sur ce sujet, mais il serait bon que je vous rappelle d’abord brièvement le point de vue que j’ai déjà exposé publiquement à ce sujet.

L’introduction sans heurts de l’euro représente sans nul doute un remarquable accomplissement, tant du point de vue politique, qu’administratif et technique. L’union monétaire européenne ne constitue toutefois pas un modèle qui se prête au contexte nordaméricain. Les puissantes forces politiques qui ont soutenu et nourri pendant les cinquante dernières années l’idée d’une plus grande intégration en Europe n’ont pas eu d’écho de ce côté-ci de l’Atlantique.

La zone euro se compose de trois grands États et de huit autres pays de petite et moyenne taille, ce qui ne serait pas le cas d’une union monétaire nord-américaine; la création d’une telle union, quelle qu’en soit la forme, obligerait certainement le Canada à adopter la devise américaine.

Par ailleurs, le régime de taux de change flottants en vigueur au Canada aide de façon importante notre pays à s’ajuster aux chocs économiques qui le touchent différemment des États-Unis. Les plus fortes perturbations de ce type ont été les fluctuations des cours des produits de base.

À cause du recul marqué qu’ont enregistré les prix de ces produits au cours des deux dernières années, le Canada se retrouve, dans l’ensemble, relativement moins prospère qu’il ne l’était auparavant. C’est là une réalité à laquelle nous devons faire face et nous ajuster quel que soit le régime de change en place. Si le cours du dollar canadien peut varier pour tenir compte de cette réalité, le processus d’ajustement n’en sera que plus facile et plus rapide. Dans le cas contraire, l’ajustement devrait s’opérer principalement par un abaissement des salaires et des prix, ce qui aurait des conséquences nuisibles pour la production et l’emploi.

Nous avons tendance au Canada à penser que les mouvements du dollar canadien sont la cause de nos problèmes économiques, alors qu’ils en sont la conséquence. J’estime, Monsieur le Président, que le régime de taux de change flottants en place au Canada nous est très utile